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Les Symboles du Rite de Misraïm : Une Plongée dans l’Hermétisme Égyptien et Maçonnique

Le Rite de Misraïm, l’un des piliers de la franc-maçonnerie égyptienne, se distingue par son ancrage dans les traditions ésotériques et hermétiques, puisant ses racines dans l’imaginaire de l’Égypte ancienne. Ce rite, souvent associé au Rite de Memphis pour former le Rite de Memphis-Misraïm, se caractérise par une richesse symbolique unique, mêlant les mystères égyptiens à une quête spirituelle et alchimique.

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À travers une exploration des symboles majeurs du Rite de Misraïm – le temple égyptien, le naos, le culte du chat, Osiris, le sphinx, Thot, les Neter et Horus – cet article propose une analyse approfondie de leur signification, de leur rôle dans l’initiation maçonnique et de leur lien avec les cosmogonies égyptiennes. En s’appuyant sur le document fourni, nous examinons comment ces symboles transcendent les époques, reliant l’Égypte pharaonique à la franc-maçonnerie moderne.

I. Le Rite de Misraïm : Une Voie Hermétique Unique

Origines et Contexte

Egypte Anubis dieu de la mort
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Le Rite de Misraïm, apparu au XVIIIe siècle dans la République vénitienne, s’inscrit dans une tradition maçonnique qui se distingue des courants anglo-saxons, notamment ceux issus de la Grande Loge Unie d’Angleterre (1717). Contrairement à ces derniers, centrés sur une maçonnerie morale et symbolique, Misraïm revendique une filiation spirituelle remontant à l’Égypte pharaonique et à l’Inde védique. Cette filiation, bien que plus mythique qu’historique, reflète l’ambition du rite de s’ancrer dans les mystères initiatiques de l’Antiquité.

Le document souligne que Misraïm appartient à la « quatrième voie » maçonnique, selon la classification de Michel Monereau : une voie hermétique, axée sur l’alchimie interne et externe, qui se distingue des courants spiritualistes, progressistes ou mondains. Cette voie, qualifiée d’« aristocratique » dans le sens où elle ne cède pas à la loi du nombre, vise une transcendance spirituelle à travers un travail symbolique et initiatique profond.

Une Filiation Hermétique

Joseph Balsamo, dit Cagliostro

Le Rite de Misraïm tire son nom de l’Égypte (Misraïm signifie « Égypte » en hébreu) et s’inspire des traditions ésotériques méditerranéennes. Selon la tradition, il aurait été introduit dans la République vénitienne dès le début du XVIIIe siècle, puis propagé à Venise et dans les îles ioniques. Des figures comme Joseph Balsamo, dit Cagliostro, ont joué un rôle clé dans son développement, notamment à travers les Arcana Arcanorum, un ensemble de rituels alchimiques visant la constitution d’un « Corps de Gloire » – une quête d’immortalité spirituelle.

En 1805, le Frère Le Changeur fonda à Milan le Suprême Conseil du Rite de Misraïm, marquant son expansion en Europe. En France, les frères Bédarride (Marc et Michel) introduisirent le rite en 1814, fondant la Loge-Mère L’Arc-en-Ciel à Paris. Malgré les querelles et les scissions, notamment après l’unification avec le Rite de Memphis sous l’égide de Giuseppe Garibaldi en 1881, Misraïm a conservé son essence hermétique, portée par des figures comme Robert Ambelain au XXe siècle.

Une Maçonnerie à Part

Le Rite de Misraïm se distingue par son attachement à l’hermétisme, une philosophie qui cherche à dépasser les dualismes (matière/esprit, humain/divin) à travers l’étude, la méditation et le rituel. Contrairement à la franc-maçonnerie anglo-saxonne, qui limite souvent son symbolisme aux trois grades bleus, Misraïm développe une échelle de hauts grades où s’épanouissent les mystères égyptiens et alchimiques. Cette richesse symbolique, ancrée dans l’Égypte ancienne, est au cœur de son identité.

II. Les Symboles du Rite de Misraïm

Les symboles du Rite de Misraïm, inspirés des cosmogonies et des pratiques égyptiennes, forment un langage initiatique qui guide le maçon vers une transformation intérieure. Ils incarnent une vision du monde où le sacré, le cosmos et l’humain s’entrelacent. Examinons les principaux symboles mentionnés dans le document.

1. Le Temple Égyptien : Microcosme du Divin

Grande fresque du Tribunal d’Osiris à la Grande Loge de Misraïm à Paris

Le temple égyptien, appelé per-neter (« maison du dieu »), est une représentation du cosmos, un lieu où l’énergie divine (Neter) s’incarne. Selon le document, Champollion a perçu la cohérence entre les hiéroglyphes, la statuaire et l’architecture, tous convergeant vers un « Esprit directeur de l’univers ». Le temple, avec sa structure ternaire (cour, salle hypostyle, naos), guide l’initié de la lumière profane vers l’obscurité sacrée, symbolisant un voyage initiatique.

  • Structure et Symbolisme : Le temple égyptien reproduit la cosmogonie héliopolitaine, où la création émerge d’une butte primordiale (symbolisée par l’obélisque ou le naos) au sein du chaos liquide (Noun). Les colonnes papyriformes ou palmiformes évoquent les plantes primordiales ou le ciel, tandis que les pylônes, associés à Isis et Nephtys, canalisent l’énergie solaire. Les obélisques, en granit, captent la lumière divine, et le lac sacré permet la purification des prêtres.
  • Parallèle Maçonnique : Dans le Rite de Misraïm, le temple maçonnique s’inspire du temple de Salomon, lui-même influencé par l’Égypte. Les deux colonnes à l’entrée rappellent les obélisques, le pavé mosaïque évoque le pronaos, et la lumière perpétuelle au centre de la loge symbolise le naos, lieu de la présence divine. Ce parallélisme souligne la fonction initiatique du temple : un espace où l’initié transcende le profane pour atteindre la lumière spirituelle.

2. Le Naos : Cœur Sacré du Temple

Le naos, ou Aat (« terre consacrée »), est le sanctuaire le plus intime du temple, où réside la statue divine. Accessible uniquement aux prêtres ou au pharaon, il symbolise le point de rencontre entre le terrestre et le divin. Le document décrit le naos comme un lieu de pénombre, où la statue, activée par le rituel de l’ouverture de la bouche, devient le support de la divinité.

  • Symbolisme Initiatique : Le naos incarne la quête intérieure de l’initié, qui passe de la lumière extérieure à l’obscurité sacrée, révélant la « petite particule de lumière » en lui. Sa forme triangulaire (le trois, symbole du Ciel) reposant sur un carré (le quatre, symbole de la Terre) évoque la réunion de l’humain et du divin. Le bleu, couleur de la vérité, renforce cette idée d’ascension vers l’infini.
  • Dans le Rite de Misraïm : Le naos se retrouve dans le support de la lumière perpétuelle, centre de la loge, qui dispense la lumière aux trois flambeaux (Sagesse, Force, Beauté). Cette lumière, comme dans le temple égyptien, symbolise la présence divine et guide l’initié vers la transcendance. Le naos invite à dépasser les attachements terrestres (peurs, possessions) pour atteindre l’unité cosmique.

3. Le Culte du Chat : Protection et Divinité

Le chat, associé à la déesse Bastet, est un symbole de protection dans l’Égypte ancienne. Le document souligne son rôle pratique (chasser les rongeurs et serpents) et spirituel (avatar de Rê, pourfendeur d’Apophis). À Bubastis, le culte de Bastet, déesse de la fertilité et de la protection, attirait des milliers de pèlerins, et les chats momifiés étaient vénérés comme reliques sacrées.

  • Symbolisme : Le chat incarne la vigilance et la bienveillance, protégeant l’initié des forces négatives. Sa dualité (douceur et sauvagerie) reflète la tension entre l’instinct et la spiritualité, un thème central dans l’initiation maçonnique.
  • Dans le Rite de Misraïm : Le chat, bien que moins explicite dans les rituels, peut être vu comme un symbole de la protection spirituelle. Les officiers de la loge (Premier Surveillant, Maître de Cérémonie) jouent un rôle similaire à Bastet, guidant et protégeant les Frères et Sœurs dans leur cheminement. Le document pose la question : « Le chat n’est-il plus l’œil de Rê ? », suggérant une réflexion sur l’utilité des croyances dans un monde moderne, mais affirmant que l’œil de Rê brille encore dans la loge.

4. Osiris : Le Dieu de la Renaissance

Osiris

Osiris, dieu des morts et de la renaissance, est au cœur de la mythologie égyptienne. Le document retrace son mythe : assassiné par son frère Seth, dépecé, puis reconstitué par Isis, Osiris devient la première momie et le juge des âmes lors de la pesée du cœur. Son symbole, le pilier Djed, représente la stabilité et la résurrection.

  • Symbolisme : Osiris incarne la mort initiatique et la renaissance spirituelle, un thème clé dans la franc-maçonnerie. La pesée du cœur, où l’âme est jugée face à la plume de Maât, symbolise l’introspection morale et la quête de vérité.
  • Dans le Rite de Misraïm : Le mythe d’Osiris inspire les rituels de mort symbolique et de renaissance, notamment dans les hauts grades. La pesée du cœur trouve un écho dans l’examen de conscience de l’initié, qui doit aligner ses actions sur les principes de justice et d’harmonie (Maât). Le pilier Djed peut être comparé à la colonne vertébrale de l’initié, symbole de sa droiture spirituelle.

5. Le Sphinx : Gardien des Mystères

Le sphinx, appelé Rwty (« le dieu Lion ») ou Hor em Akhet (« Horus dans l’horizon »), est un symbole d’initiation et de maîtrise de soi. Le document le décrit comme un tétramorphe (bœuf, lion, aigle, homme), représentant les quatre éléments et les étapes de l’évolution humaine : instincts (bœuf), passions (lion), intellect (aigle) et spiritualité (homme).

  • Symbolisme : Le sphinx pose la question du temps et de l’évolution (« Quel est l’animal qui a quatre pattes le matin, deux le midi, trois le soir ? »), invitant l’initié à harmoniser ses instincts, émotions et intellect pour atteindre la sagesse. L’uraeus (serpent frontal) symbolise l’éveil spirituel, comparable à la kundalini.
  • Dans le Rite de Misraïm : Le sphinx incarne la quête de l’initié pour équilibrer ses « animaux intimes » et atteindre la quintessence, l’unité des quatre éléments. Dans la loge, il peut être vu comme un symbole de vigilance, rappelant aux maçons de dépasser leur nature animale pour accéder à la lumière divine.

6. Thot : Le Maître de la Sagesse

Thot, dieu de la sagesse, de l’écriture et du temps, est une figure centrale de l’hermétisme. Le document le présente comme un créateur (à Hermopolis), un magicien et un scribe divin, consignant les jugements d’Osiris et aidant Horus contre Seth. Associé à la lune, il divise le temps et invente le calendrier.

  • Symbolisme : Thot incarne la connaissance ésotérique et la puissance du verbe créateur. Sa relation avec Maât (vérité) et Seshet (écriture) souligne son rôle dans l’harmonie cosmique. Dans la légende osirienne, il restaure l’œil d’Horus, symbolisant la guérison et l’intégrité.
  • Dans le Rite de Misraïm : Thot est le patron des initiés en quête de savoir. Son lien avec l’alchimie (sel, soufre, mercure) et la théurgie reflète les hauts grades du rite, où l’initié explore la transformation intérieure. Le symbole de l’ibis ou du babouin évoque la vigilance intellectuelle et spirituelle.

7. Neter : L’Énergie Divine

temple antique
temple

Le concept de Neter (ou Neterou au pluriel) est fondamental dans la religion égyptienne. Le document le définit comme une force divine abstraite, incarnée dans les dieux, les animaux ou les éléments naturels. Chaque Neter représente une qualité ou une fonction de l’inconnaissable, en constante création.

  • Symbolisme : Le Neter est une énergie vivante, un principe créateur que l’initié doit développer en lui. Il symbolise l’unité sous-jacente des divinités égyptiennes, transcendant leur apparente diversité. Le Neter personnel est la part divine en chaque individu, à cultiver par le rituel et la méditation.
  • Dans le Rite de Misraïm : Le Neter inspire le travail en loge, où le rituel vise à révéler la « force positive » de l’initié. La méditation sur des figures comme Hathor (amour), Thot (sagesse) ou Horus (noblesse) guide l’initié vers l’harmonie et la vérité (Maât).

8. Horus : Le Fils Vengeur

Delta rayonnant avec l’oeil d’Horus au centre

Horus, fils d’Osiris et d’Isis, est le dieu faucon, symbole du soleil et de la royauté. Le document distingue plusieurs formes : Horakhty (Horus de l’horizon), Harmakhis (le sphinx de Gizeh), Haroéris (Horus l’ancien) et Harpocrate (Horus enfant). Il est à la fois le vengeur de son père et le protecteur du pouvoir divin contre les forces du chaos (Seth, Apophis).

  • Symbolisme : Horus représente la victoire de l’ordre sur le chaos, de la lumière sur l’obscurité. Son œil, restauré par Thot, symbolise l’intégrité physique et spirituelle. En tant que faucon, il plane entre ciel et terre, incarnant la transcendance.
  • Dans le Rite de Misraïm : Horus inspire les rituels de combat initiatique, où l’initié surmonte ses propres « Seth » intérieurs (passions, désordres) pour atteindre la lumière. Le disque solaire ailé, symbole d’Horus, peut être vu comme un emblème de l’ascension spirituelle dans les hauts grades.

III. Les Cosmogonies Égyptiennes : Fondement des Symboles

temple égyptien illuminé
temple des Ramsès à Louxor

Les symboles du Rite de Misraïm s’enracinent dans les cosmogonies égyptiennes, décrites dans le document comme des variations d’un même thème : la création par le soleil à partir d’un chaos liquide (Noun). Les trois cosmogonies principales – héliopolitaine, hermopolitaine et memphite – offrent un cadre philosophique et spirituel :

  • Cosmogonie Héliopolitaine : À Héliopolis, le dieu solaire Rê (ou Atoum, Khepri) émerge d’une butte primordiale, créant le couple Chou (sec) et Tefnout (humide), puis Geb (terre) et Nout (ciel), et enfin Osiris, Isis, Seth et Nephtys. Cette cosmogonie, centrée sur la famille royale divine, inspire le mythe osirien et la pesée du cœur.
  • Cosmogonie Hermopolitaine : À Hermopolis, quatre couples de divinités (Noun/Naunet, Het/Hehet, Kekou/Keket, Amon/Amaunet) créent un œuf cosmique sur une butte. Thot, dieu créateur, y joue un rôle central, reflétant son importance dans le Rite de Misraïm.
  • Cosmogonie Memphite : À Memphis, Ptah crée le monde par la pensée et le verbe, unifiant les éléments des deux autres cosmogonies. Cette idée de création par le verbe résonne avec l’hermétisme et l’alchimie du rite.

Ces cosmogonies, intégrées dans les rituels du Rite de Misraïm, soulignent l’importance de l’ordre (Maât) face au chaos, une quête centrale pour l’initié.

IV. Réflexions sur les Sources du Rite de Misraïm

Le document met en lumière la spécificité du Rite de Misraïm, qui ne se contente pas de s’inspirer de l’Égypte historique, mais réinterprète ses mystères à travers un prisme hellénistique et hermétique. Les sources du rite incluent :

  • Influences Antiques : Les philosophes grecs (Pythagore, Platon, Plutarque) ont visité l’Égypte et intégré ses mystères dans leurs enseignements. Le document cite Diogène Laërce, qui décrit Pythagore initié aux mystères égyptiens, soulignant une filiation spirituelle.
  • Textes Hermétiques : La Table d’Émeraude et le Corpus Hermeticum, nés à Alexandrie, sont au cœur de l’hermétisme du rite. Ils proposent une voie philosophique unificatrice, cherchant à dépasser les dualismes.
  • Égyptomanie Moderne : Au XVIIIe siècle, des ouvrages comme Sethos de l’abbé Terrasson ou Oedipus Aegyptiacus d’Athanase Kircher ont alimenté l’imaginaire égyptien, bien que souvent déformé par une vision romantique.

Le Rite de Misraïm, loin d’être une simple reconstitution historique, s’appuie sur un syncrétisme alexandrin, mêlant traditions égyptiennes, grecques, juives et chrétiennes. Cette approche, comme le note Françoise Bonardel, fait de l’hermétisme une « famille d’esprits » ouverte à diverses voies de réalisation.

V. Le Rite de Misraïm et la Franc-Maçonnerie Moderne

Dans le Rite de Misraïm, les symboles égyptiens ne sont pas de simples ornements, mais des outils de transformation intérieure. Le temple, le naos, le sphinx ou Thot guident l’initié vers une alchimie spirituelle, où il apprend à harmoniser ses instincts, ses émotions et son intellect pour atteindre la lumière divine. Cette quête s’inscrit dans une tradition hermétique qui transcende les cadres religieux, cherchant l’unité dans la diversité.

Le document souligne également les tensions historiques entre Misraïm et la franc-maçonnerie anglo-saxonne, qui a rejeté les apports ésotériques pour se limiter aux trois grades bleus. En contraste, Misraïm, avec ses hauts grades, offre une voie où l’initié explore les mystères de l’Égypte ancienne, non pas comme une reconstitution historique, mais comme un langage symbolique universel.

VI. Conclusion

Le Rite de Misraïm, à travers ses symboles – le temple, le naos, le chat, Osiris, le sphinx, Thot, les Neter et Horus – propose une voie initiatique unique, ancrée dans l’hermétisme et l’imaginaire égyptien. Ces symboles, issus des cosmogonies égyptiennes et réinterprétés à travers un prisme hellénistique, guident l’initié dans une quête de transcendance, où il apprend à dépasser les dualismes pour atteindre l’unité.

Le Rite de Misraïm, en puisant dans les mystères égyptiens, invite chaque maçon à devenir un « naos ambulant », un temple vivant où la lumière divine s’éveille. Cette tradition, bien que marquée par des scissions et des controverses, reste une voie vibrante pour ceux qui cherchent à polir leur pierre brute dans la quête intemporelle de la vérité.

La Grande Loge de l’État de Nuevo León a célébré son 120e anniversaire

De notre confrère mexicain detona.com – Par Óscar Tamez

Le 24 juin 1905, elle a obtenu la charte l’accréditant comme grande loge du Grand Maître de Veracruz.

le gouverneur et dirigeant politique de l’entité, Bernardo Reyes Ogazón , fonda la franc-maçonnerie du Nuevo León. Ses motivations étaient les mêmes que celles de nombreux francs-maçons du XIXe siècle : la politique et le pouvoir public.

Il n’a pas été difficile pour certaines loges du Nuevo León de s’unir en une grande loge ; en fin de compte, l’invitation est venue d’un franc-maçon qui était également gouverneur et qui était mentionné comme successeur potentiel de Porfirio Díaz et comme un homme puissant dans la politique nationale.

Avant la Grande Loge de l’État de Nuevo León de 1905, il y avait deux grandes loges : la loge « Felipe Naranjo » , apparue en 1880 et composée du groupe politique de Lampazos, Nuevo León, ainsi que de Jerónimo Treviño et Genaro Garza García.

L’autre, avec Reyes lui-même comme grand maître, appelée « Unión », fut fondée en 1890 sous les auspices de la Grande Diète, mais lorsque cette dernière fit faillite et que le soutien de Díaz fut perdu, elle se dissout ou ferma ses portes.

En 1904-1905, Reyes avait des partisans dans différentes régions du pays, notamment comme vice-président aux côtés du dictateur, et même comme candidat potentiel à la présidence si le siège présidentiel devenait vacant.

Considéré comme le « jeune homme » du groupe et rival des scientifiques porfiriens, il était le candidat naturel pour mettre en œuvre une vision fraîche et renouvelée du Porfiriato étouffant.

Atteindre 120 ans d’existence institutionnelle n’a pas été chose facile. La Franc-Maçonnerie a connu des hauts et des bas, comme celui survenu entre 1909 et 1917, lorsque Bernardo Reyes a quitté l’État, sans compter les bouleversements provoqués par la Révolution mexicaine.

L’actuel grand maître, Héctor Emmanuel Arredondo Morales, a été le fer de lance des différents événements culturels et historiques qui ont commémoré cet anniversaire.

Le 19 juin, les célébrations ont commencé avec l’exposition de portraits intitulée « 120 personnages de la franc-maçonnerie » où des artistes locaux, francs-maçons et non-francs-maçons, ont peint en utilisant diverses techniques des personnalités telles que Mariano Escobedo, Bernardo Reyes, Arturo B. de la Garza, Eusebio Guajardo, Ángel Martínez Villarreal, Winston Churchill, Mozart et bien d’autres, y compris d’autres qui, sans être francs-maçons, partageaient les idées de liberté, d’égalité et de fraternité de la franc-maçonnerie universelle, comme c’est le cas du frère Servando Teresa de Mier.

Grande Loge de l’État de Nuevo León – Photo Internet.

Les 20 et 21 juin s’est tenu le IVe Congrès national sur l’histoire de la franc-maçonnerie sous le thème « Les grands maçons et leurs contributions à la société » .

L’inauguration a été réalisée par le grand maître Héctor Emmanuel Arredondo Morales et représentant la communauté des historiens et chroniqueurs du Nuevo León, l’historien Héctor Jaime Treviño Villarreal , en plus de la présence de Claudia Mujica du collège des comptables, Hernán Farías Gómez président des chroniqueurs du Nuevo León, José Antonio Olvera chef des archives de l’hôpital universitaire et de l’école de médecine et David Rodríguez. Calderón , recteur du collège des avocats de Nuevo León.

Dimanche, un événement avec des jeunes a eu lieu et lundi, le Musée maçonnique de Monterrey a ouvert ses portes, un incontournable pour les touristes et les amateurs de culture. De plus, les festivités se termineront le 24 juin par un grand événement célébrant les 120 premières années de la franc-maçonnerie organisée à Nuevo León.

Les francs-maçons du Nuevo León font partie de l’histoire de l’État et… ils continuent de faire l’histoire.

Les 120 ans de la Grande Loge de Nuevo León : Un voyage dans l’histoire de la franc-maçonnerie mexicaine

Découvrez l’incroyable 120e anniversaire de la Grande Loge de Nuevo León à travers une immersion captivante dans son histoire, ses défis et sa modernité. Entre traditions et renouveau, ce podcast vous invite à explorer le rôle essentiel de cette institution séculaire dans le contexte mexicain et mondial. Laissez-vous emporter par un voyage riche en anecdotes, en symboles et en valeurs durables.


La Grande Loge de Nuevo León, symbole de la franc-maçonnerie dans la région, célèbre cette année ses 120 ans d’existence. Entre origines politiques, transformations sociales et engagement culturel, son parcours reflète l’évolution d’une organisation qui sait se réinventer tout en conservant ses traditions. À travers ce contenu, nous vous proposons une plongée dans cet univers mystérieux et inspirant, où l’histoire rencontre l’action concrète.

Ce podcast dynamique et informatif perçoit la franc-maçonnerie comme un pilier culturel et historique. Nous analysons comment cette organisation née d’aspirations politiques il y a plus d’un siècle reste pertinente en se renouvelant à chaque étape. Suivez nos histoires et anecdotes pour mieux comprendre la symbolique et l’impact actuel de la Grande Loge de Nuevo León.


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Intelligence Artificielle : risque ou opportunité ?

L’expression « Intelligence Artificielle » a été créée il y a un demi-siècle par John McCarthy, professeur à l’Université de Stanford, en Californie, et Marvin Minsky, du célèbre MIT, pour désigner, je cite, « la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique ».

Artificial ou artificielle veut dire clairement que le processus s’efforce d’avoir toutes les apparences de l’intelligence humaine, et insistent sur le fait que le fonctionnement interne du système doit ressembler à celui de l’être humain et être au moins aussi rationnel.

Il s’agit donc d’imiter au mieux les fonctions du cerveau humain.

L’intelligence dont il est question ici, c’est l’ensemble des facultés de conception, de compréhension, d’adaptation Quant aux opinions, les auteurs anglo-saxons considèrent que l’intelligence est la capacité d’avoir des opinions fondées sur la raison. On voit immédiatement une limite à cette compréhension, et par tant à ce que l’Intelligence Artificielle va chercher à imiter : l’I.A.  aboutit à des opinions ou propose des options fondées sur la raison.

Or nous savons que nos choix, qu’il s’agisse d’opinions, de jugements, d’inclinations, procèdent de notre cerveau droit comme de notre cerveau gauche, c’est-à-dire de nos émotions, de notre intuition, comme de notre raison. 

Les valeurs de l’humain ne sont pas uniquement l’expression de ce que commande la raison, les faits démontrables et démontrés.

L’intelligence Artificielle est donc incapable d’imiter le cerveau humain en ce qu’il a de non-rationnel.

Irving John Good, Myron Tribus et E.T. Jaynes ont décrit de façon très claire les principes assez simples d’un robot à logique inductive utilisant les principes de l’inférence bayésienne pour enrichir sa base de connaissances sur la base du Théorème de Cox-Jaynes.

Ils n’ont malheureusement pas traité la question de la façon dont on pourrait stocker ces connaissances sans que le mode de stockage entraîne un biais cognitif. Le projet est voisin de celui de Raymond Lulle, mais fondé cette fois-ci sur une logique inductive, et donc propre à résoudre quelques problèmes ouverts. Des chercheurs comme Alonzo Church ont posé des limites pratiques aux ambitions de la raison, en orientant la recherche) vers l’obtention des solutions en temps fini, ou avec des ressources limitées, ainsi que vers la catégorisation des problèmes selon des classes de difficulté.

Très concrètement, cela signifie qu’une machine, si sophistiquée soit-elle, n’a pas d’état d’âme, pas d’émotion, pas d’affect, pas d’éthique. Une machine, même si elle est dotée de capacités d’auto-apprentissage, n’a pas peur, n’aime ni ne déteste rien ni personne.

En fait, en dehors des ouvrages de science-fiction, les machines n’ont pas de conscience, n’éprouvent pas de sentiments.

Reste qu’il est de plus en plus évident que les systèmes d’intelligence artificielle deviennent capables d’accomplir certaines activités qui auparavant étaient l’apanage exclusif des humains.

Les limites ont été posées clairement par certains auteurs de science-fiction.

On peut citer ici les Trois Lois de la Robotique proposées par isaac Asimov en 1942 :

Isaac Asimov

1/ Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ;

2/ Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ;

3/ Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.

Le développement de ces systèmes conduit au renforcement progressif de leurs facultés d’autonomie propre et de cognition – c’est-à-dire la capacité à apprendre par l’expérience et à prendre des décisions de manière indépendante –, lesquelles sont susceptibles de faire de ces systèmes des agents à part entière pouvant interagir avec leurs opérateurs et leur environnement et les influencer de manière significative.

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En fait, toute technologie offre de nouvelles opportunités en même temps qu’elle crée des risques. Et il ne faut pas négliger les aspects éthiques du développement de ces technologies.

Je voudrais à ce stade illustrer mon propos par les questions que le médecin hospitalier et l’enseignant universitaire que je suis se pose, chaque jour un peu plus, et auxquelles mon parcours maçonnique me permet de réfléchir avec plus d’acuité.

Reprenant les termes d’un rapport auquel j’ai apporté mon concours il y a quelques années, consacré à la Stratégie Nationale en Intelligence Artificielle et en particulier aux aspects économiques et sociaux de l’intelligence artificielle, je soulignerai trois des risques éthiques liés à l’Intelligence Artificielle :

Citons en premier lieu le risque de désengagement : l’utilisation de l’IA et de machines autonomes peut conduire à un désengagement de l’humain. Remplacer le facteur humain par de l’IA pourrait conduire à une déshumanisation des pratiques et un appauvrissement des interactions sociales.

Dans le domaine de la pratique médicale, au-delà de la technique, qui s’intéresse aux maladies, il y a la relation humaine, qui s’intéresse au malade.  En fait, le secteur de la santé et, en particulier celui des soins apportés aux patients, aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées va, dans les prochaines années, être profondément transformé par le développement de technologies offrant une grande diversité d’applications allant de l’assistance au contrôle, jusqu’à l’accompagnement quotidien. Le récent scandale des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes montre bien combien le rapport humain est essentiel, et combien l’éthique ne saurait être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité financière.

La forte dimension affective au cœur de la relation de soin ne va pas cesser d’évoluer et, dès lors, va modifier à la fois le travail des soignants comme la vie des patients. Il faut veiller à ne pas déshumaniser la relation soignant-soigné, tout en se félicitant de ce que les machines, les robots, les automates peuvent permettre, qui renforce l’efficacité, assure la proximité et la sécurité des soins.

Le deuxième risque est la déresponsabilisation :  progressivement, l’être humain pourrait avoir tendance à s’en remettre exclusivement à la proposition de la machine, en évitant d’engager sa responsabilité. Dévier de la solution préconisée par la machine entraînerait une prise de risque trop grande, susceptible de lui faire encourir d’éventuelles sanctions en cas de problème. Cela est vrai en médecine come dans de très nombreuses activités, par exemple le pilotage des véhicules ou des avions.

Le troisième risque est celui de l’atteinte à l’autonomie et par tant à l’imagination et à la créativité. Derrière les vertus facilitatrices de certains dispositifs peut se déployer de manière sous-jacente une normativité. Ainsi, certains dispositifs pourraient empêcher les êtres humains d’adopter des comportements considérés comme « sub-optimaux », de tenter certaines expériences, voire de commettre des erreurs qui souvent sont à la source de nouveautés et de découvertes

Mais on ne saurait se priver des considérables progrès, en tous cas des indiscutables transformations et accélérations que l’Intelligence artificielle va apporter, par exemple en ce qui concerne la recherche clinique, qui permet d’éprouver l’efficacité et la sécurité des nouveaux médicaments.

Le numérique va très certainement permettre de tester les nouveaux médicaments plus rapidement, et sans doute avec moins de patients.  Ce que l’on appelle déjà les essais in silico, c’est-à-dire mettant en œuvre des méthodes d’études effectuée au moyen d’ordinateurs dont les puces sont principalement composées de silicium, vont très probablement optimiser la sécurité des tests cliniques.

Il faudra donc peser les bénéfices et les risques, faire preuve à la fois d’audace et de raison, arbitrer.

En un mot, accepter d’intégrer les progrès de la technologie, tout en ne cédant rien quant aux valeurs de l’humain.

le Dieu de la Bible et ses pactes d’alliance avec l’Humanité

Dieu de la Bible, un allié de l’Humanité ?

La Nature des Alliances Bibliques

Dans la tradition biblique, une alliance (en hébreu brit, en grec diathèkè) est un pacte solennel qui établit une relation durable entre Dieu et l’humanité, ou entre Dieu et un individu ou un peuple spécifique.

Contrairement à un contrat moderne basé sur des intérêts mutuels, l’alliance biblique est profondément relationnelle, marquée par la fidélité, la promesse divine et souvent un signe tangible (comme l’arc-en-ciel ou la circoncision). Ces alliances structurent l’histoire du salut, révélant le caractère de Dieu – miséricordieux, juste et fidèle – et Son plan pour réconcilier l’humanité avec Lui. Le Texte met en lumière plusieurs alliances clés, depuis Caïn jusqu’à la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ, en passant par des exemples spécifiques comme Jephté, et souligne des thèmes tels que la négociation, la soumission, la paix cosmique et les rites d’alliance.

1. L’Alliance avec Caïn : Une Protection Divine

Gustave Doré: Caîn et Abel offrant leur sacrifice

Texte de référence : Genèse 4:15 – « L’Éternel dit à Caïn : ‘Aussi, quiconque tuera Caïn sera puni au septuple.’ Et l’Éternel le marqua d’un signe, pour que personne, le rencontrant, ne le frappât. »
Après le meurtre d’Abel, Caïn est maudit et condamné à l’errance (Genèse 4:11-12). Cependant, dans un acte de miséricorde inattendu, Dieu lui accorde une protection spéciale : un « signe » (en hébreu ot) qui garantit que personne ne le tuera. La nature exacte de ce signe reste mystérieuse – certains commentateurs juifs (comme Rachi) suggèrent une marque physique, d’autres y voient une proclamation divine ou un symbole de repentance. Cette alliance, bien que personnelle, établit un précédent : même dans le péché, Dieu offre une grâce protectrice.:

  • Théologie : Cette alliance montre que Dieu ne rejette pas entièrement le pécheur. Caïn, bien qu’exilé, reste sous la providence divine, ce qui préfigure les alliances ultérieures où la miséricorde accompagne le jugement.
  • Contexte culturel : Dans les sociétés anciennes du Proche-Orient, marquer quelqu’un (physiquement ou symboliquement) était une pratique courante pour indiquer une protection ou une appartenance. Le signe de Caïn peut être comparé aux marques tribales ou aux sceaux royaux.
  • Interprétation juive : Le Midrash suggère que le signe pourrait être une lettre du nom divin (Tétragramme) ou un signe de repentance, soulignant que Caïn a eu l’opportunité de se réformer.
  • Parallèles : Cette alliance personnelle contraste avec les alliances universelles ou collectives ultérieures, mais elle pose la question de la responsabilité individuelle face à Dieu.

2. L’Alliance avec Noé : La Promesse Universelle

Gustave Doré : Le déluge

Texte de référence : Genèse 9:8-17 – Dieu promet de ne plus détruire la terre par un déluge, avec l’arc-en-ciel comme signe.
Après le déluge, qui anéantit presque toute vie à cause de la corruption humaine, Dieu établit une alliance avec Noé, sa famille et « toute chair » (c’est-à-dire tous les êtres vivants). Cette alliance est universelle, ne dépendant pas de l’obéissance humaine, mais de la seule fidélité de Dieu. L’arc-en-ciel (qeshet), symbole de paix et de beauté, apparaît comme un rappel constant de cette promesse. Le texte souligne la miséricorde divine et la volonté de préserver la création malgré le péché.

  • Contexte historique : Le récit du déluge s’inscrit dans un cadre mésopotamien, avec des parallèles dans des textes comme l’Épopée de Gilgamesh. Cependant, l’alliance noachique est unique par son accent sur la préservation universelle et l’absence de conditions imposées à l’humanité.
  • Signification du signe : L’arc-en-ciel, phénomène naturel visible après la pluie, symbolise la transition du jugement à la grâce. Dans la pensée juive, il est aussi un rappel pour l’humanité de se repentir pour éviter un jugement futur.
  • Théologie : Cette alliance établit Dieu comme le gardien de l’ordre cosmique. Elle inclut des lois noachides (Genèse 9:1-7), comme l’interdiction du meurtre, qui sont considérées dans le judaïsme comme des obligations morales universelles pour toute l’humanité.
  • Impact culturel : L’arc-en-ciel est devenu un symbole universel de paix et d’espoir, repris dans diverses traditions religieuses et culturelles.

Gustave Doré : Le sacrifice d’Isaac

3. L’Alliance avec Abraham : Le Peuple Élu et la Négociation

Texte de référence : Genèse 17:7-14 (alliance de la circoncision) ; Genèse 18:20-33 (négociation pour Sodome).
L’alliance avec Abraham est un pivot dans l’histoire biblique, marquant la formation d’un peuple élu destiné à bénir toutes les nations. Dieu promet à Abraham une descendance nombreuse, une terre (Canaan) et une relation spéciale : « Je serai leur Dieu. » Le signe de cette alliance est la circoncision des hommes (brit milah), un acte physique marquant l’appartenance à la communauté d’Israël. Le texte mentionne également la négociation d’Abraham avec Dieu pour sauver Sodome (Genèse 18:20-33), où il demande si Dieu épargnera la ville pour 50, 45, 40, 30, 20, puis 10 justes.:

  • Circoncision (brit milah) :
    • Signification : La circoncision, pratiquée le huitième jour pour les garçons, est un signe permanent de l’alliance, symbolisant la consécration à Dieu et la séparation d’Israël des autres nations. Elle engage non seulement Abraham, mais tous ses descendants.
    • Contexte culturel : La circoncision était pratiquée dans d’autres cultures anciennes (Égypte, certains peuples sémitiques), mais dans le judaïsme, elle acquiert une signification spirituelle unique comme signe d’alliance.
    • Théologie : La brit milah est un acte de soumission et de fidélité, mais aussi un rappel de la promesse divine de fécondité (une descendance « comme les étoiles »).
    • Impact historique : L’alliance abrahamique fonde l’identité d’Israël et influence le judaïsme, le christianisme et l’islam, qui se réclament tous d’Abraham comme patriarche.

Gustave Doré : La fuite de Loth

Moins connue la Négociation pour sauver Sodome
Texte de référence : (Genèse 18: 23-24)

Abraham ne l’entend pas ainsi et essaie de convaincre Dieu d’épargner Sodome à cause des justes qui, potentiellement, s’y trouvent : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le coupable ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ! Vas-tu vraiment supprimer cette cité, sans lui pardonner à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ? » (Genèse 18.23-24). Abraham met en avant, dans son plaidoyer, deux arguments qui pourraient faire revenir Dieu sur son intention. D’une part la justice veut que l’innocent ne périsse pas avec le coupable et, d’autre part, et l’argumentation est plus osée, les justes qui se trouvent à Sodome devraient permettre le pardon de tous. Il marchande avec Dieu pour qu’il accepte de diminuer le nombre de justes nécessaires au pardon : cinquante, quarante-cinq, quarante… dix. À dix, Abraham s’arrête.
Impact historique : L’alliance abrahamique fonde l’identité d’Israël et influence le judaïsme, le christianisme et l’islam, qui se réclament tous d’Abraham comme patriarche.

Gustave Doré : Moïse

4. L’Alliance au Sinaï : La Loi et la Sainteté

Texte de référence : Exode 19:5-6 ; Exode 20 (Décalogue).
L’alliance sinaïtique est conclue après la sortie d’Égypte, lorsque Dieu donne la Torah à Moïse sur le mont Sinaï. Cette alliance fait d’Israël un « royaume de prêtres » et une « nation sainte », à condition d’obéir à la Loi. Le Décalogue (les Dix Commandements) en est le cœur, et le sabbat est le signe spécifique de cette alliance (Exode 31:13). Le texte met l’accent sur l’obéissance, la justice sociale et la sainteté communautaire.

  • Structure de l’alliance :
    • Comme les traités suzerains-vassaux du Proche-Orient ancien, l’alliance sinaïtique comprend un préambule (« Je suis l’Éternel, ton Dieu »), des stipulations (les commandements), des bénédictions pour l’obéissance et des malédictions pour la désobéissance (Lévitique 26, Deutéronome 28).
    • Les commandements se divisent en devoirs envers Dieu (1-4) et envers autrui (5-10).
  • Le sabbat :
    • Signe de l’alliance, le sabbat (repos hebdomadaire) rappelle la création (Genèse 2:2-3) et la libération d’Égypte (Deutéronome 5:15).
    • Dans le judaïsme, il est une « cathédrale dans le temps » (Abraham Heschel), un moment de communion avec Dieu.
  • Théologie :
    • Cette alliance met l’accent sur la sainteté (kadosh), qui signifie être « mis à part » pour Dieu. Israël doit refléter le caractère de Dieu dans sa vie éthique et cultuelle.
    • Le texte souligne que le Dieu des Hébreux est un « libérateur » plus qu’un créateur cosmogonique, une idée centrale dans le judaïsme.
  • Contexte culturel : La Torah, avec ses 613 commandements, structure la vie d’Israël, des pratiques agricoles aux relations sociales, en contraste avec les lois des nations environnantes (par exemple, le Code d’Hammourabi).
  • Impact : L’alliance sinaïtique reste le fondement du judaïsme, et les chrétiens y voient une préparation à la Nouvelle Alliance, bien que Jésus ait réinterprété la Loi (Matthieu 5:17).

Gustave Doré : Le roi David punissant les Ammonites

5. L’Alliance Davidique : La Royauté Éternelle

Texte de référence : 2 Samuel 7:12-16.
Dieu promet à David une dynastie éternelle, déclarant que son trône sera établi « pour toujours ». Cette alliance s’appuie sur les promesses abrahamiques (un peuple, une terre) et sinaïtiques (la Loi), mais introduit une dimension messianique : un roi de la lignée de David régnera éternellement. Le texte mentionne aussi le Psaume 108:9, qui célèbre la souveraineté divine sur Galaad, Manassé, Éphraïm et Juda.

  • Contexte historique : David unifie Israël et établit Jérusalem comme capitale. L’alliance divine légitime sa dynastie face aux instabilités politiques de l’époque ( Philistins, Ammonites).
  • Signification théologique :
    • Cette alliance est inconditionnelle, contrairement à l’alliance sinaïtique. Même si les descendants de David pèchent, la promesse divine demeure (2 Samuel 7:14-15).
    • Elle préfigure le Messie, un roi juste et éternel. Dans le judaïsme, le Messie est attendu comme un descendant davidique ; dans le christianisme, Jésus est ce « Fils de David » (Matthieu 1:1).
  • Symbolisme géographique :
    • Le Psaume 108:9 reflète l’idéal d’un Israël uni, où Galaad (à l’est du Jourdain) et Éphraïm (au nord) symbolisent les tribus dispersées, et Juda (au sud) la royauté.
    • Galaad, région fertile, est aussi associée à Jephté (voir section suivante).
  • Impact culturel : L’espérance messianique davidique a inspiré des mouvements religieux et politiques dans l’histoire juive, comme la révolte des Maccabées ou le sionisme moderne.

Gustave Doré : la fille de Jephté

6. Jephté : Le Serment et le Sacrifice

Texte de référence : Juges 11:30-38 – Jephté voue à Dieu la première créature qui sortira de sa maison s’il est victorieux contre les Ammonites.
Jephté, chef des Galaadites, fait un vœu tragique : en échange de la victoire contre les Ammonites, il offrira en holocauste la première personne qui sortira de sa maison. À son retour, c’est sa fille unique qui l’accueille, et Jephté, fidèle à son serment, accomplit le sacrifice. Le texte mentionne aussi le conflit avec les Éphraïmites, qui reprochent à Jephté de ne pas les avoir inclus dans la bataille.

  • Contexte historique :
    • Jephté vit à l’époque des Juges (XIIe-XIe siècle av. J.-C.), une période d’instabilité où les tribus d’Israël sont menacées par des voisins comme les Ammonites. Galaad, à l’est du Jourdain, est une région stratégique attribuée à Gad et à la demi-tribu de Manassé.
    • Les Éphraïmites, tribu puissante à l’ouest du Jourdain, cherchent à affirmer leur suprématie, d’où leur querelle avec Jephté (Juges 12:1-6).
  • Le vœu de Jephté :
    • Le vœu reflète une pratique ancienne où les serments à Dieu étaient irrévocables (Nombres 30). Cependant, les holocaustes humains étaient interdits dans la Loi mosaïque (Lévitique 18:21), ce qui rend le geste de Jephté controversé.
    • Certains commentateurs (juifs et chrétiens) suggèrent que Jephté n’a pas littéralement sacrifié sa fille, mais l’a consacrée à une vie de célibat ou de service religieux. D’autres insistent sur le caractère tragique du texte, où la fidélité aveugle mène à la catastrophe.
  • Signification théologique :
    • Jephté incarne le paradoxe de la foi : une obéissance absolue peut conduire à des actes moralement discutables. Son histoire questionne la nature des vœux et des alliances avec Dieu.
    • Le texte note le « lien fanatique à la promesse », suggérant une critique de l’excès de zèle religieux.
  • Conflit avec Éphraïm :
    • Les Éphraïmites menacent Jephté pour des raisons d’orgueil tribal, mais Jephté rétorque qu’il avait demandé leur aide sans succès (Juges 12:2-3).
    • La guerre civile qui s’ensuit (Juges 12:4-6) montre les divisions internes d’Israël, un thème récurrent dans le livre des Juges.
  • Symbolisme géographique :
    • Galaad, Manassé et Éphraïm, mentionnés dans le Psaume 108:9, représentent l’unité idéale d’Israël sous la souveraineté divine. Pourtant, l’histoire de Jephté révèle des fractures tribales.
  • Impact culturel : La fille de Jephté est commémorée dans une tradition juive où les femmes pleurent son sort chaque année (Juges 11:39-40), un rituel qui souligne la tragédie humaine dans les engagements religieux.

Gustave Doré : Esdras montrant la sainte Loi

7. L’Alliance Théocratique : Le Monothéisme d’Esdras

Texte de référence : On considère Esdras et le Décalogue comme fondements des devoirs envers Dieu, la famille et l’humanité.
Avec Esdras, après l’exil babylonien (Ve siècle av. J.-C.), le judaïsme se recentre sur le monothéisme strict et la Torah comme constitution nationale. Le texte décrit une « alliance théocratique » où le roi est le « lieutenant de Dieu ». Quant au Décalogue, il structure trois catégories de devoirs : envers Dieu (monothéisme, sabbat), la famille (respect des parents, fidélité conjugale) et l’humanité (interdiction du vol, du mensonge, de l’esclavage). Cette vision ethno centrée vise à préserver l’identité juive face aux influences perses et grecques.

  • Contexte historique : Esdras, scribe et prêtre, réforme le culte et la société juive après le retour de Babylone (Néhémie 8). Il insiste sur la pureté rituelle et l’observance de la Torah, parfois au prix de mesures strictes (par exemple, le renvoi des épouses étrangères, Esdras 10).
  • Le Décalogue :
    • Envers Dieu : Les quatre premiers commandements affirment le monothéisme (« Tu n’auras pas d’autres dieux »), interdisent les idoles et sanctifient le sabbat. après  ce qui jusqu’alors n’était
    • Envers la famille : Honorer ses parents et interdire l’adultère renforcent la stabilité sociale, vue comme sacrée.
    • Envers l’humanité : Les interdits du meurtre, du vol, du faux témoignage et de la convoitise promeuvent une éthique universelle. Le texte note que l’esclavage (vol d’humain) est particulièrement condamné.
  • Théologie : Le Dieu d’Israël est un libérateur (Exode) plus qu’un créateur cosmique, une idée reprise par des penseurs comme André Néher, cité dans le texte. Néher voit l’alliance comme une « relation » dynamique, pas un dogme statique.
  • Spinoza et l’excommunication : L’excommunication de Spinoza en 1656 par la communauté juive d’Amsterdam pour ses idées rationalistes illustre les tensions entre la théocratie rigide et les questionnements philosophiques modernes.Spinoza critique l’idée d’un Dieu anthropomorphique et d’une alliance littérale, proposant une lecture éthique de la Torah, ce qui le met en conflit avec l’orthodoxie.

Gustave Doré : Jésus et ses disciples à la Cène

8. La Nouvelle Alliance : La Promesse Accomplie

Texte de référence : Jérémie 31:31-34 ; Luc 22:20.

Contexte et analyse :
Prophétisée par Jérémie, la Nouvelle Alliance promet une transformation intérieure : la Loi sera inscrite dans les cœurs, et les péchés seront pardonnés. Jésus, lors de la Dernière Cène, inaugure cette alliance par Son sang, unissant Juifs et non-Juifs dans une communauté universelle. Le texte souligne que cette alliance transcende toutes les précédentes par son caractère inclusif et son accent sur la grâce.

  • Contexte prophétique :
    • Jérémie annonce la Nouvelle Alliance dans un contexte d’exil et de désespoir, promettant un renouveau spirituel après l’échec répété d’Israël à respecter l’alliance sinaïtique.
    • Ézéchiel (36:26-27) complète cette vision en promettant un « cœur nouveau » et l’Esprit de Dieu.
  • Réalisation en Jésus :
    • Lors de la Pâque, Jésus relie Son sacrifice à l’alliance nouvelle (Luc 22:20), reprenant l’imagerie de l’Exode (le sang de l’agneau pascal).
    • Sa résurrection scelle la victoire sur le péché et la mort, rendant l’alliance accessible à tous (Actes 2).
  • Théologie :
    • Contrairement aux alliances précédentes, qui reposaient sur des signes extérieurs (circoncision, sabbat), la Nouvelle Alliance agit par l’Esprit, transformant les croyants de l’intérieur.
    • Elle universalise les promesses abrahamiques : toutes les nations deviennent héritières de la bénédiction (Galates 3:28-29).
  • Impact historique :
    • La Nouvelle Alliance fonde le christianisme, qui se répand dans l’Empire romain et au-delà.
    • Dans le dialogue judéo-chrétien, elle suscite des débats : les chrétiens voient en Jésus l’accomplissement des alliances, tandis que le judaïsme maintient l’alliance sinaïtique comme éternelle.
  • Paix cosmique :
    • Le Texte mentionne une « paix cosmique » comme dénouement de l’histoire humaine (shalom). Dans la théologie chrétienne, cela correspond à la vision eschatologique d’un royaume de justice et d’harmonie (Apocalypse 21).
    • Dans le judaïsme, shalom est l’idéal d’un monde réconcilié sous la Torah, comme l’envisagent les prophètes (Isaïe 11:6-9).

Rites d’Alliance : Signes et Symboles

Reprenons la marque des alliances

  • Caïn : Le signe mystérieux, peut-être une marque de protection.
  • Noé : L’arc-en-ciel, symbole universel de miséricorde.
  • Abraham : La circoncision (brit milah), signe d’appartenance et de consécration.
  • Sinaï : Le sabbat, signe de repos et de communion avec Dieu.
  • David : Pas de signe physique explicite, mais le trône et le Temple (construit par Salomon) symbolisent la présence divine.
  • Nouvelle Alliance : L’Eucharistie (pain et vin) et le baptême, signes de la mort et de la résurrection de Jésus.
  • Dans le judaïsme, les rites comme la circoncision et le sabbat sont des actes d’obéissance joyeuse, intégrés à la vie quotidienne.
  • Dans le christianisme, les sacrements (baptême, Eucharistie) prolongent l’alliance dans une perspective spirituelle et eschatologique.
  • André Néher voit dans shalom l’alliance ultime, où les rites culminent dans une harmonie universelle.

Les rites d’alliance ne sont pas de simples rituels ; ils incarnent la relation entre Dieu et l’humanité, rappelant les promesses mutuelles.

On peut dégager trois dynamiques dans les alliances :

  1. Négociation : Exemplifiée par Abraham (Genèse 18), elle montre que l’alliance n’est pas unilatérale. L’homme peut dialoguer avec Dieu, intercéder et influencer le cours des événements, dans les limites de la justice divine. Outre Abraham, Moïse négocie avec Dieu pour épargner Israël après le veau d’or (Exode 32:11-14), et les prophètes comme Élie ou Jonas dialoguent avec Dieu pour accomplir leur mission.
  2. Soumission : La circoncision et le Décalogue exigent une obéissance totale, mais cette soumission est vue comme une réponse libre à l’amour de Dieu, pas une contrainte. Dans le judaïsme, l’obéissance à la Torah est une « alliance de vie » (Deutéronome 30:19-20). Dans le christianisme, la soumission se traduit par la foi en Christ (Jean 15:10).
  3. Paix cosmique (shalom) : Chaque alliance est un pas vers un monde réconcilié. Noé préserve la création, Abraham bénit les nations, le Sinaï instaure la justice, David promet un roi juste, et la Nouvelle Alliance offre le pardon universel. Shalom dépasse l’absence de conflit ; il englobe la plénitude, la justice et la communion avec Dieu. Les prophètes (Isaïe, Michée) et les Psaumes (comme 108:9) en font un idéal eschatologique.

Les alliances bibliques forment une chaîne cohérente, chaque pacte s’appuyant sur le précédent pour révéler davantage le plan divin. De la protection de Caïn à la paix universelle de la Nouvelle Alliance, elles montrent un Dieu qui s’engage avec l’humanité malgré ses failles. Les rites, les signes et les devoirs (envers Dieu, la famille, l’humanité) ancrent ces alliances dans la vie concrète, tandis que l’espérance du shalom donne un horizon eschatologique.

Enfin, l’idée de paix cosmique résonne avec les défis modernes – justice sociale, écologie, dialogue inter-religieux – où les alliances bibliques peuvent inspirer une vision d’unité et de réconciliation.

Dans le judaïsme, les alliances restent vivantes à travers la Torah et les pratiques comme le sabbat ou la circoncision.
Dans le christianisme, la Nouvelle Alliance invite à une foi active, marquée par l’amour et la mission universelle.


Cependant, les prescriptions permettant les alliances suscitent des débats philosophiques : comment concilier liberté individuelle et engagement communautaire?

Moi, ton autre

1

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Voici venir l’été. Tandis que les jours commencent insensiblement à raccourcir, l’ardeur du soleil, l’amollissement des tâches, le parfum de villégiature, étirent paradoxalement le sentiment de la durée. S’annoncent ainsi les torpeurs estivales, jusqu’aux travaux suspendus des loges. C’est un moment favorable pour nous interroger sur le sens de nos choix et de nos activités.

Au plan maçonnique, quelque intérêt que je trouve à l’exploration de nos traditions, je me demande parfois si ces recherches approfondies n’ont pas tendance à distraire de l’essentiel, du dépouillement de soi, du silence intérieur, de l’expansion de la conscience. J’ai ma réponse et elle est corroborée par de multiples constats, comme si l’agitation mentale ou, du moins, la tension intellectuelle était un habile subterfuge pour échapper au lâcher prise, aux renoncements fluides, et conserver calculs, lâchetés et crispations. Pour autant, il ne manque pas de Sœurs et de Frères à qui ces exercices culturels, en nourrissant leur imaginaire, furent des plus profitables, aussi bien dans leur ouverture d’esprit que dans leur conduite ordinaire. C’est donc plutôt une affaire de personnalité.

Et puis, il y a ceux qui se soucient de la symbolique comme d’une guigne ou qui la pratiquent à froid comme une simple dissection rationnelle et qui, les uns et les autres, échappent ainsi à cet enveloppement spirituel qui transforme le regard et l’engagement dans le monde. Ceux-là se sont installés dans une sorte de sociabilité à prétention philosophique plus ou moins affirmée voire à tendance politique plus ou moins prononcée. L’initiation n’est pas leur fort. Je crains que certains n’aient ainsi manqué d’une chance d’amélioration morale et d’élévation de conscience. Toutefois, la nature est bonne fille et, en se frottant abstraitement les uns aux autres avec toutes leurs différences, maints et maintes en tirent un indéniable bénéfice d’humanité, tout en s’étant dispensés des renoncements solitaires que cultivent des disciplines intérieures quelque peu plus constantes. C’est la grâce de notre condition qui finit par trouver sa voie, dans l’immense combinatoire des destinées, dominée, toutefois, par le désir de faire société ensemble.

À tous ces Frères et à toutes ces Sœurs à qui je souhaite un bon été, j’oserai me présenter comme ils le feraient eux-mêmes à moi, par cette formule irréductible dans laquelle nous nous reconnaissons tous :

« Moi, ton autre ».

Le Livre des Morts égyptien et son écho dans la Franc-maçonnerie des rites égyptiens

Le Livre des Morts égyptien, connu sous son nom originel Per em heru (« Sortir au jour »), est l’un des textes les plus emblématiques de l’Égypte ancienne. Ce recueil de formules magiques, prières, hymnes et incantations, utilisé principalement à partir du Nouvel Empire (vers 1550-1070 av. J.-C.), servait à guider l’âme du défunt à travers l’au-delà, le Douât, vers une existence éternelle auprès d’Osiris, le dieu des morts. Bien plus qu’un simple texte funéraire, le Livre des Morts incarne la vision égyptienne de la mort comme une transition vers une nouvelle forme d’existence, marquée par des épreuves, des jugements et des transformations.

Au XVIIIe siècle, l’égyptomanie qui a suivi la campagne de Napoléon en Égypte et les découvertes archéologiques a ravivé l’intérêt pour la spiritualité égyptienne en Europe. Cet engouement a influencé divers courants ésotériques, notamment la franc-maçonnerie, à travers des rites dits « égyptiens » comme le Rite de Misraïm et plus tard celui de Memphis-Misraïm. Bien que le Livre des Morts ne soit pas directement intégré dans les rituels maçonniques, ses thèmes de mort symbolique, de jugement moral et de quête de lumière résonnent avec les idéaux maçonniques. Cet article propose une analyse approfondie du Livre des Morts, de son contexte, de son contenu et de sa philosophie, tout en explorant ses parallèles avec la Franc-maçonnerie des rites égyptiens.

I. Analyse du Livre des Morts égyptien

Contexte et fonction

Dieu Egyptien Isis
Egypte, Isis,

Le Livre des Morts s’inscrit dans une longue tradition de textes funéraires égyptiens, succédant aux Textes des Pyramides de l’Ancien Empire (réservés aux pharaons) et aux Textes des Sarcophages du Moyen Empire (accessibles à la noblesse). Apparu sous le Nouvel Empire, il était destiné à un public plus large, bien que principalement aux élites capables de financer des papyrus personnalisés. Ces textes, rédigés par des scribes, étaient souvent placés dans les tombes, inscrits sur des bandelettes de momies ou gravés sur des objets funéraires.

Le rôle principal du Livre des Morts était d’assurer la survie de l’âme dans l’au-delà. L’Égypte ancienne concevait la mort comme une transition vers l’au-delà, un monde souterrain complexe peuplé de divinités, de démons et de dangers. Pour atteindre le royaume d’Osiris et obtenir l’immortalité.

Le Livre des Morts n’est pas un livre au sens moderne, mais un ensemble de formules magiques et de textes funéraires personnalisés, destinés à guider l’âme du défunt à travers les épreuves de l’au-delà pour atteindre une existence éternelle auprès d’Osiris. Ces textes, souvent accompagnés de vignettes illustrées, étaient adaptés aux besoins spécifiques du défunt et reflétaient son statut social et ses aspirations spirituelles. Le Livre des Morts se concentre sur plusieurs objectifs clés : protéger l’âme contre les entités malveillantes, la guider à travers les chemins et les portes du Duat, lui permettre de se transformer en diverses formes (divines ou animales), et assurer sa justification lors du jugement final devant Osiris.

Structure et contenu

Composé d’environ 200 chapitres, le Livre des Morts n’était pas un texte standardisé : chaque copie était unique, contenant une sélection de formules choisies pour le défunt. Parmi les chapitres les plus connus, on trouve :

  • Chapitre 1 : Prières pour l’entrée dans l’au-delà et la protection du défunt.
  • Chapitre 17 : Explications cosmologiques sur la création et le rôle des divinités comme Rê et Osiris.
  • Chapitre 125 : Le jugement du cœur, où l’âme du défunt est pesée contre la plume de Maât, déesse de la vérité et de la justice, sous le regard d’Osiris et de 42 juges. Le défunt récite une « confession négative », niant 42 péchés spécifiques.
  • Chapitre 151 : Formules pour protéger le corps momifié contre les forces malveillantes.

Les vignettes illustrées, souvent richement colorées, jouaient un rôle crucial en renforçant la puissance magique des textes. Elles représentaient des scènes comme le défunt naviguant sur la barque solaire, affrontant des serpents ou adorant Osiris.

Symbolisme et philosophie

Le Livre des Morts est profondément ancré dans la cosmologie égyptienne, où la dualité entre l’ordre (Maât) et le chaos (Isfet) structure l’univers. La mort n’est pas une fin, mais une transformation vers une nouvelle existence. Le défunt devait prouver qu’il avait vécu en harmonie avec Maât pour mériter l’immortalité. Les notions de transformation, de mémoire (le nom du défunt devait être préservé pour éviter une « seconde mort ») et de renaissance sont centrales.

Le texte reflète également une vision optimiste de l’au-delà, où la préparation adéquate – via les formules du Livre des Morts – garantissait le succès du voyage post-mortem. Cette idée de préparation spirituelle et de quête de vérité trouve des échos dans les traditions ésotériques ultérieures, notamment la franc-maçonnerie.

II. Le Livre des Morts et l’égyptomanie

L’intérêt pour l’Égypte ancienne a explosé en Europe au XVIIIe siècle, particulièrement après la campagne de Napoléon en Égypte (1798-1801) et le déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion en 1822. Cette « égyptomanie » a influencé l’art, la littérature et les sociétés ésotériques, dont la franc-maçonnerie. Les mystères égyptiens, perçus comme une source de sagesse ancienne, ont inspiré des rites maçonniques dits « égyptiens », tels que le Rite de Memphis et le Rite de Misraïm, qui ont fusionné pour former le Rite de Memphis-Misraïm.

Bien que le Livre des Morts ne soit pas directement cité dans ces rites, son imagerie et ses thèmes – mort symbolique, jugement moral, quête de lumière – ont influencé l’imaginaire maçonnique. À une époque où les connaissances sur l’Égypte ancienne étaient encore limitées, les rites égyptiens se sont appuyés sur une vision romantisée de cette civilisation, amplifiée par les découvertes archéologiques.

III. La franc-maçonnerie et les rites égyptiens

La pyramide de Giza et son Sphinx
La pyramide de Giza et son Sphinx

La franc-maçonnerie, née au début du XVIIIe siècle, est une fraternité initiatique qui utilise des rituels symboliques pour transmettre des valeurs morales et spirituelles. Les rites égyptiens, bien que moins répandus que les rites écossais ou yorkistes, se distinguent par leur inspiration dans l’imaginaire égyptien. Le Rite de Misraïm, développé par les frères Bédarride vers 1810, et le Rite de Memphis, créé par Jacques-Étienne Marconis de Nègre en 1838, intègrent des symboles comme le sphinx, l’œil d’Horus ou la pyramide, évoquant la mystique égyptienne.

Parallèles avec le Livre des Morts

Bien que les textes du Livre des Morts ne soient pas directement utilisés dans les rituels maçonniques, plusieurs parallèles thématiques peuvent être établis :

  1. Mort et renaissance symboliques : Dans la franc-maçonnerie, l’initiation implique une mort symbolique, où le candidat abandonne son ancienne vie pour renaître en tant que maçon. Ce processus rappelle le voyage du défunt dans le Livre des Morts, qui traverse la mort pour atteindre une nouvelle existence dans l’au-delà.
  2. Jugement moral : Le chapitre 125 du Livre des Morts, avec son jugement du cœur, trouve un écho dans les rituels maçonniques où l’initié est confronté à des questions sur ses valeurs et son engagement moral. La quête de vérité et de droiture morale est un thème commun aux deux traditions.
  3. Symbolisme ésotérique : Les rites égyptiens s’inspirent de l’idée que l’Égypte ancienne détenait une sagesse ésotérique universelle, transmise à travers des initiations secrètes. Le Livre des Morts, avec ses formules magiques et ses mystères, incarne cette idée d’un savoir caché accessible aux initiés.
  4. Transformation et lumière : Dans le Livre des Morts, le défunt se transforme pour naviguer dans l’au-delà et atteindre la lumière divine d’Osiris. De même, la franc-maçonnerie met l’accent sur la transformation personnelle et la recherche de la « lumière » spirituelle, symbolisée par la connaissance et la vertu.

Une influence indirecte

L’influence du Livre des Morts sur la franc-maçonnerie est indirecte et symbolique. À l’époque de la création des rites égyptiens, les connaissances sur les textes égyptiens étaient encore fragmentaires, et les fondateurs de ces rites s’appuyaient davantage sur une vision romantique de l’Égypte que sur des sources authentiques. Par exemple, les hiéroglyphes n’étaient pas encore pleinement déchiffrés au début du XIXe siècle, et le Livre des Morts n’était connu que de manière vague à travers des traductions partielles. Les rites égyptiens sont donc plus une réinvention qu’une continuation fidèle des traditions égyptiennes.

Cependant, l’imaginaire du Livre des Morts – avec ses thèmes de mort, de jugement et de transcendance – a nourri l’idée maçonnique d’une quête initiatique vers la perfection. Les symboles égyptiens, amplifiés par l’égyptomanie, ont servi de véhicule pour exprimer ces idéaux universels.

IV. Une résonance intemporelle

Le Livre des Morts et la franc-maçonnerie des rites égyptiens partagent une fascination pour les mystères de la mort et de l’au-delà. Dans l’Égypte ancienne, le Livre des Morts était un guide pratique et spirituel pour naviguer dans l’inconnu. Dans la franc-maçonnerie, les rituels initiatiques jouent un rôle similaire, guidant l’individu vers une transformation intérieure. Ces deux traditions, bien que séparées par des millénaires, convergent dans leur exploration de la condition humaine, de la moralité et de la quête de sens.

Limites de l’influence

Il est important de noter que les parallèles entre le Livre des Morts et la franc-maçonnerie sont conceptuels plutôt que littéraux. Les rites égyptiens s’inspirent d’une vision idéalisée de l’Égypte ancienne, influencée par l’égyptomanie et les courants ésotériques européens comme l’hermétisme et la Rose-Croix. Le Livre des Morts, en tant que texte funéraire, n’a pas de lien direct avec les pratiques initiatiques maçonniques, mais son aura mystique a contribué à façonner l’imaginaire des rites égyptiens.

V. Conclusion

Le Livre des Morts égyptien est bien plus qu’un recueil funéraire : c’est une fenêtre sur la spiritualité et la cosmologie de l’Égypte ancienne, où la mort est une transition vers une existence éternelle, guidée par la vérité (Maât) et la mémoire. Ses thèmes de transformation, de jugement et de quête de lumière ont traversé les siècles, trouvant un écho dans les idéaux de la franc-maçonnerie, notamment à travers les rites égyptiens comme Memphis-Misraïm. Bien que ces rites ne reprennent pas directement le Livre des Morts, ils s’inspirent de son imaginaire pour construire une vision ésotérique de la mort symbolique et de la renaissance spirituelle.

peinture égyptienne
décoration égyptienne

En reliant l’ancien et le moderne, le Livre des Morts et la franc-maçonnerie témoignent de la pérennité des grandes questions humaines : comment affronter la mort, vivre selon la vérité et atteindre une forme de transcendance. Cette connexion, bien que symbolique, illustre la fascination durable pour l’Égypte ancienne comme source de sagesse universelle, un pont entre les civilisations et les époques dans la quête intemporelle du sens.

« Les grandes heures de la sorcellerie » – Par France Culture

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Par notre confrère France Culture

À propos de la série : En 1974, France Culture propose de faire revivre les grandes heures de la sorcellerie. À partir d’adaptations radiophoniques et d’entretiens avec des spécialistes, la série retrace la vaste mythologie collective façonnée autour de la figure surnaturelle et toujours condamnable de la sorcière.

Comment parler de la longue histoire de la sorcellerie ? L’une des principales voie d’accès en est l’étude de cas exemplaires à travers les grands procès en sorcellerie qui en illustrent tous les aspects : envoûtement, possession, pacte diabolique, marque démoniaque, sabbat, exorcisme… En 1974, une série en 25 épisodes de Catherine Bourdet et Henri Soubeyrand présente chacune de ces grandes affaires par le biais de fiction radiophonique suivie d’un débat avec des spécialistes de ces questions, historiens, psychiatres, ethnologues…

Des récits pour un phénomène persistant : la longue histoire de la sorcellerie

En ouverture, une présentation de La Sorcière de Michelet, essai publié en 1862, qui amorce un changement radical dans la perception de cette figure féminine autrefois jugée malfaisante et qui devient sous la plume de Jules Michelet, populaire et puissante. Puis suivent les épisodes qui relatent la cruauté de la société envers ces femmes accusées de sorcellerie de la fin du Moyen Âge jusqu’à la Renaissance : on y croise l’effroyable magistrat Pierre de Lancre ; on assiste aux procès de Bessie Dunlop, Desle La Mansénée, Arnoulette Defrasne ou Françoise Fontaine ; l’affaire Gaufridy, du nom de ce prêtre prédateur récidiviste, nous glace le sang,  jusqu’au récit plus près de nous en 1957 dans le Berry du cas du docteur Lavaronnière et de la jeteuse de sorts Solange Mauvoisin.

Sorcières en procès : une culpabilité imposée

Sorcière en forêt

Il est à noter que c’est à travers les textes de ceux qui jugent les actes de sorcellerie que nous avons accès à ces procès, nulle trace n’est laissée par les accusées. Les récits de ces histoires démoniaques sont sinistres. Ils mettent en scène des femmes ou jeunes filles en position de faiblesse face à des puissants, ils témoignent bien souvent en creux d’abus sexuels, de faits d’emprise. Toutes les affaires abordées dans cette série révèlent la violence physique et sociale infligée aux femmes accusées de sorcellerie dans les siècles passés. Elles illustrent aussi, de manière frappante, la violence des propos que pouvaient encore tenir certains spécialistes à la radio en 1974, lorsqu’ils débattent de la possible culpabilité de ces femmes.

Une série proposée par Mathias Le GargassonEn illustration : « Les trois sorcières de Macbeth » de William Edward Frost (1810-1877) – Droits : Domaine public

  • Archive INA
  • Les grandes heures de la sorcellerie (1ère diffusion : du 06/01/1974 au 29/09/1974)
  • par Catherine Bourdet et Henri Soubeyrand
  • Edition web : Odile Dereuddre, Valérie Ernould, Amélie Potier – Documentation de Radio France

La Vie d’Abraham : Un parcours initiatique universel

La figure d’Abraham, grand patriarche des traditions judéo-chrétiennes et islamiques, incarne un parcours spirituel et humain d’une profondeur exceptionnelle. Son histoire, narrée principalement dans le Livre de la Genèse, peut être structurée en trois étapes majeures, que l’on pourrait qualifier de « paliers » initiatiques : « Je ferai de toi un grand peuple », « L’alliance dont la circoncision est le signe », et « Le fils de la promesse ».

Ces phases, marquées par des épreuves, des révélations divines et des transformations personnelles, offrent une riche matière à réflexion, notamment pour les francs-maçons, qui y reconnaissent des parallèles avec leur propre quête de lumière. Cet article explore en détail ces étapes, enrichies d’un contexte historique, archéologique et théologique, tout en soulignant les enseignements universels tirés de la vie d’Abraham.

I. Première Étape : « Je Ferai de Toi un Grand Peuple »

Origines et Appel Divin

Portrait d’Abraham, détail d’un tableau du Guerchin (1657), pinacothèque de Brera, Milan, Italie.

Abraham, initialement nommé Abram, naît dans un contexte historique fascinant. Selon la Genèse, il appartient à la lignée de Sem, fils de Noé, et plus précisément à celle d’Éber (ou Héber), considéré comme l’ancêtre des Hébreux. Son père, Théra, réside à Ur, une cité florissante de Basse Mésopotamie, près du golfe Persique, datant d’environ 2000 avant notre ère. Ur, soumise plus tard aux Chaldéens et renommée Ur des Chaldéens, était un centre commercial et religieux dédié au culte des astres, notamment Sin, le dieu lunaire. C’est dans cette ville qu’Abram épouse Sarai et voit naître ses frères Nahor et Haran, ce dernier mourant jeune et laissant un fils, Lot.

Après la mort de Théra, Abram reçoit un appel divin de Yahvé, le Dieu unique de la Bible, l’enjoignant de quitter Ur pour le pays de Canaan. Cet événement, daté approximativement de 1880 avant notre ère, marque le début de son voyage. Yahvé lui promet une bénédiction universelle : « Toutes les nations de la terre trouveront bénédiction à travers toi » (Genèse 12:3). Accompagné de Sarai, de Lot et de leur suite, Abram entame une vie nomade, un choix audacieux dans une région prospère connue sous le nom de Croissant fertile.

Les Épreuves Initiales

La Rencontre d’Abraham et de Melchisédech par Dirk Bouts, collégiale Saint-Pierre de Louvain.

Le périple d’Abram en Canaan est semé d’embûches. Une famine le contraint à se réfugier en Égypte, où il use d’un stratagème pour protéger sa vie : il présente Sarai comme sa sœur plutôt que son épouse. Le pharaon, séduit par sa beauté, l’épargne, mais une intervention divine le pousse à restituer Sarai à Abram, qui repart enrichi de troupeaux, d’argent et d’or. De retour en Canaan, la prospérité croissante d’Abram et de Lot les amène à se séparer. Lot choisit les terres fertiles près de Sodome et Gomorrhe, tandis qu’Abram reste dans les collines de Canaan.

Plus tard, lors d’une guerre opposant les rois de la Pentapole (Sodome et Gomorrhe incluses) à leurs suzerains transjordaniens, Lot est capturé. Abram, révélé comme un guerrier habile, libère son neveu et restitue les biens volés, un acte de justice qui le conduit à rencontrer Melchisédech, roi de Salem et prêtre mystérieux. Ce dernier le bénit « au nom du Dieu très haut » (Genèse 14:19), renforçant la dimension spirituelle de son parcours.

II. Deuxième Étape : « L’Alliance Dont la Circoncision est le Signe »

Une Nouvelle Promesse Divine

Abraham et sa caravane

Dans un songe ou une vision, Yahvé renouvelle ses promesses à Abram : une descendance innombrable, comparable aux étoiles du ciel, et la possession définitive de Canaan. En signe de cet engagement mutuel, Yahvé institue la circoncision comme marque d’alliance pour tous les mâles de sa descendance. Ce rituel, pratiqué dès le huitième jour après la naissance, devient un symbole d’identité hébraïque, scellant l’engagement d’Abram envers le divin.

Transformation Symbolique

À cette occasion, Yahvé change le nom d’Abram en Abraham, signifiant « père d’une multitude de nations », et celui de Sarai en Sarah, « princesse ». Ces nouveaux noms reflètent une destinée élargie, dépassant la simple lignée familiale pour embrasser une mission universelle. Cette alliance marque un tournant théologique, établissant Abraham comme le père spirituel d’un peuple élu, une idée qui influencera les trois grandes religions monothéistes.

III. Troisième Étape : « Le Fils de la Promesse »

La Naissance d’Isaac

Abraham recevant Agar

La promesse d’une descendance légitime semble compromise par la stérilité de Sarah. Conformément aux coutumes de l’époque, elle offre sa servante égyptienne, Agar, à Abraham, qui engendre Ismaël. Cependant, Yahvé insiste sur une descendance issue de Sarah elle-même. Malgré leur âge avancé – Abraham ayant 100 ans et Sarah 90 – naît Isaac, dont le nom signifie « il rira », en référence à la joie incrédule de ses parents.

L’Épreuve du Sacrifice

La foi d’Abraham est mise à l’épreuve lorsque Yahvé lui demande de sacrifier Isaac, un acte reflétant les pratiques cananéennes de l’époque. Sur le mont Moriah, Abraham s’apprête à obéir, démontrant une soumission totale à la volonté divine. À l’ultime moment, un ange intervient, remplaçant Isaac par un bélier. Cet épisode, souvent interprété comme la fin des sacrifices humains, illustre la transition vers une relation spirituelle basée sur la foi plutôt que sur le sang. La bénédiction divine se confirme, assurant la pérennité de sa lignée.

La Fin de Vie et l’Héritage

Sarah meurt à Hébron et est inhumée dans la grotte de Makpela, qui deviendra plus tard un lieu saint partagé par juifs, chrétiens et musulmans, abritant également les tombes d’Isaac, Jacob et d’autres patriarches. Abraham, après avoir arrangé le mariage d’Isaac avec Rébecca, s’éteint à 175 ans, laissant un héritage spirituel et physique qui perdure.

IV. Du Mythos au Logos : Une Évolution Spirituelle

Les Paradoxes Fondateurs

Gustave Doré : Lesacrifice d’Isaac

La vie d’Abraham est marquée par des paradoxes qui nourrissent son mythe. L’appel divin survient après la mort de Théra, alors qu’Abram, issu d’une famille prospère, choisit la vie nomade, abandonnant la sécurité pour l’inconnu. Ce départ, acte de foi et d’interrogation intérieure, résonne avec le cheminement maçonnique de recherche de soi. De même, la promesse de Canaan intervient dans l’errance, et celle d’une descendance nombreuse malgré la stérilité de Sarah défie la logique humaine. Ces paradoxes transforment les limites en opportunités, forgeant un destin.

Le Mythe de la Famille et de l’Humanité

Le mythe d’Abraham s’articule autour de la famille, avec l’introduction de la circoncision comme marque identitaire. Cette pratique, associée à un passage du matriarcat au patriarcat, redistribue les rôles : la mère assure la transmission spirituelle par la naissance, tandis que le père garantit la subsistance. Cet équilibre, bien que non égalitaire, renforce la cohésion familiale. Par ailleurs, les actes d’Abraham – le choix offert à Lot, sa libération, la restitution des biens – incarnent un idéal de justice universelle.

La Mutation Personnelle

Le logos, ou raison, se manifeste dans l’évolution d’Abraham, remodelé par les épreuves. De simple berger, il devient le précurseur du monothéisme, introduisant une foi en un Dieu unique qui inspire une éthique nouvelle. L’épisode du sacrifice d’Isaac, non réalisé, marque la fin des sacrifices humains, annonçant une humanité tournée vers la morale plutôt que la violence. Cette transformation fait d’Abraham un modèle pour les croyants et un parallèle avec le franc-maçon, cherchant à travers les voyages et les épreuves une réalisation personnelle.

V. Parallèles avec la Franc-Maçonnerie

Une Quête Parallèle

Comme le franc-maçon, Abraham répond à un appel spirituel, traverse des étapes initiatiques et évolue par paliers. Son départ d’Ur évoque l’entrée en loge, un abandon des anciennes attaches pour une quête intérieure. Les épreuves – famine, guerre, stérilité – sont des symboles de purification, tandis que l’alliance et la naissance d’Isaac représentent l’achèvement d’un cycle. Sa générosité et sa justice reflètent les valeurs maçonniques d’entraide et d’universalité.

Une Influence Universelle

Les paroles de Yahvé, « Toutes les nations de la terre trouveront bénédiction à travers toi », transcendent le cadre familial pour offrir une vision globale. Cette universalité fait d’Abraham un « cherchant » éternel, un idéal que les francs-maçons poursuivent dans leur travail de perfectionnement personnel et collectif.

Conclusion

La vie d’Abraham, structurée en trois paliers initiatiques, est un récit de foi, de transformation et d’héritage. De l’appel divin à la naissance d’Isaac, en passant par l’alliance scellée par la circoncision, son parcours illustre une évolution du mythos au logos, du sacrifice à la morale. Pour les francs-maçons, il incarne le voyage perpétuel vers la lumière, un miroir de leur propre quête. Que cette figure continue d’inspirer les générations, reliant les croyances humaines dans une fraternité universelle.

Le Dessin de Jissey : « Quoi offrir à tous ceux qu’on déteste fraternellement »

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Dans une loge maçonnique, comme dans un marécage boueux où s’épanouit le lotus, la fraternité s’éveille au milieu des différences, des aspérités et, disons-le, des caractères parfois… singuliers. Comme le lotus bouddhiste, qui tire sa beauté de la boue, la fraternité maçonnique se nourrit de la diversité des Sœurs et des Frères, même ceux qu’on n’aurait peut-être pas choisis comme compagnons dans le « monde profane ». Cette dynamique, à la fois drôle et profonde, inspire un dessin humoristique de Jissey cette semaine.

Le lotus maçonnique : une fraternité enracinée dans la boue

Dans le bouddhisme, le lotus symbolise la pureté et l’éveil spirituel, car il s’élève, immaculé, au-dessus de la boue qui le nourrit. En loge, la boue représente les différences, les ego, les petites manies et parfois les frictions entre Frères et Sœurs. Ces imperfections humaines sont inévitables : on ne choisit pas ses collègues de loge comme on choisit ses amis dans le monde profane. Pourtant, c’est précisément cette diversité qui fait la richesse de la fraternité maçonnique. Travailler ensemble, malgré les divergences, forge un lien unique, un peu comme le lotus qui puise sa force dans un sol improbable.

Le dessin de Jissey capture cette idée avec un clin d’œil : imaginez une loge où des maçons, tablier bien ajusté, se tiennent autour d’un lotus éclatant, chacun avec une expression mi-amusée, mi-exaspérée, tandis qu’un Frère, un peu trop zélé, brandit un maillet démesuré, et qu’une Sœur soupire en levant les yeux au ciel. La légende, inspirée de Pierre Dac, pourrait dire : « Tolérance : savoir qu’il y a des imbéciles en loge. Fraternité : sourire et continuer le rituel. »

Tolérance et fraternité : l’humour comme ciment

Pierre Dac, avec son esprit caustique, affirmait que :

« La différence entre la tolérance et la fraternité : la tolérance c’est de savoir qu’il y a des imbéciles dans les loges et la fraternité consiste à ne pas donner les noms »

Il met ainsi le doigt sur une vérité maçonnique : la tolérance est une nécessité, mais la fraternité est un art. La tolérance, c’est reconnaître que chaque Sœur ou Frère, avec ses qualités et ses défauts, apporte quelque chose à la loge. La fraternité, c’est aller au-delà, en choisissant de ne pas pointer du doigt les « imbéciles » – ces Frères qui parlent trop longtemps, ces Sœurs qui insistent sur un détail rituel, ou ce Vénérable qui oublie toujours l’ordre du jour. Jissey pourrait dessiner ce contraste : un maçon, l’air sérieux, tenant une équerre, tandis qu’un autre, en arrière-plan, fait une grimace comique, symbolisant cette tension entre tolérance et fraternité.

Mais Pierre Dac ne s’arrête pas là. La question « Ne sommes-nous pas tous l’imbécile d’un autre ? » ajoute une touche d’autodérision essentielle. En loge, chacun, à un moment ou un autre, peut agacer ou surprendre. Le Frère qui trouve les discours du Vénérable interminables est peut-être, lui-même, celui qui monopolise la parole en tenue. La Sœur qui critique les approximations rituelles est peut-être celle qui a oublié son tablier à la maison. Le dessin de Jissey pourrait montrer un miroir où chaque maçon voit son reflet sous la forme d’un « imbécile » souriant, rappelant que l’humilité est au cœur de la fraternité.

Comme le suggère la question, ne sommes-nous pas tous, à un moment ou un autre, l’imbécile d’un autre ?

Rire pour mieux fraterniser

La fraternité maçonnique, comme le lotus, s’épanouit dans la boue des imperfections humaines. Pierre Dac, avec son humour, nous rappelle que la tolérance est une étape, mais la fraternité est une conquête. En loge, on apprend à rire de soi et des autres, à accepter les différences et à construire ensemble, même avec ceux qu’on n’aurait pas choisis. Le dessin de Jissey, avec son lotus maçonnique et ses maçons malicieux, illustre parfaitement cette alchimie : dans la boue des ego, la fraternité fleurit, portée par l’humour et l’autodérision.

Après tout, si nous sommes tous l’imbécile d’un autre, autant en rire et continuer à polir la pierre brute, ensemble.

#MeToo en Loge ? Lever le voile sur les violences et restaurer la Fraternité

Dans un ouvrage aussi courageux que salutaire, le Frère Marc Amani dévoile une réalité trop longtemps occultée : les maltraitances en Loge. Appuyé sur plus de cinquante témoignages anonymes, Maltraitances en Loge – Réflexion pour une Franc-Maçonnerie bienveillante (Le compas dans l’œil, 2025) explore l’ombre tapie derrière les symboles, non pour discréditer la Franc-Maçonnerie, mais pour l’élever.

Ni pamphlet ni règlement de comptes, ce livre se présente comme un appel vibrant à une fraternité vivante, exigeante, restaurée. Il invite chaque Frère, chaque Sœur, chaque instance à regarder en face ce que le silence a parfois laissé prospérer. Un miroir tendu, pour que la Lumière ne vacille plus.

Maltraitances en Loge
Maltraitances en Loge

La parole se libère… enfin.

Avec ce premier opus, Marc Amani brise un tabou enfoui sous les décors rituels et les silences protocolaires. Rigoureux et poignant, son ouvrage recueille des récits de souffrance : dérives psychologiques, abus d’autorité, fractures humaines, là où l’on attendait élévation et fraternité. À contre-courant des discours convenus, il scrute ce qui, dans l’ombre, menace l’idéal initiatique – sans jamais renier cet idéal.

Dans un monde maçonnique parfois réticent à regarder ses propres failles, cette enquête marque peut-être un tournant : celui d’une introspection partagée, d’une exigence éthique renouvelée, d’une volonté de faire du Temple un lieu authentique de lumière.

C’est pourquoi nous avons souhaité, pour 450.fm, rencontrer Marc Amani dans un entretien sans détour. Un échange fort, lucide, nécessaire, où il revient sur les origines de sa démarche, les résistances rencontrées, et surtout sur les pistes concrètes pour bâtir, ensemble, une maçonnerie plus juste, plus humaine, plus fidèle à son serment.

Entretien exclusif de Marc Amani

Quand la lumière vacille, la parole se libère…

Dans un univers maçonnique trop souvent idéalisé comme havre de fraternité et de bienveillance, une voix s’élève pour briser le silence. Celle de Marc Amani, auteur de Maltraitances en Loge, un ouvrage préfacé et postfacé par le chroniqueur littéraire Yonnel Ghernaouti, qui aborde sans détour un sujet aussi sensible que tabou : les violences symboliques, les jeux d’ego, les dérives de pouvoir au cœur même de l’espace sacré du Temple.

Nourrie de nombreux témoignages, son enquête conjugue rigueur et humanité pour mettre au jour une réalité longtemps passée sous silence. Elle interroge la Franc-Maçonnerie dans ce qu’elle a de plus noble – sa quête de Lumière – mais aussi de plus vulnérable – sa dimension profondément humaine.

Pour 450.fm, premier journal d’actualités de la Franc-maçonnerie, nous avons rencontré Marc Amani. Sept questions. Un entretien franc, éclairant, pour comprendre ce qui peut, derrière les colonnes, altérer le lien fraternel – et surtout, comment retrouver le sens du chemin.

450.fm : Votre ouvrage commence là où s’arrête souvent le discours officiel des obédiences. À quel moment avez-vous pris conscience de l’ampleur des maltraitances en Loge ?

Marc Amani : Dès le début de mon initiation maçonnique j’ai moi-même vécu des situations perverses et particulièrement violentes. J’ai gardé mon image de la franc-maçonnerie intacte, me disant : « la franc-maçonnerie, ce n’est pas ça ! » Apprenti, j’ai écouté, observé, je me suis rendu compte que ma loge dysfonctionnait.  Compagnon j’ai voyagé, écouté, discuté, échangé, je me suis aperçue que la maltraitance dans les loges était fréquente, vis-à-vis des apprentis, souvent sans défense, privé de parole et d’action, infantilisés. Les compagnons et les maitres aussi subissent des situations compliquées. Il suffit de traverser une période difficile, d’être fragilisé, pour devenir la proie idéale pour les personnes qui ont besoin de se « décharger » de leurs propres tensions.  Puis au bout de quinze années de franc-maçonnerie, la goutte de trop a fait déborder le vase ! dans la société je suis une femme qui agit, je ne suis pas un simple observateur, je suis engagée et j’essaie de bouger les choses ; Là, c’était le moment de régir en écrivant ce livre avec l’espoir qu’il sera utile aux francs-maçons.  Il faut s’interroger sur ce qu’il se passe dans une loge qui dysfonctionne en analysant les faits, en observant les comportements. Parfois une situation maltraitante passe complètement inaperçue pour la plupart des membres.  Comment réagir devant une situation maltraitante ? dérangeante ? Se demander pourquoi nous sommes là ? Qu’allons-nous chercher en loge ? Se taire est-il en accord avec notre engagement maçonnique ? Avons-nous toujours conscience de la portée de nos paroles et de nos actes ?

450.fm : Avec plus de cinquante témoignages recueillis, votre enquête dresse un panorama saisissant. Diriez-vous qu’il existe une forme de “MeToo maçonnique” en gestation ?

Le viol de Lucrèce…

M.A. : Oui, il existe bel et bien une forme de « us too ». Car nous sommes tous concernés, tous responsables les uns vis-à-vis des autres. La franc-maçonnerie n’est pas épargnée : elle connaît aussi, parfois, ses comportements déviants. Fort heureusement, toutes les loges ne sont pas concernées ! Je connais de nombreux ateliers où règnent l’harmonie, la bienveillance et la joie fraternelle – et c’est magnifique à vivre.

Quant à votre expression « en gestation », je ne suis pas sûr de la comprendre. Parlez-vous d’un mouvement comparable à « Me Too », qui a permis à tant de femmes de briser un silence séculaire ? Ce que j’ai observé, en effet, c’est que certains frères, profondément blessés, n’osaient plus parler. J’ai reçu des témoignages bouleversants : des frères en pleurs, détruits par ce qu’ils ont vécu. Cela existe. Et cela appelle une réponse.

Depuis les plus anciens textes maçonniques – le Regius (1390), les statuts de Ratisbonne (1498), ceux de Strasbourg (1563), ou encore les Constitutions d’Anderson (1723) – une éthique du comportement en loge est pourtant affirmée. Mais les ego, parfois, l’emportent. Ce livre peut devenir un point d’appui pour dire ce qui a été tu, partager ce qui a été subi, nommer ce qui fait mal.

En l’achetant, les lectrices et lecteurs pourront entrer en contact avec moi s’ils le souhaitent. Non pour porter plainte, mais pour témoigner, se confier, échanger. Peut-être, à terme, pour créer un espace de parole fraternel. Des ateliers pourraient aussi être organisés dans les loges, pour travailler ensemble sur les principes de bienveillance, de respect et de vigilance partagée. Il est temps de lever le voile sur les dysfonctionnements, sans jamais perdre de vue notre idéal de fraternité.

450.fm : L’institution maçonnique repose sur la discrétion, parfois confondue avec l’omerta. Comment concilier cette culture du silence avec l’exigence éthique de protéger les membres ?

M.A. : Nous sommes invités à garder le silence pendant notre apprentissage, au profit de l’écoute, et de l’observation, de l’intégration des valeurs qui sont exposées tout au long des rituels. Nous jurons de garder le silence, de ne pas divulguer les travaux que nous avons partagés.  Cela remonte aux temps anciens où les francs-maçons n’avaient pas le droit de se réunir, le pouvoir royal craignait qu’ils diffusent des idées subversives.  Nous jurons de ne pas divulguer le nom de nos frères et de nos sœurs. Nous ne jurons pas de garder le silence sur les déviances, sur les manipulations, sur les maltraitances de personnes qui n’ont pas intégré les valeurs de la franc-maçonnerie.  Garder le silence sur des comportements inadaptés, malveillants c’est se rendre complice de ces comportements. Un Vénérable Maître se doit d’être bienveillant avec tous. Les Surveillants ont un devoir de protection, de neutralité, de tolérance vis-à-vis des apprentis et des compagnons qui sont sur le chemin de l’intégration des valeurs maçonniques, qui sont la fraternité, la dignité, la tolérance, l’entraide, l’engagement, la solidarité l’honnêteté, le respect, l’ouverture à l’autre, l’amour de l’autre. On apprend à ne pas juger hâtivement une situation, on apprend à regarder « le revers de la médaille », on apprend à apprécier, à remercier simplement, à aimer, à développer une intelligence du cœur. Nous sommes tous à égalité sur ce terrain-là.  Un travail se fait toujours dans le sens de la recherche de compréhension, de la recherche de valeurs universelles acceptables pour tous. Signaler des comportements inappropriés c’est protéger ses frères et ses sœurs.

450.fm : Vous évoquez dans le livre les “boucs émissaires”, les comportements manipulateurs, voire des dérives autoritaires. Ces mécanismes relèvent-ils selon vous de dynamiques de groupe universelles, ou d’un fonctionnement propre aux Loges ?

M.A. : Ces comportements existent dans tous les groupes, les associations, les familles, les entreprises, dès qu’il y a un groupe, une dynamique s’installe, en fonction des personnalités qui interagissent entre elles, des activités, en fonction des évènements etc…Les groupes connaissent des périodes agités, des périodes calmes.

450.fm : Vous proposez trois voies possibles face à la maltraitance : partir, rester, ou quitter la Franc-Maçonnerie. À qui s’adresse votre livre : aux victimes ? Aux obédiences ? Aux Frères et Sœurs complices malgré eux ?

M.A. : Mon livre s’adresse à toutes celles et ceux qui participent à la vie d’une loge, sans distinction de fonction, de grade ou d’obédience. Il n’est ni un réquisitoire, ni un règlement de comptes, mais un appel à la lucidité, à la responsabilité et à la fraternité réelle. Nous sommes tous, à un moment ou à un autre, concernés par ces dynamiques : nous pouvons être victimes, puis sans le vouloir devenir complices, voire même – c’est plus rare mais cela arrive – adopter nous-mêmes des comportements maltraitants.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt, mais de prendre conscience que personne n’est à l’abri. C’est cela, le vrai message : les mécanismes de pouvoir, les frustrations personnelles, les blessures d’ego non travaillées peuvent s’exprimer même dans les lieux où l’on recherche la Lumière. Et si nous ne les identifions pas, si nous ne les nommons pas, alors nous courons le risque de les voir se reproduire, parfois à bas bruit, parfois dans des violences symboliques destructrices.

Toutes les obédiences sont concernées, aucune n’est épargnée. Mais il ne s’agit pas d’accuser les structures. Ce ne sont pas les institutions maçonniques qui maltraitent ; ce sont des individus, souvent blessés eux-mêmes, qui parfois agissent mal. Et ce sont aussi des collectifs qui, par déni, par peur du conflit ou par culture du silence, laissent faire.

C’est pourquoi je rappelle une phrase à laquelle je tiens profondément :

« La Franc-Maçonnerie ne nous décevra jamais. Ce sont les francs-maçons qui, parfois, peuvent nous décevoir. »

Cette maxime, souvent citée mais trop peu méditée, invite à faire la part des choses entre l’idéal que nous portons et les limites humaines que nous incarnons.

Enfin, ce livre s’adresse aussi aux frères et sœurs qui hésitent : faut-il partir ? rester ? parler ? se taire ? Ce sont des questions difficiles, douloureuses parfois. Mais c’est aussi en les posant franchement qu’on peut retrouver le sens de notre engagement. En travaillant ensemble, sans crainte de secouer certains conformismes, nous pouvons retrouver le chemin de la Lumière – ensemble.

450.fm : Certains diront que cet ouvrage pourrait nuire à l’image de la Franc-Maçonnerie. Que leur répondez-vous ?

M.A. : Je comprends cette inquiétude, mais je crois profondément qu’elle repose sur une confusion. Ce livre ne peut en rien nuire à la franc-maçonnerie, bien au contraire. Il s’inscrit dans l’éthique même de notre démarche initiatique : regarder en face, sans fard, ce qui doit être transformé ; affronter la réalité, non pour la condamner, mais pour la transmuter. Refuser d’aborder les dysfonctionnements, c’est les laisser prospérer dans l’ombre. Les nommer, les analyser, les comprendre, c’est déjà commencer à les dépasser.

La franc-maçonnerie n’a jamais prétendu être parfaite. Elle est un chemin de construction, une voie de perfectionnement – individuel et collectif. Mais encore faut-il accepter de voir ce qui entrave ce chemin. C’est ce que ce livre propose : un recentrage. Une réintégration de nos valeurs fondamentales dans nos pratiques concrètes. Un rappel à la cohérence entre nos discours et nos actes. Rien de plus. Mais rien de moins non plus.

Nous sommes invités à travailler, sans relâche, nos comportements, nos engagements, nos postures. Nous sommes appelés à l’exemplarité, mais nous sommes faits d’humain. Et l’humain, parfois, trébuche, s’égare, se perd. Ce n’est pas en niant ces failles que nous les guérissons, c’est en les reconnaissant. Et cela, à mes yeux, est profondément maçonnique.

Alors non, ce livre ne dévalorise pas la franc-maçonnerie. Il ne fait que lui tendre un miroir. Et si certains reflets dérangent, c’est peut-être le signe que nous avons encore du travail à faire. Non pas pour renier nos idéaux, mais pour mieux les incarner.

450.fm : Dans les dernières pages, vous invitez à repenser la fraternité comme un acte vivant, exigeant, non un simple mot d’ordre. Que faudrait-il changer pour qu’un Temple reste un lieu d’élévation et non de souffrance ?

M.A. : Oui faire acte fraternité   c’est exprimer des sentiments des intentions.  La fraternité c’est un lien de solidarité de bienveillance. C’est une valeur qui s’apprend. La fraternité est l’un de piliers de notre devise républicaine et de notre devise maçonnique « liberté égalité fraternité » La capacité d’empathie n’est pas donnée à tout le monde.  Et l’empathie ne suffit pas toujours pour déclencher une fraternité authentique. L’école, la famille, transmettent des valeurs de respect, de tolérance, d’entraide. La franc-maçonnerie aide à combattre les préjugés, l’individualisme, elle encourage à des actions collectives solidaires. La fraternité est vivante, elles se construit tout au long des situations que nous pouvons vivre, à l’intérieur de la loge, comme à l’extérieur. Qu’éprouvons-nous lors de nos chaînes d’union ? Oui il faut penser la fraternité, la cultiver, ne pas oublier pourquoi nous venons en loge.  Nous sommes là pour nous dépasser, nous élever grâce à notre éthique que nous avons développée depuis plus de trois cents ans, nous nous sommes engagés à respecter et transmettre nos valeurs dans le monde profane qui a besoin de repères, de valeurs universelles, de respect de tolérance de bienveillance. À nous d’être vigilants dans nos loges à nous de respecter nos propres engagements, d’être cohérents. Donnons-nous la main et continuons alors de tailler notre pierre !

Maltraitances en Loge, 4e de couv.
Maltraitances en Loge, 4e de couv.

En conclusion

À travers ces pages et ces mots, c’est une voix qui s’élève, non pour accuser, mais pour réveiller. Une voix qui ne condamne pas la Franc-Maçonnerie, mais qui la convoque à son plus haut niveau d’exigence. En révélant les dysfonctionnements, Marc Amani œuvre non contre l’Ordre, mais pour lui, en rappelant que la fraternité ne se décrète pas : elle se construit, elle se défend, elle se vit.

450.fm tient à remercier très chaleureusement Marc Amani pour son courage, sa rigueur et son appel à une vigilance fraternelle partagée.
Que son livre soit entendu comme un signal d’éveil, une main tendue et une invitation à replacer l’humain, dans toute sa dignité, au cœur de nos Temples.

Maltraitances en Loge – Réflexion pour une Franc-maçonnerie bienveillante

Marc Amani – Le compas dans l’œil, 2025, 220 pages, 20 €

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