mer 12 mars 2025 - 11:03

Numéro 9 – Francs-maçons dans la Résistance : Une Plume et une Épée pour la Liberté

Éditorial par Christian Eyschen – 8 mars 2025

La Plume et la Pensée, revue maçonnique numérique gratuite de la Libre Pensée

Nous consacrons ce Numéro 9 de La Plume et la Pensée, revue maçonnique numérique gratuite de la Libre Pensée, à une exploration approfondie de la question des Francs-Maçons dans la Résistance durant la Deuxième Guerre mondiale. J’utilise délibérément le terme « Deuxième » plutôt que « Seconde », comme je le faisais autrefois. En ces temps incertains, alors que les tambours d’une possible Troisième guerre mondiale résonnent à l’horizon – une guerre qui, cette fois, pourrait bien être la « Der-des-Der » en ne laissant rien de notre monde –, ce choix lexical n’est pas anodin.

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Le bilan de 1939-1945 est gravé dans nos mémoires : 85 millions de victimes, dont 50 millions de civils. Depuis lors, une tendance implacable se dessine dans tous les conflits : le nombre de civils tués dépasse systématiquement celui des militaires, conséquence de la sophistication des armements et du calcul cynique selon lequel la « populace » est plus nombreuse et moins coûteuse à sacrifier qu’un soldat formé. Cette logique rappelle, sur un autre registre, la formule bien connue du libéralisme économique : « Pourquoi faire payer les riches, quand les pauvres sont si nombreux ? »

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Face à cette marche inexorable vers la guerre et les massacres, il y a toujours eu des femmes et des hommes pour dire « Non ». Ces résistants, par leur courage et leur refus de plier, ont tenté d’enrayer la barbarie. L’Humanité leur doit une dette sacrée, et c’est dans cet esprit que nous avons choisi de leur rendre hommage à travers ce Numéro 9 et ses trois suppléments. Le numéro principal, que nous appelons le « Numéro Mère », met en lumière les Francs-Maçons en tant qu’individus ayant résisté. Le premier supplément explore leurs actions collectives dans la Résistance ; le deuxième s’inscrit dans notre série sur les Rites maçonniques en analysant les Rites dits « Anglo-Saxons » ; enfin, le troisième supplément offre une introduction au Rite Écossais Ancien et Accepté à travers son 18e grade, celui de Chevalier Rose-Croix.

Si ce sujet vous passionne, je vous invite chaleureusement à vous procurer notre ouvrage collectif La Libre Pensée dans la Résistance, récemment présenté au Salon du Livre Résistant. Ce livre dresse un panorama général de la Résistance et recense, entre autres, les fiches biographiques de près de 200 Libres Penseurs engagés, du simple maquisard aux figures du Conseil National de la Résistance (CNR), de l’Assemblée provisoire d’Alger ou du Manifeste des 12 Syndicalistes contre la Charte d’Amiens. Beaucoup d’entre eux étaient également Francs-Maçons, ces « Enfants de la Veuve », à l’image de Gustave Eychene, qui fonda le seul réseau maçonnique de Résistance, « Patriam Recuperare ».

Vichy et la chasse aux « sociétés secrètes »

Dès la débâcle de 1940 et la capitulation de la France, le régime de Vichy, sous la férule du maréchal Pétain, s’est empressé d’éradiquer toute trace de démocratie. Le 13 août 1940 – alors que, sans doute, aucune autre urgence ne pressait davantage – une loi fut promulguée pour interdire les « sociétés secrètes », visant en premier lieu les obédiences maçonniques. Cette attaque n’était pas fortuite : la Franc-Maçonnerie, par ses valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité, incarnait tout ce que Vichy et ses alliés nazis abhorraient. Dès lors, de nombreux Francs-Maçons prirent les armes, « une Truelle dans une main et une Épée dans l’autre », pour reprendre l’expression imagée qui traduit leur double vocation : construire et défendre.

Georges Sand, dans la préface de son roman Le Compagnon du Tour de France, écrivait avec une prescience remarquable : « On peut dire qu’il ne se commet pas, dans les sociétés humaines, une seule injustice, une seule violation du principe de l’Égalité, qu’à l’instant même il n’y ait un germe de société secrète implanté dans le monde pour réparer cette violation de l’Égalité. » À cette Égalité, nous pouvons sans peine ajouter la Liberté et la Fraternité, ces piliers consubstantiels d’une démocratie véritable, que les Francs-Maçons ont défendus avec acharnement.

Des figures illustres et méconnues

Dans ce numéro, nous présentons des Francs-Maçons résistants, certains célèbres, d’autres tombés dans l’oubli, mais tous dignes d’un hommage égal. Car, contrairement à la légende complaisante forgée par Henri Amouroux – celle de 40 millions de pétainistes en 1940 devenus miraculeusement 40 millions de gaullistes en 1944 –, la réalité historique est bien plus nuancée. Deux minorités se sont affrontées : les collaborateurs d’un côté, les résistants de l’autre, avec, entre elles, une vaste majorité cherchant simplement à survivre. Les véritables fascistes, eux, étaient peu nombreux : 30 000 membres au Parti Populaire Français de Jacques Doriot, 20 000 au Rassemblement National Populaire de Marcel Déat, 12 000 à la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme (devenue le 638e Régiment d’Infanterie de la Wehrmacht), et 30 000 à la Milice de Joseph Darnand. Face à eux, une poignée de Francs-Maçons fit le choix de la Résistance, incarnant les mots de Shakespeare dans Henry V : « En temps de paix, rien ne convient à l’homme que le calme humble et modeste. Mais quand retentissent à nos oreilles les rafales de la guerre, alors imitez les mouvements du tigre. »

Ces résistants maçonniques puisèrent leur force dans leur formation en loge, guidés par la devise « Apprendre pour comprendre, comprendre pour agir », qui unit le spéculatif et l’opératif dans une chaîne d’union indéfectible. Cette quête de connaissance, comme le soulignait Elena Cornaro Piscopia – première femme docteure en philosophie en 1678 –, est « le chemin qui mène à la Liberté ». Ainsi, la Franc-Maçonnerie offre tous les ingrédients d’une résistance éclairée : réflexion, action et solidarité.

Pierre Dac : l’humour comme arme

Parmi les figures évoquées, nous publions un article de Dominique Goussot sur notre frère Pierre Dac, dont l’aventure à Radio-Londres est retracée dans le film La Guerre des Ondes. Ce long-métrage, malheureusement indisponible en DVD à ce jour, est une œuvre bouleversante où Jean-Yves Lafesse incarne avec brio l’humoriste résistant. Pierre Dac, par ses traits d’esprit diffusés depuis Londres, a su ridiculiser l’occupant et galvaniser les esprits, prouvant que le rire peut être une arme aussi tranchante que l’épée.

Combattre le révisionnisme

Parler des Francs-Maçons dans la Résistance, c’est aussi s’opposer au révisionnisme historique qui, depuis 1945, tente de réhabiliter le régime de Vichy, ce « passé qui ne passe pas », pour reprendre l’expression consacrée. L’Église catholique, qui salua en juillet 1940 la « divine surprise » de Pétain, porte une lourde responsabilité dans ce soutien institutionnel. Encore récemment, dans le numéro de janvier-avril 2024 de la revue Communio (p. 190), on lit une tentative de dissociation : « Collaboration au Gouvernement du Maréchal ≠ Collaboration à l’Ordre Nouveau ≠ Collaboration au triomphe des principes nazis. » Pourtant, à la page suivante, citant saint Augustin et Sénèque, la revue admet qu’un gouvernement soumis à une autorité étrangère est soit un « féal » (s’il se soumet librement), soit un « esclave » (s’il le fait sous contrainte). Vichy, incontestablement féal de Berlin, termina sa course à Sigmaringen, dans une fuite pitoyable.

Un héritage vivant

Pour conclure, je citerai Oswald Wirth, figure éminente de la Franc-Maçonnerie : « Celui qui laisse une œuvre a le sentiment qu’il ne meurt pas entier. » Les Francs-Maçons résistants nous ont légué une œuvre immense : celle de la Liberté. Leur combat, loin d’être une simple page d’histoire, résonne comme un appel à la vigilance. Car, comme l’écrivait John Milton, « seuls les gens de bien peuvent aimer la liberté de tout leur cœur ; les autres n’aiment que la licence ». En ces temps troublés de mars 2025, où la guerre menace à nouveau, honorons-les en restant fidèles à leurs idéaux.


Notes :

  • Elena Cornaro Piscopia (1646-1684), première femme docteure en philosophie (Padoue, 1678), incarne l’universalité de la quête de liberté par la connaissance.
  • Les citations de poètes anglais (Shakespeare, Milton) rendent hommage à la Résistance française, souvent soutenue depuis Londres, et font écho au supplément sur les Rites Anglo-Saxons.
  • Toute ressemblance avec un autre « Rassemblement national » n’est pas nécessairement fortuite.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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