Élection après élection nous voyons se déliter nos sociétés, monter le sectarisme et la radicalité, l’extrémisme, le dogmatisme, le communautarisme, le rejet de l’autre. Le fossé se creuse entre ces déchirements qui s’opèrent sous nos yeux et ce que nous prétendons appeler de nos vœux : l’amélioration matérielle et morale, le perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Sans compter : la concorde universelle, le respect des autres et de soi-même, la République universelle….
Est-ce encore notre ambition ou avons-nous renoncé ? Ou bien avons-nous échoué ? Sommes-nous en train d’échouer ?
Un peu partout en Europe, mais particulièrement chez nous, les dirigeants politiques se montrent incapables de trouver des points d’accord qui permettraient de réunir des forces suffisantes pour agir. Trop occupés à vouloir faire triompher leur propre point de vue.
Chacun s’engage dans une guerre contre les autres où tous les coups sont permis : mauvaise foi, travestissement de la vérité, attaques ad hominem, petites manœuvres.
Notre démocratie est en péril, elle s’enfonce. Elles se fragmentent, ces sociétés, elles ne cherchent plus à faire nation, ni région ni village, pas même cour d’immeuble, maison ou famille. Elles font “moi”, juxtaposition de”moi”, chacun revendiquant pour soi-même la plus grande attention, les plus grands égards, mais les refusant aux autres. Tout ce qui semblait fonder la République indivisible, laïque, démocratique et sociale, selon l’article 1er de la Constitution de 58, semble n’avoir plus cours.
Attaquées de l’intérieur, nos sociétés occidentales le sont encore davantage de l’extérieur, contestées par les régimes autoritaires qui nous reprochent notre faiblesse et notre incapacité à agir face aux enjeux du monde. Mais aussi notre décadence, notre absence quasi totale de valeurs morales. C’est presque sur le même argument que les tenants de l’islam politique nous combattent et cherchent à nous détruire. Sans complaisance aucune vis-à-vis d’eux, il faut bien reconnaître que beaucoup de leurs critiques mériteraient d’être prises en considération, au moins pour les examiner. Car si elles n’avaient aucun fondement, elles n’auraient pas autant de succès.
En voici quelques-unes. Nous serions les champions du : deux poids deux mesures, de l’hypocrisie, du divorce entre les principes qu’on prétend défendre (démocratie, droits de l’homme) et nos pratiques au quotidien (impérialisme, domination économique). Sourds aux critiques qui remontent notamment des pays du Sud, nous continuons de nous enfermer dans nos certitudes occidentales de nous croire encore les Lumières du monde. Mais nous n’éclairons plus grand chose, le centre du monde s’est déplacé ailleurs, pendant que nous continuons de nous regarder dans le miroir. Notre mode de vie occidental est de moins en moins un modèle enviable aux yeux des autres.
Qu’en est-il des valeurs que nous avons voulu partager avec le monde ? L’universalisme est contesté par ceux qui lui opposent le communautarisme, dernier refuge à leur yeux, seule protection quand la nation est défaillante et l’Europe une vaste machine à déréguler. L’universalisme est vue comme une uniformisation qui exigerait de chacun qu’il se noie dans la masse. Nous savons que ce n’est pas vrai, mais personne ne nous écoute. Nous croyons encore en ses vertus mais nous sommes de plus en plus seuls. Est-ce que les valeurs que nous avons élaborées au XVIIIe siècle font encore sens aujourd’hui ? Et la laïcité ? Elle devait être la liberté de conscience, elle est ressentie comme une attaque contre les croyances religieuses. Reprise presque uniquement par l’extrême droite pour justifier l’intolérance. Il est vrai que ceux-là même qui en avaient fait la promotion au XIXe siècle ont été les premiers à l’abandonner, les premiers à accepter toutes les injonctions catégorielles même les plus dogmatiques, même les plus attentatoires à la liberté ou à l’égalité.
Nous continuons d’invoquer nos valeurs comme des mantras, comme si, à force de les répéter, elles pouvaient, comme par magie, reprendre de la force.
Mais le message ne passe plus, nous sommes en train de perdre cette bataille.
Qu’avons-nous raté ? Mais d’abord, sommes-nous responsables de cette situation ? Ce serait une bien grande responsabilité pour une si petite société que nous sommes : 150 000 francs-maçons parmi 68 millions de français. Et pourtant, cette responsabilité, nous ne pouvons pas la récuser, car elle est notre essence même. Si nous ne sommes pas capables d’améliorer l’homme et la société, à quoi servons-nous ? Que nous nous réclamions de ceux qui pensent qu’il faut se concentrer sur l’amélioration de soi-même, et que par contrecoup, la société s’en trouvera mieux. Ou bien de ceux qui pensent qu’il faut mettre les mains dans le cambouis et que les francs maçons ont vocation à se mêler directement des affaires de la société. Dans les deux cas, c’est un échec.
Nous qui revendiquons, à tort ou à raison, d’avoir joué un rôle majeur dans la Révolution de 1789, dans la Commune de Paris, dans la fondation de la IIIème République, dans la Résistance, dans la reconstruction de la République après la Libération, depuis combien de temps n’avons-nous pas sorti une idée nouvelle, une qui soit porteuse d’espoir pour l’humanité ? Ou une initiative, un projet, une réalisation concrète ?
Sommes-nous présents et actifs dans les grandes révolutions qui bouleversent nos sociétés : la révolution numérique, la révolution féministe, la révolution écologique ? Y jouons-nous un rôle moteur ou courons-nous derrière, en brandissant des étendards d’un autre âge?
Nous n’avons pas réussi à transformer le monde. Mais il y a quelque chose de pire que de ne pas avoir réussi : avons-nous réellement essayé ? La plupart des écrits que nous produisons sont destinés à d’autres francs-maçons, dans le meilleur des cas. Chaque année le Grand Orient de France publie une synthèse des travaux portant sur les 6 questions à l’étude des loges. Les 1640 loges du GODF sont censées avoir travaillé ces questions, puis adresser une synthèse à leur congrès régional qui réalise une synthèse de synthèse, puis les synthèses de synthèses des 17 régions sont compilées au niveau national pour donner un ouvrage de deux cents pages, distribué aux délégués du Convent.
Combien vont simplement l’ouvrir ? Un sur trois ? Nous organisons des colloques, des événements, des rencontres, des Utopiales. On y trouve 80% de maçons venus discuter entre maçons de choses qui intéressent les maçons. Ça ne fait pas beaucoup de bruit à l’extérieur. Comment pourrions-nous avoir un impact sur le monde ?
Qu’avons-nous raté, nous qui prétendons améliorer la société et qui la voyons s’éloigner de plus en plus des idéaux que nous défendons ? Il n’est pas question de prétendre qu’on trouvera ici les réponses. C’est à chacun de s’emparer de ce questionnement, s’il le juge pertinent, et d’engager son propre travail de réflexion. Pour ma part, je vois quelques pistes pour commencer.
Nous sommes beaucoup trop centrés sur le passé. La plupart de nos productions consistent à réaffirmer des principes ou des valeurs qui ont brillé autrefois et que nous croyons devoir conserver. C’est une position défensive et conservatrice. Pas constructive. Les Utopiales 2024 du GODF avaient pour thème Résister. Pas : Reconstruire. Pas : Bâtir du nouveau. Non : tenter de conserver ce qui nous échappe. Et si nous recommencions à imaginer des avenirs possibles. Après tout, nous savons bien que le monde a besoin d’être réinventé en profondeur.
Nous sommes beaucoup trop centrés sur nous-mêmes. La franc-maçonnerie est un écosystème fermé. La quasi totalité des échanges et des interactions est tournée vers l’intérieur. Cela avait du sens au XVIIIe siècle dans une société totalement verrouillée où chacun se voyait assigner une place par sa naissance. Cela condamne à l’impuissance dans des sociétés ouvertes comme les nôtres qui fonctionnent en réseaux. Les articulations que nous avions avec le monde sont devenues obsolètes. Nous avons besoin de nouvelles relations entre l’intérieur et l’extérieur. Et si nous allions à la rencontre des gens ? Et si nous apprenions à travailler avec eux ? Pas “à côté”, pas “au-dessus”, pas “ailleurs”. Avec eux.
Nous sommes beaucoup trop bardés de certitudes. Pour des gens qui prétendent travailler sur eux-mêmes, il est étonnant de voir le nombre de dogmes que nous nous contentons de réaffirmer et que nous n’acceptons pas de voir mis en discussion.
À commencer par la laïcité, ou encore la République, et bien sûr l’universalisme. De quoi avons-nous peur ? S’ils ne résistent pas à la discussion, c’est qu’ils ne méritent pas d’être conservés. Si au contraire, ils résistent, ils en sortiront renforcés et renouvelés.
Nous nous cantonnons dans une attitude de prise de parole. “Nous parlons et vous écoutez”. Lorsque nous organisons des évènements, lorsque nous éditons, c’est pour diffuser la production intellectuelle des francs maçons. Je crois fermement que les gens n’en peuvent plus des leçons de morale permanentes des politiques, des médias, des militants de tous bords, des professeurs, des réseaux sociaux… Une voix de plus dans cette cacophonie moralisatrice n’a aucune chance d’être audible.
Et si nous reprenions tout depuis le début ? Si nous recommencions à pratiquer ce que nous avons appris à faire en entrant en franc-maçonnerie : nous taire pour pouvoir écouter ? Nous disposons de savoir-faire qui sont, plus que jamais, indispensables à nos sociétés : la capacité d’échanger des idées et de réfléchir ensemble sans que cela tourne à l’affrontement de personnes.
Merci pour cette remarquable synthèse, détaillée, précise, et juste/justifiée, de là où en sont (probablement) la plupart des Obédiences françaises; même si je ne les connais pas toutes, bien sûr, et même si je ne connais forcément qu’un nombre limité de Frères et Soeurs, que je fréquente dans divers cercles et associations maçonniques, en sus des loges de mon Obédience (GLNF).
Je confirme et soutiens avec force ce qu’a écrit le F. Pierre Gandonnière, précisant que je suis membre de la GLNF depuis plus de quarante deux années.
Il y a urgence sur le fait que les FF et SS des diverses Obédiences maçonniques travaillent en commun sur …ce qu’ils/elles ont en commun, qui est bien plus important (comme le disait le Grand maître de la GLNF, le TRF Jean-Pierre Servel, en ouvrant des “rencontres Lafayette” en présence du Grand Maître du GODF, le TRF Philippe Foussier, il y a quelques années) que leurs différences ou leurs particularités.
L’urgence est la survie de la Franc-Maçonnerie, qui ne doit pas devenir qu’une sorte de club de réflexions intellectuelles pour retraité(e)s,
L’urgence est surtout la survie de l’Humanité, les énormes et drastiques transformations dont les règles et habitudes de vie entre humains ont besoin, et il serait totalement incompréhensible que les Maçons et Maçonnes n’y travaillent pas, ensemble, profitant de ces circonstances très particulières de fonctionnement humain que permettent, en loge, la fraternité maçonnique et l’égrégore.
En effet, la fraternité, l’écoute, la bienveillance, la tolérance, associées à la variété des membres des loges, et à la mise en pratique des rituels (aussi différents soient-ils), permettent de susciter en loge un “état modifié de conscience”, que nous vivons lors des moments d’égrégore, et qui va lui-même permettre une sublimation des capacités de réflexion et de création des cerveaux réunis à ce moment et à cet endroit.
L’humanité tout entière, et pour la première fois de son histoire, étant au seuil de risquer sa disparition, il est de notre devoir (de Maçons/Maçonnes) de nous atteler d’urgence à la tâche, de produire des idées et des propositions de solutions.
Il n’est donc vraiment plus d’actualité de se focaliser sur des différences entre les uns et les autres, ni de s’arc-bouter sur des interdictions d’un autre âge.
Chacun doit évidemment conserver ses particularités et spécificités, et en même temps (!) l’urgence est de se réunir sur l’essentiel (les valeurs maçonniques communes en fournissant une bonne base) …pour le bien de l’Humanité en général.
La grande horloge continue de tourner, il y a urgence (en tant que médecin, j’ai une notion précise de l’urgence, avec une connotation de survie en péril) à ce que tous les Maçons (hommes et femmes, bien sûr) soient unis pour travailler en commun à la (sur)vie des générations qui nous suivent.
Fraternellement vôtre,
Jérôme Lefrançois
Bonjour a vous tous Effectivement nous pouvons a juste titre nous poser la question. Mais avant tout , il me semble qu’il nous faut arrêter de nous prendre pour des autres. Qui sommes nous , pour définir qui a le droit de citer, en politique , en religion , dans la vie de tous les jours. Notre rôle premier n’étant pas d’essayer de rassembler ce qui est épars sans distinguo de couleurs , d’opinions, de religion , d’idées ???
Nous pouvons nous attacher a détruire ce qui nous a construit , mais sans fondations nous ne bâtirons pas haut, ni longtemps. Essayons de faire un pas vers les autres , les comprendre afin d’aplanir le terrain et peut être qu’ainsi nous pourrons commencer a semer pour , peut être un jour récolter. Rémy.
La question est bonne: qu’ai-je manqué au cours de mes 49 ans de maçonnerie ?
Je crois que Gérard est dans le vrai. La maçonnerie , de par son développement et ses partitions est en train de se perdre. Où est la tolérance quand les obédiences se combattent, quand l’exagération issue d’un phénomène de foule bien documenté par les psychologues préside à nos réflexions puis à nos décisions et parfois, nous rendre faibles au point d’obtenir des résultats inverses à ceux composant notre éthique. Pour ceux dont l’universalisme des objectifs humanistes, bien décrit dans son dernier paragraphe, est le leitmotiv, il n’y a pas la place pour confondre l’origine, les raisons, les objectifs et … les” fonds de commerce”. Les conflits observés aujourd’hui ne sont que des tentatives de développement matériels que ce soit en influence, en religion ou en politique. Chacun établit ses règles pour que les autres ne puissent prendre une part de leur pouvoir, comme si le pluralisme des hommes n’était pas une des caractéristiques de l’essence même de la maçonnerie et qu’il fallait être certain que la seule vérité est celle de son obédience et celle de ceux qui la compose.
J’ai certainement perdu la conviction que nos frères, individuellement ou collectivement, vont tous dans la même direction humaniste au profit de l’intérêt personnel ou matériel, mais je garderai l’esprit tendu sur la réalisation de la doctrine maçonnique jusqu’à ce que le GADU me révèle la vérité suprême
Je ne peux qu’approuver le passage retenu par le Frère Pierre Gandonnière de notre Feu Frère C.G Jung … il exprime bien la quadrature à laquelle la FM a à faire face …
“FM qu’avons nous raté ?” De façon quelque peu provocatrice, sans doute, oserais je dire: RIEN …
Car pour avoir raté quelque chose, encore aurait-il avoir conscience de ce que l’on aurait du faire et donc à partir de cela déterminer ce que l’on aurait pas fait !!!
Le problème est qu’aujourd’hui beaucoup de nos frères et de nos soeurs ont oublié les principes fondamentaux que la FM enseigne ou a enseignés … tout simplement. Nous assistons souvent, aujourd’hui, à des discussions et des échanges désincarnés … plus de “je dis ce je fais et fais ce que je dis” … mais du “je dis ce que les autres devraient faire en me rassurant juste sur la qualité de ce que je dis” …
J’ai, maintenant, 53 ans de franche maçonnerie … je fus enseigné par des Maîtres qui m’inspirent respect et parfois admiration … dans beaucoup de mes relations que l’on qualifie toujours, par bien seance, comme fraternelle, je ne constate qu’apartheid (quel qu’en soit le motif), qu’exclusion (au nom des sacrosaintes et inutiles “régularité” et reconnaissance” … Plus caractéristique encore ! … J’ai travaillé 13 ans au GODF au Rite Français Moderne, en 1996 sur les conseils du GODF je suis invité par ce même GODF à rejoindre le Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm … ce que j’ai fait. Depuis plus 20 ans toutes les portes de locations de temples me sont fermés … De même pour la Grande Loge de France qui sans le moindre problème de conscience me fait savoir que la gestion des lieux de travail maçonnique sont maintenant délégués à une entité de gestion privée et que des règles d’exclusions strictes sont données. Lorsque ces règles souffrent d’incohérences il est, alors, assumé de dire que parfois selon les temps et les moments des exceptions de diverses natures sont les biens venues …
Qu’avons nous raté ? … le respect, la Fraternité, la justice, l’entraide, la curiosité de la différence, la recherche de lien qui ouvre l’esprit et qui fait grandir, l’esprit de la maçonnerie du 18ème siècle, le désir de se nourrir des autres, l’appropriation de vrais sujet (celui de la recherche de ce que l’on est réellement dans notre environnement naturel) et le plus grave, à mon sens, l’écoute attentive de ce que l’humanité devient … Il est sans doute temps de se réveiller … sauf à ce que nous devenions définitivement inutiles …
Je ne parviens pas à accèder au questionnaire.
pourriez-vous m’y aider ?
merci
Pierre, j’accepterai de participer à un groupe de réflexion inter-obedientiel pour insuffler un changement des mentalités
Je crois plus à l homme franc maçon qui va tenter de faire le bien autour de lui, au quotidien, en tentant de partager ses valeurs, qu aux mouvements de masse quels qu ils soient. Le un dans le tout est moins fort que le tout dans le un. Regardons aussi les mouvements maçonniques qui luttent et résistent dans les pays où la dictature déguisée en démocratie règne au quotidien et apprenons de nos frères opprimés
La Ratio, voilà pour Jung la source du déclin des cultures et civilisations, parce que le rationalisme a la prétention d’avoir réponse à tout .
Pendant longtemps l’esprit et la passion de l’esprit furent au centre des préoccupations et eurent par suite des conséquences positives. Lorsque le « Siècle des Lumières » instaure le règne de la Raison, on néglige le rôle de l’âme et l’esprit. Au cours du 19e siècle, l’esprit commence à dégénérer en intellect, ennemi de l’âme quand il ose vouloir capter l’héritage de l’esprit, ce dont il n’est capable, l’esprit étant supérieur à l’intellect puisqu’il comprend non seulement celui-ci, mais également le cœur. Il constitue une direction et un principe vital qui aspirent à des hauteurs lumineuses surhumaines .
L’intellect a causé de très graves dégâts dans la civilisation occidentale et continue à le faire. Notre époque a affaire à un « monstre » qui, s’étant entièrement développé, est suffisamment gros pour s’engloutir lui-même
L’intellect obsède l’homme et échappe à son contrôle. Au lieu de demeurer un outil du créateur qui modèle le monde qui l’entoure, il le domine et le menace de destruction. La ratio s’accroche aux valeurs qu’elle s’est fixées une fois pour toutes, aussi longtemps que la raison humaine est considérée comme une substance immuable et qu’on en exclut une conception symbolique, alors qu’elle n’est en fait qu’un moyen aidant à accéder à un but, l’expression symbolique d’un passage, d’un point précis sur le chemin du développement de l’être humain vers son aboutissement .
Jung pense que Saint Augustin a pressenti une grande vérité : selon laquelle toute vérité spirituelle se matérialise progressivement et qu’elle devient matière ou outil dans la main de l’homme qui s’imagine alors être un créateur disposant de possibilités illimitées. Un alchimiste, écrit Jung, pouvait encore prier : « Horridas nostrae mentis purga tenebras (Purifie les terribles ténèbres de notre raison). » L’homme moderne est déjà tellement plongé dans les ténèbres qu’à l’exception de la lumière de sa raison, rien n’éclaire plus son monde.
Et Jung de demander au rationaliste « illuminé » si la réduction qu’il a opérée grâce à sa raison a permis de maîtriser la matière et l’esprit. La peur subsiste, le monde vit un cauchemar. La raison a misérablement échoué ; nous nous acheminons progressivement vers ce qu’elle voulait éviter : l’anéantissement de l’homme et du monde.
Les progrès qu’a permis l’intellect ne sont certes pas négligeables, mais le matérialisme croissant s’accompagne d’une perte des connaissances sur l’âme. L’homme, pour qui seul l’extérieur compte, ne se contente pas de ce qui lui est nécessaire ; il veut toujours plus, toujours mieux. Mais plus il recherche les merveilles de ce monde, plus il fait taire la voix intérieure qui s’élève de temps en temps pour réclamer elle aussi son tribut. L’âme est mise au régime ; menacée d’inanition, elle se défend pour survivre, pour rappeler à celui qui l’ignore que l’homme intérieur veut lui aussi se réaliser, et elle déséquilibre l’homme apparemment comblé par les bienfaits matériels .
La prospérité nous a convaincus des joies que procure le matérialisme ; elle a même contraint l’esprit à trouver toujours plus de moyens pour l’améliorer, mais elle n’a jamais produit d’esprit en soi. Rares sont ceux qui s’aperçoivent que le bonheur matériel est un danger pour l’esprit
De plus, explique Jung, la soif de connaissance scientifique, l’avidité de richesses et l’ambition sociale nous font vivre dans le futur. On essaie d’oublier le plus vite possible le passé, alors que la culture est essentiellement basée sur la continuité et une préservation du passé. Si au moins, l’homme vivait dans le présent. Mais non ! Et de plus, il ne vit pas pour le futur, mais dans le futur. Il a perdu le passé et le présent, il est coupé de ses racines et est « constamment déçu par le mirage d’un avenir “meilleur” que jamais il ne rattrape.
« Nous sommes loin d’avoir liquidé le Moyen-Âge, l’Antiquité, la primitivité et d’avoir répondu à leur propos aux exigences de notre psyché ! Néanmoins, nous sommes jetés dans une cataracte de progrès ; elle nous pousse vers l’avenir avec une violence d’autant plus sauvage qu’elle nous arrache à nos racines. Toutefois, si l’ancien a éclaté, il est alors, le plus souvent, anéanti et il est impossible d’arrêter le mouvement en avant. Car c’est précisément à cause de la perte de relation avec le passé, la perte de racines qui crée un tel « malaise dans la culture » et une telle hâte, que nous vivons plus dans l’avenir, avec ses promesses chimériques d’âge d’or, que dans ce présent que l’arrière-plan d’évolution historique n’a pas encore atteint »
C.G. Jung et le malaise social dans le monde occidental.
Véronique Liard
https://www.cairn.info/revue-societes-2003-4-page-93.htm
Je réagis aux propose de Briand disant que la seule extrême qu’il faut combattre est l’extreme droite…
Pour moi les extrêmes de tout bord sont à combattre. Que disons nous quand des groupuscules d’extreme gauche mettent le feu, incendient des magasins, des commerces? Que disons nous quand une voisine bien habillée dans un quartier chic se fait bousculer par une racaille dans un groupe extrême gauche. Il est alors bien incroyable de légitimer cette violence au nom de l’expression populaire. Nous n’aimons pas l’Islam politique extrémiste. Marié à une musulmane, je réponds à ces hypocrites d’extrême gauche ayant fait le lit de l’islam radical en France depuis des années au nom de l’acceptation à outrance de toutes les différences , en disant qu’ils sont inconscients et ne se rendent pas compte que les musulmans comptent sur au contraire de l’aide plus musclée de lEtat pour contrer les extrêmes. Ils vivent dans un autre monde. Les,musulmans vous expliqueraient avec plaisir comment ils contiennent et. Essaient de contenir l’islam radical dans leurs pays.Il est impensable de voir que certains intellos maintiennent l’idée stupide qu’il suffit de discuter, d’expliquer pour que le bon sens émerge… C’est une attitude criminelle qui FAIT monter l’’islam radical en France…..
Votre analyse est la bonne : “Nous parlons et vous écoutez”, cela ne tient plus.
Le principal clivage actuel oppose les “élites” donneuses de leçons au reste de la population. Cette division se manifeste par des écarts croissants de niveau de vie et d’accès aux réseaux comme aux opportunités. Les “élites” sont déconnectées des réalités quotidiennes et servent leurs propres intérêts au détriment du bien commun.
C’est cette fracture qui alimente la méfiance envers les institutions et nourrit l’extrême droite. Certains acteurs politiques et médiatiques (cnews, franc-tireur et désormais Charlie) cherchent à détourner l’attention de ce clivage fondamental en exacerbant d’autres divisions, notamment “raciales” ou religieuses. Si seulement les chapeaux à plumes des obédiences, et notamment du GODF (je prêche pour ma chapelle), pouvaient se rendre compte que sous couvert de défendre la laïcité… ils alimentent de fait cette machine à fabriquer du fascisme ! Oui, la laïcité est toujours à défendre, mais de ses réels ennemis… pas d’adversaires que l’on se fantasme.
Lors d’un échange sur internet, un de vos concitoyens m’a fait remarquer que c’est son droit de s’abstenir de voter, et qu’il le ferait. (En Belgique, le vote (même blanc) est obligatoire).
Il expliquait que c’était sa manière de montrer son désaccord avec la politique actuelle (surtout le choix des dirigeants mis en place par les partis).
Je me demande si c’est une bonne solution que de s’abstenir ?
Les élections précédentes ont démontré que cela ne change rien au sein des partis et que “l’électro-choc de la montée de l’extrême droite” est de faible intensité et vite oublié.
Je suis également contre les votes “sanctions”, où l’on vote “contre” quelqu’un et non “pour” quelqu’un.
Ces votes sanction sont souvent l’occasion de basculer dans l’extrémisme (ou du moins, en faveur des discours populistes savamment orchestrés).
Le pire, c’est que ceux qui votent “contre” pour exprimer leur ras-le-bol ne proposent pas de solutions ou ne se présentent pas en politique pour secouer le(s) cocotier(s) ; ils restent là à attendre qu’un miracle se produise et qu’un élu soit enfin le Messie tant attendu. À voir les nombres de râleurs à chaque élection (quel que soit le groupe qui l’emporte), ce n’est pas gagné.
Pour répondre à Olivier, beaucoup de FM estiment que la politique n’a pas sa place en Loge ; cependant, il faut vivre avec son temps et travailler sur le sociétal se trouve de plus en plus lié à la politique.
Un jour que j’étais jeune apprenti, un vote est arrivé en loge. Je ne savais pas quoi décider alors je me suis abstenu. A la fin de la tenue, un maître est venu me voir et m’a demandé pourquoi. J’ai répondu : je ne savais pas quoi voter. Alors il m’a expliqué que mes FF et mes SS avaient besoin de mon avis pour pouvoir décider. Depuis, je me débrouille toujours pour voter, même quand c’est difficile.
Bonjour à tous et merci Pierre pour ce questionnement que j’enrichirais ainsi « Qu’avons-nous pas fait pour contrer la montée des extrêmes. Alors que la FM prétend améliorer la société alors que nous la voyons s’éloigner de plus en plus des idéaux qu’elle même défend. Qu’attendent les frères et sœurs pour partager ici leurs analyses et chercher à comprendre en quoi certaines postures pourraient contribuer à renforcer le communautarisme et l’intégrisme de tous bords ? »
C’est quoi “les extrêmes” ? Pour moi il n’y a que l’extrême-droite fasciste à combattre. Ce discours bourgeoisiste est très représentatif de ce ventre mou maçonnique qui ne veut pas prendre parti. Comme dans les années 30 en Allemagne. On connait la suite…