lun 02 décembre 2024 - 20:12
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Gloire au Travail? Mon oeil!

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Gloire au Travail? Mon oeil!

J’étais en Loge hier soir et sur le chemin du Temple, j’ai failli me faire renverser à plusieurs reprises par les coursiers à vélo ou scooter estampillés de ces plates-formes de livraison de repas. Plates-formes dont on voit régulièrement la publicité sur les affiches en ville. Si j’ai bien compris le principe, ces jeunes gens qui font du vélo s’inscrivent sur une plate-forme et attendent que le programme de distribution de ladite plate-forme leur attribue une livraison, qu’ils vont chercher au restaurant et livrer au client. Le client paie la plate-forme et leur donne une note. Intéressant, ça, l’évaluation permanente, ça inspirera un billet ultérieur à l’enfant de profs que je suis !

Ce qui me tracasse avec ces plates-formes, c’est que ces livreurs, ces manutentionnaires ne sont pas des salariés. Ils ne dépendent ni du restaurant, ni de personne d’autre… qu’eux-mêmes ! J’ai appris qu’ils étaient en effet sous le statut d’autoentrepreneurs, utilisant leur propre deux-roues. Très intéressant pour l’employeur, car il n’y a pas de charges à payer, prétendument intéressant pour l’employé car il serait libre et employable. Dommage qu’il n’ait ni assurances, ni couverture sociale, ni sécurité sociale. Et dommage que tout accident soit considéré comme de sa propre responsabilité ! Et malheureusement, l’accident est une probabilité forte. Parce que, pour ces coursiers-là, le feu rouge, la priorité à droite, bref, le respect du code de la route est une option. Ben oui, le client ne doit pas attendre, alors tant pis pour la sécurité routière et tant pis pour le passant qui aura le malheur de se trouver sur le chemin du coursier, comme un trottoir. Hum, ça fait réfléchir sur le prix du tacos ! « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » écrit Voltaire dans Candide, quand celui-ci découvre les conditions de vie des esclaves. Dans le fond, rien n’a changé malgré les smartphones. A moins que le smartphone ne soit un instrument de servitude volontaire…

Pour aller plus loin, je vous invite à lire cette enquête : Boulots de merde ! Du cireur au trader, enquête sur l’utilité et la nuisance sociales des métiers des journalistes Julien Brygo et Olivier Cyran. Les deux auteurs dressent un tableau inquiétant de la dégradation des conditions de travail : détricotage du droit du travail par les instances au pouvoir, précarisation croissante des salariés, durcissement des conditions de travail dans tous les secteurs pour les mêmes salariés, etc. En quelques mots, tout l’héritage du Front Populaire et du Conseil National de la Résistance est attaqué par une élite intéressée par le seul appât du gain. Le philosophe Marc Crépon résume très bien l’origine de cette violence : la réduction du coût du travail. Cet objectif de réduction du coût du travail (et donc de rentabilité accrue) entraîne la destruction des protections du travailleur, et une organisation tayloriste dans des secteurs où la rentabilité n’a pas lieu d’être. Il n’y a qu’à aller aux urgences ou admirer les infrastructures routières pour s’en rendre compte…

Lors de l’ouverture des Travaux, le Vénérable demande au Premier Surveillant : « Frère Premier Surveillant, pourquoi êtes-vous placé ainsi ?
-Vénérable Maître, pour fermer la Loge, payer les ouvriers et s’assurer que chacun a reçu le salaire qui lui est dû ». Autrement dit, au-delà des considérations symboliques et spirituelles, le rituel nous rappelle combien il est important de bien rémunérer l’effort consenti. Il est dommage que ce principe fondamental soit de plus en plus oublié : déconstruction du droit du travail, transformation progressive du salarié en intermittent du travail, augmentation de la charge du travail pour le même salaire (tiens, j’ai déjà vu ça, chez Max Weber dans son texte de 1919 : Éthique protestante et esprit du capitalisme). En fin de compte, on est en train de revenir au travail journalier, comme l’a dit la ministre du travail en septembre. Si l’histoire humaine se compose de cycles, je crains que nous ne soyons dans une phase de régression…


Moralité : tiens, je n’ai pas fait les courses et il est un peu tard. Et si je me commandais une pizza ou des sushis ?

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Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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