mer 24 avril 2024 - 14:04

Les Hébreux ne furent pas toujours monothéistes

Les Hébreux furent d’abord monolâtres, puis hénothéistes avant de devenir monothéistes.

En désignant leur Dieu comme celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, les Hébreux ont pu être considérés comme monolâtres[1]. Les Patriarches auraient vénéré un dieu anonyme, auquel on aurait ensuite donné le nom du dieu de l’ancêtre auquel il était apparu (Abraham, Isaac et Jacob). Suite à des contacts des patriarches avec la culture cananéenne, ce dieu des pères aurait été identifié au dieu El.

Les recherches récentes ont rendu cette théorie caduque. L’expression «dieu du père» est attestée dans des documents extrabibliques où elle ne renvoie pas à une religiosité nomade, mais reflète une piété familiale qui s’exprime dans la vénération des ancêtres, le culte des Mânes.

Écouter les conférences de Thomas Römer au Collège de France : https://www.college-de-france.fr/site/thomas-romer/course-2008-2009.htm

Puis viendra l’hénothéisme[2] avec Moïse, «Tu n’auras pas d’autre Dieu face à moi», qui interdit la présence d’autres dieux sur Ses lieux de culte. Que penser des noms différents du Dieu auquel les nombreux sanctuaires des Hébreux étaient consacrés : à Silo, il s’appelait, l’Éternel  des armées; à Béer-Séba, El-Olam, Dieu d’éternité ; à Rephidim, YHVH-Nissi, l’Éternel ma bannière ; au puits de Lachaï-Roï, El-Roï, Dieu qui me voit ; sur la montagne du sacrifice d’Isaac, YHVH-Jiré l’Éternel y pourvoira; à Béthel, El-Béthel,Dieu de Béthel,; à Sichem, El-Élohé-Israël, le Dieu fort, Dieu d’Israël ; à Ophra, YHVH-Chalom, Éternel, Dieu de paix (d’après 1Samuel 1,3 ; Exode 17,15 ; Genèse 16,13 ; 21,33 ; 22,14 ; 35,7 ; 33:20 ; Juges 6:24) ?

C’est seulement avec Ésaïe (Es. 45,21), affirmant la négation des autres Dieux, que l’on peut parler de monothéisme.

Mais,… la plus grande déviance fut celle que l’on rapporte des Juifs d’Éléphantine qui adoraient d’autres dieux que Yahou, en particulier une divinité féminine nommée Anath-Béthel ou Anath Yahou et un dieu nommé Achim-Béthel.

Anath était probablement le nom que l’on donnait à la «Reine des cieux», qu’affectionnaient si fort les femmes dont parle Jérémie (Jérémie 44,23 à 25), et on envisageait sans doute Anath comme la parèdre, l’épouse de Yahou : http://sefaria.org/sheets/102245?lang=bi

D’ailleurs, la religion cananéenne reconnaissait un dieu primordial « El », père de l’humanité et de toute créature. Des tablettes découvertes dans la bibliothèque royale d’Ebla (site archéologique de Tell Mardikh en Syrie), mentionne ce dieu El en tête d’une liste de divers dieux, comme dieu ancêtre des autres dieux et père de tous les dieux. El était l’époux de la déesse Ashérah, une déesse qui semble avoir été liée aux cultes d’El et de Yahweh jusqu’au VIIe siècle av. J.-C. Elle était probablement vénérée en tant qu’épouse jusqu’à l’époque des Juges.


[1] Celui qui choisit son dieu parmi d’autres.

[2] L’hénothéisme dit d’un peuple qui se choisit un dieu parmi d’autres pour lui tout seul. Ce Dieu unique ne rejette pas les autres dieux mais veut les éloigner de son peuple.

Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».
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