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17/06/25 avec le Droit Humain : Bistro maçonnique à Poissy

Site officiel du Droit Humain

Le 17 juin 2025, la Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain organise un événement unique en son genre : un Bistro Maçonnique à Poissy, dans les Yvelines. Cet événement, conçu pour être accessible à tous, se déroulera dans une ambiance détendue et chaleureuse, propice aux échanges et à la découverte.

Les participants auront l’opportunité de partager un moment convivial autour d’un verre tout en discutant avec des membres actifs de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, une organisation qui se distingue par son engagement en faveur de la mixité dont elle est pionnière dans le monde et surtout de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Ce Bistro Maçonnique offre une occasion rare de mieux comprendre les valeurs et les principes qui animent cette obédience maçonnique. Fondée sur des idéaux humanistes, progressistes et universalistes, Le Droit Humain met l’accent sur la fraternité, la liberté de pensée et la recherche d’une société plus juste. Les visiteurs pourront poser toutes leurs questions, qu’il s’agisse de clarifications sur les rituels, les objectifs ou encore les engagements de l’organisation dans les débats sociétaux contemporains. Cet événement s’adresse aussi bien aux curieux qu’à ceux qui envisagent de s’initier à la franc-maçonnerie, dans un cadre décontracté et sans préjugés.

Ne manquez pas cette soirée qui promet d’être riche en échanges et en découvertes. Le Bistro Maçonnique de Poissy est une porte ouverte sur un univers souvent méconnu, où la réflexion philosophique et l’engagement humaniste se rencontrent. Pour plus de détails sur l’horaire et le lieu précis, ou pour vous inscrire, rendez-vous sur le site officiel de la Fédération française du Droit Humain. Venez nombreux pour partager un moment de dialogue authentique et enrichissant !

Venez avec vos questions, ils vous apporteront leurs réponses.

Inscription obligatoire : elisabeth.holmey@wanadoo.fr

Trouver les voies de la Paix au Proche-Orient

Appel du Grand Orient de Suisse aux Francs-maçons et franc-maçonnes suisses pour la fraternité, la justice et la paix.

Genève, le 28 mai 2025

Depuis le cœur de l’Europe, en terre de neutralité active, nous, francs-maçons du Grand Orient de Suisse, regardons avec effroi l’embrasement du Proche-Orient. Les cris des enfants, la souffrance des mères, les ruines qui s’accumulent sur les espoirs d’un avenir commun nous rappellent chaque jour l’urgence de la paix.

Nous n’oublions rien.

Ni l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, ignoble et injustifiable, que nous avons condamnée avec la plus grande fermeté.

Ni le droit légitime d’Israël à se défendre.

Mais ce droit ne saurait justifier l’ampleur des destructions et le prix payé par les civils de Gaza. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont deux peuples enfermés dans la spirale de la peur et de la haine. Deux peuples pris en otage par la logique des armes. Deux peuples qui méritent mieux que les logiques meurtrières que leurs dirigeants proposent.

La Suisse n’est pas un spectateur lointain. Elle porte en elle une tradition d’accueil, de dialogue, de médiation. C’est ici que bien des instruments du droit international ont vu le jour. C’est ici que les voix de la paix doivent à nouveau se faire entendre. Nous, francs-maçons du Grand Orient de Suisse, appelons à sortir de l’émotion brute et à retrouver la voie de la raison, de l’humanisme et de la justice.

Nous réaffirmons, avec gravité et espoir, les principes qui doivent guider toute résolution durable :

  • Le respect absolu de la vie humaine, partout, toujours ;
  • Le refus de toute violence terroriste, de toute vengeance aveugle, de toute punition collective ;
  • L’exigence de proportion et de responsabilité dans l’usage de la force ;

La reconnaissance pleine et entière des droits de tous les peuples, sans distinction ni hiérarchie.

Aucun peuple ne doit être condamné à la peur permanente. Aucun enfant ne doit grandir sous les bombes. Aucune cause, aussi légitime soit-elle, ne justifie la négation de la dignité humaine.

C’est pourquoi :

Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et à l’accès sans entrave à l’aide humanitaire pour la population civile de Gaza.

Nous appelons à la libération immédiate des otages encore détenus par le Hamas.

Nous appelons à la reprise d’un dialogue politique crédible, visant une solution juste et durable fondée sur la reconnaissance mutuelle, la coexistence de deux États souverains, libres et laïques.

Dans un monde où les passions l’emportent sur la pensée, où les réseaux colportent la haine, nous croyons qu’il est du devoir de la franc-maçonnerie, en particulier dans un pays comme le nôtre, de rappeler une vérité simple : nous sommes d’abord et avant tout des êtres humains.

  • Nous refusons les amalgames, les replis identitaires, la montée de l’antisémitisme comme de l’islamophobie.
  • Nous croyons que la fraternité n’est pas un vœu pieux, mais une exigence politique, éthique et spirituelle.
  • Nous croyons qu’il n’est jamais trop tard pour bâtir la paix, pourvu que l’on ose tendre la main.
  • Pour que les enfants de Gaza, de Tel-Aviv, de Haïfa, de Ramallah ou de Jérusalem puissent un jour se rencontrer sans peur, sans haine.
  • Pour que la justice, et non la vengeance, trace les contours d’un avenir commun.
  • Pour que le nom de Genève, ville de paix, reste associé aux efforts les plus nobles de l’esprit humain.

Nous, francs-maçons du Grand Orient de Suisse, appelons solennellement chacun et chacune, au Proche-Orient comme ici, à retrouver le chemin de la fraternité universelle, seul fondement d’une paix véritable et durable.

Le Conseil de l’Ordre du Grand Orient de Suisse

La Franc-Maçonnerie revient à Cadix avec une Tenue Blanche Ouverte

De notre confrère espagnol lavozdigital.es

Après des décennies d’absence, la Franc-maçonnerie revient à Cadix, une ville historiquement reconnue comme l’un des grands centres maçonniques d’Espagne. Ce retour symbolique marque une étape importante dans la renaissance de l’Ordre dans la région, longtemps marqué par la répression subie sous la dictature de Franco. La Respectable Loge Tartessos, basée à Séville, en collaboration avec le Triangle de Lumière et de Fraternité de Cadix, tous deux affiliés au Grand Orient de France, organise une réunion ouverte au public intitulée « Le Grand Orient de France : la Franc-Maçonnerie entre tradition et modernité ».

L’événement se tiendra le 31 mai 2025 à 18h00, dans un lieu emblématique : la grotte de la catacombe de Beaterio, située au 3 rue Valverde, en plein cœur de la capitale de Cadix. Cette réunion vise à célébrer le renouveau de l’activité maçonnique dans une ville où l’Ordre avait été éradiqué pendant des années, malgré son riche passé. Avec la transition démocratique, la Franc-Maçonnerie a connu un regain d’activité dans de nombreuses régions d’Espagne, mais Cadix était restée à l’écart de ce mouvement jusqu’à récemment.

Un programme riche et accessible

La soirée s’articulera autour de deux présentations principales, destinées à éclairer les participants sur les fondements et les pratiques de la Franc-Maçonnerie contemporaine. La première conférence, intitulée « Les clés du Grand Orient de France : valeurs maçonniques de l’obéissance », sera animée par Antonio Rosa, Vénérable Maître. Elle sera suivie d’une intervention d’Alejandro González, maître maçon, qui abordera le thème « Travail en Loge : le Temple Maçonnique, officiers, outils et rituels ». Ces exposés offriront un aperçu des valeurs, des symboles et des pratiques qui définissent l’Ordre aujourd’hui.

La réunion se conclura par une séance de questions-réponses, permettant au public d’approfondir sa compréhension et d’échanger directement avec les membres de la Loge. Enfin, une cérémonie de clôture sera suivie d’un apéritif informel à proximité, dans une ambiance conviviale propice au dialogue.

Une ouverture vers le public

Cet événement s’inscrit dans une démarche de transparence et d’accessibilité, visant à démystifier la Franc-Maçonnerie et à faire découvrir ses principes fondamentaux : liberté, égalité, fraternité, ainsi qu’un engagement pour la réflexion philosophique et le progrès social. Pour Cadix, cette réunion marque le début d’une nouvelle ère, où l’Ordre cherche à renouer avec son héritage tout en s’inscrivant dans la modernité. Une opportunité unique pour les curieux et les intéressés de découvrir une institution riche d’histoire et de valeurs humanistes.

Les Widow’s Sons France, ont offert plus de 150 baptêmes moto aux enfants

La 3e Édition du Tournoi International de Flag Rugby de Special Olympics France : Une Célébration de l’Inclusion et de la Fraternité

Le vendredi 23 mai 2025, le Parc des Sports du Plessis-Robinson, situé à Paris, a vibré au rythme de la 3e édition du Tournoi International de Flag Rugby organisé par Special Olympics France, en collaboration avec le Racing 92 et l’A.R.E.S.S.I.F. Cet événement, qui s’est déroulé du 22 au 24 mai, a réuni 16 équipes, dont 4 à 6 délégations européennes, pour un moment de sport, de partage et d’inclusion dédié aux jeunes en situation de handicap mental. Mais cette année, une touche supplémentaire de cœur et d’adrénaline a marqué l’événement grâce à un partenariat inédit avec l’association de bikers Widow’s Sons France, qui a offert plus de 150 baptêmes moto aux participants, ajoutant une dimension humaine et fraternelle à cette rencontre déjà exceptionnelle.

Un tournoi au service de l’inclusion

Special Olympics France, association loi 1901 reconnue d’utilité publique, a pour mission de transformer le regard de la société sur le handicap mental à travers le sport. Membre d’un mouvement international fondé en 1968 aux États-Unis, qui regroupe 5,6 millions d’athlètes dans 174 pays et bénéficie de la reconnaissance du Comité International Olympique, l’organisation promeut des événements ouverts à tous, sans élitisme ni critères de performance. Le tournoi de flag rugby à 7, qui s’est tenu en formats traditionnel et unifié (combinant athlètes en situation de handicap et partenaires sans handicap), incarne parfaitement cette philosophie. Comme le souligne le dossier officiel, l’objectif est de permettre à chacun, selon ses capacités, de « vivre et partager la joie du sport », de développer son estime de soi, de tisser des liens d’amitié et de voir ses compétences reconnues par tous.

Le programme de ces trois jours, détaillé dans le dossier, a été conçu pour allier compétition et convivialité. Le jeudi 22 mai, les équipes hébergées ont été accueillies à l’hôtel, suivi d’un repas convivial. Le vendredi 23, après un mot d’ouverture et un défilé des athlètes, la journée a été rythmée par le « divisionning » (évaluation des niveaux pour équilibrer les matchs) et le début des phases finales, avant un nouveau repas partagé le soir. Le samedi 24, les phases finales se sont conclues par une cérémonie des médailles, suivie d’un barbecue convivial pour toutes les équipes. Pour ceux ayant opté pour les activités supplémentaires, une visite de Paris en bateau-mouche et une soirée dansante ont clôturé l’événement en beauté.

Un partenariat inédit avec Widow’s Sons France

Cette année, le tournoi a été marqué par une initiative originale et émouvante : l’intervention de l’association Widow’s Sons France, qui a organisé plus de 150 baptêmes moto pour les jeunes participants. « Ce sont plus de 150 baptêmes moto que nous avons réalisés tout au long de la journée. Une expérience humaine forte, pleine de sourires, de frissons… et d’accélérations ! » peut-on lire dans le récit de l’association. Ce partenariat, une première avec un club professionnel de l’envergure du Racing 92, a permis de fusionner le monde du sport, celui du handicap et l’esprit de fraternité propre à la communauté des bikers. Les jeunes ont ainsi pu découvrir les sensations uniques d’une balade à moto, un moment de liberté et de partage qui a laissé des souvenirs indélébiles.

« C’est la première fois qu’un tel partenariat voyait le jour avec un club professionnel de cette envergure, et cette rencontre entre le monde du sport, du handicap et de la fraternité biker fut un vrai succès », témoigne Widow’s Sons France. « Le cœur de notre engagement associatif a pris tout son sens. » Les photos de l’événement, disponibles sur leur page Facebook (https://www.facebook.com/widowssonsfrance), capturent les sourires des jeunes, les regards émerveillés et l’enthousiasme des bénévoles, illustrant la puissance de cette initiative.

Un événement ancré dans une démarche inclusive

Le tournoi de flag rugby s’inscrit dans une longue tradition d’engagement de Special Olympics France, qui organise des événements nationaux et internationaux, y compris des Jeux Mondiaux d’été et d’hiver tous les quatre ans. Le dossier de l’événement rappelle que la précédente édition, qui s’appuie sur le succès de la deuxième édition de 2024 (où 125 athlètes s’étaient réunis), a rassemblé près de 150 participants cette année.

Le flag rugby, une variante sans contact du rugby, est particulièrement adapté aux événements de Special Olympics, car il permet à des joueurs de tous niveaux de participer en toute sécurité. Les équipes, composées de 10 athlètes (7 joueurs et 3 remplaçants pour le tournoi traditionnel, ou un minimum de 4 athlètes et 3 partenaires unifiés pour le tournoi unifié), doivent inclure des participants âgés d’au moins 14 ans. Les inscriptions, ouvertes aux établissements et associations, nécessitent une adhésion annuelle à Special Olympics France (70 € pour les structures accueillant des jeunes ou adultes non-salariés, 100 € pour celles accueillant des adultes salariés), ainsi qu’un certificat médical et une autorisation parentale pour chaque participant.

Des formules adaptées à tous les besoins

Le dossier propose quatre formules d’inscription pour répondre aux besoins des équipes. La formule 1 (30 € par personne) inclut l’accès au tournoi et deux repas (vendredi et samedi midi). La formule 2 (50 €) ajoute un repas le samedi soir, une visite en bateau-mouche et une soirée dansante. Les formules 3 (100 €) et 4 (150 €) incluent respectivement deux ou trois nuits d’hébergement, en plus des activités de la formule 2. Les équipes doivent préciser leurs besoins en hébergement (chambres twin, accessibilité pour fauteuils roulants, restrictions alimentaires) et confirmer leur participation aux activités optionnelles. Les inscriptions, accompagnées d’un règlement par chèque ou virement, doivent être envoyées avant le 16 mars 2025 à Special Olympics France, basé à Clichy.

Une invitation à la solidarité

L’événement ne se limite pas aux athlètes : les familles et proches sont chaleureusement invités à venir encourager les participants les 23 et 24 mai. Cette ouverture reflète l’esprit de Special Olympics, qui cherche à créer des ponts entre les communautés et à célébrer les capacités de chacun. Pour les organisateurs, Amaury Rouault (chef de projet événements solidaires) et Julien Payan (chargé des sports et événements solidaires), joignables respectivement au 07.62.93.18.22 et 07.62.93.18.23, cet événement est une occasion de

« montrer qu’il y a un champion en chacun de nous ».

La 3e édition du Tournoi International de Flag Rugby de Special Olympics France, enrichie par le partenariat avec Widow’s Sons France, a une fois de plus démontré que le sport peut être un puissant vecteur d’inclusion et de fraternité. Entre les matchs, les baptêmes moto, les repas conviviaux et les moments de célébration, ces trois jours ont offert aux jeunes participants bien plus qu’une compétition : une expérience humaine profonde, marquée par la joie, le partage et la reconnaissance de leurs talents.

Un Conseiller de l’Ordre du GODF au cœur de l’affaire Le Scouarnec

Henri Sandillon face à l’éthique maçonnique et aux silences du système médical

Un parcours médical et maçonnique sous les projecteurs

Henri Sandillon, médecin ORL retraité de 73 ans, est une figure qui allie une carrière médicale respectable à un engagement profond au sein de la franc-maçonnerie, notamment en tant que Conseiller de l’Ordre du Grand Orient de France (GODF). Ce rôle, qui incarne l’éthique et les valeurs humanistes de l’obédience maçonnique, place Sandillon sous une lumière crue dans le cadre de l’affaire Joël Le Scouarnec, l’un des plus retentissants scandales de pédocriminalité en France.

Alors que cette affaire met en lumière des dysfonctionnements systémiques dans le monde médical, le témoignage controversé de Sandillon devant la cour criminelle du Morbihan soulève des questions sur sa responsabilité professionnelle et sur la compatibilité de son comportement avec les principes maçonniques. Cet article explore le parcours de Sandillon, détaille l’affaire Le Scouarnec, analyse son implication et interroge la position de son Obédience, en l’occurrence, le GODF, et notamment le lourd silence en pareille crise morale de son actuel Grand Maître, Nicolas Penin, ultime gardien des valeurs éthiques.

Un médecin et Franc-maçon influents

Crédit : GODF

Henri Sandillon a exercé pendant plusieurs décennies en tant que médecin ORL, notamment à l’hôpital de Jonzac (Charente-Maritime), où il a occupé le poste de président de la Commission Médicale d’Établissement (CME) de 2007 à 2017. Ce rôle, bien que qualifié par Sandillon « d’honorifique », impliquait, quoi qu’il en fût, une responsabilité principale dans le recrutement et la supervision des soignants, donnant à l’intéressé un accès direct aux dossiers administratifs, y compris aux casiers judiciaires des candidats. Sa carrière médicale, marquée par un engagement dans la gestion hospitalière, témoigne d’une expertise reconnue dans son domaine.

Parallèlement, Sandillon s’est illustré, au sein du Grand Orient de France, l’une des principales obédiences maçonniques françaises, qui revendique haut et fort les valeurs républicaines, la laïcité et la défense des droits humains, en tant que Conseiller de l’Ordre, un poste prestigieux au sein de l’obédience, et y exerça même les fonctions de Grand Officier délégué à la réflexion sur la fin de vie, à la santé et aux droits des femmes et des enfants (sic – ce n’est pas nous qui inventons : c’est l’exact libellé !). Ainsi chargé de veiller à l’intégrité éthique et au respect des principes maçonniques, Sandillon avait accepté un rôle qui exige une exemplarité irréprochable, mais peut-être n’était-ce encore qu’un hochet… « honorifique » ?

L’affaire Joël Le Scouarnec : un scandale pédocriminel d’ampleur historique

Joël Le Scouarnec : l’ombre d’un prédateur – (Crédit : TF1)

L’affaire Joël Le Scouarnec, jugée devant la cour criminelle du Morbihan depuis le 24 février 2025, est l’une des plus graves affaires de pédocriminalité en France. Joël Le Scouarnec, ancien chirurgien ORL de 74 ans, est accusé de viols et d’agressions sexuelles aggravées sur près de 300 victimes, principalement des enfants de moins de 15 ans, entre 1989 et 2014. Ces crimes, commis dans plusieurs établissements hospitaliers où Le Scouarnec a manié un peu plus que le bistouri, ont été documentés par l’accusé lui-même dans des « carnets noirs » où il consignait minutieusement ses actes. Le procès, qui s’est achevé hier, le 28 mai 2025, par une condamnation à 20 ans de réclusion criminelle assortie d’une peine de sûreté des deux tiers, a révélé non seulement l’ampleur des crimes de Le Scouarnec, mais aussi les défaillances systémiques du système médical français, qui a permis à un prédateur condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques de continuer à exercer sans surveillance ni contrôle.

L’affaire a débuté en 2017, lorsque Le Scouarnec a été arrêté pour le viol de sa jeune voisine à Jonzac. Cette interpellation a conduit à la découverte de ses carnets, révélant l’étendue de ses crimes. Malgré une condamnation en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d’images pédopornographiques, Le Scouarnec a pu poursuivre sa carrière, passant d’hôpital en hôpital (Quimperlé, Jonzac, Loches) sans que des mesures disciplinaires significatives ne soient prises. Les victimes, dont beaucoup étaient des patients sous anesthésie ou en phase de réveil, ont dénoncé un « système de déni » et une « lâcheté institutionnelle » qui ont permis à Le Scouarnec de sévir pendant près de trois décennies.

L’implication controversée d’Henri Sandillon

Le rôle d’Henri Sandillon dans l’affaire Le Scouarnec a été mis en lumière lors de son témoignage devant la cour criminelle du Morbihan le 16 mai 2025.

En tant que président de la CME de l’hôpital de Jonzac, Sandillon a joué un rôle clé dans le recrutement de Le Scouarnec en 2007, alors que ce dernier venait de quitter l’hôpital de Quimperlé après des signalements inquiétants.

Lors de son audition par les gendarmes en 2017, Sandillon avait admis avoir été informé par Le Scouarnec lui-même de sa condamnation de 2005 pour détention d’images pédopornographiques. Il avait rapporté que Le Scouarnec avait minimisé les faits, les qualifiant de « bêtises », et que lui-même n’avait pas cherché à approfondir. Cependant, face à la cour en 2025, Sandillon a radicalement changé de version, niant avoir eu connaissance de cette condamnation avant l’arrestation de Le Scouarnec en 2017.

Cette volte-face, qualifiée de « faux témoignage » par l’avocat général de la cour criminelle et par la présidente du tribunal, a suscité une vague d’indignation dans la salle d’audience.

Comme l’a rappelé la présidente, un faux témoignage est passible de 7 années de prison et de 100 000 € d’amende. Les avocats des parties civiles, tels que Romane Codou et Myriam Guedj Benayoun, ont pointé du doigt les contradictions de Sandillon. Un extrait de l’émission Envoyé spécial de 2020, filmé en caméra cachée, a révélé que Sandillon avait réitéré ses déclarations de 2017, confirmant qu’il était au courant de la condamnation de Le Scouarnec quelques mois après son arrivée à Jonzac. Dans cet échange, il a même cru pouvoir relativiser la gravité des faits, comparant la consultation de sites pédopornographiques à une faute banale. Cette attitude a choqué les victimes et leurs représentants, qui y voient une complicité passive face à un prédateur connu.

Sandillon a tenté de justifier son inaction en invoquant les difficultés économiques de l’hôpital de Jonzac, menacé de fermeture, faute de chirurgiens compétents. Il a affirmé s’être « battu bec et ongles » pour maintenir le service de chirurgie, suggérant que l’urgence de recruter un chirurgien qualifié comme Le Scouarnec l’a emporté sur les signaux d’alerte. Cependant, cette explication, qui fait litière des préoccupations éthiques, n’a pas convaincu la cour, d’autant que Sandillon, en tant que président de la CME, avait accès au dossier de Le Scouarnec, incluant son casier judiciaire. La présidente de la cour, Aude Buresi, a souligné les contradictions du témoin, laissant entendre que des poursuites pour faux témoignage pourraient être envisagées.

Aveugle en canne blanche qui traverse la route.

Par sa cécité éthique, Sandillon a permis de « couvrir » les crimes pédophiles de Le Scouarnec pendant sept ans, période durant laquelle environ 120 victimes ont été agressées à l’hôpital de Jonzac. Cette inaction, qu’elle soit motivée par la négligence ou par la priorité donnée aux impératifs économiques, fait de Sandillon un complice de fait, dans cette épouvantable affaire d’une abominable abjection. Même si sa responsabilité pénale reste à établir (comme celle de beaucoup d’autres qu’un esprit de corps a rendu effroyablement lâches), son manquement à son devoir de vigilance en tant que responsable médical ne saurait s’accommoder de la simple excuse de « regarder ailleurs ». Une telle attitude, alliant une minimisation des faits à des contradictions répétées, marques d’un courage de bout en bout défaillant, n’a pu qu’aggraver la défiance du public envers les institutions médicales… mais aussi, maçonniques, pour ce qui est précisément de Sandillon.

Le positionnement du Grand Orient de France : une crise éthique

L’implication d’Henri Sandillon dans l’affaire Le Scouarnec pose une question cruciale :

Comment un Conseiller de l’Ordre du GODF, censé incarner des valeurs de justice et de responsabilité, a-t-il pu fermer les yeux sur des informations aussi graves ?

Le GODF, en tant qu’obédience maçonnique, prône l’éthique, la transparence et la défense des plus vulnérables. Le comportement de Sandillon, qui semble avoir privilégié les impératifs économiques de l’hôpital plutôt que la sécurité des patients, apparaît en flagrante contradiction avec ces principes, aussi bien qu’avec le serment d’Hippocrate qu’il a prêté et qui stipule notamment : « J’interviendrai pour protéger [les personnes] si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité ». Cette situation interroge donc lourdement la responsabilité individuelle de Sandillon et elle ne saurait conduire le GODF à la même cécité, à la même incapacité à tirer la moindre conséquence des errements graves de certains de ses membres et ce, d’autant plus s’ils sont influents et ont une certaine visibilité.

Nicolas Penin Grand Maître du GODF (Crédit : GODF)

Nicolas Penin, actuel Grand Maître du GODF depuis septembre 2024, était auparavant Garde des Sceaux, un poste chargé de veiller à la discipline et à l’éthique au sein de l’obédience. En tant que tel, Penin n’a certainement pas manqué d’être informé, au cours de la période, comme un large public, d’une controverse impliquant un haut dignitaire, le Frère Henri Sandillon. Cependant, aucune information rendue publique n’atteste que Penin, en tant que Garde des Sceaux ou Grand Maître, ait pris des mesures spécifiques concernant Sandillon, avant ou pendant le procès Le Scouarnec. Cette absence de réaction publique, surtout depuis la révélation des faits le 16 mai 2025, soulève des interrogations sur la gestion des crises éthiques au sein du GODF. Alors que l’obédience s’engage régulièrement sur des questions sociétales, telles que la protection des droits des enfants, le silence de Penin et du GODF dans cette affaire contraste avec le discours officiel. Cela pourrait refléter une vision à courte vue où l’on cherche à échapper à l’exposition de l’obédience en faisant le dos rond, mais, à terme, l’image se détériore. Rester aux abris n’est jamais une attitude glorieuse.

Comment Sandillon n’a-t-il pas encore démissionné du GODF ? Comment Nicolas Penin, si prompt à réunir la Section Permanente de la Chambre Supérieure de Justice Maçonnique (csjm), dans d’autres contextes, n’a-t-il toujours pas réagi ?

Cet attentisme contraste avec la rapidité avec laquelle le Conseil de l’Ordre, sous l’influence de Penin en tant que Garde des Sceaux, a su réunir en urgence une session pour voter la traduction en justice maçonnique de Daniel Keller, ancien Grand Maître, en 2023. Cette affaire, révélée par des sources maçonniques, visait à empêcher le retour de Keller aux affaires, permettant ainsi l’ascension de Guillaume Trichard, proche de Penin et tout comme lui permanent de l’UNSA. Cette différence de traitement – une diligence pour des enjeux de pouvoir interne, un silence face à une affaire de pédocriminalité – suggère un lamentable deux poids, deux mesures : lamentable sur les deux points. La gouvernance du GODF n’en sort pas grandie. On souhaiterait, à tout le moins, une meilleure pratique des règles éthiques que l’on proclame à tout bout de champ !

Une responsabilité collective mise en cause

Au-delà de Sandillon, l’affaire Le Scouarnec met en lumière un « naufrage collectif », comme l’ont décrit les avocats des parties civiles. D’autres responsables, comme la directrice de l’hôpital de Jonzac, Annie Podeur, ont également admis avoir été informés de la condamnation de 2005 sans prendre de mesures. Un psychiatre, Thierry Bonvalot, avait alerté dès 2006 sur la dangerosité de Le Scouarnec à Quimperlé, mais ses avertissements sont restés sans suite. Ces défaillances institutionnelles ont permis à Le Scouarnec de continuer à exercer, aggravant le nombre de victimes.

Le procès a également révélé une indifférence publique et politique, les victimes déplorant le manque de retentissement de l’affaire par rapport à d’autres scandales, comme celui de Mazan ou de Bétharram. Cette « omerta » dénoncée par les avocats reflète un malaise plus large dans la société française face à la pédocriminalité, un sujet que beaucoup préfèrent éviter.

Un défi pour le GODF et la société

L’implication d’Henri Sandillon dans l’affaire Le Scouarnec est un révélateur des tensions entre responsabilité individuelle et défaillances systémiques. En tant que médecin et président de la CME, Sandillon a manqué à son devoir de vigilance, contribuant à la tragédie vécue par les innombrables victimes de Le Scouarnec, dont environ 120 à Jonzac sur une période de dix ans. En tant que Conseiller de l’Ordre du GODF, son attitude soulève des questions qui dépassent sa personne et qui mettent en cause la capacité de l’obédience à incarner elle aussi les valeurs qu’elle défend.

Rue Cadet à Paris siège du GODF
Rue Cadet à Paris siège du GODF

L’affaire Le Scouarnec ne se limite pas à la culpabilité d’un individu ; elle interroge sur les silences complices, les priorités mal placées et les mécanismes qui permettent à des prédateurs de prospérer. Pour le GODF, elle représente une occasion de réaffirmer ses valeurs par des actions concrètes, notamment en soutenant les victimes et en sanctionnant les manquements éthiques. Pour la société française, elle appelle à une prise de conscience collective sur la nécessité de protéger les plus vulnérables, au-delà des impératifs économiques ou institutionnels. L’absence de démission de Sandillon et le silence de Penin risquent de renforcer l’impression d’une justice à géométrie variable, où les principes maçonniques sont invoqués sélectivement, au mépris des victimes et de la vérité.

Éthique médicale et Intelligence Artificielle

Moshe Vardi, éminent chercheur israélo-américain et professeur d’informatique, a écrit en 2016 que le vrai risque était que les machines en viennent à surpasser l’homme dans tant de tâches que cela pose la question de l’utilité de l’espèce humaine, et que la moitié de l’humanité soit mise au chômage.[i]

Ce risque est aussi pris au sérieux sur le plan juridique. Ainsi, le parlement européen, a demandé à la commission d’étudier le fait qu’un robot doté d’une intelligence artificielle puisse être considéré comme une personne au sens juridique du terme.
En fait, le principe envisagé par le Parlement européen viserait à conférer à la personnalité électronique à tout robot chargé de prendre des décisions autonomes ou d’interagir de manière indépendante avec des tiers[ii]

Cela signifierait qu’une machine ainsi dotée de la personnalité juridique, pourrait être condamnée à réparer un dommage causé à un tiers, au même titre qu’une personne morale et physique.

Évidemment, d’aucuns estiment que c’est le programmeur qui doit être poursuivi, et non la machine, qui ne fait qu’exécuter. Toute la question est ainsi posée de savoir si l’intelligence artificielle est vraiment de l’intelligence – à défaut d’avoir le moins du monde le début du commencement de la conscience de quoi que ce soit…
Cette question de la responsabilité a des prolongements extrêmement graves. C’est sans doute ce qui a poussé  il y’a quelques années 244 organisations et 3187 chercheurs, ingénieurs et personnalités parmi les plus respectées du secteur de l’intelligence artificielle à signer une lettre ouverte par laquelle ils s’engagent à s’opposer à la conception et à l’utilisation d’armes létales autonomes, précisant qu’en tout état de cause, « la décision de prendre une vie humaine ne devrait jamais être déléguée à une machine. ».[iii]

A l’opposé de tout ce qui peut être utilisé pour mettre fin à une vie, il y a tout ce qui peut être utilisé pour la sauver ou simplement la prolonger.

L’intelligence artificielle est bien plus qu’une  nième évolution technologique. C’est une véritable révolution, qui touche l’ensemble de l’activité médicale, notamment le diagnostic et l’imagerie médicale, voire crée de nouvelles disciplines ou offre de nouvelles possibilités, comme la télémédecine ou la chirurgie robotisée à distance.

Nous sommes entrés sans toujours nous en rendre compte dans l’ère de la santé numérique. Les médecins s’ouvrent à une nouvelle pratique, celle de la médecine « 5P », prouvée, prédictive, préventive, personnalisée et participative », à l’aide de technologies mettant en œuvre les algorithmes et le recours à des dispositifs médicaux connectés, communicants.

Les géants de la Silicon Valley , Google, Apple, Facebook, y participent pleinement, mais aussi des centaines de start up, mobilisant des milliers de médecins, ingénieurs et mathématiciens.

Naturellement, tout ceci n’est possible que grâce aux progrès des machines, en rapidité et en volume traité et stocké, d’où résulte leur aptitude à engranger, intégrer, analyser et interpréter des quantités considérables de données, les fameuses big data.
Les systèmes proposés ont recours au data mining, qui a pour objet la découverte de connaissances dans un grand volume de données provenant de bases de données, et leur analyse à la recherche de régularités, ou d’irrégularités, en tous cas de relations jugées intéressantes.
L’étape suivante est celle du machine learning, qui est celle de l’acquisition de connaissances, de l’apprentissage ou de l’amélioration de la capacité à résoudre des problèmes.

L’exemple le plus fameux est celui démontré par IBM avec son supercalculateur Watson.
En 2016, le supercalculateur IBM Watson diagnostique une leucémie chez une patiente japonaise de 60 ans. L’ordinateur conseille les médecins, qui adaptent leur traitement et la guérissent. [iv] Comment ?
Watson fonctionne grâce au machine learning, qui est donc cette branche de l’intelligence artificielle qui extrait de l’information à partir de big data.
Les données de Watson viennent de millions de dossiers médicaux. L’information qu’il en tire lui permet de réaliser d’une part des diagnostics (y compris de pathologies rares ou complexes) et d’autre part des prescriptions .  Dans ce cas, l’ordinateur a trouvé le type de la leucémie ainsi que le traitement adapté. L’état de la patiente s’est amélioré.
Il faut bien comprendre que La technologie d’IBM diffère de celle mise en œuvre par la médecine traditionnelle : le logiciel n’analyse pas les symptômes pour identifier une pathologie ; il exploite l’information disponible en ligne.
En fait, Il analyse 300 pages de données en 1/2 seconde en 7 langues. Watson parcourt différents types de données sur Internet : tweets, blogs, articles journalistiques et scientifiques, etc.
Ces données constituent un énorme corpus de savoir, mais sans structure. Le programme implanté dans Watson a pour objet de construire des connexions entre ces données éparses, pour créer son expertise.
Watson analyse des comptes rendus cliniques, de biologie, d’imagerie et les compare à son corpus,  avant de fournir un diagnostic. Ceci vaut en cancérologie mais aussi en cardiologie, en orthopédie, en ophtalmologie… Peu à peu, toutes les disciplines médicales sont concernées.

Bien entendu, en tous cas pour l’instant, c’est au médecin que revient le choix final de la prise en charge de malade. Si le praticien décide de ne pas se fier à une proposition diagnostique et thérapeutique suggérée par Watson, il l’en informe.

Le programme est ainsi conçu que Watson corrige alors son raisonnement par un processus bayésien, c’est-à-dire fondé sur un calcul de probabilité qui s’interprète comme le degré de confiance à accorder à une cause. La probabilité de chacune des hypothèses est révisée à chaque nouvelle observation et s’affine de plus en plus. De cette manière, un diagnostic proposé par Watson indique qu’une maladie plus qu’une autre est probablement à l’origine des symptômes d’un patient.

Les défenseurs du système assurent que l’ordinateur n’est pas face au médecin mais avec lui. Et ils jurent que Watson n’a pas vocation à remplacer le médecin mais à l’aider.

Toutefois,  la question de la responsabilité reste posée… Que se passe-t-il si un médecin refuse la proposition de diagnostic ou de traitement faite par la machine à partir de l’analyse de centaines et de milliers d’observations de patients, et que l’issue pour son malade ne soit pas favorable ? En d’autres termes, jusqu’où va la liberté de son jugement par rapport à ce qui est présenté comme la vérité, même si ce n’est en fait qu’une vérité statistique ?

Dans un univers autre que celui de la médecine, mais que j’affectionne également, vous vous souvenez certainement de cet avion en panne que son commandant de bord a réussi à poser sur l’Hudson, sauvant ainsi tous les passagers et les membres de son équipage. Les systèmes automatisés lui indiquaient pourtant de virer pour gagner l’un des aéroports de la région de New York.                                                                                     
On a reproché au commandant d’avoir suivi son jugement, lié à son expérience et à son instinct, plutôt que les recommandations de la machine. Une reconstitution a permis de montrer qu’en fait, c’est le choix du commandant de bord qui était le bon. Les manœuvres dictées par le système auraient conduit à un crash[v]. Qui en aurait été responsable ? Et comment condamner et punir une machine ?

Revenons un instant à l’intelligence artificielle et à ses applications médicales.
Indiscutablement, l’intelligence artificielle offre de formidables opportunités en matière d’économie de la connaissance. Ses apports potentiels à la pratique médicale sont considérables.
Mais la responsabilité de la relation médecin-malade ne peut être abandonnée à des machines, si perfectionnées et performantes soient-elles.

Le Professeur Guy Vallancien a écrit, dans son livre « La médecine sans médecin ? », ces lignes essentielles : « Je serai dépossédé des outils qui faisaient mon métier de médecin, techniquement. En revanche, ce qui restera est la relation humaine. Le médecin sera à la disposition du malade qui, quoi qu’il arrive, ne croira jamais l’ordinateur. Il aura toujours besoin d’une personne qui le conforte. »[vi]

Pascal Picq est maître de conférences au Collège de France, paléo-anthropologue, fin connaisseur du transhumanisme. Dans son livre Le Nouvel Age de l’humanité, il écrit ceci : « […]Si les avancées des sciences et des techniques deviennent les maîtresses de la procréation et de l’éradication de la mort., comme le promettent les transhumanistes, nous entrons dans une ère posthumaine qui devra réinventer sa position dans le cosmos, tout comme ses règles éthiques et sociales […][vii]

Les chercheurs décrivent de plus en plus clairement le socle qui définit les origines du récit universel et la genèse de l’humanité.

La suite de l’aventure humaine reste à inventer, et il serait irresponsable de laisser un seul groupe, une seule fraction de la société humaine, s’en préoccuper et imposer à l’ensemble la vision qu’elle porte pour les temps à venir.

Rappelons pour conclure quelques-uns des principes universels qui régissent l’ensemble des sociétés humaines, depuis l’aube de l’humanité : toute technologie est duale, au sens où elle peut servir à faire le bien comme le mal. Un couteau peut  servir à trancher ou à tuer. C’est l’usage que l’on en fait qui l’associe au bien ou au mal.
L’intelligence artificielle n’échappe pas à cette règle. Pour autant qu’il nous soit donné d’y avoir quelque influence, souvenons-nous que notre vocation, notre formation et notre déontologie nous engagent à combattre pour le bien et contre le mal, dans tous les domaines de notre vie et de nos activités.

Une grande partie des considérations éthiques soulevées tiennent à l’opacité de ces technologies : l’intelligence artificielle est susceptible d’apporter des solutions d’une grande efficacité, en faisant appel à un nombre de donnés considérable, et à la définition d’algorithmes. 

Or dès lors qu’on en comprend mal le fonctionnement interne, le recueil, le traitement et l’analyse de ces données, comme la construction et l’utilisation des algorithmes, posent le problème de ce qu’on appelle couramment la « boîte noire ».

On mesure bien l’enjeu éthique de cette problématique, et l’importance de veiller à la transparence en la matière, dans l’esprit de quête de vérité auquel nous nous sommes engagés. Les sauts technologiques auxquels nous assistons doivent aller de pair avec un saut de conscience, si nous ne voulons pas soumettre notre existence aux choix algorithmique  des robots collaboratifs.

L’intelligence artificielle représente un enjeu économique majeur. Mais elle a tout autant une dimension sociale, qui implique des enjeux liés à l’éthique et à la morale : elle doit être mise au service du bien commun et de la société. On pourrait parler ici de la composante humaniste de la question.

Il faut donc réfléchir et bien définir quelles sont les données, les tâches de la machine, l’explicabilité, les décisions qui lui sont déléguées, les informations données aux utilisateurs et la responsabilité des concepteurs et des programmeurs. Ce dernier point est essentiel, parce que les valeurs morales ont pour origine la notion de responsabilité. Et à l’origine de la responsabilité, il y a la dialectique entre donner, selon la loi de justice, et recevoir, selon la loi d’amour.

L’intelligence artificielle augmente et démultiplie l’intelligence, mais elle n’a, ni ne peut avoir, aucun esprit, pas de dimension spirituelle, pas de valeurs morales, pas d’éthique. Ces préoccupations sont notre privilège. Il ne saurait être question de nous en déposséder…


[i] Moshe Vardi, Technology for the most effective use of mankind. ACM 2017
[ii] Parlement européen Résolution du 16 février 2017 : recommandations 2017 à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique
[iii] Future of Life Institute Lethal Autonomous Weapons Pledge FLI 2018                
[iv] James Miller IBM Watson Projects Packt 2018     
[v] National Transportation Safety Board   Final Repost Flight US1549  NTSB  2010
[vi] Guy Vallancien, La médecine sans médecin ?  Gallimard 2015
[vii] Pascal Picq, Le Nouvel Age de l’humanité Allary 2018

 

 

Yves Dupont : « L’empreinte de DIEU »

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Les paradoxes du monde quantique ne remettent-ils pas en cause la frontière que l’on croyait rigide entre matière et esprit ? Le fait que la conscience semble « influer » la matière fait-il bouger cette frontière ? Si l’acte de mesure change l’état physique d’un système quantique, alors quelle est la nature réelle du monde avant qu’on l’observe ?
Si l’on refuse le hasard aléatoire dans un univers actuellement si connecté existerait-il un ordre supérieur que nous ne comprenons pas encore ?

Si tout est interconnecté, sommes nous alors réellement séparés des autres ou fondamentalement unis = La non-séparabilité ( ou intrication) est-elle une métaphore de la fraternité universelle ?

Pour clore la quantité de questions auxquelles répond cet ouvrage : le monde quantique ouvre- t-il une voie pour penser Dieu non plus comme un dogme mais comme une réalité au cœur même de la matière ?

L’AUTEUR

YVES DUPONT est docteur en physique théorique, agrégé de physique :
 * Professeur en classes préparatoires aux grandes écoles – Enseigne la physique dans des établissements prestigieux, notamment au collège Stanislas à Paris.
* Conférencier – Intervient régulièrement sur les liens entre science et spiritualité,
 * Chercheur – auteur d’articles de physique publiés dans des revues scientifiques internationales.
 

La Grande Loge Traditionnelle et Symbolique d’Afrique signe la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité

Un engagement pour l’avenir

Dans un monde confronté à des crises écologiques, sociales et éthiques sans précédent, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique d’Afrique (GLTSA) a marqué l’histoire en signant, dans un geste empreint de solennité et de responsabilité, la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité. Cette démarche, annoncée en mai 2025, fait de la GLTSA la deuxième obédience maçonnique à rejoindre cette initiative mondiale, après le Grand Orient de Suisse, qui en fut l’instigateur.

Ce moment décisif illustre l’engagement résolu de la franc-maçonnerie africaine à porter les valeurs universelles de solidarité, de justice et de préservation du vivant au cœur des enjeux contemporains.

Une Déclaration pour un monde en mutation

Christophe Ravel

La Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité, adoptée en 2016 sous l’égide de Corinne Lepage, ancienne ministre française de l’Environnement, transcende la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948 en intégrant une vision prospective et écologique. Ce texte novateur consacre des droits fondamentaux pour l’humanité et les générations futures, notamment le droit à un environnement sain, à la préservation des biens communs (eau, air, biodiversité), et à une gouvernance responsable. Il appelle également à une solidarité intergénérationnelle, plaçant la transmission d’un monde viable au cœur de ses principes.

En signant cette déclaration, la GLTSA s’inscrit dans une dynamique mondiale qui dépasse les frontières et les traditions. Elle répond à l’urgence des défis actuels – changement climatique, érosion de la biodiversité, inégalités croissantes – tout en restant fidèle à l’esprit maçonnique : travailler à l’amélioration matérielle et morale de l’humanité, comme le veut l’idéal de la franc-maçonnerie depuis ses origines.

La GLTSA, une voix africaine pour l’humanisme

Mohamed Zorko TRGM de la GLTSA.

Fondée sur des valeurs de tradition, de spiritualité et d’engagement humaniste, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique d’Afrique réunit des loges à travers le continent africain et au-delà, unies par le désir de promouvoir la fraternité et la justice sociale dans un contexte culturel riche et diversifié. En paraphant la Déclaration, la GLTSA affirme son rôle de pionnière en Afrique, où les défis environnementaux et sociaux sont particulièrement aigus. Des crises comme la désertification, l’accès à l’eau potable ou les inégalités économiques touchent de plein fouet les populations africaines, et la GLTSA s’engage à porter ces enjeux dans ses travaux et ses actions.

Ce geste n’est pas seulement symbolique : il traduit une volonté concrète d’agir. En s’appuyant sur les principes de la Déclaration, la GLTSA envisage de promouvoir des initiatives éducatives, des projets de développement durable et des dialogues intercommunautaires. Par exemple, des loges pourraient s’impliquer dans des programmes de reforestation, de sensibilisation à l’écologie ou de soutien aux communautés vulnérables, en résonance avec les valeurs de la franc-maçonnerie africaine, qui valorise l’harmonie entre l’homme et son environnement.

Un appel à l’ensemble de la Franc-maçonnerie

Christophe Ravel

L’initiative de la GLTSA, suivant les pas du Grand Orient de Suisse, marque un tournant dans l’engagement des obédiences maçonniques face aux défis du XXIe siècle. La franc-maçonnerie, par son histoire et ses valeurs, a toujours été un laboratoire d’idées et un moteur de progrès social. Des figures comme Benjamin Franklin ou Lafayette, jusqu’aux combats pour la laïcité et les droits humains au XXe siècle, ont démontré sa capacité à influencer positivement le cours de l’histoire. Aujourd’hui, la signature de la Déclaration par la GLTSA rappelle que la franc-maçonnerie peut – et doit – jouer un rôle dans la construction d’un avenir durable.

Ce geste fort est un appel vibrant aux autres obédiences maçonniques, qu’elles soient en Europe, en Amérique, en Asie ou ailleurs, à rejoindre ce mouvement. En s’engageant pour les droits de l’humanité et des générations futures, les loges peuvent traduire leurs idéaux en actions concrètes : conférences publiques, partenariats avec des ONG, ou encore travaux symboliques sur la responsabilité écologique. La GLTSA montre la voie, prouvant que la franc-maçonnerie peut être une force d’unité et de transformation dans un monde fracturé.

Une opportunité historique

Alors que les crises globales s’intensifient, la signature de la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité par la GLTSA est un signal d’espoir. Elle rappelle que la franc-maçonnerie, loin de se limiter à des rituels ou à une introspection spirituelle, est une force vive, capable d’agir pour le bien commun. Cet engagement invite chaque Sœur et chaque Frère à réfléchir : comment, dans nos loges et dans nos vies, pouvons-nous incarner ces valeurs de justice, de solidarité et de respect du vivant ?

La GLTSA, par ce geste audacieux, adresse un message clair : l’heure est venue pour la franc-maçonnerie mondiale de s’unir autour d’un projet commun, celui d’un monde où l’humanité et la nature coexistent en harmonie. Que cette signature inspire d’autres obédiences à saisir cette opportunité historique et à faire résonner, à leur tour, les idéaux de progrès et de fraternité universelle.

Élucubrations au sujet de la Fraternité, par Stéphane GEBLER

Commençons par le début. La franc-maçonnerie moderne, telle que nous la connaissons, voit le jour en 1717, avec la création de la première Grande Loge à Londres, marquant l’émergence d’une franc-maçonnerie spéculative. Certains historiens préfèrent dater son acte de naissance en 1723, année de la publication des Constitutions d’Anderson, texte fondamental qui codifie ses principes. Cependant, ses racines plongent bien plus loin, s’inspirant des grands mythes fondateurs – d’Hiram, architecte du Temple de Salomon, aux légendes des bâtisseurs de l’Antiquité.

Certains initiés vont jusqu’à affirmer, avec une pointe de poésie, que la franc-maçonnerie perpétue un esprit universel, une quête de lumière présente dès l’aube de l’humanité. Souvent, on attribue maladroitement ses origines aux bâtisseurs de cathédrales, aux Templiers, ou encore aux constructeurs des pyramides. Si ces filiations historiques sont discutables, elles témoignent de la richesse symbolique de la franc-maçonnerie, qui puise dans les traditions opératives et spirituelles pour nourrir sa démarche initiatique. Portée par des valeurs humanistes, parfois teintées d’un héritage chrétien – comme la fraternité ou la recherche de vérité –, elle a pourtant été réprouvée par l’Église catholique romaine, qui, dès 1738 avec la bulle In Eminenti du pape Clément XII, excommunie ses membres, y voyant une menace à son autorité.

Parmi les rites maçonniques les plus influents, le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) occupe une place centrale. Né officiellement en 1801 à Charleston, aux États-Unis, sous l’impulsion de figures comme John Mitchell et Frederick Dalcho, ce rite s’appuie sur les Constitutions de 1786, attribuées à Frédéric II de Prusse, bien que leur authenticité historique fasse débat. Forgé dans un contexte transatlantique, entre Saint-Domingue et les Amériques, le REAA structure ses 33 degrés autour d’une quête spirituelle et philosophique, mêlant symbolisme, éthique et réflexion sur l’humain. Ainsi, la franc-maçonnerie, loin d’être une simple institution, est une voie d’initiation qui transcende les époques et les cultures. Entre mythe et histoire, elle invite chaque initié à construire son temple intérieur, tout en œuvrant pour un monde plus juste et fraternel.

Les Anglais nous reprochent une certaine irrégularité dans nos travaux et ne nous reconnaissent pas, mais tous s’accordent à dire que les valeurs de la franc-maçonnerie sont universelles. Pourtant, il n’est pas aisé de définir ces valeurs ni d’ordonner nos pensées à leur sujet. Vous me direz : quel lien avec la fraternité ? C’est précisément là que tout se rejoint. Définir la fraternité, c’est comme parler de la franc-maçonnerie : une tâche complexe. Ce terme, central en maçonnerie au même titre que l’harmonie ou le progrès, semble évident, mais sa signification nous échappe souvent. Utilisé dans la confusion, il incarne une idée que l’on croit comprendre sans jamais en réclamer une définition claire. De quoi parle-t-on, au fond ?

Le jour de mon initiation, un frère qui avait 25 ans d’ancienneté, m’a d’emblée donné les clés du secret maçonnique en m’expliquant qu’il y a une différence entre la tolérance et la fraternité. Selon lui, la tolérance c’est de savoir qu’il y a autant de cons en Franc-maçonnerie que dans les autres groupes sociaux, la fraternité consiste à ne pas les nommer.

Alain Graesel, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, nous offre une réflexion profonde et universelle lorsqu’il déclare : « Il est souvent plus aisé de donner des leçons que de donner l’exemple. » Cette sentence, qu’il s’adressait d’abord à lui-même avec l’humilité d’un initié, résonne comme un appel à l’introspection pour chacun d’entre nous, maçons ou non. Elle nous invite à dépasser les mots pour incarner, par nos actes, les valeurs que nous professons.

Alain Graesel

Pour Alain Graesel, la fraternité ne se réduit pas à une simple tolérance, attitude passive qui se contente d’accepter l’autre. Elle est bien davantage : un acte réfléchi, mûrement pesé, qui exige de conjuguer raison, amour et courage. La fraternité, dans cette vision, devient une démarche active, enracinée dans une volonté de construire des ponts entre les êtres, malgré les différences. Elle demande de la raison pour comprendre l’autre dans sa singularité, de l’amour pour accueillir sa diversité avec bienveillance, et du courage pour surmonter les obstacles – préjugés, conflits ou peurs – qui entravent l’élan fraternel.

Enracinée dans les principes fondamentaux de la franc-maçonnerie, cette conception de la fraternité s’inscrit dans le travail initiatique des loges, où chaque Sœur et chaque Frère est appelé à polir sa pierre brute pour contribuer à l’édifice commun. Alain Graesel, par ses paroles, nous rappelle que la fraternité n’est pas un idéal abstrait, mais un engagement concret, un choix quotidien qui transforme à la fois l’individu et la société. Ainsi, donner l’exemple, c’est incarner cette fraternité dans nos paroles, nos actions et notre manière d’être, pour faire rayonner la lumière d’un monde plus juste et plus uni.

Feu
Flammes

« La fraternité est un sentiment vivace, impérissable, profondément humain, qui traverse le temps et les cultures avec une force indomptable. C’est une flamme ancienne, née bien avant les civilisations antiques, qui s’est transmise de génération en génération, de forme en forme, à travers les métamorphoses de l’histoire. Présente dans les traditions les plus lointaines, elle a perduré dans la civilisation chrétienne et continue de briller dans la modernité, promesse d’un épanouissement futur.

Ce sentiment, parmi les plus nobles, allie paradoxalement une âme conservatrice, qui préserve les liens fondamentaux de l’humanité, et une ardeur révolutionnaire, qui pousse à transcender les divisions pour bâtir un monde plus juste. Simple dans son essence, la fraternité est pourtant puissante dans sa portée : elle est l’un des piliers qui ont façonné l’humanité, l’ont soutenue à travers les épreuves et, sans doute, l’affranchiront demain.

Dans l’esprit de la franc-maçonnerie, la fraternité incarne une aspiration universelle, un fil d’or reliant les cœurs et les esprits au-delà des frontières, des croyances et des époques. C’est un sentiment majeur, chargé d’une grande histoire et porteur d’un avenir prometteur. Vieux comme le monde, il est aussi celui qui a fait le monde – et qui, par sa noblesse et sa simplicité, continuera de le transformer pour le rendre plus lumineux. »

J’aurais pu m’arrêter ici, car une fois l’essentiel dit, pourquoi chercher à en dire davantage ? La fraternité, à la fois pilier fondamental et mystère insaisissable, défie toute définition simpliste. Est-elle une réalité immanente, ancrée dans la nature même de l’humanité, un élan spontané qui nous relie au-delà des différences ? Ou bien est-elle une aspiration transcendante, un idéal supérieur qui nous appelle à dépasser nos limites et à tendre vers la lumière ? En d’autres termes : la fraternité existe-t-elle en soi, indépendante de nos mots et de nos pensées, ou prend-elle vie parce que nous la nommons, la cultivons et lui donnons sens ?

Posée plus simplement, la question devient : la fraternité est-elle une voie universelle, une force naturelle qui s’impose à nous pour surmonter nos divisions ? Ou n’est-elle qu’une construction humaine, un refuge face aux horreurs d’un monde que nous contribuons, souvent malgré nous, à façonner ? Est-elle une vérité profonde, inscrite dans le cœur de l’humanité, ou une illusion nécessaire pour supporter les fractures de notre époque ?

Dans l’esprit de la franc-maçonnerie, cette interrogation résonne comme un travail initiatique. La fraternité, telle une pierre brute, nous invite à polir nos certitudes pour mieux interroger notre rôle dans l’édifice commun. Elle nous pousse à agir, non pas en donneurs de leçons, mais en artisans d’un monde plus uni, où chaque geste, chaque parole, devient un pas vers la lumière. Entre réalité tangible et aspiration idéale, la fraternité nous rappelle que c’est dans l’équilibre entre l’être et le devenir que l’humanité trouve son chemin.

La Fraternité, tentative de définition

Tout le monde en parle, la fraternité est servie à toutes les sauces. Mais dès lors qu’il s’agit de définir ce dont il s’agit et bien ce n’est plus la même histoire. Difficile de penser et de mettre en action un concept sans pouvoir expliquer avec précision son sens, et il est encore plus incertain de mettre en œuvre une vertu, un sentiment sans pouvoir la parler, l’ illustrer.

« Au pire ne serait-elle qu’une variable d’ajustement à la bonne conscience collective. Cette Fraternité exigeante à laquelle on n’a jamais donné les moyens contraignants de prouver son efficacité parce que sa représentation n’est pas unilatéralement et univoquement comprise et acceptée comme principe humaniste universel. Cette fraternité, brandie régulièrement pour apaiser les tensions et réguler nos intentions vertueuses n’a pas encore atteint sa dimension de principe humaniste intangible »[1]. La fraternité est un leg, un héritage des civilisations qui nous ont précédé. Et donc, notre devoir est de perpétuer cette tradition culturelle. Encore faut-il, peut-être examiner, les formes qu’ont pris la fraternité dans l’histoire.

Un peu d’histoire des civilisations

Chez les Anciens, la société est plus mécanique que la nôtre, plus stricte, les divisions sociales sont plus marquées et plus imperméables, on ne change pas de classe sociale facilement. Les liens entretenus entre les membres d’une communauté sont plus simples. Vincent Bernard LAFOUCRIERE s’interroge de savoir si la « la fraternité n’est pas pour les Modernes qu’une religion civile pour unir des êtres atomisés ? ». La religion, dans son sens strict est le moyen de relier les hommes entre eux et avec dieu. Dès lors, la fraternité serait un moyen d’envisager les rapports sociaux et il conviendrait de regarder la manière de vivre des hommes entre eux.

Tribu Massaï

Souvent dans l’antiquité, la « mère » reste la source, certain compareront cette option avec un attachement à la terre. C’est aussi expressément nommé dans le rituel maçonnique d’initiation lors de l’épreuve de la terre. La source de la fraternité, s’impose ontologiquement, avec un début, avec une matrice matérielle, ancrée dans le sol, dont les racines se propagent, dont nous sommes tous issus, qui transcendent la vie et la mort par un renouvellement constant du même matériau : nous venons et retournons à la terre dans un cycle qui nous dépasse. La mère engendre le terreau et le terrain de l’expérience humaine, elle fait famille, elle fonde le lien qui unit les vivants et les morts.

Ces terreaux sont en fait ce que nous nous appelons des espaces sociaux et leur rôle en tant que lieu et en tant que vecteurs de règles de vie prend alors une importance fondamentale si on veut comprendre le mécanisme de la fraternité.

Pour les stoïciens, la fraternité est la vocation de l’homme, un peu comme chez les chrétiens d’ailleurs qui reprendront cette conception car il s’agit là d’un dessein divin. Chez les platoniciens, il n’y a nul besoin de loi, car la fraternité résulte de l’ordre naturel du monde qui s’organise selon des lois cosmiques, universelles. Les chrétiens, avec le libre arbitre, ajoutent que c’est l’attitude du croyant de se rapprocher de ses semblables. Il s’agit alors d’un sentiment qui se construit, artificiel ou d’un élan naturel, inscrit dans l’humanité profonde. On retrouve ces deux pôles dans le fait que la fraternité est soit une volonté politique, soit une volonté divine, donc un choix raisonné ou une impulsion mystique.

La fraternité est au sens stricte la source des mythes grecques : Zeus et les autres dieux de l’olympe sont tous frères et sœurs. C’est la révolte parricide qui détermine la suite de l’histoire.

Bref, comme un objet curieux, « la fraternité, c’est bon pour les chrétiens, les Francs-maçons et les imbéciles »[2] citait un professeur de Philosophie dans un groupe de travail à l’IUFM.

La Fraternité et le modèle républicain

 La Fraternité trouve en partie ses origines à la fois dans les sentiments religieux et en grande partie dans la chrétienté mais aussi une tension politique plus laïque liée à la république. La fraternité s’inscrit dans la devise républicaine Liberté, égalité, fraternité. Cette formule serait due à Louis Blanc et à Lamartine et fut adoptée le 24 février 1848, donc après la révolution.

Etonnamment, la fraternité ne peut recouvrir une réalité d’ordre juridique, et aucune stipulation d’aucune loi, ne peut obliger quiquonque à considérer son prochain comme son frère et pourtant elle est bien à l’origine du modèle républicain. C’est aussi une partie (le 1/3) de l’acclamation maçonnique. On trouve une trace de républicaine de la fraternité dans le Serment de Lafayette du 14 juillet 1790, de son vrai nom Marquis Gilbert Du Motier 1757-1834. Ce serment prononcé devant le peuple et devant le roi de France est une trahison à venir, et traduit une incompréhension durable entre deux époques. La fraternité est énoncée comme la possible armistice entre le temps du tiers état et de la révolution, entre un régime politique du passé (la monarchie de droit divin) et un autre tourné vers le futur (la république) et une voie du milieu (la monarchie constitutionnelle). 1 an après la prise de la Bastille, une fête est décrétée par l’assemblée constituante et prévoit de réunir les citoyens autour du roi, de la garde nationale et des députés. Après une messe, Lafayette, alors commandant de la garde, prête serment et tous jurent fidélité au roi, à la nation et à la loi. « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, […] demeurer unis à tous les français par les liens indissolubles de la fraternité ».

Cela dit, 15 jours plus tard, en aout 1790 ; Lafayette prend part à la répression de la garnison de Nancy, et 1 an plus tard, il participe à la fusillade du champs de mars, puis finit par quitter le royaume en 1792 juste avant qu’il ne devienne une république. En décembre 1790, Robespierre dans un discours jamais prononcé au sujet de la garde nationale écrit qu’elle portera « sur leur poitrine les mots gravés le peuple français et au-dessous : liberté, égalité, fraternité »

En 1793, la façade de l’hôtel de ville de Paris est ornée de la mention : « liberté, égalité, fraternité ou la mort » qui initialement est la devise de la garde nationale et pas de la république.

En 1848, la ruche devient le symbole de la fraternité et du travail.

L’ambiguïté de la fraternité républicaine suppose de se demander si la fraternité n’engage que les citoyens ou doit-elle s’appliquer à tous les humains ? En temps de guerre, fraterniser avec l’ennemi est un crime passible de la cours martiale, n’est-ce pas ?

La Fraternité et la notion de famille 

Exemples de fratrie qui se déchirent : Cain et Abel, Rémus et Romulus, les frères KARAMAZOV, Etéocle er Polynice. Je vous épargnerai les querelles et les histoires des frères ennemis, les jalousies, les trahisons qui sont la source de la plupart des grands mythes de notre civilisation

La fraternité, du latin « fraternitas », de « frater » donc de frère est le lien de sang qui unit des frères et sœurs ou le lien existant entre des hommes et des femmes considérés comme membres d’une même famille. Il s’agit « d’un sentiment noble car il serait gratuit, mais réfléchi, car il serait volontaire. En effet, ne pouvant naitre que dans une atmosphère de liberté et d’égalité, la fraternité est un sentiment et une conduite que l’on pourrait refuser à autrui, comme la paternité et la maternité qui sont aussi des actes de reconnaissances et pas toujours des sentiments spontanés » p 379 : on ne choisit pas un alter ego, ou quelqu’un, la fraternité c’est exactement l’inverse : nous faisons le choix d’être quelqu’un capable d’accueillir une personne différente de moi. C’est le choix d’une posture pas d’un accueil.

A detailed view of a Zeus sculpture in a renowned museum, showcasing classical art.

On passe de l’idée de famille, de lien du sang, d’hérédité à un lien qui unit à l’ensemble du genre humain, y compris de ceux qui ne se connaissent pas, de ceux qui se sont reconnus.

Et puis techniquement, Les francs-maçons, entre eux, ne sont pas des frères, ils n’ont pas les mêmes parents. Et même si nous nous avions les mêmes ancêtres, au mieux ça ne ferait de nous que des cousins, et encore bien éloignés, mais d’une certaine manière, en entrant en maçonnerie, on accepte de s’initier à une certaine hérédité, à une histoire commune, on accepte de se reconnaitre comme partageant une certaine communauté d’actes, de pensées. On s’inscrit dans une lignée, une filiation.

Bon ceci-dit, on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas les membres d’une famille biologique et pourtant un lien se crée : mais comme en franc-maçonnerie c’est le désir qui anime, donne vie à la famille, le désir de se retrouver, de passer du temps ensemble, de construire quelque chose, de se multiplier, de passer du bon temps, d’être ensemble plus forts. Il y a dans ce désir à la fois une volonté de faire bloc, de se ressembler, de se prolonger, de s’aider, de survivre. La famille fait alors l’objet d’une organisation avec l’apparition de la notion de solidarité (qui est clairement la partie active, opérative liée au collectif, c’est le contrat qui lie les uns et les autres d’une manière obligatoire car ce n’est pas naturel. Pas plus que le sentiment maternel, la paternité, la fraternité est une chose qui s’apprend et parfois ne se développe pas. Il faut parfois des lois, des règles (code de la famille, le pater familias, les règlements généraux, et des justices : fraternelles par exemple). Nous ne sommes pas encore assez matures pour nous permettre de vivre nos relations sans le regard et la garantie d’un juge ou d’un rituel. La fraternité naturelle est inaccomplie, elle a besoin d’un rapport légal que l’on nomme la solidarité. La fraternité est un droit lorsque la solidarité serait un devoir ? c’est-à-dire une dette dont on se décharge, que l’on paye en contrepartie d’une autre chose mais laquelle ? l’éducation, la protection, l’acceptation dans la famille, dans la loge ?

Mais peut-on parler d’éducation en franc-maçonnerie, d’hérédité, de génétique par le transfert d’habitudes ou plutôt de tradition, de transmission ? y aurait-il une biologie constitutive des loges ? Les enquêtes préalables à la cérémonie du bandeau sont-elles une forme de séduction de ce couple qui va se constituer ? Et dans ce cas, n’y-a-t-il pas comme une forme d’eugénisme dans nos recrutements ? Ne recrute-t-on pas des partenaires qui nous plaisent et nous ressemblent ? de quelle manière et dans quelle proportion le mimétisme intervient-il dans nos recrutements ?

Ce que nous dit Georges Martin

Dans une communication écrite datée de 1910, Georges Martin explique l’intérêt de créer un Ordre mixte et international en affirmant que « Les francs-maçons ont trop d’origines diverses pour pouvoir réaliser entre eux la Fraternité universelle ; ils n’arrivent même pas à la réaliser bien souvent dans leur propre pays où les différents Ordres et les différents Rites qui existent, sont rivaux, n’entretiennent pas de relations de Rite à Rite, d’Ordre à Ordre, et se comportent comme les différents cultes entre eux, excitant même quelques fois leurs membres contre les membres des autres Obédiences, en se prétendant chacun, comme les détenteurs de la vérité maçonnique et des mystères maçonniques, comme les différents cultes religieux se prétendent tous, les seuls inspirés par le vrai dieu, et les seuls détenteurs de la vérité divine, les seuls éclairés de la lumière divine» [3]. Ce que nous dit le fondateur du Droit Humain finalement, c’est que la fraternité impose d’abord une organisation permettant une considération égale de chacun, une reconnaissance qui en terme maçonnique se traduit par une régularité. Les Suprêmes Conseils doivent veiller à ne pas disperser les maçons, doivent les réunir et non pas les opposer et que la fraternité serait un sentiment universel. Être fraternel, c’est donc non seulement une qualité recherchée mais aussi un état idéal à atteindre qui suppose une organisation, un environnement. L’échelle de la fraternité est aussi vaste que les environnements dans lesquels nous évoluons : le pays, les nations, la famille, l’entreprise, la rue et le quartier et même l’atelier sont les lieux d’exercice de la fraternité et cela suppose qu’elle y soit encouragée. La manière dont nous nous organisons aurait donc un effet sur les modalités de cette fraternité. Est-ce à dire que les lieux où s’expriment du racisme, du sexisme, du communautarisme participent, du fait de leur nature, à l’émergence de cette anti-fraternité ? parce ce que de ce point de vue, la fraternité ne serait alors que l’émanation d’un sentiment hérité des structures politiques et sociales, et dans ce cas la responsabilité des dirigeants seraient indéniables. La fraternité serait donc un choix de société.

Un idéal et un choix : désir et amour

Jacques Brel (1962) (Crédit Jack de Nijs pour Anefo)

« Jojo, six pieds sous terre tu frères encore, non, Jojo, tu n’es pas mort » Jacques Brel, et pourtant, si. Jojo est bel et bien mort. Son souvenir, son image, ce qu’il reste de lui nous parviens de manière idéalisée. Là encore, c’est le désir, alimenté par le manque, qui crée le sentiment de fraternité. Le déni, le renoncement de la réalité parce qu’elle est atroce, peut nous conduire à imaginer un monde meilleur où la mort n’a pas d’effet.

André Comte Sponville évoque au sujet de la fraternité un lien avec l’amour qu’il différencie en trois concept assez distincts : l’éros, l’agapè, et la Philae. Il dit aussi qu’être fraternel est une idée et non pas une qualité humaine : « personne ne dit oh lala, untel est vraiment fraternel » sauf peut-être les francs-maçons, et encore. Il fait confiance au langage commun, à l’usage réel, et constate que la fraternité s’affiche, se prône notamment sur les frontons des établissements publics.

La Fraternité et les croyants

André Comte-Sponville

Toujours selon Comte Sponville, dans la religion chrétienne, dont on sait l’influence qu’elle a sur notre rite, les fidèles se nomment frères car dieu est le père. Dans l’évangile de Saint marc, Jésus affirme que ces frères sont ceux qui écoutent la parole de dieu, autrement dit, ce sont les croyants et particulièrement les bons croyants et donc pas les autres. Il y aurait donc deux conditions possibles pour bénéficier de fraternité : d’abord être issu plus ou moins de la même souche génétique ou sociale, et puis partager la même croyance, ou la même espérance. C’est dire donc que faire preuve de fraternité oblige à partager du sang, des pratiques mais aussi des idées.

Il n’y a donc qu’un pas à dire qu’être fraternel c’est quand nous comprenons que nous sommes tous semblables et tous différents.

La fraternité pourrait donc être un choix délibéré de considérer l’Autre comme une entité libre disposant de la faculté d’agir, d’être également à mes propres facultés. L’autre est potentiellement ce que je suis, et je lui serais redevable de mon soutien. C’est ainsi qu’au nom de la fraternité, s’organise dignement normalement une solidarité qui n’est pas de la charité dans la mesure où celle-ci est finalement très égoïste car elle a pour but de garantir l’entrée au paradis après la vie terrestre et non pas à satisfaire les besoins d’autrui.

La Fraternité et le salut : une incantation

Adgar Morin (Crédit photo Gérald Garitan)

La question du salut, c’est-à-dire de la possibilité que nos actes comptent, n’empêche pas que nous n’avons aucune idée de quand nous profiterons des actes de fraternité, de solidarité que nous mettons en œuvre. Ces actions, ce n’est pas rien, ce n’est pas pour rien. L’idée d’une possibilité d’échapper à la mort, de vivre au paradis ou de survivre sur terre est centrale dans la psyché humaine. C’est la question qui anime de près ou de loin toutes les activités humaines. Pour Edgar Morin, « en même temps que la conscience de la finitude, nous pouvons désormais gagner une conscience de notre inconscience et une connaissance de notre ignorance »[4], il ajoute et clame plus loin : « Soyons frères, non parce que nous serons sauvés mais parce que nous sommes perdus, soyons frères, pour vivre authentiquement notre communauté de destin de vie et de mort. Soyons frères, parce que nous sommes solidaires les uns des autres dans l’aventure inconnue ». Puisque sur cette terre, il n’y a aucune chance que nous puissions sauver notre peau, il est impossible d’échapper à la mort, malgré les tentatives de conquérir une certaine éternité par le biais du transhumanisme, de la technologie, nous sommes tentés de croire en une seconde chance ailleurs, hors de ce monde, plus tard, qui serait éventuellement la récompense pour des actes attendus, commandés et évalués par une entité supérieure. C’est à mon sens, exactement l’idée du grand architecte de l’univers qui a un plan pour que les choses aillent mieux et dont nous sommes à la fois l’outil et l’objet. Dans le doute, je préfère tenir compte de ce que me disait ma grand-mère quand elle me tendait quelques billets : prends-les, je ne te donnerai plus rien quand je ne serai plus là.

Concrètement Morin propose la même chose, il nous invite à soutenir autrui, à croire en la rédemption, donc d’accorder le droit à l’erreur, et même au pire des criminels, à sauver ce qui peut l’être en poétisant le quotidien, en faisant preuve de compassion, donc de partager la passion de la chose, à ne pas se leurrer sur la fin des choses en sortant des actes de gestion, en s’écartant de la tentation de penser en termes exclusivement technico économiques. Il est possible d’envisager le monde de manière simplement exaltée mais cela suppose de se former à ne plus calculer.

La fraternité invite aussi à penser en termes de sacré. L’idéal inaccessible est aussi infranchissable d’une certaine manière. Lors de la fondation de Rome, Romulus a tracé un cercle définissant les frontières de la ville. Ce trait dans la terre s’appelle le pomerium, il définit la limite urbis et orbis, le dedans et le dehors, le sacré et le vulgaire. A l’intérieur du cercle, et dans les villes antiques, les soldats, les armes et les morts n’avaient pas droit de cité. Les activités politiques et religieuses, liées par ce qu’on appelle le pouvoir spirituel, siègent à l’intérieur et gouvernent la vie des hommes et des femmes, ils font preuve de fraternité, se reconnaissent, s’épaulent et combattent ceux qui ne respectent pas les règles ou qui franchissent sans y être invités la ligne de démarcation entre ces deux mondes. Une question me vient alors à l’esprit :que sommes-nous prêts à faire par fraternité ? Pour sauvegarder une conception, une valeur, une croyance, un terrain ou un espoir, que sommes-nous prêts à accepter ? quelle horreur pouvons-nous exécuter pour défendre une communauté, un idéal ?

Pour quelles raisons devrais-je être fraternel ?

Qu’est-ce que je gagne en me comportant de manière fraternelle ? La question mérite d’être posée finalement. Soit, je crois gagner mon salut pour plus tard, alors j’emmagasine du bonus que je présenterai devant un juge divin, soit je me prépare à l’épreuve du miroir quotidien, je veux me regarder en face chaque matin. Ceci dit, je ne vous cache pas que quand j’ai pris le dernier bonbon dans le paquet, sachant bien que mon frère ou ma sœur, en aurait voulu un aussi, je n’éprouve finalement qu’assez peu d’ingratitude, le reflet du miroir est largement acceptable. Mes horreurs personnelles sont des banalités avec lesquelles je me suis assez habitué à vivre. Mais au final, c’est bien la question de l’individu qui thésaurise qui me taraude, je fais ceci en vue de cela. La dimension projective de ce moi qui ne pourra jamais être un autre, un autrui, est naturellement égoïste. Si je te donne quelque chose, j’espère, en retour, obtenir, à un moment futur, une autre chose dont je pourrai avoir besoin. La fraternité n’est pas gratuite, elle se construit sur une espérance de récompense ultérieure. J’avais oublié de vous préciser que je ne crois pas que l’homme, le frère, soit bon ou mauvais, il est simplement motivé par des ambitions de survie personnelle, et il sait aujourd’hui que seul on ne va pas bien loin, nous avons besoin des autres. La fraternité est une monnaie d’échange qui permet de parier sur l’avenir. C’est une convention indéfinissable, multiforme, idéalisée qui me permet de motiver des actions vis-à-vis de mon semblable, qui d’ailleurs n’est pas non plus mon exact égal, puisqu’il dispose d’une ressource dont je ne dispose pas. Soit, il a besoin de moi, il dispose de la nécessité de mon intervention à son égard donc, soit, il dispose d’une possibilité de satisfaire un de mes besoins. La fraternité est un échange de bons procédés.

La Fraternité est un symbole mixte 

La fraternité est-elle un devoir ? André Comte Sponville dit qu’on ne nourrit pas ses enfants par devoir mais par amour. Quand l’amour est là, on n’a pas besoin de morale, de droit ou de devoir. Et même quand il y a de l’amour, nous avons vu qu’il en existe plusieurs formes, mais j’ai aussi oublié de dire que cet amour n’est jamais, ou rarement, tout à fait équilibré. Il y en a toujours un qui aime plus l’autre, qui est prêt à donner plus. La fraternité est une conscience morale, , elle se réfléchit. Est-ce à dire que la fraternité n’étant pas de l’amour, ni de la générosité car quand on donne c’est par amour(la générosité est la vertu de donner à ceux qu’on n’aime pas), est une simple construction mentale de celui qui accepte qu’autrui lui ressemble et partage la même réalité dans un temps donné ? parce qu’évidemment, la fraternité est un acte du temps présent, on n’est pas fraternel par procuration ou rétrospectivement, à moins de vouloir justifier une action dont on désespère de trouver une raison. Comte Sponville explique aussi que la morale voudrait qu’on aime tout le monde mais ce n’est pas possible, on peut à la limite aimer ses proches alors elle il nous faut trouver un moyen de faire semblant : cela passe par la fraternité qui nous oblige à respecter la loi, à être poli. Il fait aussi la différence avec la solidarité qui elle est une manière de garder un bénéfice au don. Quand je donne généreusement 1 euros à quelqu’un j’ai un euro de moins, quand je donne un euro par solidarité, j’espère en retour que cet euro va me bénéficier, soit parce que j’achète ma place au paradis, soit parce que je vais être reconnu par les autres membre soit parce que j’achète la paix sociale et mantiens un équilibre qui pourrait tourner mon avantage. L’intérêt commun est la convergence de mon incapacité à aimer tout le monde, de ma volonté de ne pas pouvoir donner à tout le monde, et parce que le droit, la loi ne peuvent me forcer à faire ce que je ne veux pas, alors je crée la solidarité. Cela dit, cette fonction appartient à l’organisation, qu’il s’agisse de l’état, de la loge ou de l’obédience. Chez les Francs-Maçons c’est le tronc de la veuve qui fait office. Communier c’est partager sans diviser. Là, il s’agira de calculer non pas quantitativement (quand on partage un gâteau on divise la taille de la part de chacun) mais qualitativement : c’est ton plaisir issu du partage qui augmente mon plaisir bien que j’aie une plus petite part. c’est passer du temps du temps ensemble qui compte à ce moment. Venir en loge c’est prendre du temps sur son plaisir personnel, c’est retirer du temps à ceux qu’on aime, à notre famille, à notre travail, aux choses qui comptent. La fraternité maçonnique c’est aussi du temps passé aux agapes, c’est cette communion qui produit un bénéfice collectif en sachant bien que cette comptabilité implique de retirer quelque chose à quelqu’un pour le donner à d’autres. C’est un choix. Et donc une certaine injustice.

La Fraternité, si elle est un choix, une croyance repose-t-elle alors sur la raison ?

Question douloureuse s’il en est, parce que j’ai conscience que choisir c’est aussi renoncer, comment faire le choix le plus raisonnable ? comment être sûr et certain que le pari de faire fraternité est la solution, la bonne manière de faire les choses ? Comme l’indique Francis WOLFF en novembre 2021, la raison est capable de calculer et de résoudre un problème technique mais elle ne nous renseigne aucunement sur la portée de nos actes et de nos choix. La raison s’applique à gérer un problème : elle est aussi efficace à permettre à des centaines de migrants de trouver refuge en Europe après avoir traversé la méditerranée qu’à élaborer un mécanisme d’extermination dans un camp miséreux de Pologne. C’est un instrument qui nécessite pour conserver toute sa valeur une rencontre, dans une réciprocité assumée et voulue.

Selon WOLFF, c’est la perfectibilité qui anime l’acte fraternel du fait de sa capacité à nous plonger dans l’autre, à croiser notre « je » dans un « tu ». La fraternité commencerait donc par une proximité, un rapprochement qui ne se fie pas aux origines, aux genres, aux classes sociales, ni à la géographie mais à la conscience qu’un certain nombre d’entre nous ont choisi de suivre une voie et aspirent à un échange de bons procédés, cherchent à se côtoyer régulièrement. La Fraternité serait alors assiduité et dépôt des métaux à l’entrée du temple. Entrer en maçonnerie c’est se faire reconnaitre par d’autres qui ont auparavant fait aussi ce choix. Ce serait prendre sur son temps personnel, sur ses loisirs, sur l’amour de ses proches dont on est en droit de d’attendre, ce serait une remise à niveau. La fraternité ça serait alors tutoyer sa propre humanité, et le jeu commence vraiment quand on doit voter pour faire reconnaitre celui qui nous est inconnu, qu’on ne connait pas, qui nous est étranger, qui est tellement différent mais qui nous ressemble malgré tout. Alors bien sûr, quand les femmes ne sont pas initiées, cela pose la question de savoir si elles peuvent vraiment être les bénéficiaires de notre fraternité. En gros, est ce que ma sœur, bien qu’elle fasse partie du genre humain, bien qu’elle ait fait son choix, bien qu’elle vive les mêmes espérances que moi, donc pour revenir à la question, est-ce que je peux dire qu’une femme peut être mon frère ? là encore, ce n’est pas la raison, c’est la grammaire, l’orthographe qui me susurrent à l’oreille que cette femme n’est pas mon frère mais ma sœur, mais au-delà des mots, ce qui est valable pour le genre, pourrait bien l’être pour un autre motif. La fraternité est réciprocité et réflexion, pensée et sensations, discours et actes. La mixité, l’acte de ne pas juger l’autre par la longueur de son sexe, par la taille de ses fonctions sociales, par l’utilité sociale est une des fondations de la fraternité et doit servir de modèle, c’est-à-dire de représentation de la réalité idéalisée, comme un but à atteindre.

Une alternative à l’improbable fraternité : la convivialité selon Ivan Illitch

« La fraternité peut-elle ou doit-elle rester l’affaire de quelques moments éblouissants, n’occuper que le temps imparti aux dimanches de la vie, sans concerner le cours de l’existence ordinaire, comme si on devait économiser sur sa dépense, comme s’il en fallait, mais pas trop, quitte à admettre qu’elle soit réservée à quelques moments ou êtres exceptionnels, mais qui n’auraient pas vocation à influer sur la vie quotidienne de la cité ? »[5].

« Les monstres sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux ; ceux qui sont le plus dangereux sont les hommes ordinaires » écrivait Primo Levi, rescapé de l’enfer »[6]. Les guerres, les atrocités quotidiennes, les violences institutionnelles, les formes d’esclavages, d’exclusion, aussi variées que terribles n’ont pas disparues avec le temps. Mieux, nous sommes maintenant capables d’exterminer rapidement et sans efforts un grand nombre.

« Le renforcement des mécanismes d’usure menace le droit de l’homme à sa tradition, son recours au précédent à travers le langage, le mythe et le rituel »[7]. Selon Thierry PAQUOT, le mot de « convivialité » exprime d’abord un état d’esprit qui alimente le gout de la réunion en permettant aux participants des échanges réciproques et aimables. Il ne s’agit pas d’homogénéiser, mais de de pacifier les relations humaines. Pour ILLITCH, le monde dans sa version industrielle, devient convivial quand « l’homme contrôle l’outil ». De ce point de vue, il ne s’agit pas seulement de courtoisie mais d’une notion bien plus exigeante, proche de la notion de l’art de vivre caractérisée par une volonté farouche de survivre en suivant une voie équitable et favorisant une autonomie créatrice, où les groupes humains fraternisent dans l’intérêt général lorsqu’ils en ont besoin et quand ils en sont capables sans que, ni l’un ni l’autre, ne soit lésé par le don ou l’effort consenti. Il s’agit finalement d’une gentillesse, dans le sens noble du gentilhomme. La question de la convivialité porte alors sur le comment, sur le rapport l’homme à son outil parce que selon lui, nous vivons dans un environnement où l’outil produit l’effet inverse de sa conception : il nuit à l’homme qui l’utilise. Dans ce sens, la fraternité est-elle l’outil de la franc-maçonnerie ou est-ce l’inverse ? Parce que la question se pose in fine. Entre-t-on en Franc-maçonnerie pour servir la fraternité ou pour bénéficier de Fraternité ? On est bien tenté de répondre les deux mon colonel. Ne sommes-nous pas venus chercher la lumière ?

Nous parlions tout à l’heure d’économie, ILLITCH résume sa pensée conviviale en parlant d’ascèse, non pas au sens chrétien du terme qui penche plutôt du côté de la restriction, de la privation mais davantage au sens grec. Pierre Rabhi, parle lui de sobriété. C’est-à-dire que l’ascèse initialement était destinée aux athlètes qui se préparaient à une épreuve, ils s’entrainaient, ils travaillaient sur eux, ils développaient leurs propres forces durant une période plus ou moins longue. C’est cet ascétisme dont ILLITCH nous parle pour parvenir à une certaine convivialité. Elle est faite d’efforts sur soi, mais ne prive pas de plaisir, elle est au contraire la possibilité du plaisir à venir, et à force de faire, elle devient même la source du plaisir. La discipline, l’exercice de la répétition, comme nous le pratiquons avec notre rituel est une entame de convivialité. C’est la première voie d’accès vers un sentiment fraternel authentique. D’une certaine manière, la fraternité impose de la rigueur, de la présence, de l’assiduité aux entrainements. La convivialité comme la fraternité résultent d’un entrainement obstiné et répété, et pas seulement d’actes isolés d’héroïsme, de réussites spectaculaires, de résistance au confort de la facilité et du renoncement, d’un entêtement à affronter les difficultés du vivre ensemble en loge. ILLITCH soulignait les propos d’un moine médiéval qui disait que « vivre en communauté avec autrui est la plus rude pénitence que l’on puisse s’infliger »[8]. C’est de ce point de vue que j’affirmerai que la franc-maçonnerie n’a pas vocation à sauver le monde, mais pas non plus, à seulement, faire des francs-maçons capables de vivre ensemble. Pour ILLITCH, le nombre, le « faire » relèvent de la productivité alors que « l’être » et le devenir sont issus de la convivialité. En gros, pour améliorer le monde, il faut d’abord s’améliorer soi-même et seuls les changements profonds sont durables, le reste peut bien finir gravé sur une façade pour éviter l’oubli.

La plupart du temps il convient d’éviter que la fraternité ne soit qu’un vœu pieu ou une simple forme de politesse, souvent abrégée d’ailleurs, comme si cela indiquait que l’écrire en entier impliquerait que l’on ait saisi la totalité du sens qu’elle porte. A la fois porteuse d’une reconnaissance, donc d’une naissance désirée mais hasardeuse, la fraternité devrait à un moment donné devenir un acte.


[1] LA FRATERNITE Un Mythe, un leurre ou une utopie ? Gérard PALLEAUX (1) (Conférence du 12 décembre 2017, Université Populaire, Guéret).

[2] Penser la fraternité, Bruno Mattéi, Institut Universitaire de Formation des Maîtres (I.U.F.M.) de Lille.

[3] Georges MARTIN Franc-maçon de l’universel, Tome1, Editions DETRAD, 1988, Marc GROSJEAN, citant Georges Martin une communication daté de septembre 1910, p133.

[4] Terre-Patrie, p197, Edgar MORIN, éditions le Seuil, 1993.

[5]Penser la fraternité, Bruno Mattéi, Institut Universitaire de Formation des Maîtres (I.U.F.M.) de Lille.

[6] L’Observateur du 30 novembre 2017, Primo LEVI, n° 2769.

[7] La convivialité, Ivan ILLITCH, in Œuvres complètes, Vol.1, Fayard, P 509, Paris, 2004.

[8] Ibid. p 456.

Daniel Keller : Une voix maçonnique à Villefranche-de-Rouergue

De notre confrère Ladepeche

Villefranche-de-Rouergue, joyau de l’Aveyron classé « ville d’art et d’histoire », a accueilli une figure éminente de la Franc-maçonnerie française : Daniel Keller, ancien Grand Maître du Grand Orient de France (GODF). À l’invitation de la loge locale La Nouvelle Cordialité, cette conférence publique, était prévue pour 20h30 à la salle de la Madeleine. Un moment d’échange et de réflexion autour du thème « Le franc-maçon dans la cité ». Une occasion rare de découvrir la vision d’un homme dont l’éloquence et l’engagement ne laissent personne indifférent.

Une figure d’influence au service des valeurs maçonniques

Daniel Keller

Daniel Keller, diplômé de l’ENA (promotion Saint-Exupéry) et personnalité reconnue dans les sphères maçonniques et publiques, incarne une Franc-maçonnerie ouverte et engagée. Lors de sa précédente visite à Villefranche en 2015, il avait captivé son auditoire par sa capacité à démystifier la Franc-maçonnerie tout en mettant en lumière son rôle dans le débat sociétal. À l’époque, il avait souligné l’importance de « faire entendre une voix maçonnique » pour défendre des valeurs comme la laïcité, la fraternité et la liberté de conscience, dans un monde où les préjugés et l’antimaçonnisme persistent.

Dix ans plus tard, en 2025, cette nouvelle conférence s’est inscrit dans la même démarche d’extériorisation portée par le GODF, la plus ancienne et l’une des plus importantes obédiences maçonniques de France, avec environ 52 000 membres. L’objectif est resté inchangé : lever le voile sur les idées reçues, souvent véhiculées par le « secret » maçonnique, et montrer que la Franc-maçonnerie n’est ni une secte, ni une organisation complotiste, mais une voie initiatique au service de l’humanisme. Comme l’expliquait Lucien Ludier, membre de La Nouvelle Cordialité en 2015,

« nous voulons faire connaître nos objectifs et tordre le cou aux fantasmes ».

La Fraternité : un pilier au cœur de la cité

Maison Dardenne
Détail de la décoration de la cour.

Le choix du thème « Le Franc-maçon dans la cité » n’est pas anodin. Il reflète une question centrale en Franc-maçonnerie : comment les valeurs initiatiques, et notamment la fraternité, peuvent-elles s’incarner dans la vie quotidienne et contribuer à transformer la société ? Pour Daniel Keller, la fraternité dépasse la simple tolérance : elle est un acte réfléchi, mêlant raison, amour et courage. Cette idée résonne avec la réflexion plus large sur la fraternité comme un sentiment à la fois conservateur – préservant les liens humains fondamentaux – et révolutionnaire, capable de dépasser les divisions pour bâtir un monde plus juste.

Dans le contexte de Villefranche-de-Rouergue, ville riche de son patrimoine médiéval et de son dynamisme culturel, cette conférence a pris une dimension particulière. La loge La Nouvelle Cordialité s’inscrit dans une tradition d’ouverture, organisant régulièrement des événements publics pour dialoguer avec la société civile. En 2025, alors que les crises globales – écologiques, sociales, politiques – s’intensifient, la voix de Daniel Keller rappela que la Franc-maçonnerie, loin d’être une institution figée, est une force vive, ancrée dans des valeurs universelles. Comme il l’avait souligné en 2015, la « part de mystère » de la Franc-maçonnerie, liée à son caractère initiatique, n’empêche pas de contribuer activement aux débats de société.

Une invitation au dialogue

Arcades de l’hôpital Saint-Martial.

La conférence fut suivie d’un débat avec le public, une tradition chère au GODF, qui privilégie l’échange et la réflexion collective. Ce moment permit d’explorer des questions essentielles : comment la fraternité peut-elle répondre aux fractures d’un monde en quête de sens ? Comment les francs-maçons, en tant que citoyens, peuvent-ils incarner leurs idéaux dans la cité ? Un pot de l’amitié clôtura la soirée, fidèle à l’esprit de convivialité et de partage qui anime La Nouvelle Cordialité.

Villefranche-de-Rouergue, avec ses arcades médiévales et sa collégiale Notre-Dame, offre un cadre idéal pour cette rencontre entre tradition et modernité. En accueillant Daniel Keller, la ville réaffirme son rôle de carrefour culturel et intellectuel, où les idées humanistes trouvent un écho. Que vous soyez curieux de découvrir la franc-maçonnerie ou désireux d’approfondir votre réflexion sur la fraternité, cette soirée fut un moment d’enrichissement et d’inspiration