mar 21 octobre 2025 - 14:10
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Comment utiliser la technologie sans perdre son rituel maçonnique?

Avant, c’était avant…

A une époque où les SS :. étaient encore peu nombreuses en Loge, nos FF :. notaient au crayon en début d’année sur leurs agendas respectifs les futures Tenues de l’Atelier. La poste était le seul relais pour informer des communications spéciales. Le bouche à oreille servait de lien permanent entre les membres de la Loge. Tout était plus lent, mais aussi beaucoup plus serein et apaisé.

Puis un jour, le téléphone se généralisa. Nous aurions pu vivre ainsi jusqu’au dernier souffle du GADLU, mais de jeunes ébouriffé de la côte Ouest des Etats-Unis en avaient décidé autrement. La révolution dite « numérique » était en marche. Des outils envoyés par le diable firent leur apparition. J’ai nommé : le telex, le fax, le email, le SMS, le MMS, le chat, la vidéoconférence…

Le rayonnement initiatique des Loges allait subir quelques interférences. Car si nos anciens étaient en recherche de la Lumière avec leurs travaux, la nouvelle génération de FF :.  quant à elle, recherchait plutôt des bornes WiFi pour connecter l’Iphone 9 ou la tablette Ipad.

Alors la question qui brule toutes les lèvres : « est-ce mieux ou moins bien qu’avant ? » Personne ne peut répondre à cette interrogation. Cela nous ramène à la notion fort discutable du « progrès ».

Pour les nostalgiques, je rappelle que mon arrière grand-père, en 1910 à Paris, a dangereusement souffert de la pollution. Il faut dire qu’il y avait à l’époque 80 000 voitures hippomobiles qui obligeaient 3200 cantonniers et 600 balayeuses à retirer quotidiennement les 900 tonnes de crottin des rues de notre capitale. Les Champs Elysées étaient même en circulation alternée pour permettre aux chevaux et aux vélos de cohabiter. Toutes les grandes villes souffraient du même mal, New York et Chicago n’échappaient pas à la règle avec annuellement 15 000 carcasses de chevaux morts à recycler pour l’une et 8 000 pour l’autre. Cette même année, toutes les capitales du monde s’étaient retrouvées à NYC pour 10 jours de sommet mondial de l’urbanisme afin d’éradiquer ce fléau. Au 6ème jour, tout le monde se sépara sur un constat d’échec. Rien à faire contre la pollution. Et pourtant, 10 années plus tard, l’automobile vint au secours des capitales en remplaçant les chevaux par des voitures qui fument. Fort heureusement, il n’y a aucun risque pour l’homme car le vent balaie tout sur son passage.

Cet exemple pose la double question de la pertinence du progrès technologique et celui de la préservation du caractère Initiatique de la Franc-maçonnerie. Le premier point mériterait une conférence entière. J’ai d’ailleurs interviewé en studio durant une heure Marc Giget, le Président du Club de Paris des directeurs de l’innovation. Sa réponse est simple : « Si cela sert les humains c’est bon, si c’est techno-chiant il faut arrêter ». On peut donc dire que la techno c’est bon pour tous, si elle trouve une utilité et qu’elle libère les humains. Mais il faut cesser d’innover lorsque les gains supplémentaires deviennent le seul prétexte à la surconsommation.

Parlons maintenant du sujet qui nous tient à cœur. La technologie et le sacré.

A y regarder de plus près, notre pratique n’a jamais cessé de se nourrir des technologies. Les Rituels sont désormais imprimés sur du papier brillant 300 g couleur avec pochette cartonnée. Les décors des officiers de la Loge sont brodés par d’efficaces machines à gestion électroniques, nos Temples sont éclairés par des centrales nucléaires, nous sommes tous venus en Tenue avec des véhicules modernes et parfois très polluants, nos Agapes sont issues d’une production agricole intensive et souvent chimique, elles sont généralement préparées selon une technique toute aussi automatisée. Parlons un instant de nos outils symboliques, les bougies n’échappent pas à la règle, lorsqu’elles ne sont pas électriques, elles restent bien loin des vieilles bougies artisanales de nos grands mère à la cire d’abeille. Quant à nos compas, équerres et autres règles, ils sont issus d’une production de masse made in China. Je n’ose à peine vous parler de votre tablier qui dans la plupart des cas a fait plus de kilomètres que vous cette année pour ceindre votre taille.  La liste pourrait être encore très longue. Bienvenue dans la mondialisation !

Comme le disait si bien Maurice Druon : « Une tradition, ce n’est jamais qu’un progrès qui a réussi. » La Franc-maçonnerie n’échappe pas à la règle, elle innove, elle invente, elle teste et si c’est concluant, alors elle agrège. C’est ainsi que notre Art est devenu ce qu’il est. Il est vivant et s’inscrit de tous temps dans son époque. Par conséquent, les outils contemporains doivent être exploités, mais pas n’importe comment. Ils doivent l’être selon l’esprit de la Franc-maçonnerie. Cela nous ramène donc à l’essence et à la finalité de notre Art Royal.

Essayons donc de les définir : Si j’affirme que c’est par le Rituel, vous allez me répondre qu’il ne s’agit pas de son essence mais de sa forme. Si je vous dis alors que c’est par la Fraternité, certains me rétorqueront qu’il s’agit de la conséquence de la pratique, mais toujours pas de son essence. Alors pourrions-nous affirmer qu’il s’agit d’un travail en conscience sur le symbolisme, selon les principes de la géométrie sacrée ? Nous commençons là à entrevoir la Lumière. Mais soyons plus précis :

Nos symboles communs sont matérialisés par le Fil à Plomb et le Niveau, le Soleil et la Lune, Le Tableau de Loge pour les uns, le Pavé Mosaïque ou le Naos pour d’autres, le Delta Rayonnant, que sais-je, car nos symboles sont nombreux. Nous pourrions parler des nombres 3, 5 ou 7. Nous pourrions aussi aborder les formes géométriques comme le Carré, le Triangle, le Pentagramme ou le Cercle.

Tous ces symboles nous aident à cheminer de la dualité enfermante de notre condition humaine au ternaire libérateur des passions. Ces supports nous permettent d’unir l’esprit et la matière qui ne sont que le croisement du fil à plomb et du niveau, afin de nous élever en humanité et en Fraternité. Le seul objectif tangible et durable de ce long travail est l’élévation progressive de notre conscience. Ainsi libérés de nos pulsions et de nos passions dont je parlais tout de suite, nous pouvons alors nous nourrir les uns des autres et grandir ensemble en Fraternité. Nous devenons des suppléments les uns des autres et non plus des compléments qui servent à compenser nos manques et nos frustrations.

Au 15ème siècle, certains s’étaient interrogés sur le danger de passer d’un enseignement oral à un enseignement imprimé. Le temps nous a donné la réponse à cette question.

Il y a quelques jours j’ai lancé un service Internet de télé-instruction pour les Apprentis version XXIème siècle. Plus de 150 FF :. et SS :. se sont déjà inscrits. Je ne suis pas sur d’être mieux accueilli que Gutenberg à son époque. Comme le dit Arthur Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. » Ce fameux danger qui touche la Franc-maçonnerie, ne vient-il pas plutôt de passer d’un enseignement du symbolisme porteur d’un sens initiatique à un enseignement politique ou syndical qu’on trouverait dans n’importe quelle association ou université profane ? Voilà où se trouve peut-être l’ennemi du Franc-maçon. Nos Rituels sont pourtant précis sur ce point, il faut : « Eriger des autels à la vertu et creuser des tombeaux pour les vices ». Pour cela, il ne suffit pas de converser poliment entre amis en Tabliers sur l’évolution de notre régime de retraite ou sur les OGM, il faut polir sa Pierre et « descendre chercher la Vérité au fond du puits » comme nous le suggère Démocrite. De vous à moi, qu’elle soit polie grâce au ciseau/maillet ou grâce au ciseau électrique, n’est-ce pas uniquement par le travail que s’opère la métamorphose du maçon ?

Ne nous trompons pas d’adversaire, le progrès que fustigeaient nos anciens hier, est devenu la tradition que nous défendons becs et ongles aujourd’hui. Si la Franc-maçonnerie est en danger au XXIème siècle, c’est certainement plus à cause de sa perte de sens et de valeurs que de l’apport des nouvelles sciences ou techniques.

Je propose de réenchanter notre Art par une quête de sens Initiatique et de laisser aux universités et à Science Po le soin de préparer nos futurs dirigeants. C’est leur métier, alors que nous n’avons jamais vu un seul Franc-maçon monter au perchoir de l’assemblée Nationale grâce au pouvoir d’une Loge. D’autant que je crois me souvenir que nos travaux doivent rester enfermés pour préserver nos secrets.

Pour conclure, nos outils de transmission ou de symbolisme vont certainement évoluer avec le temps, notre devoir est double. En premier, nous devons garder notre ardeur au Travail pour continuer d’apporter la Lumière sur les ténèbres. En second, notre devoir de maçon et de ne pas prendre les mots pour des symboles et les outils pour des fétiches. Pour cela il convient que notre conscience fasse la différence entre support et valeur. Je vous propose de revenir en deuxième semaine afin de vous présenter un travail sur ce sujet, tant il est profond.

Gloire au Travail? Mon oeil (II)

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J’étais en Loge hier et aux agapes, nous avons évoqué et analysé le dernier discours de notre Président (celui du 11 janvier). Une phrase m’a particulièrement choqué : «les français sont réfractaires à l’effort ». Certes. La quête du Franc-maçon étant celle de la Vérité, il me paraît important de rappeler quelques faits. Contrairement aux idées reçues véhiculées par une certaine élite d’obédience chrétienne, les français ne sont pas des fainéants, ni des tire-au-flanc et encore moins des paresseux. Des études très sérieuses montrent que les travailleurs français comptent parmi les plus productifs d’Europe voire de l’OCDE, devant les travailleurs allemands ou les travailleurs britanniques. Il suffira de se reporter aux récentes études Eurostat et à leurs analyses publiées dans Challenges ou les Echos, ou encore aux ouvrages de Jacques Généreux, Frédéric Berr ou Thomas Porcher. On notera, étant donné le fort taux de vacances d’emploi qu’avec une telle productivité, le travailleur français risque de rentrer plus facilement dans la spirale de l’épuisement professionnel, mais au fond, avec tant de chômeurs prêts à remplacer le travailleur devenu inapte, quelle importance? C’était ma minute de cynisme.

En tant que citoyen et franc-maçon, je suis très inquiet qu’un président de la République puisse énoncer une telle contre-vérité (ou fake news pour rester dans le jargon contemporain). Quand on sait que ce qu’on appelle vérité est un énoncé répété par le plus grand nombre, j’ai peur. J’ai peur qu’une attaque ne soit en cours contre le travail et l’emploi. J’ai peur que la confiance des français en eux-mêmes ne soit entamée quand un chef d’état profère une telle invraisemblance, qui va servir de prétexte à durcir un monde déjà très inhospitalier.

Une autre attaque est en cours, cette fois-ci sur les chômeurs. Le décret publié le 31 décembre 2018 au Journal Officiel renforce les contrôles et contraint les chômeurs à accepter un emploi salarié même si le salaire est inférieur, voire très inférieur à celui de l’emploi précédent. Outre le fait de durcir les conditions d’accès à un droit auquel tout salarié contribue, un problème va se poser : la dévalorisation potentielle de l’emploi. Cette disposition va permettre aux entreprises peu scrupuleuses de passer outre les conventions collectives et de baisser les salaires au recrutement. En poussant plus loin, il pourrait être possible de recruter un cadre en haut niveau, tel qu’un X ou un centralien en le payant au SMIC, avec la bénédiction du Pôle Emploi…

Au 2e degré, nous disons « Gloire au Travail ». Certes, tout dépend de la définition du travail. Pour moi, le travail est la quantité d’énergie dépensée pour un processus de transformation. Ainsi, faire bouillir de l’eau représente un travail, de même que déplacer une commode ou écrire un billet de blog. Dans la même optique, élever ses enfants ou prendre soin d’un proche constitue aussi un travail. Toutefois, le travail est à différencier de l’emploi, qui consiste à vendre son temps de vie en échange d’une rémunération. Trois chercheuses britanniques ont mis en valeur le fait que plus un emploi est utile à la société, moins il est reconnu, moins il est considéré et donc, moins il est payé (Lawlor, Kersley, Steed. A bit rich. Calculating the real value to society of different professions. Neweconomics.org). Parallèlement à ces travaux, l’anthropologue David Graeber a fait une observation similaire, tout en étudiant le phénomène des bullshit jobs. Si je résume avec ma mauvaise foi coutumière, l’automatisation des tâches a fait disparaître une partie de l’emploi ouvrier. Les travailleurs manuels sont donc moins sollicités et moins employés. Cependant, nos structures sociales et légales n’ont pas évolué avec la technique, ce qui nous oblige à être employés 35h par semaine, mais sans avoir nécessairement une tâche à accomplir. Ainsi, l’innovation technique qui aurait pu être un progrès et ainsi nous libérer de la nécessité du travail (oh, la belle révolution marxiste que voilà) ne fait que nous asservir davantage : nous sommes amenés à remplir des cases dans des tableaux, répondre à des messages sur des réseaux sociaux ou des e-mails, bref traiter des données dont l’intérêt est somme toute, très limité. D’ailleurs, qui n’a jamais rempli un tableau de base de données pour justifier de ses tâches, voire du suivi de ses tâches ?

Bref, l’innovation a engendré la création d’emplois qui n’apportent rien à qui que ce soit, si ce n’est un salaire à l’employé (et encore, même ce point peut se discuter…). Et encore, David Graeber a émis une hypothèse audacieuse : le travail salarié ne serait jamais que la continuité de l’esclavage selon une structure de déracinement observée sur le commerce triangulaire. Ainsi, l’esclave est amené à travailler loin de chez lui par ses marchands et mis au service d’un maître. Graeber pense que le travail salarié est structuré de même, avec l’illusion de liberté promise par le néolibéralisme, à la différence que le salarié prend le train de banlieue au lieu de la mer… Et preuve du mensonge des tenants du libéralisme: il est difficile voire impossible de s’enrichir avec le travail salarié. La différence vient du capital hérité, mais chut, il ne faut pas le dire trop fort!

En fait, la vision que nos dirigeants tentent d’imposer est que les français sont paresseux et profitent de la manne de l’Etat-providence et par conséquent, les chômeurs doivent être sanctionnés et remis au travail, sans égard pour leurs études et aspirations à un poste y correspondant. On pourrait croire que nos dirigeants pensent les français irresponsables… Dans ce cas, on peut se demander pourquoi l’Etant ne responsabiliserait pas les chômeurs en les laissant réellement libres de leurs modalités de recherche comme l’annonce l’intitulé de la loi «sur la liberté du choix de son avenir professionnel», intitulé qui a un ton très orwellien en fait.

Comme toujours, cette vision n’est pas la réalité. Elle correspond à un modèle de société basée sur la microéconomie, qui est incompatible avec les faits sociaux et politiques. Cette discipline biaise la vision et fait prendre des décisions contraires à l’intérêt public, comme la destruction du code du travail, ou la chasse aux chômeurs.

En fait, il est rare de choisir délibérément le chômage. Très rare, dans notre société où le prêt bancaire est basé sur la stabilité des revenus. Si j’étais mauvaise langue, je dirais que faciliter les licenciements serait contre-productif pour nos amis les banquiers…

Le fait de mettre tout le monde au travail est un héritage de l’Empire. Napoléon pensait discipliner le peuple en le mettant au travail. Vision qui s’est renforcée avec l’avènement de la société industrielle et le capitalisme protestant… Avec l’innovation qui pourrait devenir un progrès, peut-être est-il temps de repenser profondément nos structures économiques et sociales? Partager plus équitablement le temps du travail pour que chacun ait accès à l’emploi, par exemple? Abdennour Bidar, Pierre Larroutouru et Dominique Méda ont déjà écrit sur la question, peut-être est-il temps de les écouter?

A l’heure d’un grand débat national se déroule en même temps que la disparition programmée des enquêtes publiques, à l’heure de la révolte qu’engendrent le ressentiment contre une élite déconnectée et la terreur du déclassement, peut-être que nos dirigeants devraient ouvrir les yeux et écouter les signaux faibles pour ne pas être submergés par une vague de colère qu’ils n’auront pas voulu voir, en créant et renforçant des outils eux-mêmes générateurs de ressentiment.

Gloire au travail quand même.

J’ai dit.

Gloire au Travail? Mon oeil!

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J’étais en Loge hier soir et sur le chemin du Temple, j’ai failli me faire renverser à plusieurs reprises par les coursiers à vélo ou scooter estampillés de ces plates-formes de livraison de repas. Plates-formes dont on voit régulièrement la publicité sur les affiches en ville. Si j’ai bien compris le principe, ces jeunes gens qui font du vélo s’inscrivent sur une plate-forme et attendent que le programme de distribution de ladite plate-forme leur attribue une livraison, qu’ils vont chercher au restaurant et livrer au client. Le client paie la plate-forme et leur donne une note. Intéressant, ça, l’évaluation permanente, ça inspirera un billet ultérieur à l’enfant de profs que je suis !

Ce qui me tracasse avec ces plates-formes, c’est que ces livreurs, ces manutentionnaires ne sont pas des salariés. Ils ne dépendent ni du restaurant, ni de personne d’autre… qu’eux-mêmes ! J’ai appris qu’ils étaient en effet sous le statut d’autoentrepreneurs, utilisant leur propre deux-roues. Très intéressant pour l’employeur, car il n’y a pas de charges à payer, prétendument intéressant pour l’employé car il serait libre et employable. Dommage qu’il n’ait ni assurances, ni couverture sociale, ni sécurité sociale. Et dommage que tout accident soit considéré comme de sa propre responsabilité ! Et malheureusement, l’accident est une probabilité forte. Parce que, pour ces coursiers-là, le feu rouge, la priorité à droite, bref, le respect du code de la route est une option. Ben oui, le client ne doit pas attendre, alors tant pis pour la sécurité routière et tant pis pour le passant qui aura le malheur de se trouver sur le chemin du coursier, comme un trottoir. Hum, ça fait réfléchir sur le prix du tacos ! « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » écrit Voltaire dans Candide, quand celui-ci découvre les conditions de vie des esclaves. Dans le fond, rien n’a changé malgré les smartphones. A moins que le smartphone ne soit un instrument de servitude volontaire…

Pour aller plus loin, je vous invite à lire cette enquête : Boulots de merde ! Du cireur au trader, enquête sur l’utilité et la nuisance sociales des métiers des journalistes Julien Brygo et Olivier Cyran. Les deux auteurs dressent un tableau inquiétant de la dégradation des conditions de travail : détricotage du droit du travail par les instances au pouvoir, précarisation croissante des salariés, durcissement des conditions de travail dans tous les secteurs pour les mêmes salariés, etc. En quelques mots, tout l’héritage du Front Populaire et du Conseil National de la Résistance est attaqué par une élite intéressée par le seul appât du gain. Le philosophe Marc Crépon résume très bien l’origine de cette violence : la réduction du coût du travail. Cet objectif de réduction du coût du travail (et donc de rentabilité accrue) entraîne la destruction des protections du travailleur, et une organisation tayloriste dans des secteurs où la rentabilité n’a pas lieu d’être. Il n’y a qu’à aller aux urgences ou admirer les infrastructures routières pour s’en rendre compte…

Lors de l’ouverture des Travaux, le Vénérable demande au Premier Surveillant : « Frère Premier Surveillant, pourquoi êtes-vous placé ainsi ?
-Vénérable Maître, pour fermer la Loge, payer les ouvriers et s’assurer que chacun a reçu le salaire qui lui est dû ». Autrement dit, au-delà des considérations symboliques et spirituelles, le rituel nous rappelle combien il est important de bien rémunérer l’effort consenti. Il est dommage que ce principe fondamental soit de plus en plus oublié : déconstruction du droit du travail, transformation progressive du salarié en intermittent du travail, augmentation de la charge du travail pour le même salaire (tiens, j’ai déjà vu ça, chez Max Weber dans son texte de 1919 : Éthique protestante et esprit du capitalisme). En fin de compte, on est en train de revenir au travail journalier, comme l’a dit la ministre du travail en septembre. Si l’histoire humaine se compose de cycles, je crains que nous ne soyons dans une phase de régression…


Moralité : tiens, je n’ai pas fait les courses et il est un peu tard. Et si je me commandais une pizza ou des sushis ?

Post catholicisme (suite)

Un commentateur de mon article m’objecte gentiment qu’une certaine presse catholique possèderait encore de beaux restes. Je n’en disconviens pas, encore qu’il faudrait vérifier par exemple ce qu’il en est de l’évolution de la diffusion du quotidien La Croix, par exemple. Il faudrait donc s’interroger sur ce que sera à partir de 2035, une église catholique sans prêtre où les quelques dizaines de prélats survivants se partageront entre ceux qui seront de sensibilité conciliaire-moderniste et ceux qui se réclameront d’un traditionalisme – intégrisme.

Cela ressemblera quoi qu’il en soit à une sorte de post-protestantisme, dans la mesure où cela tirera probablement dans tous les sens, entre une très probable nostalgie, une volonté de poursuivre coûte que coûte l’aventure catholique dans une nouvelle configuration et l’installation d’un catholicisme culturel, tout cela étant à observer de près.

Ce post catholicisme s’exprimera pour partie par la manière dont seront pris en mains les nombreux lieux à forte dimension historique, mémorielle, architecturale, abandonnés par les moines ou les religieuses, lesquels, en attendant de voir disparaître leurs nombreuses institutions, procèderont à d’indispensables regroupements. Pourquoi ne pas en faire des temples maçonniques avec réfectoires transformés en salles d’agapes ? Je plaisante à peine.

Quant à la comparaison avec le GODF, elle ne me semble pas adéquate, dans la mesure où cette obédience, comme beaucoup d’autres, n‘est absolument pas en déshérence et n’est pas de plus directement concernée par la clientèle spiritualiste post-religieuse. Cela ne veut pas dire qu’en ses publications, à moins que cela m’ait échappé, on s’interroge sur le nouveau paysage. Il est vrai que pour certains, dont je ne m’exclus pas culturellement parlant, ne plus avoir de curé à bouffer peut créer la disette.