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Avec Lorànt Deutsch sur RTL : « Le Trésor des Templiers, mystère ou réalité ? »

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De notre confrère RTL – Émission « Entrez dans l’Histoire » avec Lorànt Deutsch sur RTL

Les Templiers, ces moines-soldats inventeurs de la banque moderne, ont sillonné le monde, laissant à travers les âges le mythe d’une richesse bien cachée. Mais où est donc passé le fabuleux trésor des chevaliers du Temple ? Entrez dans l’histoire du plus grand secret de tous les temps, un mystère qui nourrit encore aujourd’hui de nombreuses légendes.

⏯️🎧📻 Retrouvez « Entrez dans l’Histoire » avec Lorant Deutsch en podcast sur rtl.fr et l’application RTL – Tous les replays ici : https://urls.fr/xD9y13

Initier en Franc-maçonnerie

Initier, comme vous le savez, veut dire « mettre sur le chemin… ». En traitant le sujet « Chemin initiatique et devenir… », je souhaiterais évoquer la question de l’influence de la franc-maçonnerie dans l’évolution de notre société dans les années qui viennent. Car pour autant que nous soyons des hommes qui faisons de la Tradition, notre socle, nous ne pouvons oublier que ce mot a aussi pour origine la transmission. D’année en année, de maçon à maçon, de degré en degré, le temps nous façonne. En quoi façonnons-nous notre environnement, notre vie, bref notre avenir à partir de ce que nous sommes et devenons, nous maçons ?

Il s’agit uniquement ici de proposer des axes de réflexion, et ce à partir d’une base, le R .E.A.A et notre vécu de chacun dans nos ateliers. Etant « une alliance universelle d’hommes éclairés, groupés pour travailler en commun au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité » ainsi que le précise le mémento de l’Apprenti, il est clair que nous avons, directement ou indirectement une influence sur ce que notre monde devient. Car ce que nous sommes dit aussi ce que nous faisons. Dès lors,  on peut raisonnablement penser que le Chemin initiatique n’aura pas de fin, puisque ceux qui le suivent ne cessent de se succéder en construisant autour d’eux. Ne sommes-nous pas nous-mêmes le passé et déjà la tradition de ce futur qui arrive ?

– I Les Fondations d’un autre Ordre : Ordo ab chao

C’est avec les matériaux du passé que nous construisons l’avenir. Car si des hommes, au XVIIIème siècle – mais même avant, car ce XVIIIème ne fut pas une génération spontanée – ont ressenti la nécessité de se réunir régulièrement, de travailler ensemble et de défendre des valeurs nouvelles, puis de forger une pensée à partir d’une symbolique c’était évidemment soit pour proposer un autre sens au vécu, dû-t-il être limité au temps partagé en tenue, soit pour permettre à  certains d’entre eux de jeter les bases d’une autre vie profane reposant notamment sur un autre vision de  la vie, de l’homme et de la société. Les textes des Anciens Devoirs jusqu’au Discours de Ramsay, puis du Convent de Lausanne en 1861 en témoignent. Les maçons ont contribué au façonnement du monde d’hier et d’aujourd’hui. Souvenons-nous par exemple de l’influence des maçons  dans la naissance des Etats-Unis d’Amérique, l’influence des maçons dans l’abolition de l’esclavage, pendant les guerres mondiales et jusqu’à aujourd’hui dans l’installation du droit à l’interruption volontaire de grossesse.

La diversité des obédiences maçonniques, la diversité des rites pratiqués témoignent d’ailleurs de chemins initiatiques frères concourant au même but : participer de la construction d’un avenir à partir de visions éparses.

Les Obédiences maçonniques ne sont pas les seuls axes de réflexions de nos sociétés. Les Eglises, les partis politiques, les divers mouvements connus ou inconnus ont leur credo, leur méthode et leurs espérances. Nous maçons participons souvent également à ces autres sérails.

Nos ateliers sont avant toute chose des laboratoires, ou des enclumes sur lesquels nous forgeons nos consciences, et par-là sans-doute aussi les contours de nos sociétés à venir.

Si nous n’avons pas collectivement de credo, de certitudes, mais une méthode initiatique, un chemin, le REAA nous participons, tenue après tenue à la naissance d’un autre homme à partir du profane : l’initié. Puis d’initié en initié nous travaillons à la naissance d’un frère. Cet initié, ce frère n’est qu’un homme voué à une sorte de pèlerinage perpétuel au fond de lui-même, vers une cité nouvelle dont il sera à la fois le concepteur, le bâtisseur et l’habitant.

Chez nous, l’avenir se choisit et par-là aussi s’auto-détermine et se détermine collectivement. En effet chacun se détermine librement en choisissant un jour de frapper à la porte du temple et de demander la Lumière.  Nous accueillons chaque profane dans une réception également libre. Contrairement à ce que beaucoup pensent, notre idéal n’est pas d’exclusion ou d’élitisme, mais de participation, de lente métamorphose, de conservation, puis de construction. Disons que de nos broussailles nous aimons faire des jardins : ordo ab chao. Nous accompagnons le temps, véritable athanor alchimique. Ainsi faisons-nous du passé en puisant nos racines dans notre tradition, du présent en enrichissant nos tenues régulières de nos travaux, et de l’avenir dans l’accueil régulier de nouveaux frères pour l’accomplissement d’hommes nouveaux dans leur idéal. En effet  quelque chose ne vaut, dans la durée du temps, que s’il y a transformation et  seulement s’il porte témoignage sous de nouvelles figures, ou de nouveaux langages, comme un vin nouveau que l’on met dans de nouvelles outres.

– II Chez nous, d’une certaine manière, le Verbe se fait chair :

Nous somme redevenus des hommes libres, c’est à dire « des hommes morts aux préjugés du vulgaire et nouveaux nés à une vie nouvelle que nous a conféré l’initiation ». Est-ce une simple formule ou une réalité ? C’est en fait à chacun de nous d’en décider et c’est ce qui détermine profondément chacun de nous, individuellement puis collectivement jusque dans la vie profane. Les neuro-physiciens comprennent aujourd’hui combien les intentions et les attentes jouent un rôle fondamental pour façonner et diriger notre expérience consciente.

Scène de la trilogie "Nürnberg Saga": Andreas Schadt (au centre) joue le fondateur de la loge Paul Wolfgang Merkel Photo : BR / Loopfilm GmbH
Scène de la trilogie « Nürnberg Saga »: Andreas Schadt (au centre) joue le fondateur de la loge Paul Wolfgang Merkel – Photo : BR / Loopfilm GmbH

Si nous sommes des hommes « nouveaux » notre regard et notre vision changent aussi. Nous avons en effet reçu la Lumière. Et c’est sous le faisceau de cette Lumière que nous agirons peu à peu différemment. Dans les Anciens Devoirs on peut trouver par exemple la recommandation suivante : « vous vous montrerez aimants et loyaux l’un envers l’autre ». L’impact d’une telle attitude, si elle était généralisée par un groupe, pourrait avoir un impact non négligeable à tous les niveaux d’une société. Les textes fondateurs de la franc-maçonnerie, en mettant de côté les influences religieuses de l’époque, établissent clairement une vision plus juste des rapports entre tous.

Dans le manuscrit Dumfries (1710),  il est écrit : « Ce sont là des devoirs généraux auxquels tout maçon doit se tenir… Il est fortement souhaitable que ceux-ci les conservent soigneusement  dans leur cœur, leur désir, et leurs inclinations. En faisant ainsi il se rendront eux-mêmes réputés aux yeux des générations futures ». Sans dire, pour l’heure que nous préfigurons tel type de société plutôt qu’un autre, nous pouvons cependant reconnaître dans nos structures, notre organisation globale, les sujets sur lesquels nous travaillons, que nous participons d’une certaine vision de la vie. Nous y reconnaissons nos choix. L’esprit du Convent de Lausanne témoigne en soi du rejet de tout dogmatisme, d’un esprit qui respecte le libre arbitre de chacun et l’acceptation d’un seul axiome : l’existence d’un Principe Créateur. En cela Lumière, Esprit et Liberté constituent les fondements de notre Rite. Il est difficile d’admettre que des hommes baignant par choix dans l’eau de ce genre d’idées de cherchent pas à en teindre leurs actes quotidiens.

Pour nous le Chemin initiatique est non seulement une vision éclairée globale de la  société qui nous laisse augurer petit à petit d’évolutions progressives dans le monde profane, mais c’est aussi une organisation de nos actions et un fonctionnement de notre communauté. En nous abritant ainsi  sous la devise « ordo ab chao » nous acceptons le principe certes symbolique d’un ordre dans l’agencement phénoménologique du monde, qui témoigne en partie d’un fonctionnement et d’une organisation. L’ordonnancement de nos tenues, les prises de paroles, les responsabilités des officiers, la répartition de l’espace et du temps selon des colonnes, des points cardinaux, le rôle de la Lumière, nos travaux en eux-mêmes révèlent un parti pris dans la gestion de nos énergies intérieures et extérieures, et d’une volonté de la maîtrise de l’espace et du temps. Pour reprendre une formule de notre frère Yves Litzellmann dans un de ses articles : « la tradition, en soi, est chose vivante puisqu’elle s’élabore à même la vie, elle se transmet en formulations gestuelles ou orales, porteuses de vérité concrète et guides pour l’action ».

Enfin, comme il l’a été maintes fois souligné, je cite Hubert Greven: «  Le REAA est le Rite d’un ordre initiatique dont l’unique objet est la transformation de l’homme… ».  En effet chemin initiatique, par le truchement du Rite Ecossais Ancien et Accepté a le mérite de faire un autre homme. Cet homme n’est pas changé. Il se change d’année en année, de degré en degré. Qui est et qu’est-ce que cet autre?

A la manière de Gérald Edelmann qui écrit dans son livre « comment la matière devient conscience » qu’il faut reconnaître leur place aux valeurs dans un monde faits, nous disons notre frère est un homme qui a reçu la Lumière. Cela n’apprend rien en soit à celui qui ne le vit pas, mais cette Lumière est sensée éclairer chacun de nos actes, chacune de nos pensées et donc influence notre vie d’aujourd’hui et celle de l’avenir. L’initié peut ou non s’initier pour lui-même, mais une fois la tenue terminée il se retrouvera  inévitablement dans le monde profane pour « achever à l’extérieur l’œuvre commencée dans le temple ». Un homme qui tente d’aller au-delà de ses préjugés ne réfléchit pas à l’avenir de la même manière que celui qui n’en a pas conscience.

Autre évidence : Un homme qui tente d’être équitable, franc, loyal, sincère ne prépare pas le même avenir que celui qui ne l’est pas.

Un homme, qui dans sa relation aux autres essaie de s’inspirer du sentiment d’équité, vise au nivellement des inégalités pour élever sans cesse l’état moral et matériel des individus et de la Société toute entière ne construit pas les mêmes fondations que celui qui négligent ces invitations. En ce sens le choix d’un Chemin initiatique et de sa mise en application dans le quotidien préfigure bien une espérance quant aux capacités positives des hommes à s’entendre, œuvrer en commun à un avenir commun à l’avènement duquel ils se dévouent. Dès lors si chemin initiatique il y a, il est en effet intérieur en chacun de nous, et ainsi il agit en nous dans notre calme intérieur retrouvé ou acquis, dans l’abandon provisoire ou prolongé de notre ego, dans le recul que nous prenons quant aux dimensions souvent médiocres de la vie profane. Par là nous nous redressons en nous pour mieux agir au dehors une fois chaque tenue close.

Il faut oser le dire et c’est tout à l’honneur de ceux qui nous ont précédés, ou de ceux qui sont aujourd’hui franc-maçon, que de travail invisible avons-nous tous fait dans un esprit de tolérance, de partage, de vision fraternelle, de connaissance symbolique ? Quels résultats innombrables et inconnus ont été acquis à ce jour grâce au respect et la mise en œuvre de notre rite. Combien d’entre nous, d’entre vous, sont devenus meilleurs, plus droits, plus fraternels depuis qu’ils sont devenus les ardents et dignes représentants du REAA. Enfin, d’avoir nombreux travaillé à renoncer au vice pour pratiquer la vertu n’a-t-il pas ici et là et au gré des années voire des siècles peu ou prou contribué à rendre nos sociétés difficiles ?

Ainsi qu’il est souligné dans un n° d’Ordo ab Chao : « Tous ceux qui mettent tout leur cœur à vivre les principes du rite s’illuminent intérieurement et extérieurement par leur réalisation… car ce rite loin de nous contraindre nous fait exister; l’initié est un nouvel homme qui se réalise dans l’accomplissement de l’ouverture d’esprit que lui donne la pratique du rite » et c’est en ce sens que je fais mienne cette évocation: chez nous, d’une certaine manière, le Verbe se fait chair : en ce sens que nous nous efforçons de mettre en pratique par l’Art Royal, ce que nous évoquons dans notre Rite. Dès lors notre recherche de la Vérité ne peut laisser l’avenir indifférent.

Pour citer Patrick-André Chéné : «  la force de cette voie (la voix initiatique) est son caractère moderne, certes, adaptée à l’homme contemporain, mais ancrée dans ses racines dans nos traditions, notre histoire, c’est histoire de l’humanité gravée en nous, et ayant par ce fait force d’universalité. La conscience du franc-maçon animée d’une intention vraie, percevra ainsi la dimension des objets et des êtres dans leur présence au quotidien» car l’aptitude à l’objectivité extérieure se mesure à l’aptitude du dialogue interne » (Jung : l’Ame et le Soi)

III  C’est dans le cœur de l’homme et nulle part ailleurs, que se décide son avenir.

La franc-maçonnerie, dans son Chemin initiatique invite l’homme à se réinventer en se forgeant un devenir. Et pourquoi un devenir ? Tout simplement parce que la Vie vit et parce que tout en nous du corps à l’esprit est évolution. Cette évolution vibre dans nos gènes. Dès lors, il vaut mieux pour nous en avoir la maîtrise. C’est précisément ce à quoi nous travaillons dans nos ateliers « par le perfectionnement graduel de nous-mêmes ». Je ne crois pas que nous répétions inlassablement et sans efficacité des gestes et des discours immuables. Même sans public le discours influe sur l’acteur qui ne joue que pour lui-même. C. G Jung écrit dans l’Ame et la vie : « L’être humain croit avec la grandeur de sa tâche… » et rajoute … pourvu qu’il s’en donne les moyens ».  Notre frère Jean-Pierre Papon souligne : « le RÉAA en Occident, propose une approche de la connaissance de soi qui ne dépend pas d’une préalable adhésion à un système de croyance ou d’éthique, mais qui pourtant est susceptible de conférer un sens à l’univers et à notre vie. »

En travaillant sur nous, il s’agit bien d’œuvrer pour le monde. Mais ne nous y trompons pas, le Chemin initiatique n’est pas le but, il est la route vers… un autre monde, donc un autre nous-mêmes puisque nous en serons les acteurs, les figurants et les auteurs. Alors un sens. D’abord celui de l’Occident vers l’Orient, vers cette Lumière du prologue de l’Evangile de Jean, la lumière pour les hommes, pour qu’elle devienne justement sur le Chemin initiatique la lumière des hommes, pour les meilleurs d’entre nous. Par là nous allons vers le sens et nous devenons sens pour les autres en « élevant nos consciences et nos cœurs en fraternité ».

Eclairés nous devons aussi agir dehors selon ce que dis notre rituel de fermeture « Que la Lumière qui a éclairé nos travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans ce Temple, mais qu’elle ne reste pas exposée aux profanes ». En quoi ce que nous faisons dans nos ateliers est-il l’amorce d’une action dans le monde profane ? Pour bon nombre de profanes ce que nous faisons dans le temple ne les concerne pas. Nous, nous devons au contraire nous sentir tout à fait concernés par notre apport dans le monde profane : pour contribuer à ce que la Paix règne sur la terre, que l’Amour règne parmi les hommes, que la Joie soit dans les cœurs !  

Certains diront que c’est faire preuve de naïveté que de parler ainsi. J’y vois pour ma part tout le pari de la démarche initiatique du maçon. Si nous lisons ces lignes sur un plan seulement symbolique elles perdent leur substance. Car la Paix, et l’histoire du monde nous l’a assez montré, combien il est crucial pour chacun de nous d’en être d’ardents contributeurs, puis les acteurs quotidiens. Car l’amour, décliné sous toutes ses formes, que nous portons aux autres, quels qu’ils soient contribuent à les rendre meilleurs et installe les respects et la tolérance. En d’autres termes nous pouvons ainsi montrer une alternative à la haine qui est dévastatrice, séparatrice et venimeuse. Quant à la Joie dans les cœurs, un éclat de rire de n’importe quel enfant en ce monde témoigne de notre responsabilité à en créer le cadre salvateur.

Réussir ? Peut-être, espérer sûrement, comme l’aurait dit Guillaume d’Orange. Car on ne peut vibrer de Lumière comme nous le faisons sans partout et toujours propager son éclat dans tous les lieux sombres des hommes. Nous devons incarner l’espérance. Encore un mot dirait peut-être un profane. Et pourtant, c’est peut-être dans ce mot-là que réside toute la puissance de notre devoir de maçon, parce qu’il aide à ne jamais renoncer en disant : au bout du Chemin, au bout du chemin initiatique, il y a un possible auquel nous voulons chacun, à notre manière contribuer et travailler dans nos ateliers respectifs. Je ne vois pas d’autre état d’ouverture que l’espérance pour nous accompagner à chaque tenue, chaque année, en accueillant.

En guise de conclusion :

Dans son Discours de 1737 Ramsay s’exprime ainsi !

« C’est pour faire revivre et répandre ces anciennes maximes prises dans la nature de l’homme, que notre société fut établie. Nous voulons réunir tous les hommes d’un esprit éclairé et d’une humeur agréable, non seulement par l’amour des beaux-arts, et encore plus par les grands principes de vertu, où l’intérêt de la confraternité devient celui du genre humain entier, où toutes les nations peuvent puiser des connaissances solides, et où tous les sujets les différents royaumes peuvent, vivre sans discorde … »

Vapeurs mortelles : Malum et bonum

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Écrit à quatre mains, ce premier volume de la trilogie Malum et Bonum plonge le lecteur dans une aventure palpitante et pleine de rebondissements à la recherche de la vérité. Une quête qui va conduire Adeline, à travers la découverte d’un monde ésotérique, à des révélations ahurissantes sur ses origines familiales et à l’accomplissement de son destin.

Au coeur d’un beau quartier de Paris, dans le hammam d’un club de sport, Adeline Le Clèves, propriétaire des lieux, fait face au spectacle macabre de deux corps nus enlacés : sa soeur Rébecca est étendue là, tuée avec son jeune amant. Après l’assassinat de son père, sénateur, survenu deux ans plus tôt et jamais élucidé, quel sort s’acharne sur les siens ? Suspectée par le commandant de police Salvo Camillèri chargé de l’affaire, Adeline décide alors de mener sa propre enquête et se retrouve confrontée à une mystérieuse et dangereuse organisation. Écrit à quatre mains, ce premier volume de la trilogie Malum et Bonum plonge le lecteur dans une aventure palpitante et pleine de rebondissements à la recherche de la vérité. Une quête qui va conduire Adeline, à travers la découverte d’un monde ésotérique, à des révélations ahurissantes sur ses origines familiales et à l’accomplissement de son destin.

L’ouvrage publié aux éditions Detrad aVs dans la collection « En Quête Initiatique » dirigée par Didier Quiniou, s’inscrit dans une lignée précieuse, celle des récits où l’action est prétexte à l’éveil, où la narration devient un chemin vers la lumière, et où l’émotion rejoint la connaissance. Il est à la fois roman d’enquête, récit de filiation, cartographie du secret et méditation sur la mémoire, le deuil, et la possibilité de renaître en vérité.

AUTEURS :

Mario Maiolo, interprète multilingue passionné par la langue française, apporte à l’ouvrage sa rigueur élégante, sa maîtrise du rythme et de l’équilibre narratif.

Michèle-Élisabeth Rochlin, professeure de Lettres Classiques, membre de la Grande Loge Féminine de France, y insuffle une lumière discrète, mais constante : celle des symboles travaillés en silence, celle des traditions intérieures transmises à travers les mots.

Les Entretiens d’Été 2025 : Une réflexion sur l’Exode et les migrations humaines

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Le jeudi 17 juillet 2025 à 19h30, le Collège Maçonnique organise une nouvelle édition des Entretiens d’Été, une conférence en ligne intitulée « Migrations… Odyssées du Vivant ». Cet événement, animé par le rabbin Yann Boissière, promet une exploration profonde et contemporaine de l’Exode, un récit mythologique et spirituel qui résonne encore aujourd’hui.

Inscription obligatoire via le lien :

https://us06web.zoom.us/webinar/register/WN_VVSVEm_ERd_YFFB0dkxyQ.

L’Exode :

un voyage au cœur de la pensée humaineConnu comme le second livre du Tanakh hébraïque, le Livre de l’Exode – ou Chemot (« Les Noms ») – est également appelé Sefer ha Geoulah (« Livre de la Rédemption ») dans la tradition midrashique. La version grecque des Septante le nomme Exodos, « la sortie d’Égypte ». Ce texte, riche de ses quarante chapitres, retrace la libération du peuple hébreu de l’esclavage en Égypte, l’instauration de la fête de Pessah, l’Alliance scellée au mont Horeb et la construction du Tabernacle. Au-delà de l’histoire, l’Exode invite à une réflexion universelle sur les migrations, qu’elles soient physiques, spirituelles ou intellectuelles. Yann Boissière, rabbin libéral affilié au mouvement Judaïsme en Mouvement, proposera une lecture contemporaine de ce récit trimillénaire, explorant comment le don du Code de l’Alliance – les Devarim reçus par Moïse – marque un tournant paradigmatique dans les comportements humains.

Yann Boissière :

un parcours singulierD’origine lilloise, Yann Boissière est un rabbin au parcours atypique. Initialement passionné par la culture anglo-saxonne et la linguistique (études à la Sorbonne et à l’Université de Bourgogne), il s’est d’abord illustré comme scénariste pour la télévision et le cinéma. Sa rencontre avec Pierre-Henri Salfati le conduit à se convertir au judaïsme, avant de devenir enseignant du Talmud Torah à la synagogue de Beaugrenelle (Paris, 15e arrondissement).

Sa vision ouverte et moderne du judaïsme enrichira cette conférence d’une perspective unique, mêlant érudition, spiritualité et réflexion contemporaine.

Une soirée ouverte à tous

Gratuite et accessible à tous, cette conférence sera enregistrée et disponible sur le site du Collège Maçonnique www.collegemaconnique.fr. Cet événement s’inscrit dans une série de rencontres estivales, avec d’autres temps forts à venir, comme la conférence du 24 juillet avec le Dr Claire Mestre, psychiatre et anthropologue, sur le thème Femmes et Migrations, ou encore la projection en avant-première du film The Road to Hope de Christophe Smith le 14 août.

Ne manquez pas cette occasion de plonger dans une réflexion intemporelle sur les migrations humaines et les transformations de la pensée, guidés par la sagesse de Yann Boissière.

Inscrivez-vous dès maintenant pour réserver votre place à cet événement inspirant !

https://us06web.zoom.us/webinar/register/WN_VVSVEm_ERd_YFFB0dkxyQ.

La Grande Troménie de Locronan : « Une odyssée spirituelle entre foi chrétienne et héritage celtique »

De notre confrère ouest-france.fr

La Grande Troménie de Locronan, dont le nom dérive du breton Tro Minihi (« tour du sanctuaire »), puise ses origines dans une double tradition : celtique et chrétienne. Avant l’arrivée du christianisme en Armorique, Locronan était un haut lieu spirituel celtique, structuré autour d’un calendrier luni-solaire. Les druides, savants de l’époque, y pratiquaient des rituels liés aux cycles saisonniers et aux forces naturelles.

Le sanctuaire, situé au pied de la colline de Menez Lokorn, était orienté selon des repères cosmiques, marquant les parcours annuels du soleil et de la lune, comme l’a souligné l’ethnologue finistérien Donatien Laurent. Selon ses recherches, les pèlerins de la Troménie reproduisent avec leurs pas un cheminement symbolique calqué sur ces cycles cosmiques, une pratique antérieure à l’ère chrétienne.

Au VIe siècle, l’arrivée de saint Ronan, un moine irlandais venu évangéliser la Bretagne, marque un tournant. Vivant en ermite à Locronan, il intègre les traditions locales tout en christianisant le site. Après sa mort, son culte se développe rapidement, et la Troménie devient une célébration dédiée à sa mémoire. Selon la tradition, saint Ronan parcourait quotidiennement le trajet de la Petite Troménie (6 km) et, chaque dimanche, celui de la Grande Troménie (12 km), suivant les anciennes limites paroissiales. Ce parcours, jalonné de 12 stations symbolisant les mois de l’année celtique, perpétue une vision du monde où les forces cosmiques – lune et soleil, féminin et masculin, hiver et été – s’équilibrent dans une harmonie complémentaire.

La Grande Troménie, qui se tient tous les six ans, s’inscrit dans cette périodicité ancienne, potentiellement liée aux cycles calendaires celtiques. Christianisée au fil des siècles, elle reste un témoignage vivant de la fusion entre paganisme et christianisme, une caractéristique typique des pardons bretons. Comme l’explique Lukian Kergoat, linguiste et participant de longue date à la Troménie, « c’est une déambulation spirituelle qui dépasse le simple fait religieux ».

Crédit : Howard Crowhurst, en 2019 sur Nurea TV. Découvrir son dernier ouvrage : « Le grand plan de la Troménie de Locronan », disponible sur le site de l’éditeur Epistemea.fr – Retrouvez son travail ses conférences sur la plateforme EpistemeaTV

Le déroulement de la Grande Troménie 2025

La Grande Troménie de 2025, qui se déroule du 13 au 20 juillet, a été officiellement présentée lors d’une conférence de presse le 18 juin à Locronan, en présence des organisateurs, dont le curé de la paroisse Sainte-Anne de Châteaulin et les représentants de l’association Locronan, Vie et Tradition. Cette dernière, née en 2024 de la fusion de deux entités locales, veille à la pérennité de ce patrimoine immatériel, tout en entretenant l’église Saint-Ronan et en mobilisant la communauté pour l’événement.

Un coup d’envoi festif et symbolique

Les festivités commencent la veille, le samedi 12 juillet, avec un spectacle son et lumière retraçant la vie de saint Ronan, de son arrivée en Bretagne à la fondation de Locronan. Ce spectacle, porté par des habitants de la commune, met en scène les légendes et traditions liées au saint, illuminant les bâtiments historiques de la petite cité de caractère. À minuit, le tantad (feu de joie) est allumé, symbolisant l’ouverture du chemin sacré pour une semaine.

La procession du dimanche 13 juillet

Le dimanche 13 juillet marque le point culminant de l’événement. Dès 9h, la Gorsedd, fraternité des druides de Bretagne, inaugure la journée avec une procession dédiée au culte celtique. Une centaine de participants, guidés par le grand druide Per Vari Kerloc’h et le porteur de l’épée d’Arthur, s’élancent sur le parcours de 12 km, traversant chemins creux, champs et ruisseaux. Ce rituel, qui célèbre la vie, les éléments et la mort, s’inscrit dans la continuité des pratiques préchrétiennes.

À 10h30, Mgr Dognin, évêque de Quimper et Léon, célèbre une messe solennelle à l’église Saint-Ronan. À 14h, la grande procession chrétienne débute depuis la chapelle du Pénity, où repose le gisant de saint Ronan. Les pèlerins, portant bannières, reliques et costumes traditionnels du pays glazik, parcourent les 12 stations, marquées par des croix de granit et des huttes abritant des statues de saints en bois ou en pierre. L’évêque prononce une homélie sur la butte de Menez-Lokorn, avant un retour à Locronan vers 20h.

Crédit : Howard Crowhurst, en 2019 sur Nurea TV. Découvrir son dernier ouvrage : « Le grand plan de la Troménie de Locronan », disponible sur le site de l’éditeur Epistemea.fr – Retrouvez son travail ses conférences sur la plateforme EpistemeaTV

Une semaine de pèlerinage ouvert

Du 13 au 20 juillet, le chemin sacré reste accessible, permettant à chacun de participer à son rythme. Des milliers de pèlerins – près de 5 000 lors de l’édition 2019 – affluent pour accomplir ce parcours, chacun avec ses motivations : foi catholique, quête spirituelle, hommage aux traditions bretonnes, ou simple désir de marcher dans un cadre naturel et historique.

Un chemin sacré : entre nature et spiritualitéLe parcours de la Grande Troménie, long de 12 km, traverse la plaine du Porzay et la montagne du Prieuré, sur des chemins privés spécialement ouverts pour l’occasion. Les préparatifs, minutieux, impliquent de faucher les blés, couper le maïs, débroussailler les chemins creux et installer des ponts improvisés sur les ruisseaux. Les 12 stations, marquées par des croix de granit, correspondent aux 12 mois du calendrier celtique, débutant en novembre. Le bas du parcours symbolise l’hiver et la lune, tandis que le haut évoque l’été et le soleil, incarnant une vision du monde où les opposés s’harmonisent.

Les 42 huttes qui jalonnent le chemin abritent des statues de saints, sorties de leurs églises ou chapelles pour saluer les pèlerins. Ces figures, souvent sculptées dans le bois polychrome, sont des dons d’artistes locaux ou de familles, comme celles du pays glazik offertes par des donateurs crozonnais. Certaines, comme la hutte de sainte Barbe, sont rattachées à des familles locales, perpétuant une tradition d’hospitalité et de transmission.

Le père Christian Le Borgne, curé de la paroisse, résume l’essence de ce pèlerinage : « Chacun y trouve ce qu’il est venu chercher, et beaucoup trouvent… en marchant. » Les pauses aux stations deviennent des moments de recueillement, où les pèlerins déposent leurs fardeaux – prières, espoirs, ou chagrins – pour repartir plus légers.

Un patrimoine vivant : la Grande Troménie dans la culture contemporaine

La Grande Troménie transcende le cadre religieux pour devenir un événement culturel et patrimonial majeur. Elle attire des visiteurs aux profils variés : pèlerins catholiques, adeptes de la spiritualité celtique, touristes curieux, ou habitants attachés à leurs racines. Cette diversité reflète la richesse de l’événement, qui fédère au-delà des croyances.

La contribution d’Anne Gouerou

La documentariste Anne Gouerou a joué un rôle clé dans la valorisation de ce patrimoine. Son ouvrage, La Troménie de Locronan : un chemin au rythme du temps celtique, publié le 11 juillet 2025 aux éditions Yoran Embanner, explore les origines et les rituels de la Troménie. Illustré par des photos anciennes, des aquarelles d’Anne Cognard et enrichi de QR codes donnant accès à des vidéos de l’édition 2019 et aux archives de Donatien Laurent, ce livre rend accessible un savoir ethnologique et historique. Gouerou, passionnée par les travaux de Laurent, souligne l’importance de vulgariser ces connaissances pour préserver la mémoire de ce rituel.

Une projection de courts-métrages réalisés par Gouerou sur l’édition 2019 a également eu lieu le 1er mars 2025 à Ti Lokorn, permettant aux Locronanais et aux habitants des environs de se replonger dans l’ambiance de la Troménie et de préparer l’édition 2025.

Un ancrage communautaire

L’engagement de la communauté locale est au cœur de la pérennité de la Troménie. L’association Locronan, Vie et Tradition mobilise des bénévoles pour entretenir le parcours, organiser les festivités et préserver l’église Saint-Ronan. Des initiatives comme le montage de la crèche paroissiale, qui reproduit la Troménie en miniature avec des costumes bretons brodés, témoignent de cet attachement. En 2024, après des années de polémiques, la crèche a retrouvé sa place dans la chapelle du Pénity, marquant une réconciliation communautaire.

La Troménie et la modernité : une résonance universelle

Dans un monde marqué par les bouleversements sociaux et environnementaux, la Grande Troménie de Locronan offre un espace de connexion avec des valeurs intemporelles : la marche, le silence, la nature, et la quête de sens. Comme le souligne Anne Gouerou, « c’est bien plus que du folklore » : c’est une expérience qui traverse l’humain dans toute sa complexité.

Le pèlerinage attire également l’attention pour son lien avec le deuil et la mémoire. Les stations du parcours, où les pèlerins s’arrêtent pour prier ou méditer, sont des lieux de recueillement où l’on honore les disparus et les promesses faites. Cette dimension spirituelle, ouverte à tous, qu’ils soient croyants ou non, fait de la Troménie un rituel universel.

Sur les réseaux sociaux, l’événement suscite un vif intérêt. Des publications sur X soulignent son caractère incontournable : « Il faut y participer au moins une fois dans sa vie, sinon… », écrit un utilisateur, tandis qu’un autre évoque la magie des bannières et des costumes bretons portés lors de la procession.

une invitation à marcher ensemble

La Grande Troménie de Locronan, qui se tient du 13 au 20 juillet 2025, est bien plus qu’un simple pardon breton. Elle est une célébration de l’héritage celtique et chrétien, un moment de communion entre les générations, et une invitation à parcourir un chemin sacré où chacun trouve sa propre vérité. Comme l’écrit Anne Gouerou, « les troménies sont des processions en forme de pardons circulaires », des cercles qui relient le passé au présent, la terre au ciel, et l’individu à la communauté.

Que l’on soit attiré par la spiritualité, la culture bretonne, ou simplement l’envie de marcher dans un cadre chargé d’histoire, la Grande Troménie de Locronan est une expérience à vivre. Rendez-vous est pris pour 2025 – ou dans six ans, pour la prochaine édition de ce rituel millénaire.

Sources :

  • Ouest-France, articles sur la Grande Troménie de Locronan, 2025.
  • Le Télégramme, articles sur la Troménie et l’ouvrage d’Anne Gouerou, 2025.
  • Diocèse de Quimper et Léon, présentation de la Grande Troménie, 2025.

Quand Thierry Ardisson invitait deux Francs-maçons connus sur son plateau de « Salut Les Terriens ! »

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Le célèbre animateur, producteur, vient de nous quitter et la rédaction en a profité pour exhumer un vieux reportage qui démontre clairement qu’on pouvait parler légèrement de la Franc-maçonnerie sur un plateau TV.

Thierry Ardisson reçoit Alain Bauer, criminologue, président de l’observatoire de la délinquance et conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Thierry Ardisson l’interroge sur la Franc-Maçonnerie et sur son rôle auprès de Nicolas Sarkozy. QUIZZ. « Les maçons francs« . Questions à Alain BAUER sur la franc-maçonnerie.

Biographie de Thierry Ardisson

Thierry Ardisson (Crédit Wikipedia)

Thierry Ardisson, né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf (Creuse) et mort le 14 juillet 2025 à Paris, est un animateur, producteur, écrivain et publicitaire français, surnommé « l’Homme en noir » pour son style vestimentaire. Issu d’une famille modeste, il grandit entre Nice, l’Algérie et la Haute-Savoie avant de s’installer à Paris en 1969. Il débute dans la publicité, co-fondant l’agence Business en 1978, où il crée des slogans marquants comme « Ovomaltine, c’est de la dynamite » ou « Lapeyre, y en a pas deux ».

Dans les années 1980, il se lance dans la télévision avec des émissions novatrices comme Bains de minuit (1987), Lunettes noires pour nuits blanches (1988), Paris Dernière, et surtout Tout le monde en parle (1998-2006), qui devient un phénomène culturel. Connu pour son style provocateur et ses interviews percutantes, il révolutionne le talk-show français. Il produit également des programmes comme Salut les Terriens ! (2006-2019) et 93, faubourg Saint-Honoré. Ardisson est aussi auteur de plusieurs livres, dont Louis XX – Contre-enquête sur la Monarchie et Confessions d’un babyboomer, et producteur du film Max (2013).

Marié trois fois, père de trois enfants avec Béatrice Loustalan, il épouse la journaliste Audrey Crespo-Mara en 2014. Royaliste légitimiste, il était proche de Louis Alphonse de Bourbon. Ardisson s’éteint à 76 ans des suites d’un cancer du foie, laissant un héritage marquant dans le paysage audiovisuel français.

Symbole de la laïcité : Torturé et exécuté pour blasphème à 20 ans… le chevalier de La Barre

De nos confrères france3-regions.franceinfo.fr – Par Romane Idres

En 1766, François-Jean Lefebvre de La Barre est exécuté pour blasphème à seulement 20 ans, à Abbeville dans la Somme. Sa tragique histoire raconte en fait le bras de fer qui se joue sous l’Ancien Régime entre l’Église et la philosophie des Lumières. Il deviendra malgré lui un symbole de la laïcité.

C’est l’histoire d’un gamin, un peu turbulent, espiègle et à l’esprit libre, devenu symbole de la laïcité. En 1762, François-Jean Lefebvre de La Barre, issu d’une famille illustre, est déjà orphelin. Il n’a que 17 ans et son père, ayant dilapidé sa fortune avant de mourir, ne lui a rien laissé. Recueilli avec son frère par une tante, abbesse respectée à Abbeville, il s’installe en Picardie.

Un siècle tiraillé entre l’Église et les Lumières

La même année, Diderot publie clandestinement le dernier des 17 volumes de son Encyclopédie, ouvrage révolutionnaire pour l’époque puisqu’il prône la connaissance scientifique et critique la toute-puissance de l’Église. Quelques mois plus tôt, Voltaire publiait son Dictionnaire philosophique portatif, conçu pour être une arme contre l’obscurantisme religieux, qui provoqua une onde de choc à travers l’Europe.

Malgré les efforts de l’Église, de la Hollande à l’Italie en passant par le Parlement de Paris, pour faire disparaître cet ouvrage si scandaleux, le Dictionnaire se fait une place dans les sociétés européennes, et arrive jusque dans la bibliothèque du chevalier de La Barre à Abbeville.

Le "Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire", ouvrage interdit à l'époque, va jouer un rôle dans la condamnation du chevalier de La Barre.
Le « Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire », ouvrage interdit à l’époque, va jouer un rôle dans la condamnation du chevalier de La Barre. • © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Dans ce siècle tiraillé entre une Église toute puissante et une bourgeoisie instruite qui cherche à s’en défaire, le noble François-Jean fait partie d’un groupe de jeunes garçons de bonne famille mais réputés irrévérencieux.

Le coupable idéal

En août 1765, un crucifix situé sur le Pont-Neuf d’Abbeville est profané par des entailles de lame. D’après Voltaire, qui relatera plus tard cette affaire, Belleval, un notable abbevillois qui a une dent contre le jeune homme depuis que sa tante a repoussé ses avances, y voit là l’occasion parfaite pour le mettre en difficulté, lui et ses amis.

Mais l’affaire va très vite dépasser les querelles de la bourgeoisie locale. « Sa tante aurait suscité des jalousies et de l’envie, peut-être même une volonté de vengeance chez cet amoureux éconduit« , explique Dominique Reitzman, ancienne professeure de lettres et présidente du groupe La Barre. « Mais on ne peut pas réduire cette affaire à des querelles de clocher, disons plutôt que ça n’a pas joué en sa faveur, c’est certain, il n’a pas eu de bol. Les inimitiés et les rancœurs personnelles ont fait que certains se sont acharnés.« 

La police mène alors l’enquête, et les rumeurs font rage dans la société abbevilloise. Des monitoires sont lancés, procédures judiciaires à l’initiative de l’Église incitant les paroissiens à dénoncer des faits criminels. « Les prêches des prêtres rassemblent beaucoup de monde, ils vont en faire une campagne brûlante. Le monitoire constitue une menace : si quelqu’un ne dit pas ce qu’il sait, il ira en enfer« , rappelle Dominique Reitzman. « Alors si les curés, tous les dimanches, entretiennent cette idée, ils provoquent des dénonciations. On fait peur aux fidèles en leur disant que s’ils ne participent pas à la purification de la ville, des choses abominables vont leur tomber dessus, et ça les pousse à inventer des choses, ou à mettre sur le compte de cette bande tous les méfaits dont ils ont eu vent. »

Les voilà alors accusés non seulement d’avoir profané le crucifix, mais aussi d’avoir profané un cimetière avec des excréments, d’avoir chanté des chansons impies et de ne pas avoir ôté leur chapeau au passage d’une procession. « Il a reconnu ne pas avoir salué cette procession, mais ce n’était vraiment pas un geste insolent, il était un peu loin, le geste était considéré comme outrageant à l’époque mais ce n’était pas non plus vu comme une provocation délibérée.« 

Son ami Gaillard d’Etallonde, accusé des mêmes méfaits, parvient à fuir grâce à son père. Mais le chevalier de La Barre reste à Abbeville. Il est arrêté rapidement et subit, en prison, des interrogatoires sous la torture. Son autre acolyte Moisnel, âgé de seulement 15 ans, est arrêté aussi.

« Blasphèmes exécrables et abominables« 

La découverte dans sa bibliothèque du fameux Dictionnaire de Voltaire et d’autres livres interdits va empirer la réputation de François-Jean Lefebvre. « Le livre était répandu, mais toujours interdit en France. Ça va permettre aux juges de prouver que c’est un rebelle, de l’accabler encore plus. Mais d’après moi, c’est aussi un moyen d’accabler d’autant plus Voltaire, en disant qu’un mécréant comme le chevalier de La Barre lit son œuvre.« 

Il est jugé une première fois à Abbeville, et condamné pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables« . Les juges ordonnent qu’on lui coupe la main pour le punir de ne pas avoir salué la procession, qu’on lui tranche la langue pour avoir chanté les chansons impies, puis qu’on le décapite et qu’on le brûle. Une peine qui semble invraisemblable pour ce type de crime, même à l’époque. D’autant qu’aucune preuve tangible ne vient étayer le dossier.

Voltaire, qui publiera sous pseudonyme le récit de cette affaire, écrit : « Dans ce procès monsieur, qui a eu des suites si affreuses, vous ne voyez que des indécences, et pas une action noire ; vous n’y trouverez pas un seul de ces délits qui sont des crimes chez toutes les nations, point de meurtre, point de brigandage, point de violence, point de lâcheté : rien de ce qu’on reproche à ces enfants ne serait même un délit dans les autres communions chrétiennes. » En effet, le blasphème n’est plus censé être puni de mort en France depuis déjà un siècle.

Son ami Moisnel a, quant à lui, moins bien résisté à la pression et a reconnu les faits. Jugé lui aussi à Abbeville, il bénéficiera néanmoins de la clémence des juges en raison de son âge. Voltaire écrira tout de même en 1774, dans une correspondance, que « la crainte et l’horreur » l’ont rendu fou.

Extrait d'une lettre de Voltaire à propos du "procès affreux" et du "plus horrible supplice" subi par le chevalier de La Barre, 1774.
Extrait d’une lettre de Voltaire à propos du « procès affreux » et du « plus horrible supplice » subi par le chevalier de La Barre, 1774. • © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Le chevalier de La Barre fait donc appel de sa condamnation. Un nouveau procès doit se tenir au Parlement de Paris. Un groupe de huit avocats se mobilise pour démontrer l’illégalité des procédures. Le procureur général appelle à casser le jugement d’Abbeville. Rien n’y fait. Les juges parisiens sont divisés sur la question, mais quinze d’entre eux (sur vingt-cinq) se prononcent en faveur du premier jugement, qui est donc maintenu.

L’arrêt de la cour de Parlement donne les détails de la peine qui devra être infligée à travers la ville d’Abbeville, à commencer par faire « amende honorable » devant l’église, « à genoux, nue tête et nus pieds, ayant la corde au cou, écriteaux devant et derrière portant ces mots : impie, blasphémateur et sacrilège exécrable et abominable« . Il est ensuite précisé qu’il devra subir la torture, avoir la langue coupée et la tête tranchée, que son corps sera brûlé et les cendres dispersées au vent.

Dans le compte rendu du jugement en appel, le Parlement de Paris détaille très précisément la façon dont de La Barre doit être exécuté, entre autres pour avoir "proféré des blasphèmes énormes et exécrables".
Dans le compte rendu du jugement en appel, le Parlement de Paris détaille très précisément la façon dont de La Barre doit être exécuté, entre autres pour avoir « proféré des blasphèmes énormes et exécrables ». • © Archives municipales d’Abbeville

Une exécution spectaculaire

Malgré l’intervention de plusieurs personnalités influentes, le Roi refuse d’user de son droit de grâce, « au motif que gracier un blasphémateur, cela aurait signifié être indulgent face à une injure à Dieu, et cela aurait mis son âme en péril« , précise Dominique Reitzman. Les recours sont tous épuisés : le jeune François-Jean doit être exécuté à Abbeville le 1er juillet 1766. Pour éviter que des amis téméraires n’essaient de le délivrer sur la route, son escorte aurait même fait un détour par Rouen pour le ramener dans la commune picarde.

Avant d’être exécuté, il est d’abord soumis à la question ordinaire, une douloureuse torture pour l’obliger à avouer ses crimes et dénoncer ses supposés complices. D’après le récit de Voltaire, il s’évanouit après qu’on lui a brisé les os, mais lorsqu’il se réveille, il se refuse toujours à donner des noms.

On lui épargne alors la question extraordinaire (qui consiste à soumettre l’accusé à des actes de tortures encore plus abominables juste avant la mise à mort), et il est conduit à l’échafaud. Les bourreaux renoncent à lui couper la langue mais il sera décapité. Voltaire, qui n’y assiste pas mais à qui on raconte la scène, la relate ainsi : « Il monta sur l’échafaud avec un courage tranquille, sans plainte, sans colère et sans ostentation : tout ce qu’il dit aux religieux qui l’assistait se réduit à ces paroles : je ne croyais pas qu’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose.« 

Faire un exemple

L’exécution spectaculaire prend des airs à la fois de spectacle et de mise en garde pour les nombreux Abbevillois venus y assister. « Il y a l’idée de faire peur, de donner un exemple. » Au moment de brûler son corps, son exemplaire du Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire est jeté dans le bûcher.

Voltaire écrit sur cette histoire et la rend publique. La violence de l’affaire fait scandale, provoquant un revirement de l’opinion, comme le philosophe l’avait prédit : « Quelques juges ont dit que, dans les circonstances présentes, la religion avait besoin de ce funeste exemple. Ils se sont bien trompés ; rien ne lui a fait plus de tort. On ne subjugue pas ainsi les esprits ; on les indigne et on les révolte. »

François-Jean Lefebvre de La Barre sera le dernier exécuté pour blasphème en France et son histoire marquera un tournant dans le processus de déchristianisation de la société. « L’affaire du chevalier de La Barre, avec plein d’autres exemples d’abus et d’excès de la part des représentants de l’Église, a contribué à ce qui a mené plus tard à la Révolution« , analyse Dominique Reitzman.

Un jeune homme devenu symbole

En 1793, après la Révolution et la chute de la monarchie de droit divin, il est réhabilité et érigé en victime du fanatisme catholique, sur décision de la Convention nationale.

Après la Révolution, en 1793, La Convention nationale décide que "la mémoire de La Barre [...], victime de la superstition et de l'ignorance, est réhabilitée".
Après la Révolution, en 1793, La Convention nationale décide que « la mémoire de La Barre […], victime de la superstition et de l’ignorance, est réhabilitée ». • © Archives municipales d’Abbeville

Au fil des siècles, il devient un symbole pour tous les défenseurs de la laïcité, à travers l’Europe et son histoire sera relatée à plusieurs reprises, notamment par Victor Hugo.

En 1905, deux mois avant que la loi sur la séparation de l’Église et de l’État ne soit votée, une statue à son effigie est installée à Montmartre à Paris. Deux ans plus tard, un monument est installé à Abbeville, à l’initiative populaire.

Chaque année, le groupe La Barre, créé au début du siècle, commémore le supplice du jeune chevalier, convaincu que la lutte contre l’obscurantisme est toujours nécessaire aujourd’hui. « C’est un moyen d’opposer la liberté et la laïcité à l’intolérance et au fanatisme, mais aussi de promouvoir l’instruction et la connaissance, explique la présidente. 

Carte postale du monument commémoratif du Chevalier de La Barre, à Abbeville.
Carte postale du monument commémoratif du Chevalier de La Barre, à Abbeville. • © Archives municipales d’Abbeville

On lit sur le monument d’Abbeville ‘à l’émancipation intégrale de la pensée humaine’, le terme d’émancipation est important, il est précieux. L’idée, c’est la libération totale de l’esprit humain contre toute forme d’oppression, qu’elle soit religieuse, matérielle, économique ou sociale. »

L’affaire du chevalier de la Barre a d’ailleurs trouvé un triste écho, avec l’assassinat de Samuel Paty, enseignant tué après un cours sur la liberté d’expression en octobre 2020. La présidente de la ligue des droits de l’Homme d’Abbeville avait établi ce parallèle dans son discours d’hommage.

Le monument du Chevalier de La Barre à Paris.
Le monument du Chevalier de La Barre à Paris. • © Ville de Paris / BHVP

Interview de Serge Toussaint : Grand Maître de l’AMORC par Ludovic Richer de la chaîne Arcana

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Découvrez l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix à travers une interview exclusive de Serge Toussaint, Grand Maître de l’A.M.O.R.C. pour la France. Quel est le sens profond de cette tradition ésotérique, et quel rôle joue-t-elle dans le monde moderne ? Histoire, philosophie, symbolisme, initiation : un voyage au cœur d’une fraternité souvent méconnue.

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Hassan Fathy : Le génie égyptien qui réinventa l’architecture climatique traditionnelle

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Au tournant du XXe siècle, alors que le modernisme occidental prônait des solutions technologiques souvent coûteuses et énergivores, un architecte égyptien visionnaire, Hassan Fathy (1900-1989), choisit de regarder en arrière pour mieux construire l’avenir. En puisant dans les savoirs ancestraux de l’architecture vernaculaire égyptienne, il développa des solutions novatrices, durables et écologiques, notamment à travers l’invention des madyafas, des espaces publics conçus pour rafraîchir naturellement l’environnement.

Ce pionnier, dont l’héritage inspire aujourd’hui architectes et urbanistes du monde entier, a démontré que la modernité peut s’enraciner dans la tradition pour répondre aux défis climatiques et sociaux.

Un retour aux sources pour une architecture durable

Hassan Fathy, au Caire

Né à Alexandrie en 1900, Hassan Fathy est considéré comme l’un des premiers architectes à promouvoir une architecture respectueuse de l’environnement et des cultures locales. À une époque où le béton et les constructions standardisées dominaient, Fathy s’opposa au modernisme occidental en valorisant les matériaux locaux, comme la brique de terre crue (adobe), et les techniques traditionnelles. Son ouvrage de référence, Architecture for the Poor (1969), expose sa philosophie : construire pour les communautés rurales pauvres en respectant leur environnement, leur culture et leurs moyens.

L’une de ses innovations les plus marquantes fut l’utilisation des madyafas, des espaces publics semi-ouverts conçus pour maximiser la ventilation naturelle et réduire les températures dans les climats arides de l’Égypte. Inspirés des cours intérieures et des systèmes de ventilation des architectures traditionnelles nubiennes et islamiques, les madyafas reposent sur des principes de conception bioclimatique : des murs épais en terre pour l’isolation thermique, des ouvertures stratégiquement placées pour capter les brises, et des formes architecturales favorisant la circulation de l’air.

La mosquée construite par Hassan Fathy à New Gourna, près de Louxor

Ces structures offraient un confort thermique remarquable sans recourir à l’électricité, une prouesse dans un pays où les températures estivales dépassent souvent les 40 °C.

Fathy a également intégré des éléments comme les moucharabiehs (claustras en bois permettant la ventilation tout en filtrant la lumière) et les voûtes en berceau, qui, en plus de leur esthétique, contribuaient à rafraîchir les espaces. Son projet le plus emblématique, le village de Nouvelle-Bariz (construit entre 1965 et 1967 dans l’oasis de Kharga), illustre cette approche. Conçu pour une communauté agricole, ce village utilisait des matériaux locaux et des techniques ancestrales pour créer un habitat durable, économique et adapté au climat désertique.

Une vision humaniste et écologique

Le toit et la coupole de la mosquée de New Gourna, vus du minaret

Au-delà de ses innovations techniques, l’approche de Fathy était profondément humaniste. Il croyait que l’architecture devait servir les plus démunis et renforcer le lien social. En impliquant les communautés locales dans la construction, il favorisait l’appropriation des projets et la transmission des savoirs traditionnels. Comme il l’écrivait dans Architecture for the Poor : « La brique de terre, outre son faible coût, est belle par nature, car la structure dicte les formes et le matériau impose l’échelle. »

Fathy s’opposait à l’idée que le progrès architectural devait imiter les modèles occidentaux, souvent inadaptés aux réalités climatiques et économiques des pays du Sud. Il voyait dans les techniques traditionnelles une richesse inestimable, capable de répondre aux besoins contemporains tout en préservant l’environnement. Ses madyafas, par exemple, étaient non seulement des espaces fonctionnels, mais aussi des lieux de convivialité, incarnant l’idée d’un « microcosme parallèle à l’ordre de l’univers lui-même », selon ses propres mots.

Un héritage pour les villes de demain

Aujourd’hui, face à l’urgence climatique et à la nécessité de concevoir des villes durables, l’héritage de Hassan Fathy connaît un regain d’intérêt. Architectes et designers s’inspirent de ses principes bioclimatiques pour imaginer des bâtiments à faible impact environnemental. Les madyafas, avec leur capacité à rafraîchir naturellement les espaces publics, sont étudiées comme des solutions viables pour les villes confrontées à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. Des projets modernes, notamment dans les régions arides du Moyen-Orient et d’Afrique, reprennent ses idées en combinant ventilation naturelle, matériaux locaux et technologies contemporaines.

Un post récent sur LinkedIn de France Culture souligne cette actualité : « À rebours du modernisme occidental, et en puisant dans les savoirs traditionnels, l’architecte égyptien Hassan Fathy avait, dès le début du XXe siècle, imaginé une solution simple, durable et efficace pour rafraîchir les espaces publics : les madyafas. Aujourd’hui, architectes et designers s’en inspirent pour imaginer les villes de demain. »

Cette reconnaissance témoigne de la pertinence intemporelle de son approche.Un pionnier toujours d’actualitéHassan Fathy n’était pas seulement un architecte, mais un visionnaire qui a su marier tradition et innovation pour répondre aux défis de son temps. Ses madyafas et ses constructions en terre crue rappellent que les solutions aux crises actuelles – climatiques, économiques, sociales – peuvent souvent être trouvées dans les savoirs ancestraux. En redonnant ses lettres de noblesse à l’architecture vernaculaire, Fathy a ouvert la voie à une conception plus respectueuse de l’environnement et des communautés.

Son legs, célébré à travers des projets comme Nouvelle-Bariz ou la maison Stoppelaere en Égypte, continue d’inspirer ceux qui croient que l’architecture peut être à la fois belle, fonctionnelle et accessible. Comme le souligne un commentaire sur X, Fathy fut « l’un des premiers architectes à revisiter les modes de construction traditionnels », un héritage qui résonne encore dans la quête d’un avenir durable.

Sources :

Maître Eckhart : sa doctrine de l’Unio mystica

Maître Eckhart (1260-1328), théologien, philosophe et mystique dominicain, est l’une des figures les plus influentes de la spiritualité chrétienne médiévale. Sa doctrine, profondément enracinée dans la théologie négative et la mystique rhénane, se distingue par sa vision audacieuse de l’unio mystica, l’union mystique de l’âme avec Dieu. Cette idée, centrale dans sa pensée, transcende les conceptions traditionnelles de la relation entre l’humain et le divin, proposant une expérience spirituelle où l’âme s’efface pour se fondre dans l’essence divine.

Cet article explore la doctrine de l’unio mystica chez Eckhart, ses fondements théologiques, ses implications spirituelles, et quelques-uns de ses rapprochements avec la Franc-maçonnerie.

Contexte historique et théologique

Maître Eckhart vécut dans une époque marquée par un renouveau spirituel et intellectuel. Le XIIIe siècle, avec des figures comme Thomas d’Aquin et Bonaventure, vit l’épanouissement de la scolastique, qui cherchait à concilier foi et raison. Cependant, Eckhart s’inscrit davantage dans la tradition de la mystique rhénane, aux côtés de figures comme Mechthild de Magdebourg et Johannes Tauler. Influencé par le néoplatonisme (notamment Plotin et Proclus), la théologie apophatique de Denys l’Aréopagite, et les écrits d’Augustin, Eckhart développa une pensée audacieuse, parfois jugée hétérodoxe, qui mettait l’accent sur l’intériorité et l’expérience directe de Dieu.

L’unio mystica, dans la pensée d’Eckhart, ne se limite pas à une simple proximité ou communion avec Dieu, comme on le trouve dans d’autres traditions mystiques. Elle implique une transformation ontologique de l’âme, où celle-ci devient un avec Dieu, non pas par addition ou juxtaposition, mais par une unification essentielle. Cette vision, bien que profondément chrétienne, s’exprime dans un langage qui flirte avec le panthéisme, ce qui valut à Eckhart des accusations d’hérésie de la part de l’Inquisition.

Les fondements de l’unio mystica

1. Le détachement (Abgeschiedenheit)

Pour Eckhart, l’union mystique commence par le détachement, un concept clé de sa spiritualité. Le détachement ne signifie pas seulement renoncer aux biens matériels ou aux désirs mondains, mais se libérer de toute attache, y compris des images mentales, des concepts et même de l’ego. L’âme doit devenir un « désert » où rien d’autre que Dieu ne subsiste.
« Si tu veux que le désert devienne une terre fertile, il faut que tu sois vide de toutes choses et de toi-même. » (Sermons)

Ce vide intérieur est la condition sine qua non pour que l’âme puisse accueillir la présence divine. En se détachant, l’âme se rend disponible à l’action de Dieu, qui peut alors la pénétrer et la transformer.

2. Le fond de l’âme (Grunt)

Eckhart introduit l’idée du Grunt (ou « fond » de l’âme), une dimension profonde de l’être humain où Dieu réside déjà. Ce « fond » est une étincelle divine, un point de contact éternel entre l’âme et Dieu. Contrairement à la conception classique où l’âme reçoit la grâce de Dieu comme un don extérieur, Eckhart soutient que Dieu est toujours présent dans ce fond, mais que l’âme doit le découvrir par l’intériorisation et le dépouillement.
« Dieu est plus près de moi que je ne le suis de moi-même ; il est dans le fond de mon âme, là où je ne puis entrer que par l’abandon total. » (Sermons)

Cette proximité radicale de Dieu dans l’âme est au cœur de l’unio mystica. L’union n’est pas une conquête, mais une prise de conscience de ce qui est déjà là.

sculture de Maitre Eckhart

3. La déification de l’âme

L’unio mystica, chez Eckhart, culmine dans une forme de déification, où l’âme devient un avec Dieu sans pour autant perdre son identité. Cette union n’implique pas une fusion totale qui dissoudrait l’âme dans le divin, mais une participation si intime que l’âme vit en Dieu et Dieu en elle. Eckhart utilise une image saisissante pour illustrer ce processus :
« L’œil par lequel je vois Dieu est le même œil par lequel Dieu me voit : mon œil et l’œil de Dieu ne font qu’un. » (Sermons)

Cette réciprocité souligne l’unité profonde entre l’âme et Dieu. Dans cet état, l’âme transcende les distinctions entre sujet et objet, créateur et créature, pour s’immerger dans l’unité divine.

4. La théologie négative

Eckhart s’appuie sur la théologie négative pour décrire l’unio mystica. Dieu, en tant qu’absolu, est au-delà de toute compréhension humaine et de toute représentation. Pour s’unir à Lui, l’âme doit abandonner les concepts et les images, car Dieu est « néant » (au sens de transcendance absolue) et « sans nom ».
« Si tu veux trouver Dieu, cherche-le là où il n’est pas nommé, là où il n’est pas limité par les mots ou les pensées. » (Sermons)

Cette approche apophatique renforce l’idée que l’union mystique ne peut être atteinte par la raison ou l’imagination, mais par un saut dans l’inconnaissable.

Implications spirituelles et philosophiques

La doctrine de l’unio mystica d’Eckhart a des implications profondes. Sur le plan spirituel, elle invite à une vie de simplicité, d’humilité et de dépouillement. Contrairement aux pratiques ascétiques extrêmes, Eckhart insiste sur une ascèse intérieure, où l’âme se libère de ses attachements pour devenir un réceptacle de la présence divine. Cette vision démocratise la mystique : l’union avec Dieu n’est pas réservée à une élite monastique, mais accessible à quiconque pratique le détachement.

Sur le plan philosophique, la pensée d’Eckhart anticipe certaines idées modernes, notamment l’existentialisme et la phénoménologie. Sa conception du « fond » de l’âme préfigure les notions d’intériorité chez des penseurs comme Kierkegaard ou Heidegger. De plus, son langage, qui oscille entre poésie et paradoxe, défie les cadres rigides de la scolastique, ouvrant la voie à une théologie plus expérientielle.

Réception et controverses

La pensée d’Eckhart, bien que profondément chrétienne, suscita des controverses. En 1329, un an après sa mort, certaines de ses propositions furent condamnées par la bulle papale In agro dominico. Les accusations portaient sur le risque de panthéisme et sur des formulations jugées ambiguës, comme l’idée que l’âme devient « un » avec Dieu. Cependant, Eckhart affirma toujours son orthodoxie, insistant sur le fait que ses enseignements devaient être compris dans un contexte spirituel et non littéral.

Malgré ces condamnations, l’influence d’Eckhart perdura. Ses écrits inspirèrent les mystiques rhénans, les réformateurs protestants comme Luther, et même des penseurs modernes comme Schopenhauer et Jung. Aujourd’hui, Eckhart est largement reconnu comme un pionnier de la spiritualité universelle, dont les idées résonnent avec des traditions orientales comme le bouddhisme zen.

Citations emblématiques

Maitre Eckhart jeune

Voici quelques citations supplémentaires qui illustrent la richesse de la pensée d’Eckhart sur l’unio mystica :
« Il faut que tu te brises toi-même pour que Dieu puisse naître en toi. » (Sermons)
« Dieu ne veut rien de toi sinon que tu sortes de toi-même en tant que créature et que tu laisses Dieu être Dieu en toi. » (Traité du détachement)
« Le silence est la langue de Dieu, et tout le reste n’est qu’une mauvaise traduction. » (Sermons)

La doctrine de l’unio mystica de Maître Eckhart n’est pas une destination, mais une réalité déjà présente qu’il s’agit de redécouvrir dans le silence et l’abandon. Elle est une invitation à transcender les limites de l’ego et des représentations humaines pour s’unir à l’essence divine.

L’influence de Maître Eckhart sur la spiritualité de la Franc-maçonnerie

C’est un sujet complexe, car il n’existe pas de lien direct ou historique clairement établi entre Eckhart et la Franc-maçonnerie, cette dernière n’émergeant qu’au début du XVIIIe siècle, bien après la mort d’Eckhart. Cependant, des parallèles peuvent être tracés entre la pensée mystique d’Eckhart et certains aspects de la spiritualité maçonnique, notamment dans ses dimensions ésotériques, symboliques et initiatiques.

La spiritualité, dans le contexte maçonnique, fait référence à une approche initiatique qui met l’accent sur la transformation intérieure, la quête de la « Lumière » (symbole de la vérité divine ou de la connaissance), et le perfectionnement spirituel. Cette dimension est particulièrement présente dans les rites maçonniques dits « égyptiens » ou dans les obédiences qui valorisent une approche ésotérique, comme le Rite Écossais Ancien et Accepté. La Franc-maçonnerie, bien qu’historiquement ancrée dans des traditions judéo-chrétiennes et des symboles issus des corporations de métiers, intègre des influences variées, y compris des courants mystiques chrétiens, hermétiques et néoplatoniciens, qui résonnent avec la pensée d’Eckhart.

Sa vision, qui transcende les dogmes rigides pour privilégier l’expérience intérieure, présente des points de convergence avec les idéaux maçonniques de recherche spirituelle et de dépassement de l’ego. Ce concept de détachement qui consiste à se libérer de tout attachement mondain, des images mentales et de l’ego pour s’ouvrir à la présence divine, trouve un écho dans les rituels maçonniques. Les initiations maçonniques, notamment celles impliquant des épreuves symboliques (terre, eau, air, feu), visent à dépouiller le profane de ses « métaux » (les attachements matériels et psychologiques) pour le préparer à recevoir la Lumière. En somme, « la nudité rituelle et spirituelle, les épreuves de l’air, de l’eau et du feu, font écho aux écrits de Maître Eckhart pour qui l’action du feu purifie l’âme ».
« Si tu veux que le désert devienne une terre fertile, il faut que tu sois vide de toutes choses et de toi-même. » (Sermons)
Ce vide intérieur, condition de l’union mystique, peut être comparé au processus maçonnique de « mort symbolique » et de renaissance, où le candidat abandonne son ancienne identité pour s’éveiller à une nouvelle compréhension spirituelle.

Eckhart enseigne aussi que Dieu réside dans le « fond » de l’âme, une étincelle divine accessible par l’introspection et le silence. Cette idée résonne avec la quête maçonnique de la « Lumière intérieure » ou de la « Vérité » qui se trouve au plus profond de l’être. Dans les loges, le travail sur soi, symbolisé par le polissage de la « pierre brute », vise à révéler cette dimension divine ou universelle en chaque individu.
« Dieu est plus près de moi que je ne le suis de moi-même ; il est dans le fond de mon âme. » (Sermons)

Cette conception de l’intériorité divine s’aligne avec l’idée maçonnique selon laquelle la vérité ne vient pas d’une révélation extérieure, mais d’un cheminement personnel et initiatique.

La théologie négative d’Eckhart, qui insiste sur l’inconnaissabilité de Dieu et l’abandon des concepts pour s’unir au divin, trouve un parallèle dans l’approche symbolique de la Franc-maçonnerie. Les symboles maçonniques (équerre, compas, temple) ne sont pas des vérités figées, mais des outils pour transcender le langage et accéder à une compréhension intuitive de l’absolu. Le silence, valorisé dans les rituels, peut être rapproché de la théologie apophatique d’Eckhart, où Dieu est rencontré dans l’absence de mots et de formes.

Son enseignement sur le détachement, l’intériorité, la théologie apophatique, et l’universalité spirituelle résonne avec les idéaux maçonniques de transformation intérieure, de quête de la Lumière, et de fraternité universelle.

Cependant n’abusons pas des similitudes, au demeurant ténues. Aucune preuve historique ne montre que les premiers maçons connaissaient ou citaient Eckhart. Les parallèles relevés sont souvent le fait d’interprétations contemporaines, comme celles des auteurs maçonniques qui redécouvrent Eckhart dans le cadre de leur réflexion spirituelle.« Eckhart nous invite à chercher la vérité là où elle n’est pas nommée ».

D’importances différences subsistent quant à :
La finalité différente : La mystique d’Eckhart est profondément théocentrique, visant l’union avec Dieu, tandis que la Franc-maçonnerie, bien que spirituelle, met davantage l’accent sur l’amélioration morale, la fraternité, et la construction d’un « temple intérieur ». L’unio mystica d’Eckhart est une expérience ontologique, alors que la spiritualité maçonnique reste souvent symbolique et pratique.
Le cadre institutionnel : Eckhart s’inscrit dans le christianisme, malgré ses tensions avec l’Église, tandis que la Franc-maçonnerie adopte une approche non dogmatique, parfois en opposition avec les institutions religieuses. Certaines sources ecclésiastiques associent même la Franc-maçonnerie à des courants ésotériques éloignés de la mystique chrétienne d’Eckhart.

Et maintenant, je vous invite à lire Croix de cendre d’Antoine Senanque.

Ce roman historique et spirituel se déroule au XIVe siècle, dans une Europe marquée par la peste noire, les tensions religieuses, l’Inquisition et les rivalités entre ordres religieux (notamment dominicains et franciscains). Maître Eckhart en est une figure centrale du récit, autour de laquelle s’articule l’intrigue. Le roman mêle thriller théologique, quête spirituelle et fresque historique.


Maître Eckhart y est dépeint comme un théologien dominicain charismatique, brillant et controversé, dont les sermons et les idées mystiques fascinent autant qu’ils dérangent. Dans le roman, il incarne une spiritualité audacieuse, prônant une relation directe avec Dieu, ce qui le place en tension avec l’Église institutionnelle, inquiète face aux hérésies. Sa pensée, ancrée dans la mystique rhénane, valorise l’intériorité et la fraternité, des thèmes qui résonnent dans les choix des personnages du récit.

L’intrigue repose en partie sur la quête de deux jeunes frères dominicains, Robert et un autre moine, envoyés en 1367 à Toulouse pour trouver du papier afin que leur prieur, Guillaume, puisse écrire le récit de sa vie et de son compagnonnage avec Eckhart. Ce manuscrit, centré sur Eckhart, devient un enjeu narratif, car il contient des « vérités troublantes » sur le théologien que l’Inquisition cherche à étouffer. Eckhart, bien que probablement décédé au moment du récit principal (1367), est une présence omniprésente à travers les souvenirs, les récits et les idées qu’il a laissés. Il agit comme un moteur narratif : ses enseignements et sa réputation attirent l’attention des protagonistes et des antagonistes, notamment un inquisiteur déterminé à empêcher la diffusion de ces idées.

Eckhart représente un esprit libre, défiant les dogmes rigides de l’Église. Ses sermons, décrits comme incisifs et enflammant les foules (notamment à la Sorbonne), suscitent à la fois admiration et suspicion. Dans le roman, il incarne une résistance face à l’oppression religieuse et politique, en particulier face à l’Inquisition et aux luttes de pouvoir entre le pape et les souverains allemands.

Sa pensée mystique, qui met l’accent sur la fraternité et une spiritualité universelle, contraste avec les rivalités entre dominicains et franciscains, offrant une vision humaniste dans un monde chaotique marqué par la peste et les guerres

Les paroles d’Eckhart, citées dans le roman, redéfinissent la notion de fraternité, un thème clé de Croix de cendre. Elles guident les choix des héros, qui naviguent entre loyauté, foi et vérité dans un monde violent.

Eckhart, maudit par certains après avoir été adulé, symbolise le danger de la vérité face à l’autorité. Le roman explore comment ses idées, jugées hérétiques, menacent l’ordre établi, un conflit incarné par l’inquisiteur antagoniste.

Le périple des protagonistes à travers une Europe déchirée reflète les bouleversements qu’Eckhart a traversés, de Paris à l’Asie centrale, confronté à la peste, aux hérésies et aux persécutions.

Sénanque s’appuie sur la figure historique d’Eckhart, mais le réinvente dans un cadre romanesque. Il est à la fois un théologien réel, dont les sermons et les écrits sont documentés, et une figure presque mythique, dont l’aura inspire les personnages. Le roman ne se contente pas de retracer sa vie, mais utilise Eckhart comme un prisme pour explorer des questions philosophiques et morales. Par exemple, sa présence à la Sorbonne, où il « embrase sa chaire », ou ses voyages en Asie centrale, ajoutent une dimension épique à son personnage, digne d’un roman d’aventures à la Dumas.

Maître Eckhart n’est pas seulement un personnage historique intégré au récit ; il est le cœur spirituel et intellectuel de Croix de cendre. Il incarne :

  • Un idéal : Une foi profonde, mais libérée des carcans institutionnels, qui inspire les protagonistes à chercher la vérité.
  • Un danger : Ses idées, jugées subversives, font de lui une cible de l’Inquisition, ce qui alimente le suspense du roman.
  • Un miroir : À travers les souvenirs de Guillaume et les actions des jeunes moines, Eckhart reflète les dilemmes moraux des personnages, confrontés à un monde en crise.

Dans Croix de cendre, Sénanque suggère que les idées d’Eckhart partagent des affinités avec la kabbale, notamment dans sa conception de Dieu comme une réalité infinie et ineffable, proche de l’Ein Sof (l’Infini) de la tradition kabbalistique. Cette connexion est implicite, mais elle se manifeste dans la manière dont Eckhart parle de l’union de l’âme avec Dieu, un thème qui évoque les aspirations de la kabbale à transcender le monde matériel pour atteindre le divin en remontant dans l’arbre des séphiroth (jusqu’à dépasser Kéther), pratiquant avec ascèse les vertus qui leur sont associées.

Le passage qui m’a le plus interpellée est celui où Eckhart, dans un élan de foi et de désespoir, croit que ressusciter une jeune béguine pourrait être un acte de communion avec la puissance divine, un miracle qui confirmerait enfin sa proximité avec Dieu. Son désir de ressusciter cette femme semble motivée par un mélange d’admiration pour son âme, de désespoir face à la mort et d’aspiration à un acte divin, plutôt que, bien sûr, par un amour charnel ou sentimental. Son échec le rendra fou !