ven 22 novembre 2024 - 05:11

“Tolérance et Progrès”, la loge fermée après des agapes trop bruyantes…

Savez-vous ce qu’est devenue l’éphémère loge maçonnique de Lure (Haute-Saône) ?

Blason de la ville du Lure

Lure, également appelée la cité du sapeur, est une commune de Haute-Saône, en Franche-Comté. Fondée par le moine irlandais saint Colomban en 610, la ville a connu de nombreuses invasions et destructions au Moyen Âge. Indépendante du comté de Bourgogne, son abbé était prince du Saint-Empire Romain Germanique. Elle fut rattachée à la France par les traités de Nimègue (1678-1679).

Au XIXe siècle, la construction du chemin de fer et l’arrivée d’entreprises alsaciennes et lorraines permirent son développement économique et démographique. Aujourd’hui, avec 7 918 habitants en 2021, Lure demeure prospère et est connue pour être la patrie du Sapeur Camember, un personnage de bande dessinée créé par Georges Colomb (alias Christophe) en 1890. Il est connu pour ses mésaventures burlesques et son allure comique. Ses histoires, pionnières dans le genre, ont marqué la BD française de la fin du XIXe siècle.

Ce sont nos confrères de L’Est Républicain en date du 25 juillet courant qui ont attiré notre attention, sans toutefois nous dévoiler le nom du pigiste…

Si le sapeur Camember est né dans le village imaginaire de Gleux-lès-Lure, il existe bien une rue des Gleux à Lure. Et un édifice a un temps défrayé la chronique au numéro 12 de cette rue : un temple maçonnique. Il accueille, à partir du 22 décembre 1864, les frères (membres) de la loge « Tolérance et progrès ». La construction du temple fut rapide. Il fut édifié sur un terrain acheté le 10 mai 1864. Dix-sept frères ont assisté à la première tenue (réunion). En 1866, ils sont 64 et 74 en 1872.

Fermé après des agapes trop bruyantes

Temple maçonnique, détail

Les francs-maçons lurons font quasiment tous partie des « républicains extrêmes », hostiles au gouvernement de l’époque et anticléricaux notoires. En 1874, ils soutiennent aux élections le candidat radical, qui fut élu. Ils fêtèrent l’évènement lors d’agapes bruyantes et insolentes qui inquiétèrent les voisins. Et plus encore la préfecture, qui en profita pour ordonner la fermeture définitive de cette loge du Grand Orient de France, obédience qui accepta la décision sans difficulté, désirant elle aussi se séparer de ces trublions.

Communauté de Penang (début du XXe, archives des Sœurs de l’EJNB, n°444)

Des religieuses catholiques jusqu’en 1996

En 1877, le temple fut vendu à des particuliers, qui en firent don à la municipalité, à charge pour elle d’y établir des religieuses catholiques gardes malades qui y restèrent jusqu’en 1996. Le bâtiment a été peu utilisé ensuite par les associations. L’entretien coûteux et le besoin d’argent ont contraint la mairie à le vendre à des particuliers il y a quelques années.

Toutefois, en 2019, Heclesias, sur son blog, publiait la description suivante :

« La loge maçonnique se trouve dans la rue des Gleux. Des symboles maçonniques ornent la façade du bâtiment. Constituée d’opposants à l’Empire et d’anticléricaux, elle fut dissoute en 1874 puis revint à des religieuses.

Le Sapeur Camember a essayé de faire partie de la loge, mais elle était déjà dissoute quand il a demandé, donc tant pis. »

Pour mémoire, nous nous devons de rappeler que la loge « Tolérance et Progrès », à l’orient de Lure, fut une des premières loges à avoir adhéré à la Ligue de l’enseignement pour la somme de 20 fr de l’époque. Compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, le pouvoir d’achat de 20,00 Francs en 1901 (date la plus ancienne du convertisseur) est donc le même que celui de 8954 € de 2023.

Aujourd’hui, l’ex-loge maçonnique luronne de la rue des Gleux est devenue propriété privée.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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