ven 26 avril 2024 - 08:04

Des temples au Temple et du Temple au temple maçonnique

Templum signifiait le secteur du ciel observé par l’augure qui délimitait ainsi une surface bien déterminée. Puis le mot a désigné le lieu (ou l’édifice) à partir duquel on pratiquait l’observation du ciel.

Les mots «temple» comme «temps» ont tous deux la même étymologie indo-européenne tem (en grec τεμνω) qui veut dire couper. Le temps est en effet une coupe (un espace) dans la durée ; le temple était dans les sociétés occidentales antiques, une coupe (clairière naturelle ou travaillée) dans la forêt, où se tenaient des rituels sacrés ; cette coupe correspondait à une division délimitée à l’aide d’un bâton ou d’un sceptre ; une façon de séparer du monde naturel un espace et un moment, par un procédé de sacralisation. Le mot temple dérive, plus probablement, de la racine sanscrite temp (étendue, espace) qui donna le latin templum, un espace confiné normalement dessiné dans l’espace par le bâton de l’augure ou aruspice, prêtre qui en interprétant les présages (représentés par des phénomènes naturels tels le vol des oiseaux, la lecture d’organes d’animaux sacrifiés, etc) et prévoyait l’avenir. D’où le terme latin de contemplor (contempler), regarder le ciel, pour éventuellement en chercher des présages. Il s’agit donc d’un volume d’espace ouvert entre ciel et terre d’où l’une des raisons qui explique pourquoi le plafond du temple maçonnique est étoilé.

Le temple est donc entendu ici au sens le plus large comme centre du monde, distribuant l’espace entre les sphères du sacré et du profane, et comme construction figurant le parcours initiatique de l’homme. Mais une place privilégiée est faite au Temple de Salomon, archétype du lieu sacré repris comme modèle dans toute la civilisation judéo-chrétienne, et dont la Franc-maçonnerie utilise encore aujourd’hui la symbolique.

Le temple peut être considéré sous plusieurs angles, il est à apprécier comme :

Lieu secret. Le temple égyptien, entouré d’une enceinte qui interdit l’accès de l’édifice au profane, n’est pas comparable à une église où le public et les fidèles sont librement admis. Le temple abrite la puissance créatrice qui organise les mondes. Une telle énergie ne saurait être approchée que par des spécialistes avec à leur tête pharaon. C’est pourquoi, la structure du temple est un axe qui part de l’extérieur, de la lumière apparente, pour aboutir jusqu’au cœur  du sanctuaire, siège de la lumière secrète, celle du divin. La puissance divine n’est pas seulement cantonnée au Ciel ou à l’au-delà. Sa présence se manifeste aussi sur Terre parmi les humains. Les temples, pour les dieux, et les nécropoles, pour les ancêtres, sont des lieux où les prêtres exercent leurs rôles de médiateur entre le genre humain et les forces de l’invisible. Ce sont des lieux à part, tenus à l’écart de la majorité des vivants, leur accès étant soumis à des restrictions de toutes sortes comme la pureté corporelle, le jeûne, l’obligation de silence.

Lieu sacré. Dans la Grèce antique, tout lieu peut revêtir un caractère sacré à condition qu’un dieu s’y soit manifesté ou qu’un héros y soit mort. Le terme grec désignant l’espace sacré, temenos, s’applique aussi bien à un modeste autel, simple monticule de terre ou espace sacré placé près d’une rivière ou au cœur d’un bois, qu’au vaste édifice entouré d’une colonnade érigé en l’honneur d’un des grands dieux de l’Olympe. À l’origine, le temple est simplement l’espace du ciel délimité par les augures pour y observer le vol des oiseaux. Par la suite il est devenu l’édifice lui-même, à partir duquel, selon des règles strictes, s’effectuait cette observation. Fermé à la population il abrite la statue de la divinité et son trésor.

Lieu central. Le Temple de Salomon, construit au 1er millénaire avant notre ère, formait probablement une série de cours communicantes s’inspirant des formules architecturales des temples syriens. Le Saint des saints, le sanctuaire central était si sacré que seul le grand prêtre pouvait y pénétrer. Là se trouvait l’Arche d’Alliance, contenant les tables de loi données à Moïse par le Dieu des Hébreux. Après sa destruction, il demeure une centralité pour le judaïsme, les croyants se tournant dans sa direction pour leurs prières. Les musulmans le considèrent comme un de leurs hauts lieux de pèlerinage.

Observatoire céleste. Il semble évident que certains sites mégalithiques aient été à la fois temples et observatoires astronomiques. C’est le cas du cercle de mégalithes de Stonehenge en Angleterre. Ce temple solaire et lunaire était probablement dédié au cosmos.

Réplique du cosmos. Les textes sacrés égyptiens expliquent que le temple est à l’image du cosmos : en pénétrant dans le naos, le pharaon franchit les «portes du ciel». La très vieille conception du temple comme l’imago mundi, l’idée que le sanctuaire reproduit l’univers dans son essence, s’est transmise à l’architecture sacrée de l’Europe chrétienne : la basilique des premiers siècles de notre ère, comme la cathédrale du Moyen Âge, reproduit symboliquement la Jérusalem terrestre.

Le temple maçonnique peut-être perçu comme un syncrétisme de tous ces aspects, à la fois sacré, central, cosmique et spirituel auquel s’ajoute l’idée que le temple c’est lorsque les francs-maçons sont rassemblés (ce n’est pas l’endroit qui honore l’homme, c’est l’homme qui honore le temple). Le temple est la réalisation et la figure du règne hiérarchique de la vérité et de la raison sur terre.

Dans les rites de la Franc-maçonnerie, inspirée par les bâtisseurs du Temple de Salomon, le temple adopte très clairement une dimension cosmique ; sa voûte est constellée d’étoiles, lune et soleil y sont présents, les références aux points cardinaux ordonnent l’espace du temple, les circulations se font par rapport au mouvement des planètes. L’espace initiatique, c’est-à-dire l’endroit où s’accomplissent les rites, est en opposition classique avec le village, lieu social, lieu culturel, habité par des humains. La construction mythique de la Franc-maçonnerie est une cosmogonie et ceci non seulement parce que le sanctuaire représente le monde et son archétype céleste, mais aussi parce que le temple permet de vivre les divers cycles temporels exprimés par les rites.

Remarquons que le Temple de Jérusalem n’a pas été construit pour être visité par des hommes comme le seraient une église, une synagogue ou une mosquée. Il est littéralement la Maison de D.ieu, un lieu pour Lui seul.

Consulter l’article de Gérard Foy, Une histoire du Temple, dans le n°4 de 2021 de la Revue L’Initiation, p.2.

Les Temples de Jérusalem

Lorsque le Temple fut construit à Jérusalem, il ne s’agissait que d’un lieu sacré parmi beaucoup d’autres, ce n’était pas le seul lieu de vénération pour YHVH Élohim. Les hauts lieux étaient tous envisagés comme légitimes en termes cultuels jusqu’à la réforme de Josias en 621. La multiplicité des sanctuaires était d’ailleurs expressément autorisée par la parole de Dieu[1] qui prescrit même la manière de construire un autel[2]. On trouve de nombreux textes dans notre sainte Bible qui illustrent de telles pratiques[3]. Jacob n’avait-il pas à Sichem bâti un autel[4] et élevé une pierre dressée à Béthel[5],  et c’est dans le même endroit, à Sichem que Josué avait élevé une grosse pierre sous un arbre justement ![6] (voir l’article Les hébreux ne furent pas toujours monothéistes).

Jérusalem ne fut pas choisi au hasard. Jonathan Smith résume les traditions juives et note :

  • C’est là que les eaux de la «Profondeur» furent bouchées au premier jour.
  • C’est la source de la première lumière de création.
  • Le site du Temple fut le premier lieu qui soit, et il est donc le «centre» du monde.
  • C’est de la que la poussière fut prise pour former Adam.
  • C’est le lieu du premier sacrifice d’Adam.
  • C’est le lieu du tombeau d’Adam.
  • C’est là que Caïn et Abel sacrifièrent, et la donc qu’Abel fut tué.
  • Le Déluge fut occasionne en soulevant la pierre de fondation du Temple et libérant les eaux de la Profondeur.
  • C’est sur le site du Temple que Noé sacrifia en premier après le Déluge.
  • C’est sur les lieux du Temple qu’Abraham fut circoncis.
  • C’est sur le site du Temple que se dressait l’autel de Melchisedech.
  • C’est sur ce site que se trouvait l’autel pour le sacrifice d’Isaac.
  • C’est sur le site du futur Temple, que Jacob eut sa vision de Béthel.
  • La Pierre de Fondation fut le rocher d’où Moise fit jaillir l’eau.
  • Yahve se tenait sur le site du Temple pour arrêter le fléau

Le Temple doit incarner la paix, le repos et la pérennité. Il est le service de D.ieu, l’une des trois enceintes, éléments du fondement des valeurs juives, avec la Thora dans le Saint des saints et la charité qui fait le lien au monde. Pour comprendre L’importance du temple :


Flavius Joseph dans Antiquités judaïques rapporte à propos du symbolisme du Temple de Jérusalem : «les trois parties du sanctuaire correspondent aux trois régions cosmiques (la cour représente la Mer – c’est-à-dire les régions inférieures- , la Sainte Maison figurant la Terre et le Saint des Saints le Ciel ; les 12 tranches qui se trouvent sur la table symbolisent les 12 mois de l’année ; le candélabre avec 70 branches représente les Décans (c’est-à-dire la division zodiacale des sept planètes en dizaines) – le chariot de l’âme, la Merkéva».

Le Temple n’était pas construit sur un terrain plat, mais par degrés successifs à flanc du mont Moriah (pour une histoire géologique de la construction du Temple de Jérusalem, monographie du Haram-ech-Chérif).

Lorsque Jérusalem est devenue une ville chrétienne, le site même du Temple, ruiné, fut laissé en l’état mais, selon certains (Anonyme de Plaisance, Cyrille de Scythopolis, Grégoire de Tours), une église, commémorant la présentation de Jésus au Temple, fut construite par Justinien, entre 531 et 543, au bord de l’esplanade, Sainte-Marie-la-Neuve ; elle sera détruite par les Perses lors du siège de Jérusalem en 614.

Selon le Coran, la construction du Temple fut commencée par le prophète Daoud (David) et terminée par son fils, Souleymane (Salomon). Souleymane l’aurait construit à l’aide des djinns qui étaient sous ses ordres. C’est en hommage à son père qu’il aurait fini les travaux.

Le Temple de Jérusalem fut tour à tour rempli et abandonné par la foule inconstante des Hébreux; un roi d’Égypte le pilla, un roi d’Israël trouvant que l’exemple méritait d’être suivi l’imita, un autre en ferma les portes et appela d’autres dieux sur d’autres autels. Ézéchias lui rendit un moment son éclat, mais son fils Manassé brisa le tabernacle de Jéhovah. Après quatre siècles d’existence et de fortunes diverses, il s’écroula dans l’incendie allumé par l’armée babylonienne. Rebâti après la captivité, devenu tout à la fois temple et forteresse, il fut renversé de fond en comble le 10 août 71 de l’ère chrétienne par l’armée de Titus. Sur ses ruines se sont élevés d’autres sanctuaires, tour à tour églises et mosquées, suivant que domine à Jérusalem la fortune de l’Orient ou celle de l’Occident.

Les destructions du temple annoncent les temps messianiques. Dans le fond, n’est-ce pas une idole qui fut détruite ?

Aujourd’hui, il ne reste  du Temple, comme vestiges, que les murs de soutènement de l’esplanade construite par Hérode et les restes des arches qui permettaient l’accès à l’esplanade. Pour Bob Cornuke, explorateur biblique, l’emplacement réel du Temple ne se situerait pas sur le mont (en fait emplacement de la garnison romaine)  mais en bas, plus au sud, dans la ville de David.

La mosquée Al-Aqsa, la lointaine, est l’un des principaux lieux saints de l’islam. Entre 1969 et 1983, le dôme de la mosquée Al-Aqsa était recouvert d’aluminium par anodisation, ce qui lui donnait un aspect argenté. En 1983, par souci d’authenticité, on lui a redonné son revêtement d’origine en plomb, de couleur gris foncé.

À Venise, chaque synagogue n’est qu’un substitut du Temple de Jérusalem détruit. Pour rappeler cette faille, elle comporte un signe d’imperfection tel un petit défaut dans son pavage noir et blanc pour le rappeler.

 Le Temple de Salomon

C’est le premier temple de pierre construit en l’honneur du Dieu des Hébreux. Avant la quatrième année du règne de Salomon, c’est en nomade que les Hébreux célébraient le culte de YHVH, dans une simple tente démontable et transportable, dans le Temple du désert pendant l’Exode, puis à Jérusalem en attendant la construction en dur (à Ælia Capitolina comme l’appela l’empereur romain Hadrien). Voir l’article Les résidences de l’Arche.

Selon Thomas Römer, ce sont les deutéromistes qui auraient inventé la construction rapportée dans la Bible. En fait, il considère d’après les sources, qu’il s’agirait d’une rénovation qui aurait été installée dans le temple d’une divinité solaire, une chapelle annexe pour le dieu tutélaire des rois hébreux.

Le temple agissait comme un foyer de la vie religieuse et culturelle, étant le lieu des sacrifices décrits dans la Torah sous le nom de korbanot. La date supposée de son achèvement se situerait aux alentours du Xe siècle av. J.-C., celle de sa destruction par les Babyloniens en -586 sous Nabuchodonosor.

Le Premier Temple ou Temple de Salomon a été construit, d’après la Bible, par le roi Salomon au Xe siècle av. J.-C. On le date d’après I rois, 6, 1 : «ce fut la 480ème année après la sortie des enfants d’Israël d’Égypte, la 4ème  année de son règne sur Israël, au mois de ziv, qui est le second mois, que Salomon commença à bâtir la maison de l’Éternel.» Diodore de Sicile, cependant, en attribue, de façon erronée, sa construction à Moïse («Cette colonie avait à sa tête celui qu’on appelle Moïse, homme très remarquable par sa sagesse et par son courage. Ce Moïse, ayant pris possession du pays, y fonda diverses villes et -en particulier- celle qui est aujourd’hui la plus célèbre et qu’on appelle Jérusalem. Il fonda aussi le temple qui est l’objet chez eux d’une très grande Vénération», livre I de la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile).

Les ressemblances avec d’autres temples de la région apparaissent dans l’ornementation et la construction. D’inspiration phénicienne, moabite et syrienne, construit avec l’aide de Tyr, ce Temple atteste du syncrétisme et du cosmopolitisme du roi Salomon.

La vraie nature de l’édifice est avant tout d’ordre spirituel, l’art n’existe que pour traduire l’idée ; pour les deux civilisations, d’Israël et d’Égypte, on parle de sacralisation de l’art.

L’accès au Temple était réservé aux Cohen (les prêtres). Une structuration des autorisations d’accès de l’espace autour du temple était très stricte.

En voici une autre représentation de la structure de l’enceinte délimitant les zones d’accès.

http://fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/3393923/jewish/Les-gardes-du-Temple-et-leur-signification-mystique.htm

À travers le Temple, Salomon veut édifier une société ouverte sur la transcendance. Il veut opérer une transformation spirituelle du monde, le mener vers la voie de la perfectibilité, transmuter l’humain en divin : le Temple doit être l’image symbolique de l’homme et du monde démontrant qu’il faut d’abord vivre en esprit, réaliser en soi même sa reconstruction afin d’accéder à la connaissance du temple céleste. «Le temple de Salomon n’était point simplement la reliure du livre  saint, il était le livre saint lui-même. Sur chacune de ses enceintes concentriques les prêtres pouvaient lire le verbe traduit et manifesté aux yeux, et ils suivaient ainsi ses transformations de sanctuaire en sanctuaire jusqu’à ce qu’ils le saisissent dans son dernier tabernacle sous sa forme la plus concrète, qui était encore de l’architecture l’arche. Ainsi le verbe était enfermé dons l’édifice, mais son image était sur son enveloppe comme la figure humaine sur le cercueil d’une momie.» (Victor Hugo, Notre dame de Paris, Livre V, Ceci tuera cela, 1865). L’entrée de l’édifice est à l’orient tandis que l’Arche d’Alliance est à l’occident (selon Ézéchiel, Ez 42,4 «La gloire de l’Éternel entra dans le temple par la porte qui est tournée du côté de l’Est». Cette orientation évoque le chemin qui provient de la lumière, chemin qui passe par une loi du devenir intérieur, par une transformation spirituelle, quête de l’intégrité personnelle

  Le Temple est le point de convergence entre Dieu et  sa création, entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste.

 Les cabalistes se servent de la configuration du Temple pour y inscrire ce qu’ils appellent les quatre états de l’univers à travers quatre états de sacralisation. Partant des parvis on trouve ainsi :

  • Le monde de l’action : Asiah, le parvis.
  • Le monde des formes : Yetsira, lieu des émotions ; le vestibule ou oulam (A).
  • Le monde des idées : Briah, lieu des pensées intellectuelles ; le palais ou hekhal (B).
  • Le monde de l’émanation spirituelle : Atsilout, lieu des sentiments ; le debir, qui a la même racine sémantique que dabar, la parole en hébreu (C). L’obscurité du Saint des saints ne doit pas être entendue en tant qu’absence de lumière, mais comme son principe non manifesté, la source invisible à l’origine de son aspect manifesté ou visible.

Ces mondes représentent un itinéraire à parcourir en partant du  monde profane, visible, matériel, tangible vers un monde sacré, subtil, caché qui se dévoilera peu à peu  à celui qui aura su se mettre en route.

Dans les ouvrages religieux médiévaux, les représentations des chantiers d’église s’intitulent «construction de Temple de Salomon». La grande basilique Sainte-Sophie à Istanbul, le Dôme du Rocher à Jérusalem, le siège des Templiers et de nombreuses cathédrales médiévales furent tous conçus comme la réaffirmation symbolique de l’original.

Le Temple de Zorobabel

Le deuxième Temple, le Temple de Zorobabel,fut construit au retour de la captivité des Juifs à Babylone, vers 536 av. J.-C. Il fut terminé le 12 mars 515.Suite à la déclaration de Cyrus appelant Israël à revenir et à reconstruire la Maison de D.ieu à Jérusalem, la première chose que les Hébreux ont faite a été de construire l’autel de pierre, afin qu’ils puissent commencer à faire des offrandes le plus rapidement possible.

Le nouvel autel a été construit 52 ans après la destruction du premier temple, par Josué et Zorobabel à Jérusalem. Comme l’avait fait Salomon, les constructeurs louèrent les services de Sidoniens et de Tyriens pour apporter les bois du Liban. «C’est la seconde année de leur arrivée au Temple de Dieu à Jérusalem, le deuxième mois, que Zorobabel, fils de Shéaltiel, et Josué, fils de Yoçadaq, avec le reste de leurs frères, les prêtres, les lévites et tous les gens rentrés de captivité à Jérusalem,  commencèrent l’ouvrage, et ils confièrent aux lévites de vingt ans et au-dessus la direction des travaux du Temple de Yahvé» (Esd 3:8). Cependant on trouve en II Chroniques 34,12 c’est le roi Josias qui le rebâtit et que les travailleurs étaient sous la surveillance de Yahat et d’Obadyahou, Lévites de la famille des Merarites ; et Zacharie et Mechoullam de la famille des Kehatites chargés de les diriger.

Le second Temple ne pouvait avoir le lustre du premier. De plus, certains éléments avaient été définitivement détruits ou perdus, et ne purent être remplacés : l’Arche d’Alliance, les Ourim et Thoummim, l’huile sainte, le feu sacré, les tables du Décalogue, le pot de manne, et le bâton d’Aaron.

Il sera profané quand, sur ordre d’Antiochos IV, on dressera dans le Temple un autel dédié à Zeus et on force les Juifs à sacrifier de la viande de porc au dieu grec. Il sera reconsacré avec l’épisode de l’huille qui brûle 7 jours et qui donnera la fête de Hanoucca.

Le Temple d’Hérode

En l’an 37 avant notre ère, le sénat romain remet la couronne du Royaume de Judée à Hérode Ier le Grand qui retire le pouvoir politique aux prêtres. Le temple d’Hérode de Jérusalem est le nom donné aux extensions massives du Temple de Zorobabel et  aux rénovations du mont du Temple, réalisées par ce roi paranoïaque et sanguinaire. Ce projet débuta vers 19 av. J-C. Le bâtiment avait quarante-cinq mètres de haut et il fallut plus de quarante-six ans pour le construire (Jn 2, 20). Flavius Josèphe écrit que lorsque le soleil l’éclairait, on ne pouvait le fixer longtemps du regard tant on était ébloui par la blancheur de sa pierre et par l’or de ses décorations. La destruction de ce temple par les troupes romaines de Titus en 70 de l’ère chrétienne est relatée dans La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe.

Temple de Jérusalem, période d’Hérode

Le temple d’Ézéchiel

 ‘Voici ce que je vis : un mur extérieur entourait le Temple de tous côtés, et l’homme tenait en main une règle d’arpenteur longue de six coudées, en prenant la coudée longue, un peu plus grande que la coudée ordinaire. Il mesura l’épaisseur des murs de cette construction : elle correspondait à la longueur de sa règle. Il trouva la même dimension pour la hauteur.» (Ézéchiel;40,5 ). Le temple de la vision d’Ézéchiel est celui de la Jérusalem céleste.

On trouve dans la vision d’Ézéchiel le tétramorphe qui fera l’objet d’un autre article.

Du Temple au temple maçonnique

En Franc-maçonnerie, on appelle temple le lieu où se tiennent les tenues. Comme les cathédrales et tous les temples dignes de ce nom, les temples maçonniques sont orientés, au moins symboliquement : selon l’orient d’abord, d’où vient la lumière, puis le midi, où brille le soleil, le septentrion, domaine de la lune, enfin l’occident, où se trouve la porte qui conduit à l’extérieur de l’espace sacré. C’est un champ sémantique de symboles où “tout en assumant une dimension esthétique, l’ornemental aurait une vocation épistémique”.

Les diverses sociétés de compagnonnage qui existent en France font remonter leur origine à la construction du Temple de Salomon ; la plupart d’entre elles ont adopté le mythe d’Hiram, bien qu’elles se donnent des chefs particuliers. Quelques-uns des tailleurs de pierre s’appellent enfants de maître Jacques, qui était sculpteur et architecte, collègue d’Hiram, et auquel la légende attribue une vie et une mort assez semblables à celles de ce dernier. Le père Soubise, également employé dans les travaux du temple, est le patron des charpentiers.

Le Temple apparaît pour la première fois en 1637 en Écosse, mentionné dans le Mot du maçon, dans le milieu calviniste presbytérien.

La présence du Temple de Salomon dans la légende maçonnique s’inscrit dans le cadre des énigmes non résolues. Des 150 versions manuscrites des Old Charges, deux seulement en parlent, le Régius, 1390, et le Cooke peu après. Pourquoi après un silence total qui dura 300 ans ?

Y a-t-il eu cause à effet de ce que, en 1665 à Londres, un rabbin juif espagnol, Jacob Jéhu de Léon, exposa, sur requête du roi Charles II, une fort jolie maquette du Temple de Salomon conçue en Hollande, qui attira une énorme attention, exposition qui se poursuivit avec le même succès jusqu’en 1765, soit pendant un siècle ? Ou par la parution en 1688 d’un ouvrage Le Temple de Salomon spiritualisé de l’écrivain anabaptiste John Bunyan, auteur connu et réputé ?

Desaguliers, en bon pasteur anglican pensa, peut-être, que les réunions des FM devaient se tenir dans un temple, pour promouvoir le déisme newtonien car la construction d’un nouveau temple sur un ancien est une pratique bien commune chaque fois qu’une “religion” prend le dessus sur une autre. Ainsi les temples des anciennes divinités sont détruits et ceux des nouvelles sont bâtis généralement en dessus, pour ensevelir l’erreur et rendre les archéologues heureux. Par exemple cela fut répétitivement le cas dans l’implantation de la religion catholique : la Basilique de Saint Pierre, à Rome, fut bâtie sur un ancien temple de Zeus ; l’église de Saint Nizier à Lyon sur un temple d’Attis ; le Saint Sépulcre à Jérusalem est bâti sur un temple de Jupiter que les Romains avaient construit sur le Golgotha et ainsi de suite, les exemples sont très nombreux et les raisons très simples. D’une part on voulait imposer la nouvelle religion sans laisser trace du lieu de vénération de la précédente et ensuite on savait que le lieu était sacré et il restait toujours un espace sacré. Mais quel temple choisir ? Forcément ce devait être un temple biblique, mais lequel choisir ? Le premier temple de Salomon, celui de Zorobabel ou celui d’Hérode ? Le premier, bien sûr, le seul dont les mesures sont si bien décrite dans plusieurs livres des Saintes Écritures.

Esquisse parfaite de l’univers pour Willermoz, hiéroglyphe universel pour Louis-Claude de Saint-Martin, le Temple de Salomon est au cœur de la Franc-maçonnerie lithocentriste. «La mesure mathématique de l’édifice dont il est dit qu’il est l’expression de la volonté divine exécutée par Salomon en regard des plans donnés à Moise par Dieu lui-même est à la base de toute recherche sur les lois fondamentales de l’univers. Cette relation directe entre la matière et la volonté divine ne pouvait qu’être une source et un modèle universel pour Newton. Ce modèle universel sera celui d’une spiritualité rationnelle rejetant le trinitarisme au profit du déisme, ce qui débouchera sur la recherche d’explications scientifiques et symboliques, établissant l’influence croisée entre l’homme et la grande nature en vue d’une nouvelle alliance.» Appelé aussi le Beth Hamikdach, la maison de la sanctification, le Temple de Salomon occupe une place prépondérante dans les rites de la Franc-maçonnerie comme toile de fond allégorique, symbolique et spirituel.

Le Temple maçonnique se veut être une image du cosmos ; de ce point de vue, le Temple de Salomon est l’Univers Solaire, et Hiram Abif, le Grand Maître bâtisseur du Temple, est le Soleil qui voyage à travers les douze signes du zodiaque, où il exécute le drame mystique de la légende maçonnique.

Il n’est pas sacré en lui-même, mais il le devient par la direction donnée à la pensée. Les francs-maçons viennent s’y parfaire par un travail sur soi, prenant comme modèle sa construction.

Pour le RER : D- Que représente la Loge ? R- Le temple de Salomon réédifié mystiquement par les francs-maçons.

Construit à l’image de l’homme et à l’image de l’univers, étudier les symboles du temple, c’est étudier l’un et l’autre (Willermoz). Une analyse des symboles du «temple» maçonnique est donnée par Rebold dans Histoire Générale De La Franc-Maçonnerie de 1850 (à partir de la p. 318).

Pour le REAA, le Temple maçonnique, à l’image de la Loge des Bâtisseurs de cathédrales, n’est pas le Temple lui-même dans lequel Dieu est censé venir résider selon la description qu’en donne le Livre des Rois, il est en construction à l’Occident et peut se confondre avec la cité.

Dans les rituels, par déformation, on emploie le mot temple de la même façon, alors qu’il ne devrait se rapporter qu’aux temples de la mythologie biblique et maçonnique (Temple de Salomon, d’Hérode, de Zorobabel, d’Énoch, etc.) Le terme juste est «loge» quand la loge est ouverte rituellement, «local de loge» ou «chambre de loge» quand il désigne le bâtiment (lodge room). En Écosse et en Irlande, on emploie aussi «chapelle» (chapel) et, bien souvent, cela en est une…Même si le décor du temple maçonnique évoque par certains aspects le Temple de Salomon, les travaux ne commencent ni se terminent dans le temple, mais dans la loge. L’espace dans lequel on représente les rituels n’est donc pas plus le Temple que la cathédrale ou la synagogue. Son apparence n’est qu’un paradigme soutenant le mythe, un décor de théâtre changeant avec les degrés des travaux, «un système de pensée complet et autonome, à l’intérieur de ses propres limites».

Le temple, en tant que local permanent consacré aux travaux maçonniques, fait l’objet d’une cérémonie de consécration spécifique.

RSE/RÉÉ. Le local, en tant que tel, distinctement de la loge (groupe humain), fait l’objet d’une cérémonie de consécration spécifique, de même pour le tablier du très Vénérable et de son collier (les deux étant transmis de successeur en successeur), ainsi que pour la Bible de la loge et, éventuellement, pour le glaive et la bannière.

Pour qu’il y ait œuvre d’architecture, il faut qu’il y ait conception.

Pour créer le temple maçonnique, il suffit que 7 maçons régulièrement initiés (il y a de nombreuses variantes pour en faire une juste et parfaite loge, (Voir l’article Singuliers pluriels) se réunissent sous la voute étoilée (l’édifice serait donc, plutôt, un hypèthre), tracent sur le sol le tableau de loge, matérialisent les colonnes, le soleil, la lune, l’équerre, le compas. Il n’est même pas nécessaire que le volume de la loi sacré soit là, il suffit que les présents le mentalisent, que ceux-ci se placent aux postes des offices et ouvrent les travaux pour que le temple existe et devienne cet endroit sacré qui disparaitra à la fermeture des travaux. En Franc-maçonnerie, il est entendu que le temple ne préexiste pas : ce sont les maçons qui l’édifient à la fois collectivement (temple humanitaire) et individuellement (personnalité humaine, pierre cubique dite philosophale en hermétisme). Le temple maçonnique est reconstruit à chaque ouverture des travaux et abattu à chaque fermeture de ceux-ci. La tenue est le lieu et le temps d’un chantier. Cette construction ne peut se réaliser que lorsque sont respectés et vérifiés, par les rituels sous forme de questions et réponses, les éléments d’espace, de temps et de qualité des participants : la loge couverte, l’âge des membres selon le degré d’ouverture. Les francs-maçons sont la présence du temple vivant, dont les édifices ne sont que les symboles. En ce temple vivant, anthropomorphisé, qui a son image en chacun des francs-maçons, s’accomplissent les vrais Mystères, autrement dit ceux de la vie. Le symbolisme du temple maçonnique est une incitation à élaborer notre propre projet, notre propre architecture, en nous rappelant toutefois que le temps du projet, celui de la réflexion et de la conception, est un préalable nécessaire à celui du chantier, qui est le temps de l’action et de la réalisation .

Comme l’écrivait Oswald Wirth : sachons nous transformer en temple et nous préserver de toute profanation afin que les Mystères qui s’accomplissent en nous soient ceux du véritable art royal ! C’est le pouvoir contemplatif qui construit le Temple, et le Temple, dressé dans l’imaginal, devient, ainsi, réelle Porte du Ciel (La pensée d’Henry Corbin et le temple maçonnique).

Les rituels peuvent-ils à eux seuls fabriquer cet espace sacré? Cette architecture-là, immatérielle par nature, reste à construire, ou plutôt à reconstruire à chaque Tenue, à la fois à l’extérieur du temple et à l’intérieur de soi (François Gruson).

[1] Exode (20 : 20) : Tu [Moïse] feras pour moi un autel de terre, sur lequel tu sacrifieras tes holocaustes et tes victimes rémunératoires, ton menu et ton gros bétail, en quelque lieu que je fasse invoquer mon nom, je viendrai à toi pour te bénir ; Ibidem (24 : 4) : Moïse écrivit toutes les paroles de l’Éternel. Le lendemain, de bonne heure, il érigea un autel au pied de la montagne; puis douze monuments, selon le nombre des tribus d’Israël.

[2] Exode (20 : 21) : Si toutefois tu m’ériges un autel de pierres, ne le construis pas en pierres de taille; car, en les touchant avec le fer, tu les as rendues profanes. Ibidem (20 : 22) Tu ne dois pas non plus monter sur mon autel à l’aide de degrés, afin que ta nudité ne s’y découvre point.

[3] Josué sur le mont Ébal (Jos 8:30-32), Gédéon à Ophra (Jug 6:11,24), Manoah à Tsoréa (Jug 13:15,20), Mica sur la montagne d’Éphraïm (Jug 17:5), Samuel à Mitspa (1Sa 7:9 et suivant) Samuel à Rama (1Sa 9:12-18 7:17), les Hébreux à Guilgal (1Sa 11:15), Samuel à Bethléhem (1Sa 16:5), David sur l’aire d’Arauna (2Sa 24:25), Salomon à Gabaon (1Ro 3:4), Élie sur le Carmel (1Ro 18:30 et suivants).

[4] Ge 33:20

[5] Ge 28:18 ; 35:14

[6] Jos, (24: 26) : Puis Josué consigna ces choses dans le livre de la loi divine; il prit aussi une grande pierre qu’il dressa en ce lieu, sous le chêne qui était dans le lieu consacré à l’Éternel.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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