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Maître Eckhart : sa doctrine de l’Unio mystica

Maître Eckhart (1260-1328), théologien, philosophe et mystique dominicain, est l’une des figures les plus influentes de la spiritualité chrétienne médiévale. Sa doctrine, profondément enracinée dans la théologie négative et la mystique rhénane, se distingue par sa vision audacieuse de l’unio mystica, l’union mystique de l’âme avec Dieu. Cette idée, centrale dans sa pensée, transcende les conceptions traditionnelles de la relation entre l’humain et le divin, proposant une expérience spirituelle où l’âme s’efface pour se fondre dans l’essence divine.

Cet article explore la doctrine de l’unio mystica chez Eckhart, ses fondements théologiques, ses implications spirituelles, et quelques-uns de ses rapprochements avec la Franc-maçonnerie.

Contexte historique et théologique

Maître Eckhart vécut dans une époque marquée par un renouveau spirituel et intellectuel. Le XIIIe siècle, avec des figures comme Thomas d’Aquin et Bonaventure, vit l’épanouissement de la scolastique, qui cherchait à concilier foi et raison. Cependant, Eckhart s’inscrit davantage dans la tradition de la mystique rhénane, aux côtés de figures comme Mechthild de Magdebourg et Johannes Tauler. Influencé par le néoplatonisme (notamment Plotin et Proclus), la théologie apophatique de Denys l’Aréopagite, et les écrits d’Augustin, Eckhart développa une pensée audacieuse, parfois jugée hétérodoxe, qui mettait l’accent sur l’intériorité et l’expérience directe de Dieu.

L’unio mystica, dans la pensée d’Eckhart, ne se limite pas à une simple proximité ou communion avec Dieu, comme on le trouve dans d’autres traditions mystiques. Elle implique une transformation ontologique de l’âme, où celle-ci devient un avec Dieu, non pas par addition ou juxtaposition, mais par une unification essentielle. Cette vision, bien que profondément chrétienne, s’exprime dans un langage qui flirte avec le panthéisme, ce qui valut à Eckhart des accusations d’hérésie de la part de l’Inquisition.

Les fondements de l’unio mystica

1. Le détachement (Abgeschiedenheit)

Pour Eckhart, l’union mystique commence par le détachement, un concept clé de sa spiritualité. Le détachement ne signifie pas seulement renoncer aux biens matériels ou aux désirs mondains, mais se libérer de toute attache, y compris des images mentales, des concepts et même de l’ego. L’âme doit devenir un « désert » où rien d’autre que Dieu ne subsiste.
« Si tu veux que le désert devienne une terre fertile, il faut que tu sois vide de toutes choses et de toi-même. » (Sermons)

Ce vide intérieur est la condition sine qua non pour que l’âme puisse accueillir la présence divine. En se détachant, l’âme se rend disponible à l’action de Dieu, qui peut alors la pénétrer et la transformer.

2. Le fond de l’âme (Grunt)

Eckhart introduit l’idée du Grunt (ou « fond » de l’âme), une dimension profonde de l’être humain où Dieu réside déjà. Ce « fond » est une étincelle divine, un point de contact éternel entre l’âme et Dieu. Contrairement à la conception classique où l’âme reçoit la grâce de Dieu comme un don extérieur, Eckhart soutient que Dieu est toujours présent dans ce fond, mais que l’âme doit le découvrir par l’intériorisation et le dépouillement.
« Dieu est plus près de moi que je ne le suis de moi-même ; il est dans le fond de mon âme, là où je ne puis entrer que par l’abandon total. » (Sermons)

Cette proximité radicale de Dieu dans l’âme est au cœur de l’unio mystica. L’union n’est pas une conquête, mais une prise de conscience de ce qui est déjà là.

sculture de Maitre Eckhart

3. La déification de l’âme

L’unio mystica, chez Eckhart, culmine dans une forme de déification, où l’âme devient un avec Dieu sans pour autant perdre son identité. Cette union n’implique pas une fusion totale qui dissoudrait l’âme dans le divin, mais une participation si intime que l’âme vit en Dieu et Dieu en elle. Eckhart utilise une image saisissante pour illustrer ce processus :
« L’œil par lequel je vois Dieu est le même œil par lequel Dieu me voit : mon œil et l’œil de Dieu ne font qu’un. » (Sermons)

Cette réciprocité souligne l’unité profonde entre l’âme et Dieu. Dans cet état, l’âme transcende les distinctions entre sujet et objet, créateur et créature, pour s’immerger dans l’unité divine.

4. La théologie négative

Eckhart s’appuie sur la théologie négative pour décrire l’unio mystica. Dieu, en tant qu’absolu, est au-delà de toute compréhension humaine et de toute représentation. Pour s’unir à Lui, l’âme doit abandonner les concepts et les images, car Dieu est « néant » (au sens de transcendance absolue) et « sans nom ».
« Si tu veux trouver Dieu, cherche-le là où il n’est pas nommé, là où il n’est pas limité par les mots ou les pensées. » (Sermons)

Cette approche apophatique renforce l’idée que l’union mystique ne peut être atteinte par la raison ou l’imagination, mais par un saut dans l’inconnaissable.

Implications spirituelles et philosophiques

La doctrine de l’unio mystica d’Eckhart a des implications profondes. Sur le plan spirituel, elle invite à une vie de simplicité, d’humilité et de dépouillement. Contrairement aux pratiques ascétiques extrêmes, Eckhart insiste sur une ascèse intérieure, où l’âme se libère de ses attachements pour devenir un réceptacle de la présence divine. Cette vision démocratise la mystique : l’union avec Dieu n’est pas réservée à une élite monastique, mais accessible à quiconque pratique le détachement.

Sur le plan philosophique, la pensée d’Eckhart anticipe certaines idées modernes, notamment l’existentialisme et la phénoménologie. Sa conception du « fond » de l’âme préfigure les notions d’intériorité chez des penseurs comme Kierkegaard ou Heidegger. De plus, son langage, qui oscille entre poésie et paradoxe, défie les cadres rigides de la scolastique, ouvrant la voie à une théologie plus expérientielle.

Réception et controverses

La pensée d’Eckhart, bien que profondément chrétienne, suscita des controverses. En 1329, un an après sa mort, certaines de ses propositions furent condamnées par la bulle papale In agro dominico. Les accusations portaient sur le risque de panthéisme et sur des formulations jugées ambiguës, comme l’idée que l’âme devient « un » avec Dieu. Cependant, Eckhart affirma toujours son orthodoxie, insistant sur le fait que ses enseignements devaient être compris dans un contexte spirituel et non littéral.

Malgré ces condamnations, l’influence d’Eckhart perdura. Ses écrits inspirèrent les mystiques rhénans, les réformateurs protestants comme Luther, et même des penseurs modernes comme Schopenhauer et Jung. Aujourd’hui, Eckhart est largement reconnu comme un pionnier de la spiritualité universelle, dont les idées résonnent avec des traditions orientales comme le bouddhisme zen.

Citations emblématiques

Maitre Eckhart jeune

Voici quelques citations supplémentaires qui illustrent la richesse de la pensée d’Eckhart sur l’unio mystica :
« Il faut que tu te brises toi-même pour que Dieu puisse naître en toi. » (Sermons)
« Dieu ne veut rien de toi sinon que tu sortes de toi-même en tant que créature et que tu laisses Dieu être Dieu en toi. » (Traité du détachement)
« Le silence est la langue de Dieu, et tout le reste n’est qu’une mauvaise traduction. » (Sermons)

La doctrine de l’unio mystica de Maître Eckhart n’est pas une destination, mais une réalité déjà présente qu’il s’agit de redécouvrir dans le silence et l’abandon. Elle est une invitation à transcender les limites de l’ego et des représentations humaines pour s’unir à l’essence divine.

L’influence de Maître Eckhart sur la spiritualité de la Franc-maçonnerie

C’est un sujet complexe, car il n’existe pas de lien direct ou historique clairement établi entre Eckhart et la Franc-maçonnerie, cette dernière n’émergeant qu’au début du XVIIIe siècle, bien après la mort d’Eckhart. Cependant, des parallèles peuvent être tracés entre la pensée mystique d’Eckhart et certains aspects de la spiritualité maçonnique, notamment dans ses dimensions ésotériques, symboliques et initiatiques.

La spiritualité, dans le contexte maçonnique, fait référence à une approche initiatique qui met l’accent sur la transformation intérieure, la quête de la « Lumière » (symbole de la vérité divine ou de la connaissance), et le perfectionnement spirituel. Cette dimension est particulièrement présente dans les rites maçonniques dits « égyptiens » ou dans les obédiences qui valorisent une approche ésotérique, comme le Rite Écossais Ancien et Accepté. La Franc-maçonnerie, bien qu’historiquement ancrée dans des traditions judéo-chrétiennes et des symboles issus des corporations de métiers, intègre des influences variées, y compris des courants mystiques chrétiens, hermétiques et néoplatoniciens, qui résonnent avec la pensée d’Eckhart.

Sa vision, qui transcende les dogmes rigides pour privilégier l’expérience intérieure, présente des points de convergence avec les idéaux maçonniques de recherche spirituelle et de dépassement de l’ego. Ce concept de détachement qui consiste à se libérer de tout attachement mondain, des images mentales et de l’ego pour s’ouvrir à la présence divine, trouve un écho dans les rituels maçonniques. Les initiations maçonniques, notamment celles impliquant des épreuves symboliques (terre, eau, air, feu), visent à dépouiller le profane de ses « métaux » (les attachements matériels et psychologiques) pour le préparer à recevoir la Lumière. En somme, « la nudité rituelle et spirituelle, les épreuves de l’air, de l’eau et du feu, font écho aux écrits de Maître Eckhart pour qui l’action du feu purifie l’âme ».
« Si tu veux que le désert devienne une terre fertile, il faut que tu sois vide de toutes choses et de toi-même. » (Sermons)
Ce vide intérieur, condition de l’union mystique, peut être comparé au processus maçonnique de « mort symbolique » et de renaissance, où le candidat abandonne son ancienne identité pour s’éveiller à une nouvelle compréhension spirituelle.

Eckhart enseigne aussi que Dieu réside dans le « fond » de l’âme, une étincelle divine accessible par l’introspection et le silence. Cette idée résonne avec la quête maçonnique de la « Lumière intérieure » ou de la « Vérité » qui se trouve au plus profond de l’être. Dans les loges, le travail sur soi, symbolisé par le polissage de la « pierre brute », vise à révéler cette dimension divine ou universelle en chaque individu.
« Dieu est plus près de moi que je ne le suis de moi-même ; il est dans le fond de mon âme. » (Sermons)

Cette conception de l’intériorité divine s’aligne avec l’idée maçonnique selon laquelle la vérité ne vient pas d’une révélation extérieure, mais d’un cheminement personnel et initiatique.

La théologie négative d’Eckhart, qui insiste sur l’inconnaissabilité de Dieu et l’abandon des concepts pour s’unir au divin, trouve un parallèle dans l’approche symbolique de la Franc-maçonnerie. Les symboles maçonniques (équerre, compas, temple) ne sont pas des vérités figées, mais des outils pour transcender le langage et accéder à une compréhension intuitive de l’absolu. Le silence, valorisé dans les rituels, peut être rapproché de la théologie apophatique d’Eckhart, où Dieu est rencontré dans l’absence de mots et de formes.

Son enseignement sur le détachement, l’intériorité, la théologie apophatique, et l’universalité spirituelle résonne avec les idéaux maçonniques de transformation intérieure, de quête de la Lumière, et de fraternité universelle.

Cependant n’abusons pas des similitudes, au demeurant ténues. Aucune preuve historique ne montre que les premiers maçons connaissaient ou citaient Eckhart. Les parallèles relevés sont souvent le fait d’interprétations contemporaines, comme celles des auteurs maçonniques qui redécouvrent Eckhart dans le cadre de leur réflexion spirituelle.« Eckhart nous invite à chercher la vérité là où elle n’est pas nommée ».

D’importances différences subsistent quant à :
La finalité différente : La mystique d’Eckhart est profondément théocentrique, visant l’union avec Dieu, tandis que la Franc-maçonnerie, bien que spirituelle, met davantage l’accent sur l’amélioration morale, la fraternité, et la construction d’un « temple intérieur ». L’unio mystica d’Eckhart est une expérience ontologique, alors que la spiritualité maçonnique reste souvent symbolique et pratique.
Le cadre institutionnel : Eckhart s’inscrit dans le christianisme, malgré ses tensions avec l’Église, tandis que la Franc-maçonnerie adopte une approche non dogmatique, parfois en opposition avec les institutions religieuses. Certaines sources ecclésiastiques associent même la Franc-maçonnerie à des courants ésotériques éloignés de la mystique chrétienne d’Eckhart.

Et maintenant, je vous invite à lire Croix de cendre d’Antoine Senanque.

Ce roman historique et spirituel se déroule au XIVe siècle, dans une Europe marquée par la peste noire, les tensions religieuses, l’Inquisition et les rivalités entre ordres religieux (notamment dominicains et franciscains). Maître Eckhart en est une figure centrale du récit, autour de laquelle s’articule l’intrigue. Le roman mêle thriller théologique, quête spirituelle et fresque historique.


Maître Eckhart y est dépeint comme un théologien dominicain charismatique, brillant et controversé, dont les sermons et les idées mystiques fascinent autant qu’ils dérangent. Dans le roman, il incarne une spiritualité audacieuse, prônant une relation directe avec Dieu, ce qui le place en tension avec l’Église institutionnelle, inquiète face aux hérésies. Sa pensée, ancrée dans la mystique rhénane, valorise l’intériorité et la fraternité, des thèmes qui résonnent dans les choix des personnages du récit.

L’intrigue repose en partie sur la quête de deux jeunes frères dominicains, Robert et un autre moine, envoyés en 1367 à Toulouse pour trouver du papier afin que leur prieur, Guillaume, puisse écrire le récit de sa vie et de son compagnonnage avec Eckhart. Ce manuscrit, centré sur Eckhart, devient un enjeu narratif, car il contient des « vérités troublantes » sur le théologien que l’Inquisition cherche à étouffer. Eckhart, bien que probablement décédé au moment du récit principal (1367), est une présence omniprésente à travers les souvenirs, les récits et les idées qu’il a laissés. Il agit comme un moteur narratif : ses enseignements et sa réputation attirent l’attention des protagonistes et des antagonistes, notamment un inquisiteur déterminé à empêcher la diffusion de ces idées.

Eckhart représente un esprit libre, défiant les dogmes rigides de l’Église. Ses sermons, décrits comme incisifs et enflammant les foules (notamment à la Sorbonne), suscitent à la fois admiration et suspicion. Dans le roman, il incarne une résistance face à l’oppression religieuse et politique, en particulier face à l’Inquisition et aux luttes de pouvoir entre le pape et les souverains allemands.

Sa pensée mystique, qui met l’accent sur la fraternité et une spiritualité universelle, contraste avec les rivalités entre dominicains et franciscains, offrant une vision humaniste dans un monde chaotique marqué par la peste et les guerres

Les paroles d’Eckhart, citées dans le roman, redéfinissent la notion de fraternité, un thème clé de Croix de cendre. Elles guident les choix des héros, qui naviguent entre loyauté, foi et vérité dans un monde violent.

Eckhart, maudit par certains après avoir été adulé, symbolise le danger de la vérité face à l’autorité. Le roman explore comment ses idées, jugées hérétiques, menacent l’ordre établi, un conflit incarné par l’inquisiteur antagoniste.

Le périple des protagonistes à travers une Europe déchirée reflète les bouleversements qu’Eckhart a traversés, de Paris à l’Asie centrale, confronté à la peste, aux hérésies et aux persécutions.

Sénanque s’appuie sur la figure historique d’Eckhart, mais le réinvente dans un cadre romanesque. Il est à la fois un théologien réel, dont les sermons et les écrits sont documentés, et une figure presque mythique, dont l’aura inspire les personnages. Le roman ne se contente pas de retracer sa vie, mais utilise Eckhart comme un prisme pour explorer des questions philosophiques et morales. Par exemple, sa présence à la Sorbonne, où il « embrase sa chaire », ou ses voyages en Asie centrale, ajoutent une dimension épique à son personnage, digne d’un roman d’aventures à la Dumas.

Maître Eckhart n’est pas seulement un personnage historique intégré au récit ; il est le cœur spirituel et intellectuel de Croix de cendre. Il incarne :

  • Un idéal : Une foi profonde, mais libérée des carcans institutionnels, qui inspire les protagonistes à chercher la vérité.
  • Un danger : Ses idées, jugées subversives, font de lui une cible de l’Inquisition, ce qui alimente le suspense du roman.
  • Un miroir : À travers les souvenirs de Guillaume et les actions des jeunes moines, Eckhart reflète les dilemmes moraux des personnages, confrontés à un monde en crise.

Dans Croix de cendre, Sénanque suggère que les idées d’Eckhart partagent des affinités avec la kabbale, notamment dans sa conception de Dieu comme une réalité infinie et ineffable, proche de l’Ein Sof (l’Infini) de la tradition kabbalistique. Cette connexion est implicite, mais elle se manifeste dans la manière dont Eckhart parle de l’union de l’âme avec Dieu, un thème qui évoque les aspirations de la kabbale à transcender le monde matériel pour atteindre le divin en remontant dans l’arbre des séphiroth (jusqu’à dépasser Kéther), pratiquant avec ascèse les vertus qui leur sont associées.

Le passage qui m’a le plus interpellée est celui où Eckhart, dans un élan de foi et de désespoir, croit que ressusciter une jeune béguine pourrait être un acte de communion avec la puissance divine, un miracle qui confirmerait enfin sa proximité avec Dieu. Son désir de ressusciter cette femme semble motivée par un mélange d’admiration pour son âme, de désespoir face à la mort et d’aspiration à un acte divin, plutôt que, bien sûr, par un amour charnel ou sentimental. Son échec le rendra fou !

Vivent les colibris et les châteaux de sable !

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(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Je m’installe dans l’été. Hier, le 14 juillet, j’ai vu défiler nos armées sur les Champs-Élysées, tous ces militaires en uniformes impeccables qui, d’un même pas, verseraient leur sang pour sauver la patrie, en cas de conflit. Beaucoup à dire à ce sujet, dans ce monde fracturé. Nous voilà donc le 15, jour anniversaire d’un être qui m’est très cher. En quelques heures, tant d’impressions, tant de réflexions tant d’aspirations filant vers divers horizons. Puis, cette conscience d’être un infime individu, fragile et mortel (j’allais dire, en plaisantant, de plus en plus mortel, attendu mon âge). Or cet infime individu se pose beaucoup de questions, sur sa vision des choses, sur les conditions de son engagement, etc.

Il sait aussi qu’il n’est rien sans les autres, que la vie se renouvelle et qu’il est essentiel de transmettre. Mais que transmettre ? La révolution technologique transforme à une vitesse fulgurante les métiers, les activités, les productions, les relations, les perspectives, en d’autres termes, la culture et les modes de pensée voire les modes de vie, tout comme les opportunités et les risques. En tant que maçons, nous ne détenons aucune solution particulière face à ces émergences multiples mais, comme il s’agira toujours de réagir en homme libre, loyal et responsable, la petite école initiatique garde toute sa place. En aiguisant ses connaissances des réalités, chacun peut se fier, en toutes circonstances, à une boussole exigeante, dotée de trois aiguilles devant s’aligner : tout d’abord, ne jamais faire à autrui ce que l’on ne voudrait pas subir, à défaut de lui faire tout le bien dont on souhaiterait bénéficier – ce dernier point étant délicat et se discutant aussi sous plusieurs angles, pour ne pas s’imposer à l’autre en dehors des cas de nécessité – ; ensuite et, plus prosaïquement, ne jamais céder à la médiocrité, quoi qu’il arrive ; enfin, s’exercer tous les jours  à voir plus large, plus haut et plus loin. Cela n’a l’air de rien, mais il n’est point facile de se conformer, sans faillir, à de telles injonctions…

Les spirales initiatiques d’un vieux franc-maçon
Les spirales initiatiques d’un vieux franc-maçon

Or c’est cette unité qui compte, sans quoi une initiation à éclipses devient, par sa légèreté, une imposture. Ses propriétés constantes façonnent des obligations qui ne s’interrompent pas. Elles ne sauraient, dès lors, pas plus être sélectives qu’intermittentes. L’initié s’alimente de sa continuité. Et ce n’est pas en se badigeonnant de références occultistes qu’il échappera à la vérité de son silence intérieur. Bien au contraire, s’il est sincère, car le rendez-vous avec soi-même est permanent. Toute négligence, toute rupture, participent à l’effondrement du monde. Sa quête n’est, pourtant, pas si fragile ni dramatique. On s’habitue assez facilement à rester fidèle à quelques principes élémentaires, à garder un certain parallélisme entre sa propre voie et La Voie inspirante.

On aura toujours besoin d’un tiers équilibrant entre deux plateaux…

Toutefois, parmi toutes les personnes que l’on fréquente, combien sont réellement celles, maçonnes ou profanes, qui observent incessamment cette rigueur ? Cette rigueur, qui n’est pas plus sévère que rigide et qui repose sur la régularité et l’exactitude, implique un esprit indépendant, dépourvu d’ambitions secrètes ou secondaires. Elle caractérise simplement – mais au sens plein – un homme libre et de bonnes mœurs. Dans la vie courante, il y a souvent de quoi être découragé. Il faut parier sur le moyen terme : la qualité des personnes finit par faire son chemin. Certes, au début, il faut avoir le cuir un peu épais : bien faire et laisser dire.

À l’échelle de l’Histoire et du monde, l’évolution de nos sociétés comme celle des empires ou de la planète laissent pour le moins perplexe et dubitatif. Avons-nous, cependant, mieux à faire dans nos environnements ? Cela rappelle peut-être la parabole du colibri qui allait projeter ses gorgées d’eau sur le feu pour éteindre un incendie de forêt – comme ceux qui endeuillent le paysage, l’été – ou encore, toujours en cette période estivale, ces châteaux de sable montés en bord de plage, à marée descendante, avec force pelles et seaux. Ce serait vain si nous étions seuls. C’est pourquoi il ne faut jamais renoncer à l’inlassable effort de réunir les bonnes volontés. Or elles existent, bien plus nombreuses qu’on ne le croit, et on ne peut bel et bien compter que sur elles, dans tous les cas de figure.

Alors, au boulot et vivent les colibris et les châteaux de sable !

L’Europe sous l’Équerre et le Compas : une odyssée maçonnique depuis la Belgique

Au cœur de l’Europe, où les courants de l’histoire ont façonné une nation riche de sa diversité linguistique et culturelle, la Franc-Maçonnerie belge brille comme un phare de fraternité, d’enquête philosophique et de progrès sociétal. Depuis ses débuts au XVIIIe siècle, elle tisse une tapisserie complexe, mêlant traditions anciennes et aspirations modernes, spiritualité et engagement social.

Drapeau de la Belgique
Drapeau de la Belgique
Armes de la Belgique
Armes de la Belgique

Les six principales obédiences – le Grand Orient de Belgique (GOB), la Fédération Belge du Droit Humain, la Grande Loge de Belgique (GLB), la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB), la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB) et Lithos, Confédération de Loges – apportent chacune un fil distinct à cette œuvre, incarnant les principes universels de Liberté, Égalité et Fraternité tout en affrontant les défis de leur époque. À partir des données les plus récentes disponibles*, mises en perspective par un éclairage historique, nous entreprenons un voyage à travers les origines, les philosophies et les dynamiques d’effectifs des principales obédiences, révélant la vitalité de la Franc-Maçonnerie belge au 13 juillet 2025.

Sceau du Grand Orient de Belgique
Sceau du Grand Orient de Belgique

Le Grand Orient de Belgique : le pilier de la liberté adogmatique

Genèse et histoire : Fondé le 23 février 1833, le Grand Orient de Belgique (GOB) naît des cendres de la Grande Loge d’Administration des Pays-Bas Méridionaux, affirmant son indépendance dans le sillage de la révolution belge contre la domination hollandaise. Plus ancienne et plus nombreuse des obédiences belges, le GOB s’inscrit dans une tradition libérale et adogmatique. Ses décisions historiques de 1854, autorisant les débats politiques et religieux en loge, et de 1872, supprimant l’obligation d’invoquer le Grand Architecte de l’Univers, marquent une rupture avec la tradition maçonnique anglo-saxonne dite « régulière », l’alignant sur les courants progressistes de la Franc-Maçonnerie continentale. En 2020, le GOB franchit une étape décisive en adoptant la mixité, se restructurant en une confédération de fédérations masculine, mixte et féminine, accueillant ainsi les femmes pour la première fois dans son histoire.

Philosophie et orientation : Le GOB est un sanctuaire de libre pensée, où les outils de la raison et le compas de la tolérance guident les membres vers l’amélioration de soi et le progrès sociétal. Ses loges, souveraines et diverses, pratiquent principalement le Rite Français Moderne et le Rite Écossais Ancien et Accepté, favorisant un dialogue dynamique entre rituel et réflexion. Engagé dans les principes de Liberté, Égalité et Fraternité, le GOB promeut des débats éthiques sur des sujets comme la bioéthique ou la justice sociale, projetant la lumière maçonnique au-delà des temples. L’adoption récente de la mixité reflète une adaptation aux valeurs contemporaines, renforçant son rôle de confédération progressiste.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec environ 10 000 membres répartis dans 118 loges, le GOB demeure la plus grande obédience belge. Ses effectifs passent de 10 025 en 2019 à 9690 en 2022, subissant un léger recul dû à la pandémie de COVID-19, avant une reprise à 9977 en 2024. Cette remontée, amorcée en 2023, s’explique par l’ouverture à la mixité, attirant de nouveaux membres, dont certains issus du Droit Humain. Les projections pour 2025 suggèrent que le GOB pourrait dépasser ses effectifs d’avant la pandémie, témoignant de son dynamisme.

Blason FBDH
Blason FBDH

Fédération belge du Droit Humain : le flambeau de la mixité et de l’internationalisme

Genèse et histoire : Fondée en 1928 à partir de huit loges issues d’une loge mixte pionnière créée en 1912, la Fédération belge du Droit Humain introduit un paradigme révolutionnaire : l’égalité absolue entre hommes et femmes. Rattachée à l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, elle jouit d’une autonomie démocratique, élisant son propre Grand Maître et réunissant son propre Convent. Sa vocation mixte et internationale en fait une force d’unité maçonnique, tissant des liens fraternels avec les obédiences adogmatiques belges (GOB, GLB, GLFB, Lithos) et internationales.

Philosophie et orientation : Ancrée dans le Rite Écossais Ancien et Accepté, la Fédération offre un chemin initiatique progressif, du grade symbolique au 33e degré, mettant l’accent sur la croissance personnelle et l’engagement sociétal. Ses 112 loges sont des laboratoires de réflexion, où les membres explorent la condition humaine à travers le symbolisme, l’éthique et les enjeux sociaux. Sa structure démocratique et son attachement aux droits humains universels, en phase avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en font un fer de lance de l’inclusivité et de l’humanisme. Ses relations fraternelles avec d’autres obédiences adogmatiques renforcent une vision commune d’un monde tolérant et équitable.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 7803 membres en 2019, le Droit Humain est la deuxième obédience belge en importance. La pandémie entraîne une baisse progressive, atteignant 7590 membres en 2024, en partie due à des départs vers le GOB mixte en 2023 et 2024. Malgré cela, l’obédience reste résiliente, avec des perspectives de reprise en 2025 grâce à son attractivité mixte et internationale.

Grande Loge de Belgique
Grande Loge de Belgique

Grande Loge de Belgique : le sanctuaire symbolique

Genèse et histoire : Née en 1959 de cinq loges symbolistes du GOB – Tradition et Solidarité, La Parfaite Intelligence et l’Étoile Réunies, La Constance, Le Septentrion et Marnix van Sint-Aldegonde –, la Grande Loge de Belgique (GLB) cherche à restaurer une dimension spirituelle tout en restant adogmatique. Sa création répond à la dérive laïque du GOB, réaffirmant la centralité symbolique du Grand Architecte de l’Univers et du Volume de la Loi Sacrée, interprétés librement. Bien qu’initialement reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre, son caractère adogmatique entraîne une rupture en 1979, donnant naissance à la GLRB. Aujourd’hui, la GLB maintient des liens fraternels avec les obédiences adogmatiques, équilibrant tradition et liberté.

Philosophie et orientation : La GLB est un refuge pour ceux qui cherchent à approfondir le symbolisme maçonnique, où l’équerre et le compas encadrent une interprétation libre des principes spirituels et éthiques. Ses loges, exclusivement masculines et au nombre d’environ 70, prônent la tolérance, l’universalisme et la défense des droits humains, en phase avec les idéaux révolutionnaires de Liberté, Égalité et Fraternité. Son approche non dogmatique de la spiritualité permet aux membres d’explorer le sacré sans contrainte, alliant introspection et engagement sociétal.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Stable à 4059 membres en 2019, la GLB résiste bien à la pandémie, oscillant entre 4027 et 4032 jusqu’en 2022. Une chute à 3963 en 2024 s’explique par le départ de 60 Frères de la RL De Gulden Passer vers Lithos, révélant des tensions internes. Le défi de la GLB réside dans l’équilibre entre son focus symbolique et l’attrait croissant de la mixité ailleurs.

Grande Loge Féminine de Belgique
Grande Loge Féminine de Belgique

Grande Loge Féminine de Belgique : la sororité de la Lumière

Genèse et histoire : Fondée le 17 octobre 1981, à partir d’une première loge créée à Bruxelles en 1974 par la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB) est un bastion de la Franc-Maçonnerie féminine. Elle répond au besoin d’un espace réservé aux femmes dans le paysage maçonnique belge, offrant un sanctuaire pour le travail initiatique des sœurs. La GLFB entretient des relations fraternelles avec les obédiences adogmatiques, signant des accords de reconnaissance mutuelle avec le GOB, la GLB, le Droit Humain et Lithos, incarnant l’unité dans la diversité.

Philosophie et orientation : Les loges de la GLFB, pratiquant divers rites dont le Rite Écossais Ancien et Accepté, cultivent une perspective féminine des principes maçonniques, mettant l’accent sur l’égalité, la dignité et la lutte pour l’équité de genre. Ses membres, guidés par les idéaux de Liberté, Égalité et Fraternité, s’engagent dans la croissance personnelle et la défense des droits des femmes. La présence discrète mais résolue de la GLFB en fait une force essentielle, où les sœurs tissent des liens de solidarité et de réflexion.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 2269 membres en 2019, la GLFB subit une légère baisse pendant la pandémie, atteignant 2213 en 2021. Une reprise progressive à 2245 en 2024 témoigne de sa résilience, avec une croissance modeste mais stable. L’attrait de la GLFB réside dans son focus unique sur la Franc-Maçonnerie féminine, bien qu’elle fasse face à la concurrence des obédiences mixtes comme le GOB et Lithos.

Grande Loge Régulière de Belgique
Grande Loge Régulière de Belgique

Grande Loge Régulière de Belgique : le gardien de la tradition

Genèse et histoire : Fondée le 15 juin 1979 par 333 Frères issus de neuf loges de la GLB, la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB) s’aligne sur la tradition maçonnique « régulière » de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Respectant les Anciens Landmarks, elle invoque le Grand Architecte de l’Univers et maintient une adhésion exclusivement masculine, obtenant ainsi la reconnaissance des grandes loges anglo-saxonnes. Son attachement à la pureté rituelle et à la discipline spirituelle la distingue dans le paysage belge.

Philosophie et orientation : La GLRB est un temple de la tradition, où le Rite d’Émulation et d’autres pratiques symboliques favorisent une approche structurée et spirituelle. Ses quelque 30 loges mettent l’accent sur la sainteté des trois degrés fondamentaux – Apprenti, Compagnon et Maître –, tout en soutenant des corps de hauts grades comme le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté. Ses actions philanthropiques, notamment pour les enfants démunis, et ses travaux érudits à travers la loge Ars Macionica reflètent un équilibre entre réflexion intérieure et action extérieure. Son statut régulier limite les interactions avec les obédiences adogmatiques, mais elle reste un pilier respecté.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 1902 membres en 2019, la GLRB connaît une baisse à 1 821 en 2021, mais retrouve son niveau d’avant la pandémie à 1 902 en 2024. L’ouverture d’une loge universitaire à Louvain-la-Neuve et un âge moyen d’initiation de 42 ans signalent un dynamisme auprès des jeunes, le Grand Maître Benoit Jadot notant une augmentation des candidatures, augurant une croissance en 2025.

Lithos, Confédération de Loges
Lithos, Confédération de Loges

Lithos, Confédération de Loges : l’avant-garde progressiste

Genèse et histoire : Fondée le 11 novembre 2006 par cinq loges quittant le Droit Humain, Lithos, Confédération de Loges, incarne une approche moderne et flexible de la Franc-Maçonnerie. Présente en Belgique, en Suisse et en Allemagne, elle regroupe 41 loges sous une structure confédérative, permettant à chaque loge de choisir sa composition (mixte, masculine ou féminine) et son rite, principalement le Rite Français Rétabli. Son ethos progressiste et son rayonnement international en font une étoile montante de la Franc-Maçonnerie belge, attirant des membres d’autres obédiences.

Philosophie et orientation : Lithos incarne une Franc-Maçonnerie humaniste et adogmatique, ancrée dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Ses loges, majoritairement mixtes, adoptent une approche « sociétale », mêlant transformation personnelle et engagement dans les enjeux éthiques et sociaux contemporains. En accordant une autonomie à ses loges, Lithos cultive la diversité dans l’unité, offrant un espace où tradition et modernité convergent pour un monde plus juste.

Tablier de Maître au Rite Écossais Ancien et Accepté, un des deux rires pratiqués par Lithos
Tablier de Maître au Rite Écossais Ancien et Accepté, un des deux rires pratiqués par Lithos

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 1702 membres en 2024 dans 41 loges, Lithos affiche une croissance soutenue depuis sa création, renforcée par des départs comme celui des 60 Frères de la RL De Gulden Passer de la GLB. Bien que les données de 2019 à 2023 soient incomplètes, sa taille actuelle et sa trajectoire suggèrent une obédience dynamique, particulièrement attrayante pour ceux qui recherchent une structure inclusive et flexible.

Carte de la Belgique
Carte de la Belgique

Une réflexion comparative : le paysage maçonnique belge

La Franc-Maçonnerie belge, avec environ 27 500 membres répartis dans ses six principales obédiences, reflète la diversité et la résilience de la nation. Avec une densité maçonnique de 2,3 pour 1000 habitants, légèrement inférieure à celle de la France (2,6), elle demeure une force vive dans un pays de 12 millions d’habitants. L’ouverture du GOB à la mixité, l’héritage internationaliste du Droit Humain, la profondeur symbolique de la GLB, l’émancipation féminine de la GLFB, la rigueur traditionnelle de la GLRB et la flexibilité progressiste de Lithos forment une mosaïque harmonieuse, chacune contribuant à la mission maçonnique d’éveil et de fraternité.

La pandémie de COVID-19 a mis à l’épreuve leur résilience, avec des baisses d’effectifs suivies de reprises variées. Le GOB et la GLRB se distinguent par leur retour aux niveaux d’avant la crise, tandis que le Droit Humain et la GLB font face à des défis liés aux départs vers des obédiences mixtes. La croissance régulière de la GLFB et l’expansion rapide de Lithos soulignent l’attrait des espaces féminins et mixtes, reflétant les évolutions sociétales vers l’inclusivité.

Drapeau belge
Drapeau belge

La FM belge, un avenir fraternel…

À l’aube de 2025, la Franc-Maçonnerie belge brille comme une constellation de loges, chacune reflétant une facette de la quête éternelle de vérité, de justice et de fraternité. Du progressisme cosmopolite du GOB à la rigueur traditionnelle de la GLRB, ces obédiences naviguent entre héritage et innovation, rituel et pertinence. Leurs effectifs, bien que marqués par les crises mondiales, témoignent d’un engagement indéfectible envers les idéaux maçonniques qui illuminent la Belgique depuis le XVIIIe siècle. Alors que les outils du Métier (The Craft) – équerre, compas et maillet – guident leur travail, ces obédiences nous invitent à envisager un monde où la lumière de la Franc-Maçonnerie continue de promouvoir l’unité, la sagesse et l’espoir.

Drapeau de la Suisse
Drapeau de la Suisse

Ne manquez pas notre prochain épisode consacré à « L’Europe sous l’Équerre et le Compas : une odyssée maçonnique depuis la Suisse ».

* Pour mémoire, les effectifs post-2015 sont estimés d’après les informations transmises par nos correspondants(es) belges.

Autres articles sur ce thème

Comme l’épi de blé est à la rose

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Dans la tradition ésotérique et maçonnique, le symbolisme n’est jamais aléatoire : chaque élément, chaque forme et chaque couleur contient des enseignements profonds, accessibles uniquement à ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Parmi les symboles les moins fréquemment analysés, mais d’une puissance évocatrice extraordinaire, figurent l’épi de blé et la rose, qui racontent ensemble le cycle de la vie initiatique, la tension entre la matière et l’esprit, le besoin de transformation et l’harmonie entre passé, présent et futur.

L’épi de blé, emblème de nourriture, de labeur et de renaissance, est l’un des plus anciens symboles de l’humanité. Il évoque le travail de la terre, le labeur silencieux des semailles, l’espoir de la récolte et, en fin de compte, l’abondance qui nourrit le corps et, métaphoriquement, l’esprit.

En Franc-Maçonnerie, il représente le travail incessant de l’initié : la culture de soi, la discipline, l’humilité et le fruit que l’on obtient uniquement par la persévérance.

L’épi de blé ne pousse pas tout seul : il exige soin, temps et respect des saisons. Ainsi, l’homme « libre et moral » apprend que le chemin initiatique est lent, exigeant, mais profondément régénérant.

Per aspera ad astra , à travers les difficultés on atteint les étoiles : l’épi est donc aussi une promesse d’élévation.

Dans le rituel maçonnique, il apparaît comme un signe d’abondance spirituelle, mais aussi comme un avertissement : on ne peut pas récolter sans d’abord semer, et on ne peut pas nourrir les autres sans d’abord nourrir sa propre âme.

La rose, symbole de mystère, d’amour et de transformation, dans sa splendeur et sa fragilité, englobe un univers symbolique complexe. C’est la fleur de l’amour universel, mais aussi de la connaissance voilée, de la pureté qui transcende la souffrance et les épines, et de la beauté qui s’épanouit dans le silence intérieur.

Dans de nombreuses traditions ésotériques, c’est aussi le sceau du secret, sub rosa , ou ce qui doit être conservé au cœur du temple intérieur.

Vieil alchimiste dans son laboratoire
Vieil alchimiste dans son laboratoire

Dans le contexte maçonnique, c’est le symbole de la transformation alchimique, de l’élévation du plomb de l’ignorance à l’or de la sagesse. Il représente l’espoir indéfectible, l’amour fraternel réconfortant et l’idéal de perfection vers lequel tend le maçon.

Associée à l’épi de blé, la rose offre un équilibre entre l’esprit et la matière : l’un enraciné dans la terre, l’autre s’élevant vers le ciel.

Foi, espérance et une Franc-Maçonnerie d’aujourd’hui. Aujourd’hui plus que jamais, dans un monde déchiré par des conflits internes et externes, la Franc-Maçonnerie est appelée à se renouveler sans se trahir. Non pas à suivre les modes, mais à répondre aux besoins authentiques de l’homme contemporain.

L’épi de blé et la rose nous offrent une clé symbolique de ce voyage.

La première nous parle de la foi dans le travail, dans la possibilité que chaque individu, chaque Frère, puisse construire, jour après jour, un Temple intérieur plus solide, une société plus juste.

Le second nous invite à espérer, à croire que même dans la nuit la plus sombre, la lumière de l’harmonie, de l’amour et de la vérité peut fleurir.

Vivre « ici et maintenant » ne signifie pas oublier la Tradition, mais l’incarner. Cela signifie rendre les symboles vivants, opérationnels, non relégués à des cartes rituelles, mais mis en pratique dans le monde.

En tant que francs-maçons, nous sommes appelés à faire de notre vie un pont entre ce qui a été et ce qui sera, car c’est seulement ainsi que nous pouvons être véritablement initiés : non pas spectateurs, mais ouvriers de l’avenir.

Au solstice d’été, lors des agapes, il n’est pas rare de voir des offrandes symboliques d’épis de blé et de roses : un hommage à la nature, mais aussi à la dimension intérieure du maçon méditant sur son œuvre. Les pauses rituelles, comme celles de l’été, ne sont pas vides, mais des espaces de contemplation, à l’image de la terre qui se repose entre les récoltes.

La Franc-Maçonnerie dont nous rêvons est celle qui embrasse l’épi de blé et la rose, non seulement comme ornements, mais comme manifeste d’un nouvel humanisme initiatique. Une institution nourrie du grain de la sagesse ancienne et parfumée par la rose de la sensibilité moderne.

Fiat Lux , que la lumière soit. Mais que cette lumière soit nourrie par la substance, l’épi, et colorée par l’amour, la rose.

Que chaque Frère, dans le silence de son Temple intérieur, cultive son épi et laisse fleurir sa rose. Que la Foi dans le cheminement, l’Espérance dans le progrès et la Charité du cœur soient les trois piliers sur lesquels bâtir une Franc-Maçonnerie vivante et contemporaine, tout en restant fidèle à ses racines.

En toi, Seigneur, tu as espéré, ne te laisse pas tromper dans l’éternité.
Psaume 70 (71)

Danses traditionnelles Pow-Wow : une expression culturelle et spirituelle liée aux guérisons

Les pow-wow, rassemblements traditionnels des peuples autochtones d’Amérique du Nord, sont bien plus qu’une simple célébration. Ces événements, ancrés dans une riche histoire et une spiritualité profonde, mettent en lumière les danses traditionnelles qui jouent un rôle central dans la préservation de l’identité culturelle et dans des pratiques de guérison. En explorant ces danses et leur lien avec les rituels de santé, un parallèle intriguant peut être tracé avec la franc-maçonnerie, une autre institution marquée par des symboles, des rituels et une quête de transcendance.

Pow-wow des premières nations d’Albuquerque (New Mexico USA) Crédit F. Fouqueray

Cet article offre une analyse détaillée des danses pow-wow, de leur dimension curative et de leurs similitudes potentielles avec les pratiques maçonniques.Les Danses Traditionnelles Pow-Wow : Origines et SignificationLes pow-wow, dont le terme dérive du mot algonquien pau wau (signifiant guide spirituel ou rassemblement de meneurs spirituels), ont émergé au XIXe siècle, notamment dans les Grandes Plaines, bien que leurs racines remontent à des pratiques plus anciennes. Initialement des rassemblements intertribaux pour célébrer des victoires, honorer les ancêtres ou préparer des expéditions, ils ont évolué pour devenir des espaces de résistance culturelle face aux politiques d’assimilation imposées par les gouvernements américain et canadien, qui interdisaient les danses traditionnelles jusqu’au milieu du XXe siècle.

Les danses pow-wow sont variées et reflètent la diversité des nations autochtones (Ojibwé, Lakota, Navajo, etc.). Parmi les styles les plus emblématiques :

Pow-wow d’Albuquerque 2013 (Crédit Franck Fouqueray)
  • La Danse des Clochettes (Jingle Dress Dance) : Originaire des Ojibwés, cette danse de guérison implique des robes ornées de 365 cônes métalliques, symbolisant les jours de l’année et des prières adressées au Créateur. Selon la légende, elle fut révélée dans un rêve à un grand-père pour guérir sa petite-fille malade, les tintements des clochettes imitant la pluie purificatrice.
  • La Danse des Herbes Sacrées (Grass Dance) : Née dans les Plaines, elle mime le piétinement de l’herbe pour préparer un campement, avec des mouvements fluides accentués par des franges. Elle est associée à la force et à la connexion avec la nature.
  • La Danse Traditionnelle : Exécutée par les hommes et les femmes, elle évoque les mouvements des guerriers ou des gardiennes spirituelles, avec des pas ancrés au sol pour les hommes et des gestes gracieux pour les femmes.
  • La Danse du Cerceau : Une performance acrobatique où les danseurs manipulent des cerceaux pour raconter des histoires, souvent liée à la guérison par la narration.
Pow-wow d’Albuquerque 2013 (Crédit Franck Fouqueray)

Ces danses se déroulent dans un cercle sacré, béni par un guide spirituel, et sont accompagnées par le tambour, considéré comme le cœur battant de la Terre Mère. L’entrée dans le cercle se fait par l’est, suivant le mouvement du soleil, soulignant l’importance cosmique de ces rituels.Le Rôle des Danses dans les GuérisonsLa dimension curative des danses pow-wow est fondamentale. Elles ne sont pas seulement des expressions artistiques mais des actes spirituels visant à restaurer l’harmonie physique, émotionnelle et communautaire. Par exemple :

Pow-wow d’Albuquerque 2013 (Crédit Franck Fouqueray)
  • La Danse des Clochettes est dédiée à des individus malades, les danseuses envoyant des prières à travers leurs mouvements et les sons des clochettes. Cette pratique, documentée dans les communautés des Grands Lacs, s’inspire d’une tradition orale où une fillette guérit grâce à une robe spéciale confectionnée après un rêve.
  • La Danse des Herbes Sacrées est liée à des récits de guérison, comme celui d’un jeune garçon retrouvant l’usage de ses jambes en imitant l’herbe des prairies, guidé par une vision chamanique.
  • Les danses intertribales, ouvertes à tous, favorisent la cohésion sociale, un facteur clé de la santé mentale et communautaire.
Pow-wow d’Albuquerque 2013 (Crédit Franck Fouqueray)

Ces pratiques s’appuient sur une cosmologie où la danse agit comme un pont entre le monde physique et spirituel, permettant aux ancêtres et aux esprits de participer à la guérison. Les danseurs, préparés par des jeûnes, des purifications et des prières, portent des regalia (vêtements sacrés) personnalisés, chaque élément (plumes, perles, os) étant chargé de signification spirituelle.

Parallèle avec la Franc-Maçonnerie.

La franc-maçonnerie, société initiatique née au XVIIe siècle en Europe, partage des similitudes fascinantes avec les pow-wow, malgré leurs contextes culturels distincts. Voici quelques points de convergence :

  1. Rituel et Symbolisme :
    • Dans les pow-wow, le cercle sacré, le tambour et les regalia sont des symboles vivants de connexion spirituelle. De même, la franc-maçonnerie utilise des outils (équerre, compas) et des rituels (grades, serments) pour symboliser des valeurs morales et une quête de lumière.
    • Les deux traditions valorisent des espaces dédiés : le cercle pow-wow et la loge maçonnique, où les participants accèdent à une dimension transcendante.
  2. Guérison et Transformation :
    • Les danses pow-wow visent à guérir par l’harmonie avec la nature et les esprits. La franc-maçonnerie, bien que plus abstraite, cherche à « polir la pierre brute » (l’individu imparfait) à travers l’initiation, un processus de transformation personnelle pouvant être interprété comme une forme de guérison spirituelle.
    • Les deux systèmes impliquent une préparation : jeûne et prière pour les danseurs, réflexion et étude pour les maçons.
  3. Communauté et Secret :
    • Les pow-wow, autrefois pratiqués en secret face aux interdictions coloniales, et la franc-maçonnerie, connue pour ses mystères, partagent une dimension clandestine qui renforce leur cohésion interne.
    • Les deux groupes favorisent des échanges interculturels ou interpersonnels : les pow-wow accueillent des nations variées, tandis que la maçonnerie réunit des individus de backgrounds différents sous une bannière universelle.
  4. Héritage et Résistance :
    • Les pow-wow ont survécu aux répressions coloniales pour affirmer l’identité autochtone. La franc-maçonnerie, persécutée par certains régimes, a également résisté en préservant ses traditions, illustrant une résilience culturelle parallèle.

Cependant, des différences subsistent : les pow-wow sont ouverts au public et enracinés dans une spiritualité animiste, tandis que la franc-maçonnerie est élitiste et déiste, évitant les pratiques religieuses explicites. Ce parallèle reste donc métaphorique, invitant à une réflexion plutôt qu’à une équivalence.

Contexte Contemporain et Évolution

Pow-wow d’Albuquerque 2013 (Crédit Franck Fouqueray)

Depuis les années 1950, les pow-wow ont gagné en popularité, s’étendant des réserves aux villes et même à l’Europe (comme à Ornans, France, avec « Danse avec la Loue » depuis 2008). Ils intègrent désormais des compétitions et des échanges interculturels, tout en conservant leur essence spirituelle. Les guérisons, bien que moins documentées scientifiquement, continuent d’être vécues comme des expériences collectives puissantes, soutenues par des témoignages oraux.

Les danses traditionnelles pow-wow sont un témoignage vibrant de la résilience autochtone, mêlant art, spiritualité et guérison. Leur capacité à restaurer l’équilibre individuel et communautaire trouve un écho dans les rituels maçonniques, qui cherchent également à élever l’esprit humain. Ce parallèle, bien que non exhaustif, souligne l’universalité des pratiques rituelles visant à transcender les défis terrestres. En ce mois de juillet 2025, alors que ces traditions continuent d’évoluer, elles rappellent l’importance de préserver les savoirs ancestraux face à la modernité.

Le Dessin de Jissey « Comment reconnaître une fake-news en maçonnerie ? »

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Chers Frères et Sœurs de la Loge, on ne peut ignorer le bourdonnement autour des fake news qui envahissent nos cercles maçonniques. Entre les rumeurs d’un Grand Maître caché sous un chapeau melon et les théories sur des réunions secrètes avec des chimpanzés artistes (oui, ça circule, même si ça semble tiré d’un canular d’Ozzy Osbourne !), il est temps de sortir l’équerre et le compas pour trier le grain de l’ivraie. Heureusement, notre cher Jissey, avec son dessin hebdomadaire, nous tend une perche – ou plutôt un burin bien aiguisé – pour y voir plus clair, avec son humour légendaire.

Les Fake News : Un Épidémie Plus Contagieuse que la Grippe !On entend tout et n’importe quoi : des initiations impliquant des griffes de machine à peluches (inspirées, dit-on, d’un gamin d’Ohio), des complots où Daenerys Targaryen aurait rejoint la Grande Loge, ou encore des chansons K-pop chantées en loge pour polir la pierre brute. Ces histoires, aussi amusantes soient-elles, brouillent les pistes.

La Méthode Jissey : Un Rituel en Trois Pas. Avec son coup de crayon malicieux, Jissey nous offre une méthode simple pour démasquer les fake news, digne d’un travail au grade de Compagnon :

  1. Vérifie la Source, Pas Juste le Tablier : Si l’info vient d’un site douteux ou d’un tweet enflammé, prends ton maillet et tape dessus. Jissey dessine un Frère consultant un parchemin poussiéreux plutôt qu’un fil X tendancieux – sage conseil !
  2. Pose la Question à la Loge : Un bon maçon ne juge pas seul. Demande autour de la table. Jissey imagine une loge entière éclatant de rire face à une rumeur sur des danses pow-wow secrètes – « Non, c’est juste notre chorégraphie du vendredi soir ! »
  3. Reste Zen, Même Face au Nonsense : Que ce soit un Jeno en quête de perfection ou un San qui susurre du K-pop, garde ton compas dans la poche. Jissey clôt son dessin avec un Vénérable méditant : « Si ça ne tient pas à l’équerre, c’est du vent ! »

Un Sourire pour Polir la Pierre

En ces temps troublés par les fake news, rions un peu avec Jissey. Son dessin nous rappelle que la franc-maçonnerie, c’est avant tout un espace de réflexion, pas une arène de complots. Alors, la prochaine fois qu’une rumeur vous chatouille les oreilles, sortez votre sens de l’humour – et peut-être un bon thé à la menthe, juste pour rire ! Fraternellement vôtre, continuons à bâtir dans la lumière… et avec un peu de légèreté !

Est-ce la fin de nos revendeurs de décors maçonniques français ?

L’un de nos lecteurs assidus a récemment attiré notre attention sur un site (d’origine chinoise) qui fait sensation depuis quelques mois. Intrigués, nous avons décidé d’examiner de plus près cette offre de produits et gadgets maçonniques. Comme vous pourrez le constater, les prix défient toute logique. Nos partenaires français ont de quoi s’inquiéter ! Nous ne pouvons que vous encourager à continuer de soutenir notre commerce… bien que cela risque de devenir un sacré défi !

Il reste maintenant à vérifier la qualité des produits commandés, la fiabilité et la rapidité de la livraison. Nous vous avouons que nous n’avons pas encore testé… vos commentaires seront les bienvenus.

Le balancement du pendule : une métaphore du chemin maçonnique

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Dans le silence du Temple, le pendule oscille. Avec une précision extrême. Sans hâte, sans pause. Et pourtant, dans son mouvement apparemment paisible, il y a toute la violence du temps qui passe, de l’équilibre cherché mais jamais vraiment trouvé. C’est là que se reflète l’âme du Maçon, du Franc-Maçon en mouvement.

Et, peut-être, avec plus d’urgence et de conscience, qu’une sœur maçonnique, qui à chaque passage rituel, à chaque séance, ressent la double responsabilité de réparer un ordre intérieur et un monde extérieur encore hostile…

Le temps s’enfuit, la vérité demeure.

Le temps passe vite, mais la vérité demeure.

En vérité, le voyage initiatique est un mouvement constant, jamais linéaire, jamais confortable. Tel un pendule, il oscille entre ombre et lumière, entre certitude et doute, entre quête de soi et devoir envers autrui.

La vie d’un franc-maçon n’est pas une fin en soi, mais un perpétuel retour à soi, à travers épreuves, échecs et triomphes. Chaque grade obtenu n’est pas une médaille de mérite, mais un nouveau défi à relever.

Il n’y a pas de place pour l’inertie dans le pendule. Chaque oscillation est un choix. Et chaque choix, un renoncement. Ceux qui sont courageux commencent, mais seuls ceux qui peuvent supporter le poids de leurs propres incohérences persévèrent.

Le voyage n’est pas fait de maquillage et de mots d’or, mais de crises, de nuits blanches, de symboles qui frappent comme des coups de poing dans l’estomac quand la vie exige des comptes sur ce que l’on professe.

Ad lucem per tenebras.

Vers la lumière à travers les ténèbres.

Une expression galvaudée, mais seuls ceux qui ont vraiment marché dans l’obscurité peuvent la comprendre. Nous, les femmes, maçonnes ou non, connaissons bien cette obscurité. Nous l’expérimentons dans notre chair et dans notre esprit. C’est peut-être pourquoi, lorsque nous entrons dans le Temple, nous y entrons aussi pour guérir.

Parce que le pendule de la vie a souvent déchiré notre équilibre, et le chemin initiatique nous offre le langage pour nommer cette douleur et la transformer. Le pendule revient toujours au centre. Il ne s’arrête pas, mais il revient. Et, dans ce centre retrouvé, ne serait-ce qu’un instant, réside la clé de notre travail :

Au milieu de la virtuosité.

La vertu se trouve au milieu.

Mais ce juste milieu, ce point d’équilibre, ne s’atteint qu’en hésitant, qu’en tombant et en se relevant. La franc-maçonnerie n’est pas un refuge pour égocentriques ou collectionneurs de tabliers décoratifs. C’est une école de vérité qui vous oblige à regarder en vous-même et à comprendre que la pierre brute n’est pas seulement la société, mais vous-même.

Nous oscillons entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être. Entre le silence de la Loge et le vacarme du monde profane. Entre le désir de construire et la tentation de détruire.

Parce que, soyons honnêtes : même le Franc-Maçon, parfois, aime son propre chaos plus qu’il n’aime la Lumière.
Et pourtant, nous continuons.

Avec colère, avec amour. Avec discipline. Avec cette foi séculaire et inébranlable que ce que nous construisons a un sens. Que chaque geste rituel, chaque symbole dessiné, chaque Frère ou Sœur, écouté avec un cœur sincère, est un coup de burin porté à notre Pierre.

Travailler, c’est prier.

Travailler c’est prier.

Et nous travaillons en silence, souvent incompris. Mais avec une détermination que rien ne peut briser.

Le pendule nous invite à nous rappeler que notre force ne réside pas dans l’indéfectibilité, mais dans le retour constant au centre. Pour rétablir l’ordre en nous-mêmes, même lorsque le monde extérieur implose.

À chaque vague, une question se pose : Qui êtes-vous vraiment ? Que construisez-vous ? Et pour qui ?

La franc-maçonnerie n’offre pas de réponses faciles. Elle vous tend un miroir. Elle exige rigueur. Et amour.
Cela vous demande de perdre votre ego pour quelque chose de plus grand. Et vous n’y parvenez pas toujours. Mais vous essayez. Jour après jour. Rituel après rituel. Coup après coup.

Le pendule, finalement, ne juge pas. Il ne récompense pas. Il ne condamne pas.
Ça bouge. Inexorablement. Comme notre conscience. Comme la vie.
Et peut-être, là, dans cet éternel va-et-vient, trouvons-nous le sens le plus profond de notre voyage : être toujours en mouvement, mais jamais sans direction.

Lumière printanière sur la sagesse maçonnique dévoilant les richesses de l’infolettre

Que la Lumière soit. Mais qu’elle soit une vraie Lumière, gagnée par la sueur, le doute et le dévouement. Une Lumière qui n’aveugle pas, mais qui illumine. Qui n’impose pas, mais qui guide.

Car le pendule ne ment pas. Il nous rappelle, à chaque instant, que le temps attend. Et que le seul choix possible est de marcher. Toujours. Avec fierté. Avec dignité. Avec la volonté inébranlable de laisser le monde – et nous-mêmes – dans un meilleur état que celui dans lequel nous les avons trouvés.

La maçonnerie de l’Aconcagua a participé aux cérémonies du 174e anniversaire des Bomberos du Chili

De notre confrère granlogia.cl

Le Grand Délégué du Grand Maître pour la Jurisdiction Acomcagua, Guillermo Tapia Barrios, avec les présidents des Loges « Patrie et Liberté » N° 36 de San Felipe Eduardo Muñoz Costa et « Ariel » N° 62 de Los Andes, Carlos Gallardo Álvarez a participé aux cérémonies de commémoration du 174° anniversaire de Bomberos de Chile, desarrolladas en ambas ciudades.

La première activité a été réalisée au Théâtre Municipal de San Felipe, où le Corps des Bombardiers local a accueilli ses intégrateurs pendant des années de service et des logs en capacité. À cette occasion, il a obtenu la « Distinction Maximale » à l’avocat Fernando Castañeda Magna, avocat qui a été déclaré membre honoraire de l’institution pour son activité professionnelle gratuite.

L’Asimismo, sur la Place d’Armes de Los Andes, a mené une cérémonie publique enchaînée par les autorités civiles et les bombardiers, qui ont arrêté le travail des volontaires, calificant leur désempeño comme l’un des plus détachés au niveau national. La journée a culminé avec un défilé des compagnies bombardées de la province.

Les cérémonies comprennent la participation des délégués présidentiels, des avocats, des conseillers, des conseillers régionaux, des invités spéciaux et de nombreux publics. À cette occasion, les représentants de la maçonnerie ont invité les surintendants des bombardiers des ambassadeurs de la communauté des salutations fraternelle du grand maître, Sebastián Jans Pérez, conjointement aux félicitations pour les cérémonies et à la reconnaissance du compromis de service des bénévoles.

Les loges de la juridiction valorisent le vínculo permanent entre la maçonnerie d’Aconcagua et celui qui veut bombarder le service de la communauté.

Le Plan Voisin en 1925 : « Détruire Paris… pour le reconstruire »

Le Plan Voisin, proposé par l’architecte franco-suisse Le Corbusier en 1925, reste l’un des projets urbanistiques les plus controversés et audacieux de l’histoire moderne. Conçu pour transformer radicalement le cœur de Paris en rasant une vaste partie de son patrimoine historique, ce plan reflète à la fois les ambitions modernistes de Le Corbusier et les influences de son mécène, Gabriel Voisin.

Cependant, au-delà de son aspect architectural, le projet s’entoure d’un débat plus sombre lié aux positions idéologiques de Le Corbusier, notamment son antisémitisme et ses sympathies antimaçonniques, qui ont resurgi avec force à travers ses écrits et ses affiliations politiques.

Cet article explore en détail l’historique du Plan Voisin, son lien avec Gabriel Voisin, les motivations de Le Corbusier, et les controverses entourant ses convictions personnelles, en s’appuyant sur une analyse approfondie des sources disponibles.

Origines et Contexte du Plan Voisin

Une Réponse aux Défis Urbains du XXe SiècleAu début des années 1920, Paris, avec ses trois millions d’habitants, faisait face à des défis urbains croissants. La ville, marquée par les transformations haussmanniennes du XIXe siècle, présentait encore des îlots insalubres, notamment dans les quartiers du Marais, des Halles et des Archives. Ces zones, densément peuplées et marquées par la vétusté, étaient perçues comme des foyers d’épidémies et d’insalubrité, un problème que les mouvements hygiénistes de l’époque cherchaient à résoudre. Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Édouard Jeanneret-Gris (1887-1965), voyait dans cette situation une opportunité de révolutionner l’urbanisme. Influencé par les avancées technologiques de l’industrialisation, notamment l’usage du béton, du verre et de l’acier, il rêvait d’une ville adaptée à la modernité, où l’automobile jouerait un rôle central.

Le Plan Voisin s’inscrit dans la continuité d’une idée plus large développée par Le Corbusier dès 1922 : la Ville Contemporaine pour trois millions d’habitants, présentée au Salon d’Automne. Ce projet théorique imaginait une cité utopique sur un terrain vierge, organisée autour de gratte-ciel, d’espaces verts et d’axes routiers majeurs. Appliqué à Paris, ce concept prend une tournure concrète avec le soutien de Gabriel Voisin, ce qui donne naissance au Plan Voisin, nommé en son honneur.

Le Rôle de Gabriel Voisin

Gabriel Voisin

Gabriel Voisin (1880-1973), pionnier de l’aéronautique et constructeur d’automobiles, fut un acteur clé dans la genèse du projet. Industriel visionnaire, Voisin avait bâti sa réputation avec la création d’avions pendant la Première Guerre mondiale et de voitures de luxe dans les années 1920. Fasciné par les idées modernistes de Le Corbusier, il finança l’étude et la présentation du Plan Voisin lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris. Son intérêt était double : d’une part, il voyait dans ce projet une vitrine pour promouvoir l’automobile, qu’il considérait comme l’avenir des transports urbains ; d’autre part, il partageait avec Le Corbusier une admiration pour la rationalité et la fonctionnalité, des principes alignés avec son propre parcours industriel.

Le Corbusier, dans ses écrits, soulignait l’importance de l’automobile comme un moteur de transformation urbaine. Il déclarait : « L’automobile a tué la grande ville. L’automobile doit la sauver. Voulez-vous doter Paris d’un plan n’ayant pas d’autre objet que la création d’organes urbains répondant à des conditions de vie si profondément modifiées par le machinisme ? » Cette vision, soutenue par Voisin, plaçait les grandes artères routières au cœur du projet, avec des autoroutes surélevées de 120 mètres de large, un concept radical pour l’époque.

Une Destruction Programmée du Vieux Paris

Le Plan Voisin prévoyait de raser environ 240 hectares de la rive droite de Paris, un quart de son centre historique. Cette zone, s’étendant de la place de la République à la rue du Louvre, de la gare de l’Est à la rue de Rivoli, incluait des quartiers emblématiques comme le Marais, les Halles et le Temple. Le projet envisageait la construction de 18 gratte-ciel cruciformes de 60 étages, capables d’accueillir entre 10 000 et 50 000 personnes chacun, ainsi qu’une gare centrale souterraine et des lotissements résidentiels à redans entre la rue des Pyramides et les Champs-Élysées. Seuls quelques monuments, comme Notre-Dame, le Louvre et certaines églises, auraient été préservés, entourés d’espaces verts et de boulevards aérés.

Cette démolition massive visait à remplacer le tissu urbain haussmannien, jugé obsolète par Le Corbusier, par une ville fonctionnaliste où seule 5 % de la surface serait bâtie, le reste étant dédié à la circulation et aux espaces verts. Cette approche s’opposait frontalement au charme historique de Paris, connu pour ses rues étroites et ses bâtiments anciens, et suscita une vive opposition dès sa présentation publique.

Le Corbusier : Architecte et Idéologue Controversé

Un Moderniste Visionnaire

Le Corbusier

Le Corbusier est souvent célébré comme l’un des pères de l’architecture moderniste. Ses concepts, tels que l’unité d’habitation (matérialisée par la Cité Radieuse de Marseille) et la Charte d’Athènes (1947), ont influencé l’urbanisme mondial, notamment dans la construction des grands ensembles d’après-guerre. Sa philosophie reposait sur l’idée que l’architecture devait servir le progrès social en offrant lumière, air et ordre aux habitants, un idéal qu’il appliquait avec une rigueur géométrique et une obsession pour la ligne droite, qu’il opposait à la « courbe des ânes » des villes traditionnelles.

Cependant, cette vision s’accompagnait d’une approche autoritaire. Le Plan Voisin reflétait une volonté de faire table rase du passé, qu’il jugeait étouffant et inadapté. Il écrivait : « Toute la vie n’est faite que de destruction et de reconstruction, et particulièrement la vie des villes. » Cette idée de « tabula rasa » s’inscrivait dans une logique hygiéniste et industrialiste, mais aussi dans une vision politique qui allait au-delà de l’urbanisme.

Les Accusations d’Antisémitisme

Les révélations sur les positions idéologiques de Le Corbusier, notamment son antisémitisme, ont émergé avec la publication de sa correspondance dans les années 2010. Des lettres et écrits privés montrent qu’il entretenait des préjugés antisémites dès les années 1920. Par exemple, il caricatura le marchand d’art juif Léonce Rosenberg (oncle d’Anne Sinclair) et exprima des opinions hostiles envers les Juifs dans des notes personnelles. Ces sentiments s’intensifièrent pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque, après la défaite française de 1940, il se rapprocha du régime de Vichy.

Entre 1940 et 1942, Le Corbusier passa dix-sept mois à Vichy, travaillant comme membre rémunéré d’une commission officielle. Dans un livre publié en 1941, il saluait la victoire nazie comme « une lueur de bien » et louait Pétain pour avoir « sauvé » la France de l’anarchie. Il écrivit également des phrases comme « le petit Juif sera bien un jour dominé », révélant une adhésion implicite aux idéaux racistes de l’époque. Ces positions, bien que jamais traduites en actes directs comme des dénonciations, ont conduit des intellectuels, tels que Michelle Perrot et Jean-Louis Comolli, à exiger en 2019 l’arrêt de tout soutien public à son œuvre, le qualifiant de « complice » de l’idéologie collaborationniste.

Une Hostilité envers la Franc-Maçonnerie

Affiches propagande antimaçonnique
Affiches propagande antimaçonnique

L’antimaçonnisme de Le Corbusier, moins documenté que son antisémitisme, est également un aspect troublant de sa pensée. Dans les milieux fascistes et vichystes qu’il fréquentait, la franc-maçonnerie était souvent perçue comme un ennemi de l’ordre naturel et une influence corruptrice. Bien que les preuves directes soient rares, ses écrits et ses affiliations suggèrent une méfiance envers les institutions maçonniques, qu’il associait à une élite cosmopolite qu’il rejetait. Cette hostilité s’aligne avec les discours de l’époque, notamment ceux du régime de Vichy, qui lança une campagne contre la franc-maçonnerie, perçue comme un obstacle à la « révolution nationale ».

Le bâtiment du Grand Orient de France (GODF), siège historique de la franc-maçonnerie française à Paris, aurait pu être une cible symbolique du Plan Voisin, situé dans la zone prévue pour la démolition. Bien que Le Corbusier n’ait pas explicitement mentionné cette institution dans ses plans, son idéologie autoritaire et ses liens avec des cercles antimaçonniques laissent supposer une convergence d’intérêts avec ceux qui voyaient dans la destruction du vieux Paris une manière d’effacer les traces d’une société qu’ils jugeaient décadente.

Affiliations Fascistes

Le Corbusier entretenait des liens avec des intellectuels fascistes dès les années 1920, fréquentant des cercles qui soutenaient Mussolini et, plus tard, Hitler. Ses éloges envers l’Italie fasciste (« le spectacle offert actuellement par l’Italie annonce l’aube imminente de l’esprit moderne ») et sa collaboration avec Vichy témoignent d’une attirance pour les régimes autoritaires. Cette idéologie se reflète dans le Plan Voisin, dont la rigueur géométrique et la centralisation rappellent les projets urbanistiques totalitaires, comme ceux réalisés par Ceausescu à Bucarest. Cependant, certains défenseurs de Le Corbusier, comme Michel Guerrin du Monde, arguent que ses idées modernistes transcendaient les idéologies et étaient influencées par le contexte troublé de l’entre-deux-guerres.

Réception et Échec du Projet

Une Opposition Massive

André Malraux

Dès sa présentation en 1925, le Plan Voisin fut accueilli avec scepticisme et hostilité. La presse, les intellectuels et les politiques s’élevèrent contre cette vision qui menaçait de détruire un patrimoine mondialement reconnu. André Malraux, futur ministre de la Culture, joua un rôle clé dans la préservation du vieux Paris, promouvant la loi de 1962 qui privilégia la restauration plutôt que la démolition. Les Parisiens eux-mêmes, attachés à l’identité de leur ville, rejetèrent cette utopie froide et uniforme.

Malgré son échec, le Plan Voisin influença indirectement l’urbanisme postérieur. Les grands ensembles des années 1950-1970, comme La Défense ou les cités HLM, reprirent certains principes modernistes, notamment l’usage de tours résidentielles et l’accent sur la circulation automobile. Cependant, ces réalisations furent souvent critiquées pour leur manque d’âme, un écho indirect aux critiques adressées au projet initial.

Héritage et Débats Contemporains

Aujourd’hui, le Plan Voisin est étudié comme une expérience de pensée, un symbole des excès du modernisme. Grâce à des technologies comme l’intelligence artificielle, des reconstitutions visuelles permettent d’imaginer un Paris transformé en métropole de gratte-ciel. Ces images soulignent le contraste entre la vision fonctionnaliste de Le Corbusier et le charme historique préservé. Parallèlement, les révélations sur son passé idéologique ont relancé le débat : faut-il séparer l’œuvre de l’homme ? Alors que ses bâtiments sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, des voix s’élèvent pour exiger une mise en contexte critique, notamment via un musée à Poissy qui inclurait sa part sombre.

Conclusion de cette histoire

Le Plan Voisin incarne à la fois le génie visionnaire et les dérives autoritaires de Le Corbusier. Soutenu par Gabriel Voisin, ce projet visait à moderniser Paris en détruisant son cœur historique, reflétant une foi aveugle dans la technologie et l’ordre géométrique. Cependant, les accusations d’antisémitisme, d’antimaçonnisme et de sympathies fascistes ternissent l’héritage de l’architecte, révélant une idéologie qui allait au-delà de l’urbanisme pour s’inscrire dans un contexte politique troublé. Si Paris a échappé à cette transformation radicale, le Plan Voisin reste un miroir des tensions entre tradition et modernité, un rappel des dangers d’une planification déconnectée des réalités humaines et culturelles.

L’histoire de ce projet invite à une réflexion continue sur l’équilibre entre progrès et préservation, un défi toujours d’actualité dans les métropoles mondiales.