sam 23 novembre 2024 - 13:11

Eloge de l’état de non droit

Les francs-maçons sont tous des ardents partisans de la Justice. Au point que cet éloge aurait pu s’appeler « Eloge de la Justice ». Mais les choses se gâtent quand il s’agit de définir ce qu’est la Justice, avec un J majuscule ou un j minuscule.

Les Rites et les rituels ne nous sont d’aucun secours, car aucun ne définit précisément ce que c’est.  Ils nous invitent à être juste, à nous comporter en hommes ou femmes d’honneur et de devoir.

Nous y voyons un principe, une règle ou une référence que nous pensons servir en faisant de notre mieux. Ce principe nous fait voir la Justice comme un droit, une valeur et une vertu.

Si nous ne savons pas toujours trouver une définition de la Justice, nous savons plutôt déceler, autant par l’intelligence de l’esprit que par l’intelligence du cœur, ce qui est injuste.

Les juristes définissent souvent ce qui est juste comme ce qui est conforme à la loi.

C’est confondre la loi et la justice. La loi n’est qu’une règle, et souvent une règle de contrainte, qu’un groupe, un peuple ou une société se donnent pour assurer un minimum de vie paisible en commun en assurant un ordre minimum consenti par tous.
Mais le droit n’est qu’une construction humaine ou certains ont le pouvoir de juger en fonction de ce droit. Ce pouvoir, comme tous les pouvoirs, devrait avoir un contre-pouvoir.
Et c’est là que la notion d’état de droit apparait. Cet état de droit est aussi un idéal, celui de son bon usage. La force et la justice au service d’une loi elle-même juste et l’expression de la volonté des peuples.                          

On se rappelle la formule de Pascal « La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique ».

Dans son acception première, l’état de droit est un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Et ce système se définit par trois notions :

  • Une hiérarchie des normes : toute règle édictée par une institution doit respecter les règles de niveau supérieur. Au sommet se trouve la Constitution dont l’application est garantie par le Conseil Constitutionnel.
  • L’égalité des sujets de droit : tout individu ou toute institution peut contester une règle qui lui parait non conforme à une règle supérieure.
  • L’indépendance de la justice : l’état de droit suppose une séparation des pouvoirs. La Justice faisant partie de l’État, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité.

Sous réserve de respecter les deux premières notions, le juge est seul compétent pour rendre justice. Dans nos démocraties, il n’existe aucun contre-pouvoir à lui opposer.

Le seul problème est que le juge ne se contente pas d’appliquer la loi, mais qu’il peut l’interpréter en dehors de tout intention du législateur et en dehors de tout contrôle démocratique.

L’état de droit est devenu un état où le juge a le dernier mot sur le politique.

Et même un état où la souveraineté du peuple est annihilée par une nouvelle hiérarchie des normes qui donne aux juges européens, qui n’ont aucune légitimité démocratique, un pouvoir s’imposant à la souveraineté politique des états. La CEDH ( la Cour Européenne des Droits de l’homme ) en est l’exemple type. Très souvent nos juridictions s’alignent sur les décisions de la CEDH.

Malheureusement, les juges sont des citoyens comme les autres avec leurs idées, leurs valeurs, leurs convictions les plus intimes et surtout pour certains, leurs engagements politiques militants. De plus, les juges ne supportent pas qu’on puisse mettre leur statut et même leur travail en cause. Ils adorent cette formule écrite nulle part : « on ne commente pas une décision de justice ». Hormis quelques rares cas de révision, la justice n’admet jamais ses erreurs. Un simple constat de logique formelle veut que si une décision de première instance est réformée par une décision d’appel ou par une décision de cassation, c’est que forcément une de ces décisions est erronée ou injuste.

En France nous avons un Conseil Constitutionnel qui censure comme il veut les lois votées par le Parlement ou des décisions de justice s’appuyant sur les lois existantes, souvent avec des motifs d’une malhonnêteté intellectuelle sidérante. L’exemple de l’introduction de la Fraternité comme principe constitutionnel en est l’exemple le plus caricatural.

Au prétexte fallacieux que la devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité », le juge constitutionnel a dédouané un militant immigrationniste qui avait commis un délit en aidant des migrants à pénétrer illégalement en France en vertu du principe constitutionnel de fraternité et de la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire. Sans doute que ceux qui aideront des prisonniers de droit commun à s’évader de leur prison, pourront déclarer que d’enfermer un délinquant n’est pas très « fraternel » à son égard !

Je vais me contenter de quelques exemples sur le pouvoir d’interprétation de certaines juridictions qui vont à l’encontre de la volonté démocratique exprimée par les citoyens.

Une statue de Saint Michel a été érigée aux Sables-d’Olonne sur la place devant l’église Saint Michel. La Fédération de Vendée de la Libre Pensée avait alors saisi la justice. Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel avaient déjà demandé à la ville de déplacer cette statue au nom d’une interprétation laïcarde de séparation de l’Eglise et de l’État.

Saint Michel n’est pas seulement un saint chrétien. Pour mémoire, c’est aussi l’emblème des combattants du 2ème régiment étranger de parachutistes ( le 2ème REP ) dont chacun sait l’extrême bigoterie !

En mars 2022, la ville avait organisé un référendum où 94 % des 4593 votants avait soutenu le maintien de la statue sur la place. Mais au nom de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le Conseil d’Etat n’a pas admis le pourvoi de la ville des Sables d’Olonne et lui ordonne donc de démonter définitivement la statue de Saint-Michel. Ce jugement de dernière instance fait fi de la volonté populaire et de l‘histoire chrétienne de la France. Avec de tels raisonnements, on pourrait supprimer les croix dans les cimetières au motif qu’il s’agit d’un symbole religieux chez les chrétiens. On pourrait également décréter la destruction du Sacré Cœur de Montmartre, terminé en 1923, au nom de la loi de 1905.

Cet exemple est anecdotique, mais il y a plus grave quand ce sont l’ordre publique et la sécurité intérieure qui sont en cause. Quand le tribunal judiciaire de Mamoudzou a cassé les ordres d’expulsion de l’opération « Wuambushu » à Mayotte, il l’a fait contre la volonté quasi unanime de la population des habitants de Mayotte, contre la volonté de ses élus, et ce, au nom d’une doctrine immigrationniste avérée.  Le fait que la juge était l’ancienne vice-présidente du Syndicat de la magistrature, celui du mur des cons, n’a évidemment aucun lien de cause à effet…

Toutes ces situations qui transforment l’état de droit en un état du droit des délinquants nous font douter des principes fondamentaux d’une justice idéale débarrassée de ses prismes idéologiques et des contingences de l’air du temps.  

Alors oui, quand par provocation, je fais l’éloge d’un état de non-droit, ce n’est pas pour lui substituer un état où il n’y aurait pas de droit, mais un état avec un autre droit, soumis aux décisions démocratiques, une justice rendue réellement au nom du peuple et des juges appliquant le droit et en respectant autant l’esprit des lois que la lettre quand il s’agit de l’interpréter et de crée de la jurisprudence.

Et ce sera justice…

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Jean-Robert Daumas
Jean-Robert Daumas
Dirigeant d'entreprise dans le monde profane, Jean-Robert DAUMAS est franc-maçon de la Grande Loge de France depuis près de 40 ans. Au sein de cette obédience, il a été président de la Commission d'éthique et est actuellement Président de l'UVRE ( Union des Vénérables Maître de Rite Ecossais ) Il assure également les fonctions de Secrétaire du Collège maçonnique et de Président de l'Université maçonnique.

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