lun 25 novembre 2024 - 16:11

Est-il est possible d’être franc-maçon et communiste ?

Du site blogs.mediapart.fr – Par Basile André

Oui, je le crois. Retour sur une histoire complexe et sur un avenir plein de promesses.

Le billet que je m’apprête à écrire est aussi singulier que personnel.

J’en ai imaginé la rédaction il y a quelques semaines, à l’occasion d’une rencontre militante, lorsque l’un de mes camarades a ergoté sur l’impossibilité d’être tout à la fois communiste et franc-maçon. Il le faisait sans savoir que je répondais en tous points à son idéal type. C’est tant mieux. Il a ainsi pu exposer le fond de sa pensée et asséner, non sans violence, ce qui posait problème à ses yeux dans ce double engagement : on ne peut pas défendre la classe ouvrière, tout en papillonnant au sein de la franc-maçonnerie, institution bourgeoise, au service des classes dominantes.

Avec le souci constant de ne pas me dévoiler, j’ai rétorqué à ce camarade que la question me semblait plus complexe, au moins sur le plan historique. J’ai évoqué avec lui des lectures qui pourraient l’intéresser sur le sujet, notamment l’ouvrage de Denis Lefebvre, Communisme et franc-maçonnerie ou la 22e condition. Non sans esprit de provocation, je lui ai parlé, pour ce qui concerne les trotskystes, des mémoires d’Alain Krivine et de Fred Zeller dans lesquelles on trouve les traces de cette histoire partagée entre le Grand Orient de France (GODF) et la gauche, dans son acception la plus large. À cette époque, je n’avais pas encore lu l’excellent livre de Laurent Mauduit et Denis Sieffert dans lequel il est fait référence à la double appartenance des membres de l’OCI, de FO et de la Libre Pensée.

J’aurais pu poursuivre cette litanie sans aucune difficulté, en dissertant sur Jacques Mitterrand, ancien Grand Maître du GODF dont tout laisse à penser qu’il a été membre du PCF. J’aurais raconté à ce camarade comment des sœurs et des frères ont promu, avec conviction, les idées défendues par Fabien Roussel au cours de la dernière campagne présidentielle.

Je lui aurais dit que ce n’est pas la première fois que la franc-maçonnerie œuvre de ce côté de l’histoire, loin s’en faut. Héritiers de la philosophie des Lumières, nos frères et nos sœurs ont d’abord agi de manière décisive au cours de la grande Révolution française, en posant les premières pierres de notre République et en érigeant la liberté de conscience au plus haut grade des droits de l’homme. Ils n’ont pas manqué ensuite de travailler dans le camp des braves au moment de l’édification de la IIe République, en siégeant auprès d’illustres figures telles que Pierre Leroux, franc-maçon et théoricien du socialisme républicain.

Comment ne pas évoquer, enfin, la Commune de Paris, où se sont retrouvés côte à côte, derrière les barricades, des francs-­maçons, des communistes d’avant-garde et tous ceux qui étaient viscéralement attachés à la défense de la cause républicaine. Notre frère Édouard Vaillant était de ceux-là, avant de fonder quelques années plus tard la SFIO, avec Jean Jaurès et Jules Guesde.

Hélas, le tourbillon de l’histoire peut parfois s’avérer cruel, y compris pour des idylles que l’on croyait indestructibles.

En 1920, les socialistes français de la SFIO se réunissaient à Tours afin de déterminer s’ils devaient, oui ou non, rejoindre la III Internationale et accepter les 21 conditions imposées par les bolchéviques.

La suite est bien connue : après quelques jours de discussions, les délégués de la SFIO se rangeaient majoritairement à cette opinion, donnant ainsi naissance au Parti communiste français, tout en laissant à Léon Blum et les siens la garde de la « vieille maison » socialiste.

De manière plus informelle, une 22e condition est susurrée dans les couloirs de la salle du Manège de la cité tourangelle : elle concerne l’impossibilité d’être tout à la fois franc-maçon et communiste. Jamais évoquée officiellement durant le congrès — Léon Blum y fait référence dans un article publié le 27 octobre 1920 dans L’Humanité — elle sera rendue publique en 1922, au cours du quatrième congrès de l’Internationale.

Trotski est alors tout désigné pour lancer la charge. Fin connaisseur de l’univers maçonnique grâce aux lectures qui furent les siennes durant son embastillement à Odessa, il proclame l’incompatibilité absolue entre communisme et franc-maçonnerie. Pour lui, les francs-maçons jouent les idiots utiles de la social-démocratie en incarnant l’aile gauche d’un régime parlementaire bourgeois et réformiste qui s’accommode parfaitement de leur présence.

Les velléités bolchéviques se transforment dès lors en oukase que le PCF est chargé de faire respecter. Les communistes francs-maçons sont sommés de rendre publique dans la presse communiste leur rupture avec la franc-maçonnerie, sous peine d’expulsion.

Comment les obédiences maçonniques ont-elles réagi face à ces injonctions ?

Dans un premier temps, le Grand Orient de France demande aux frères communistes ne pas céder au diktat de la 22e condition. En rentrant en maçonnerie, les communistes ont épousé un idéal de liberté par nature contraire à l’instauration d’une dictature du prolétariat. C’est à ce titre qu’ils doivent rester francs-maçons. Et puis, le temps laissa place à des réactions plus virulentes.

Après les premiers départs, la Grande Loge de France et le Grand Orient envisagèrent d’expulser les frères démissionnaires, estimant que ceux qui se rangent du côté du Parti communiste font déshonneur au serment qu’ils ont prononcé au moment de leur initiation. Cette idée fut toutefois rapidement abandonnée, au nom de l’esprit de tolérance qui guide l’engagement maçonnique.

Face à ce choix cornélien, les communistes francs-maçons divergent : certains, dont Laurent Rozières ou André Marty optent pour le parti, quand Antonio Coen, membre de la loge Jean Jaurès à la Grande Loge de France, refuse de se plier aux décisions de la III internationale. Louis-Oscar Frossard, secrétaire général du parti et dont tout le monde pensait à tort qu’il était un frère, choisit lui aussi la maçonnerie. Il sera initié le 13 janvier 1926 au cours d’une procédure rocambolesque.

En définitive, le PCF expulsa 86 francs-maçons (ou supposés l’être) et la SFIO redevint un lieu d’accueil pour ces frères qui s’étaient décidés pour le parti communiste quelques années plus tôt.

Nous n’ignorons rien de ce tumultueux épisode qui obligea des camarades à renoncer à leur appartenance à la franc-maçonnerie pour rester membres du Parti communiste. Il faut néanmoins tempérer la portée de cette décision, puisque, dès 1938, Maurice Thorez a estimé que l’heure n’était pas aux «disputes entre communistes et francs-maçons», permettant de fait la double appartenance. Puis, c’est à Auschwitz et à Buchenwald, dans l’antre de l’horreur nazie, que les francs-maçons et les communistes résistants déportés fraternisèrent pour renforcer la convergence entre les deux engagements.

Plus récemment, c’est Fabien Roussel, en tant que secrétaire national du PCF, qui a officiellement mis fin à cette 22e condition, pour le grand bonheur de ceux qui, comme moi, considèrent qu’il n’y a jamais eu aucune incompatibilité entre le fait de porter un tablier et de disposer d’une carte rouge.

Cet idéal commun ne nous a jamais quittés, ce qui explique la présence dans nos loges de militants communistes ou de compagnons de route du PCF. Parmi ces frères et ces sœurs, nombreux sont ceux qui se manifestent aujourd’hui pour soutenir la cause de la République laïque et sociale. Comme nous, ils considèrent que le PCF est le lieu idoine pour cela et qu’il demeure la pièce essentielle dans la constitution du Front populaire de demain.

Je tâcherai d’en faire la démonstration à l’occasion de la campagne préalable aux élections européennes

7 Commentaires

  1. o que vous vous regalez en maniant a souhait le passé nous en avons que foutre des guerres de 70 ou 14 18 nous sommes communistes je dis nous bien sur mais communistes de 2024 coloré de fraternité d humilité et d amour de son prochain que nous retrouvons en loges maçonniques alors oui il n y a de nos jours pas grandes differences entre les communiste et les maçons…. et bon nombres de freres et de camarades se retrouvent dans les cellules ou les ateliers maçonniques de France ne vous en deplaise changer l homme avec comme but final “changer l humanité” ce sont les memes objectifs que l on retrouve chez le “””MACOCOMMUNISTE””” de nos jours alors mes freres ou mes camaredes soyez realites

  2. Faut-il être de gauche pour savoir et ressentir l’amour fraternel ou s’émouvoir devant les malheurs des hommes et femmes qui nous entourent ou qui sont à l’autre bout de la terre. Que les pouvoirs soient-ils communistes ou de d’autres tendances n’ont et n’oeuvreont que rarement dans l’intérêt général mais uniquement dans l’intérêt de l’un ou l’autre courant. Ne soyons pas prompt à jeter la première pierre mais tâchons d’apprendre de ce qui a été fait de mal de mauvais et contraire à nos valeurs pour essayer de nous améliorer et d’améliorer l’humanité. Travaillons notre pierre ,le travail est rude mais oh combien gratifiant, c’est en donnant l’exemple que nous y arriverons. L’histoire ne peut être changée mais l’avenir construit plus équitablement.

    3BBB

  3. Les francs maçons qui sont au parti socialiste ne sont-ils pas dans un parti qui a largement montré toute sa capacité à défendre l’ordre bourgeois et capitaliste ? Quant à ceux qui sont à LR ou macronitls pas hontestes ? Personnellemnt je ne suis pas stalininen à la Roussel, je suis trotskyste ; n’ai je pas ma place dans une Loge ?
    Et les FF et SS catholiques, n’ont-ils pas honte d’être membres d’une secte dont une grande parti du clergé est pédophile ? etc… etc…
    N’y a-t-il rien d’autre que ll’univers indépassable du capital, avec ses nouvelles guerres qui se préparent ? Le franc-maçon ne doit-il pas être un homme ou une feuueemme d’engagement ? Devons-nous rester bien au chaud dans nos loges derrière nos tabliers vides ? Les crimes du stalinisme rendent-ils caduques les espoirs portés par la Commune de Paris et la révolution d’Octobre ? Etait-ce inéluctable ? Bref, travaillons sur le pavé mosaïque où tout n’est pas blanc ni tout noir…

  4. Oui bien d’accord avec les commentaires précédents ,
    vite un bandeau sur les yeux !
    Peut être que l’auteur ferai sienne en l’adaptant
    Au sujet, cette sinistre phrase d’un extrémiste
    Bien connu « Les 100 ou 200 millions de morts
    assassines par les communistes ne sont qu’un
    Détail de l’histoire du communisme »
    Comment peut-on oublier ?

  5. Peut-on ou ne peut-on pas être ceci avec cela ? Faites comme bon vous semble si :
    Vous n’êtes pas sectaire et encore moins partisan.
    C’est tout. Bi Zzz à vous

  6. J’avoue me sentir assez mal avec une idéologie qui n’a généré que des Etats totalitaires et terriblement meurtriers, reléguant Hitler (que je réprouve au plus haut point) au rang de petit enfant de chœur. En effet face aux 6 millions de morts dont il est crédité, le bon communiste Staline aurait éliminé entre 30 et 100 millions de ses concitoyens, entre la boucherie de la Grande Guerre Patriotique et les “punitions” qui lui ont succédé dont déjà une tentative de génocide ukrainien, tatars, allemands de la Volga, juifs, handicapés, homosexuels. Mais ce n’est rien face à un autre grand communiste que fut Mao Dze Dong dont les différentes “révolutions” ont généré au bas mot 100 millions de morts et dont les exactions génocidaires se poursuivent au Sin Kiang , au Tibet. Je ne parle même pas des privations de liberté que ces parfaits communistes orchestrent.
    Je ne veux pas de cela en France !

    • Je ne peux qu’abonder dans votre sens ! Je rajouterait cependant les Kmer Rouges qui ont exterminés 25% de leur population…..dans une idéologie de retour à la terre écolo-communiste.
      Dans notre pays, les extrèmes sont aux aguets mais je redoute plus l’extreme gauche car elle avance masquée derrière une idéologie de camouflage et de bons sentiments ( partage des richesses….).
      J’espère que les modérés vont se “radicaliser” et enfin défendre nos démocraties et nos libertés

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