« Le tablier est le voile de la pureté qui protège l’âme et l’invite à l’initiation. »
Albert Pike
Le tablier est sans doute l’un des symboles les plus emblématiques de la Franc-Maçonnerie. Ce simple morceau de tissu, souvent blanc et épuré, n’est pas qu’un vêtement rituel ; il est le reflet de l’engagement initiatique de chaque Maçon et le témoin silencieux de son travail intérieur. Héritier des ouvriers bâtisseurs du Moyen Âge, il incarne à la fois la protection, l’humilité, le labeur et la transformation de l’individu sur son chemin spirituel.
Dans le rituel maçonnique, la remise du tablier au nouvel initié est un moment clé, marquant son entrée dans une nouvelle voie d’apprentissage. Il n’est pas un simple ornement, mais un outil initiatique, porteur d’une riche symbolique qu’il appartient à chaque Frère et Sœur de comprendre et d’intégrer au fil de sa progression.
1. La remise du tablier : un engagement et un héritage
« Celui qui guide une âme sur le chemin de la lumière se doit d’être un éclaireur, mais jamais un maître »
Tablier Jean Baylot
Le port du tablier revêt une importance particulière dès la cérémonie d’initiation. Après avoir prêté serment, l’Apprenti reçoit de son parrain le tablier, accompagné de paroles solennelles du Vénérable Maître :
« Mes Frères et Sœurs, portez ce tablier, il est le symbole du travail. Il a été porté par les Francs-Maçons les plus illustres comme les plus humbles, il vous donne le droit de vous asseoir parmi nous, vous ne devez jamais vous présenter en loge sans en être revêtu. »
Le parrain, en remettant le tablier à son filleul, devient le garant de son engagement maçonnique. Il ne s’agit pas d’un simple geste symbolique, mais d’un acte de transmission. Le tablier devient ainsi un lien entre le parrain et l’initié, une promesse de guidance et de soutien tout au long du parcours initiatique.
Dans le monde profane, le rôle du parrain ou de la marraine a une forte dimension morale, notamment dans les traditions religieuses. En Maçonnerie, ce rôle prend une signification plus profonde : il ne s’agit pas seulement d’accompagner l’initié, mais de l’aider à naître à une nouvelle conscience, à apprendre à voir autrement et à grandir spirituellement.
2. Le tablier, symbole du travail et de l’engagement
Le tablier est avant tout un symbole du travail. Il rappelle que l’initié, comme les anciens bâtisseurs de cathédrales, doit œuvrer à l’édification de son temple intérieur. Ce travail n’est ni purement intellectuel ni purement spirituel, il est les deux à la fois : il engage l’initié à façonner son être, à polir sa pierre brute, à transformer son ignorance en connaissance. Voltaire, qui aurait reçu un tablier appartenant à Helvétius, écrivait :
« Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. »
Cette citation illustre parfaitement la vocation du tablier maçonnique : il est le rappel permanent que seule l’action juste et la persévérance permettent à l’initié de progresser. L’inaction, en revanche, conduit à la stagnation.
Le port du tablier et sa signification initiatique
• Apprenti : Il porte le tablier avec la bavette relevée, signe qu’il est encore en phase d’apprentissage et doit canaliser son énergie dans l’étude et le travail. • Compagnon : Il abaisse la bavette, montrant ainsi qu’il a intégré les premières leçons et peut commencer à œuvrer sur la construction du Temple. • Maître : Son tablier se pare de nouveaux ornements, soulignant sa responsabilité accrue et la transmission du savoir qu’il doit désormais incarner.
Ainsi, chaque évolution dans la hiérarchie initiatique se reflète dans le tablier, qui devient une carte vivante du parcours du Maçon.
3. Une protection symbolique et spirituelle
Tablier du Ier Ordre du RFM (Source Wikipedia – Kagaoua)
Le tablier est aussi une protection. Dans les chantiers médiévaux, il servait à protéger le corps des éclats de pierre. Dans la symbolique maçonnique, il protège l’initié des « éclats » de ses propres passions, de ses instincts et de son ignorance. Il marque la séparation entre le profane et le sacré.
« Le tablier maçonnique est à la fois un bouclier et un guide. Il protège des pièges de l’ego et ouvre le chemin de la vérité »
Loin du monde profane, l’initié apprend à se dépouiller de son orgueil, de ses certitudes et de ses attachements, afin de progresser vers une connaissance plus élevée de lui-même et du Grand Architecte de l’Univers.
De plus, le tablier est souvent associé à la peau d’agneau, un symbole de pureté et de sacrifice. Dans la Bible, l’agneau pascal est offert en sacrifice, tandis que dans la tradition chrétienne, le Christ est appelé l’« Agneau de Dieu ». De même, l’initié, en recevant le tablier, est invité à faire le sacrifice de ses illusions et de ses défauts pour renaître à une vie spirituelle.
« L’agneau est l’emblème de l’innocence et du sacrifice, mais aussi de la transformation de l’ombre en lumière »
4. Forme, couleur et composition : une lecture symbolique
Chaque élément du tablier maçonnique a une signification profonde :
• Le rectangle du tablier : Il représente les quatre éléments (terre, air, eau, feu), qui doivent être maîtrisés par l’initié pour atteindre l’équilibre intérieur. • La bavette triangulaire : Elle évoque la Trinité, mais aussi les trois piliers fondamentaux de la Franc-Maçonnerie : Sagesse, Force et Beauté. • La couleur blanche : Elle symbolise la pureté, l’innocence et l’état originel de l’initié, qui doit travailler à son propre perfectionnement.
« La lumière blanche contient toutes les couleurs, et ainsi le tablier blanc est la promesse de toutes les révélations »
Le blanc du tablier maçonnique est aussi une page vierge, sur laquelle l’initié va inscrire son propre cheminement spirituel. Il est un symbole d’humilité et de vérité.
En synthèse, le tablier représente notre cheminement personnel
« Le tablier maçonnique n’est pas une parure, mais le sceau visible de l’engagement invisible »
Le tablier maçonnique est bien plus qu’un simple insigne. Il est une clef, une protection, un rappel constant du devoir de l’initié envers lui-même et envers ses Frères et Sœurs. Il n’est pas qu’un vêtement porté en loge, il est un engagement quotidien, une promesse silencieuse que chaque Maçon fait à son propre cœur.
Chaque tenue est une occasion de l’endosser avec conscience et respect, de s’interroger sur sa propre progression. À chaque degré, il évolue avec l’initié, marquant son avancée dans la compréhension du Grand Œuvre.
Ainsi, il appartient à chacun de se montrer digne de cet insigne, non pas en le portant seulement en loge, mais en incarnant au quotidien ses enseignements : humilité, travail, fraternité et quête inlassable de la lumière.
Cette semaine, Jissey nous plonge dans les origines de notre Art avec un personnage dont chacun de nous a déjà entendu parler : le pasteur James Anderson. Nous avons voulu enquêter afin de démystifier cette personnalité, afin de lui redonner un statut nettement moins glorieux que ne le suggère sa légende. Si l’époque est au déboulonnage des statues, commençons par une idole.
James Anderson : entre légende maçonnique et ombres supposées
James Anderson (vers 1678/1690 – 23 mai 1739), pasteur presbytérien écossais et rédacteur des célèbres Constitutions des Francs-Maçons (1723), est une figure incontournable dans l’histoire de la franc-maçonnerie spéculative. Son œuvre a jeté les bases de la Première Grande Loge d’Angleterre, marquant une transition entre la maçonnerie opérative des bâtisseurs et une pratique philosophique moderne. Pourtant, derrière cette contribution monumentale, certains récits peignent un portrait sombre de l’homme, le décrivant comme un individu aux mœurs douteuses : alcoolique, menteur, voleur, voire escroc.
Que savons-nous vraiment de ces accusations ? Cet article plonge dans les travers attribués à Anderson, en examinant leur origine et leur crédibilité.
Un parcours marqué par des revers financiers
Né à Aberdeen, en Écosse, dans une famille modeste – son père était vitrier et membre d’une loge maçonnique locale –, James Anderson étudie la théologie au Marischal College, où il obtient un Master of Arts en 1698. Ordonné pasteur en 1707 par l’Église d’Écosse, il s’installe à Londres, où il officie dans diverses congrégations presbytériennes : Glass House Street (jusqu’en 1710), Swallow Street (jusqu’en 1734), puis Lisle Street jusqu’à sa mort. Sa vie londonienne, cependant, fut loin d’être exempte de tumultes.
L’un des épisodes les plus documentés concerne sa ruine lors de la crise de la Compagnie des mers du Sud en 1720. Cette bulle spéculative, qui promettait des richesses via le commerce colonial, s’effondra brutalement, ruinant des milliers d’investisseurs, dont Anderson. Selon le Gentleman’s Magazine de l’époque, il aurait perdu une somme considérable, ce qui ternit sa réputation et alimenta les soupçons d’imprudence financière. Certains y ont vu le signe d’une personnalité instable ou d’un goût pour le risque, mais rien n’indique un comportement frauduleux direct. Cette perte, bien réelle, ne fait pas de lui un escroc, mais un homme victime d’un krach économique majeur.
Alcoolisme : rumeur ou réalité ?
Coupe sacrée remplie de vin avec du pain
L’accusation d’alcoolisme revient parfois dans les récits sur Anderson, mais elle repose sur des bases fragiles. Aucun document d’époque – registres ecclésiastiques, correspondances ou témoignages directs – ne mentionne explicitement une addiction à l’alcool. Cette idée semble émerger de stéréotypes sur les pasteurs ou les francs-maçons, souvent caricaturés comme des figures dissolues dans les pamphlets anti-maçonniques du XVIIIe siècle. Par exemple, des critiques comme celles de Samuel Prichard dans Masonry Dissected (1730) attaquent la franc-maçonnerie en général, mais sans cibler Anderson personnellement sur ce point.
Le contexte londonien de l’époque, avec l’essor du gin et une culture de consommation d’alcool répandue, pourrait avoir nourri cette rumeur. Cependant, sans preuve (comme une plainte de ses fidèles ou une sanction ecclésiastique), il est prudent de considérer cette allégation comme une extrapolation plutôt qu’un fait établi.
Menteur et mythificateur ?
S’il y a un reproche qui colle à Anderson avec plus de consistance, c’est celui d’avoir embelli – voire inventé – des pans entiers de l’histoire maçonnique dans les Constitutions. L’ouvrage retrace une généalogie fantaisiste de la franc-maçonnerie, la faisant remonter à Adam, aux bâtisseurs de la Tour de Babel, ou encore aux temples antiques, sans s’appuyer sur des sources historiques fiables. Des chercheurs modernes, comme ceux de la loge Quatuor Coronati lors du tricentenaire de 2017 à Cambridge, ont démontré que ses récits sur la fondation de la Grande Loge en 1717 contiennent des incohérences, notamment sur les lieux des premières réunions.
Était-ce un mensonge délibéré ? Pas nécessairement. Anderson, influencé par son éducation calviniste et son goût pour les généalogies (voir son ouvrage Royal Genealogies, 1732), a peut-être cherché à donner une légitimité symbolique à la jeune obédience plutôt qu’à tromper sciemment. Cette tendance à la mythification, bien que critiquée, était courante dans les écrits de l’époque, où l’histoire servait souvent des fins idéologiques. Le qualifier de « menteur » dans un sens moral serait donc excessif ; il était davantage un narrateur créatif au service d’une cause.
Vol et escroquerie : des accusations sans fondement ?
Les soupçons de vol ou d’escroquerie sont les plus difficiles à étayer. Aucune archive judiciaire ou ecclésiastique ne mentionne de procès, d’accusation formelle ou de plainte pour de tels actes. Une hypothèse pourrait venir de sa situation financière après 1720 : ruiné, il aurait pu être tenté de chercher des moyens douteux pour se renflouer. Pourtant, rien ne corrobore cela. Son mariage avec une veuve aisée à Londres lui avait offert une certaine stabilité, et ses activités pastorales, bien que modestes, lui assuraient un revenu.
Des pamphlets satiriques de l’époque, souvent hostiles aux francs-maçons, ont pu amplifier ces rumeurs en le caricaturant comme un opportuniste. Par exemple, son implication dans A Genealogical History of the House of Yvery (1742), publié posthumément et retiré pour des remarques controversées, a suscité des critiques, mais elles visaient le contenu, pas des actes de fraude. Sans preuves tangibles – comme des témoignages ou des registres de dettes suspectes –, ces accusations relèvent plus de la diffamation que de l’histoire.
Un homme imparfait dans un siècle turbulent
James Anderson n’était pas un saint, et sa vie reflète les contradictions de son époque. Le Gentleman’s Magazine le décrit comme « un homme savant mais imprudent », une formule qui résume bien les failles possibles : une ambition intellectuelle parfois débridée et une gestion financière hasardeuse. Sa séparation d’avec sa femme (dont on sait peu de choses) et son décès dans une maison louée à Exeter Court en 1739, loin de l’opulence, suggèrent une fin modeste, voire mélancolique.
Pourtant, ces éléments ne font pas de lui le « triste personnage » dépeint par certains. Ses sermons, comme No King-Killers (1715), montrent un homme engagé, défendant avec zèle les presbytériens contre les accusations de régicide. Son amitié avec des figures comme Isaac Newton ou Jean Théophile Désaguliers, autre architecte des Constitutions, témoigne d’un réseau intellectuel respectable. Ses travers, s’ils existent, semblent plus humains que criminels : une imagination débordante, une foi dans des projets risqués, et peut-être une fragilité face aux aléas de la vie.
Conclusion : légende noire ou malentendu ?
Qualifier James Anderson d’alcoolique, de menteur, de voleur ou d’escroc repose davantage sur des suppositions que sur des faits. Les sources historiques – registres de l’Église d’Écosse, minutes de la Grande Loge, écrits contemporains – ne dressent pas le portrait d’un délinquant, mais d’un pasteur érudit, parfois controversé, qui a marqué son siècle par une œuvre fondatrice. Les rumeurs sur ses défauts, amplifiées par ses détracteurs ou par l’aura mystérieuse de la franc-maçonnerie, ne résistent pas à un examen rigoureux. Le véritable Anderson reste un homme de paradoxes : un visionnaire imparfait, dont le legs dépasse largement les ombres qu’on lui prête.
Sources :
Travaux de la loge Quatuor Coronati et études maçonniques (ex. David Stevenson, The Origins of Freemasonry).
Le roman « Demian » de Hermann Hesse, publié en 1919, est une œuvre de maturation spirituelle qui trouve des résonances profondes avec les principes et les rituels de la franc-maçonnerie.
Résumé et Thèmes Centraux
“Demian” raconte l’histoire d’Emil Sinclair, un adolescent qui, sous la guidance de son mystérieux camarade Max Demian, navigue à travers les turbulences de l’adolescence et de la découverte de soi. Ce processus est marqué par des expériences mystiques, la confrontation avec le bien et le mal, et une quête de compréhension intérieure. Le mentor, Demian, introduit Sinclair à des concepts philosophiques et symboliques qui l’aident à transcender les dualités de la vie.
Parallèles avec la Franc-maçonnerie
La franc-maçonnerie, avec son système initiatique visant au perfectionnement de l’individu, trouve dans “Demian” plusieurs parallèles significatifs :
Le mentor comme guide initiatique : Max Demian joue le rôle de mentor, un guide qui aide Sinclair à voir au-delà des apparences, à comprendre les mystères de l’existence et à trouver sa propre lumière. Cette relation rappelle celle du maître maçon qui guide le nouvel initié à travers les degrés maçonniques, lui enseignant les leçons morales et spirituelles nécessaires pour progresser.
Le symbolisme et les épreuves : Hesse utilise des symboles comme le “signe de Caïn” ou l’oiseau Abraxas pour illustrer la dualité et la complexité de l’existence. En maçonnerie, les symboles (l’équerre, le compas, le tablier) sont omniprésents, servant à enseigner des vérités cachées. Les épreuves que Sinclair traverse pour se comprendre lui-même sont analogues aux épreuves initiatiques maçonniques, destinées à révéler des aspects profonds de la personnalité et de l’âme.
La quête de la lumière intérieure : La recherche de Sinclair pour comprendre sa place dans l’univers peut être comparée à la quête maçonnique de la lumière, symbolisant la connaissance de soi, la sagesse et la vertu. Le passage du roman où Sinclair se rend compte que Demian est une partie de lui-même illustre l’idéal maçonnique où l’initiation conduit à la découverte de sa propre divinité intérieure.
La dualité et l’unification : Hesse explore le conflit entre le bien et le mal, le matériel et le spirituel, concepts que la franc-maçonnerie aborde à travers la symbolique du noir et du blanc, de l’obscurité à la lumière. L’idée est que l’unité se trouve dans la compréhension et l’acceptation de cette dualité, un thème central dans l’éducation maçonnique.
L’individuation : Le processus par lequel Sinclair devient une personne complète, intégrant les aspects contradictoires de son être, est parallèle à l’individuation dans le parcours maçonnique, où l’on travaille à devenir une “pierre taillée” de l’édifice universel.
Impact philosophique et spirituel
“Demian” influence non seulement par sa narration mais aussi par sa philosophie, qui s’inscrit dans la tradition de la quête de soi et de l’éveil spirituel. Hesse, influencé par la psychanalyse et la pensée de Carl Jung, crée un récit où l’individu est invité à explorer son inconscient pour atteindre une conscience plus éclairée, une démarche similaire à celle que la franc-maçonnerie propose à travers ses rituels et enseignements.
Exploration symbolique et philosophique
Pour approfondir les liens entre “Demian” et la franc-maçonnerie, voici quelques aspects additionnels à considérer :
L’importance de l’autonomie et de la liberté : Demian encourage Sinclair à penser par lui-même, à se libérer des conventions et à suivre son propre chemin, un principe qui trouve un écho dans l’idéal maçonnique de liberté de pensée et de développement personnel. La franc-maçonnerie encourage chaque membre à construire sa propre compréhension des mystères et des enseignements.
La transformation par l’expérience : La croissance de Sinclair n’est pas théorique mais basée sur des expériences concrètes qui le transforment. De même, la maçonnerie insiste sur le fait que la vraie connaissance vient de l’expérience, des épreuves vécues dans la loge et dans la vie quotidienne, qui sont autant de leçons pour forger le caractère.
Le rôle du rêve et de l’intuition : Hesse met en avant le rêve comme une porte vers la compréhension de soi, un thème qui peut rappeler les pratiques maçonniques de méditation et de réflexion intérieure où l’on cherche à accéder à des vérités supérieures à travers l’intuition et le silence.
L’unité dans la diversité : La figure d’Abraxas comme symbole de l’unité des contraires est une invitation à dépasser les dualités pour atteindre une unité intérieure, un concept que la franc-maçonnerie explore à travers l’idée que chaque membre, bien que différent, contribue à la construction d’un tout harmonieux.
L’influence culturelle et spirituelle
“Demian” a eu un impact considérable sur la culture du début du 20ème siècle, influençant non seulement la littérature mais aussi le développement personnel et la spiritualité. Son exploration de l’individuation et de la quête de soi a inspiré des générations à chercher leur propre voie, un processus qui est au cœur de la tradition maçonnique :
La recherche de l’individu : Le roman met en lumière le voyage personnel vers la découverte de son identité véritable, un voyage que la franc-maçonnerie soutient à travers son système de degrés et d’enseignements où chaque membre est encouragé à explorer qui il est au-delà des rôles sociaux.
L’éducation par l’expérience : Comme Sinclair doit passer par des épreuves pour comprendre sa nature profonde, les francs-maçons sont invités à apprendre non seulement par les livres mais par la vie elle-même, chaque défi étant une leçon.
Le roman comme miroir de l’initiation maçonnique
“Demian” peut être perçu comme une allégorie de l’initiation maçonnique où :
Chaque chapitre est une étape : Chaque chapitre du livre représente une étape dans la compréhension de Sinclair, parallèle aux degrés maçonniques où chaque nouveau grade est une nouvelle leçon, une nouvelle révélation de soi.
La confrontation avec le soi : La confrontation de Sinclair avec son double, Demian, symbolise le travail maçonnique sur le soi, où l’on apprend à reconnaître et à intégrer les aspects cachés ou ignorés de sa personnalité.
En somme, “Demian” de Hermann Hesse offre une exploration narrative de ce que peut être un cheminement initiatique, un parcours comparable à celui d’un franc-maçon cherchant à transcender les illusions du monde matériel pour atteindre une connaissance plus profonde de lui-même et de l’univers. Ce livre reste une œuvre d’une pertinence intemporelle, parlant à quiconque est engagé dans la quête de sens et de vérité, une quête qui est à la fois individuelle et universelle, tout comme l’est le voyage initiatique au sein de la franc-maçonnerie.
Le roman “Demian” de Hermann Hesse peut être vu comme une œuvre initiatique, où chaque page tournée est une étape dans la compréhension de soi et de l’univers. Les thèmes de la transformation personnelle, de la guidance par un mentor, et de l’exploration de la dualité humaine résonnent avec les principes de la franc-maçonnerie. Ce livre invite donc à une introspection qui est au cœur du voyage maçonnique, où chaque franc-maçon est invité à s’éclairer soi-même pour mieux éclairer le monde. En ce sens, “Demian” est plus qu’une histoire de maturation; c’est une exploration de la quête de vérité et de sagesse, des idéaux chers à la tradition maçonnique.
Le mercredi 12 mars 2025, la ville de Périgueux, en Dordogne, accueillera un événement d’envergure pour les curieux de la franc-maçonnerie et les amateurs de réflexion philosophique : une conférence publique animée par Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France (GLDF). Prévue à 20h au centre départemental Joséphine-Baker, cette rencontre portera sur un thème évocateur : « Franc-maçon en Grande Loge de France : se réaliser pour agir dans le monde ». Ouverte à tous, cette soirée s’annonce comme une occasion rare de pénétrer les valeurs et les ambitions d’une obédience maçonnique majeure, dans une région où la franc-maçonnerie a laissé une empreinte significative.
Thierry Zaveroni : une figure centrale de la GLDF
Thierry Zaveroni, né à Quimper en 1961, est une personnalité marquante de la franc-maçonnerie française. Initié à la GLDF en 1985 au sein de la loge Stella Maris à Marseille, il a gravi les échelons de l’obédience au fil des décennies. Élu grand maître lors du Convent de 2022 avec 90,3 % des suffrages, il a été réélu en septembre 2024, confirmant son rôle de leader charismatique. Militaire de carrière au sein de la Marine nationale, puis coordinateur des centres de vaccination à Marseille durant la crise du Covid-19, Zaveroni allie une rigueur professionnelle à un engagement maçonnique profond. Son mandat met l’accent sur une franc-maçonnerie ouverte aux jeunes générations, tout en restant fidèle à la tradition initiatique du Rite écossais ancien et accepté (REAA).
Sa venue à Périgueux s’inscrit dans une série de conférences publiques qu’il anime à travers la France et à l’étranger pour promouvoir les valeurs de la GLDF : humanisme, spiritualité et engagement sociétal. À Bergerac, le 8 mars 2025, il interviendra sur un thème similaire, démontrant son souci de dialogue avec le public profane dans toute la Dordogne.
Une conférence pour démystifier la franc-maçonnerie
Intitulée
« Franc-maçon en Grande Loge de France : se réaliser pour agir dans le monde »
la conférence de Périgueux promet d’explorer la manière dont la démarche maçonnique peut transformer l’individu et, par extension, influencer positivement la société. Selon le site officiel de la GLDF (www.gldf.org), cette thématique reflète une vision où l’initiation n’est pas une fin en soi, mais un moyen de s’épanouir pour mieux contribuer au bien commun. Zaveroni devrait y aborder des questions clés : Comment la franc-maçonnerie aide-t-elle à trouver du sens dans un monde en crise ? Quelles valeurs universelles porte-t-elle au XXIe siècle ?
L’événement, gratuit mais sur inscription via www.gldf.org, se tiendra au centre Joséphine-Baker, un lieu culturel emblématique de Périgueux. Cette ouverture au public s’inscrit dans une volonté de transparence, souvent soulignée par la GLDF, qui se définit comme une « société discrète » plutôt que secrète. Les organisateurs locaux, probablement des membres des loges périgourdines affiliées à la GLDF, espèrent attirer un public varié, des néophytes aux initiés.
La Grande Loge de France : une obédience influente
Fondée en 1894, bien que ses origines remontent aux premières loges parisiennes des années 1720-1730, la Grande Loge de France est l’une des principales obédiences maçonniques françaises. Avec plus de 32 000 membres répartis dans 940 loges, elle se distingue par son attachement au Rite écossais ancien et accepté, un rituel en 33 degrés qui privilégie une approche spirituelle et symbolique. Contrairement au Grand Orient de France, plus porté sur une maçonnerie laïque et sociétale, la GLDF travaille « à la gloire du Grand Architecte de l’Univers », une formule laissant place à diverses interprétations spirituelles.
La GLDF est particulièrement bien implantée dans le Sud-Ouest, une région historiquement favorable à la franc-maçonnerie. En Dordogne, des villes comme Bergerac et Périgueux abritent des loges actives depuis le XVIIIe siècle. Bergerac, par exemple, possède un temple maçonnique datant de 1913, aujourd’hui partagé entre plusieurs obédiences, tandis que Périgueux a vu naître des loges dès 1762, liées à l’essor des idées des Lumières dans la bourgeoisie locale.
La Franc-maçonnerie en Dordogne : une histoire riche
Façade principale du temple maçonnique du GODF
La Dordogne est une terre maçonnique par excellence. Dès le milieu du XVIIIe siècle, des loges y ont fleuri, portées par des notables, des militaires et des intellectuels influencés par les idéaux de liberté et de fraternité. À Périgueux, la loge La Parfaite Union, fondée en 1762, témoigne de cet ancrage précoce. Bergerac, quant à elle, a vu émerger sa première loge en 1747, sous l’impulsion de maçons bordelais. Ces loges ont joué un rôle discret mais réel dans la diffusion des idées révolutionnaires, puis dans la consolidation de la laïcité au XIXe siècle.
Aujourd’hui, la franc-maçonnerie en Dordogne reste dynamique, avec environ 250 membres actifs dans sept loges, selon des estimations rapportées par Sud Ouest lors d’événements précédents. La GLDF y côtoie d’autres obédiences, comme le Grand Orient de France ou la Grande Loge féminine de France, formant un tissu maçonnique diversifié. Le temple de Bergerac, avec sa « salle humide » ouverte au public et son espace rituel, illustre cette volonté d’équilibre entre tradition et ouverture.
Que peut-on attendre de cette conférence ?
La conférence de Thierry Zaveroni offrira un éclairage sur la franc-maçonnerie contemporaine, loin des clichés de société secrète ou de réseau d’influence. Elle devrait aborder des thèmes comme la quête de soi, la responsabilité individuelle et l’impact collectif des valeurs maçonniques. Dans un monde marqué par les crises écologiques, sociales et identitaires, Zaveroni pourrait mettre en avant la capacité de la GLDF à proposer des réponses humanistes et spirituelles, tout en restant ancrée dans une tradition tricentenaire.
Pour les Périgourdins, cet événement est aussi une chance de découvrir une institution qui, bien que discrète, a marqué l’histoire locale. Les échanges avec le public, prévus après la conférence, permettront de poser des questions directes au grand maître, une rareté qui devrait susciter l’intérêt.
Un rendez-vous à ne pas manquer
La venue de Thierry Zaveroni à Périgueux le 12 mars 2025 s’annonce comme un temps fort culturel et philosophique en Dordogne. À quelques jours de sa conférence à Bergerac (8 mars), elle confirme l’attention portée par la GLDF à cette région. Pour y assister, les inscriptions sont obligatoires sur www.gldf.org, la jauge du centre Joséphine-Baker étant limitée. Gratuit et accessible, ce rendez-vous illustre la volonté de la Grande Loge de France de s’ouvrir au monde profane, tout en défendant une vision du franc-maçon comme un « bâtisseur d’humanité ».
En somme, cette conférence n’est pas seulement une rencontre avec un grand maître, mais une invitation à explorer une démarche qui, entre tradition et modernité, continue de fasciner et d’interroger. Une occasion unique pour les habitants du Périgord de lever un coin du voile sur cet univers symbolique et fraternel.
De notre confrère anglais devonlive.com – Par Lewis Clarke
Un don de 4 000 £ aidera le North Devon Hospice à poursuivre ses services essentiels de soins palliatifs.
Les francs-maçons ont laissé leur marque dans le domaine de la charité, prouvant que chaque petit geste compte lorsqu’il s’agit de soutenir des services vitaux. Des représentants des francs-maçons du Devonshire ont récemment visité l’hospice de North Devon pour remettre un don de 4 000 £, contribuant ainsi au travail crucial de l’hospice dans le domaine des soins palliatifs.
Lors de leur visite, le grand maître adjoint provincial Charlie Yelland, le directeur de l’association caritative Anthony Eldred et l’attaché de presse Alec Collyer ont rencontré les représentants de l’hospice et ont officiellement remis un certificat attestant de la donation. La contribution de 4 000 £ a été financée conjointement par les francs-maçons du Devonshire et la Masonic Charitable Foundation (MCF).
L’hospice de North Devon, qui dessert une zone d’environ 2 000 000 km², fait face à d’importantes pressions financières, avec des coûts de fonctionnement annuels d’environ 7,1 millions de livres sterling. Seulement 24 % de ce financement provient du NHS, ce qui laisse l’hospice fortement dépendant de la collecte de fonds par le biais de ses 13 magasins de charité, de la loterie, des legs et des événements communautaires.
Stephen Roberts, directeur général de North Devon Hospice, a déclaré : « Au nom des patients et des proches dont nous avons le privilège de prendre soin, je tenais à vous remercier du fond du cœur pour cet incroyable don de 4 000 £ ! À l’heure où nous sommes confrontés à la tempête parfaite de la hausse des coûts et de la demande croissante de nos soins, votre généreux don signifie tout pour notre capacité à prendre soin des gens au pire moment de leur vie. »
Bâtiment principal des soin palliatifs
Il a poursuivi : « Pour m’assurer que les francs-maçons du Devonshire comprennent vraiment où va votre soutien et l’impact qu’il aura sur des centaines de familles à travers le nord du Devon, je n’ai besoin de regarder qu’une seule journée ici à l’hospice du nord du Devon. Votre soutien nous a permis de fournir des soins médicaux et infirmiers 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à cinq patients de notre unité alitée, dont deux sont de jeunes mères de moins de 45 ans, leur permettant de passer du temps de qualité et sans douleur avec leur famille. Il a également permis à notre équipe d’infirmières communautaires de rendre visite à 35 personnes à leur domicile, les gardant à l’endroit où elles souhaitent rester et évitant des admissions inutiles à l’hôpital. De plus, il a soutenu le fonctionnement de notre club après l’école, Twilight, pour les enfants des écoles primaires dont les parents sont sous notre garde. »
Charlie Yelland a déclaré :
« En tant que franc-maçon du Devon, je me sens très privilégié de pouvoir assister aux travaux de l’hospice du nord du Devon et de leur remettre un don de 4 000 £. Le financement massif qu’ils doivent collecter chaque année pour fonctionner au quotidien est tout à fait stupéfiant. »
Il a ajouté : « Mais leur engagement et le niveau de soins et de soutien qu’ils fournissent aux patients et aux familles dans cette région essentiellement rurale sont tout à fait impressionnants. Lors de ma visite, j’ai lu un panneau dans leur nouvelle aile thérapeutique : « Souvenez-vous toujours que vous êtes plus courageux que vous ne le croyez, plus fort que vous ne le semblez, plus intelligent que vous ne le pensez et deux fois plus beau que vous ne l’auriez jamais imaginé. » C’est vraiment un endroit très spécial. »
Une photographie prise dans l’aile récemment rénovée de l’hospice a capturé le moment, avec la directrice financière Samantha Husband, la responsable de la collecte de fonds Lizzie Hanks, Charlie Yelland et Anthony Eldred.
La charité reste un principe fondamental de la franc-maçonnerie, les francs-maçons du Devonshire contribuant à la Masonic Charitable Foundation. La MCF, créée en 2016, est entièrement financée par les francs-maçons et leurs familles et est l’une des plus grandes organisations caritatives du pays. Au cours des 300 dernières années, les francs-maçons ont soutenu diverses initiatives caritatives, notamment des écoles, des maisons de retraite et des hôpitaux, en mettant l’accent sur l’ouverture des opportunités, l’amélioration des soins de santé et de l’éducation et la promotion de l’indépendance.
Pour plus d’informations sur les francs-maçons du Devonshire et leur travail caritatif, visitez www.devonshirefreemasons.org.uk , ou apprenez-en plus sur la Masonic Charitable Foundation sur www.mcf.org.uk.
Dans la cour devant la propriété, les criminels ont détruit la représentation en marbre de la médaille que les francs-maçons portent lors de leurs cérémonies traditionnelles.
Le temple centenaire de l’Auguste et Respectable Loge AG Adams No. 185, situé à l’avenue Casey 285 dans la ville de Venado Tuerto, a subi un acte de vandalisme ces derniers jours – cela se serait produit mardi de la semaine dernière – qui a indigné ses membres et a forcé le rapport immédiat de la police, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que la propriété historique est endommagée par des mains anonymes.
À cette occasion, la cible du méfait était la représentation en marbre de la médaille classique que les francs-maçons portent lors de leurs réunions et événements.
Il y a quelques mois, la médaille de marbre qui a été vandalisée ces derniers jours devant le temple.
Lors du briefing de la police au 2e commissariat de police, les représentants de la Loge maçonnique Venadense ont rapporté vendredi dernier qu’ils avaient été informés par un voisin qu’un monument avec une plaque de marbre de Carrare, qui se trouve à l’intérieur de la propriété, avait été vandalisé, et pour y accéder, ils ont dû sauter par-dessus la clôture avant. D’après ce qui a été observé, les intrus n’ont accédé qu’à cette cour, car aucune anomalie n’a été détectée à l’intérieur du siège, pas même de tentatives de forçage des serrures.
Bien que les caméras de sécurité de l’institution n’enregistraient pas à ce moment-là, les autorités municipales, ayant à peine appris l’incident, ont accepté de collaborer avec les enquêteurs, sur la base des images capturées par les caméras de sécurité publique appartenant au Centre de surveillance, et de celles qui pouvaient être fournies par les résidents de la zone.
On pense que les vandales sont entrés avec un objet contondant pour briser l’épais marbre.
De son côté, la Grande Loge Argentine des Francs-Maçons Libres et Acceptés, ainsi que plusieurs Loges de différentes régions du pays, ont offert leur « soutien inconditionnel » à l’auguste et respectable Loge AG Adams No. 185.
Institution avec histoire
En 2023, l’AG Adams Lodge a célébré 120 ans en tant qu’institution à Venado Tuerto, tandis que le bâtiment traditionnel de Casey 200 a célébré son 110e anniversaire.
De plus, il est de notoriété publique que, depuis plusieurs années, la Franc-Maçonnerie Venado a entamé un processus de plus grande implication dans la société, par exemple, avec l’ouverture du temple dans le cadre de la Nuit des Musées, et avec des conférences périodiques sur des sujets d’intérêt général qui se tiennent au siège de l’avenue Casey.
Chers amis, soeurs, frères, depuis 70 ans je traverse le monde profane, mon chemin de vie pourrais-je dire, que j’accompagne également depuis la moitié de ce temps de mon parcours maçonnique.
Je sais, vous allez me trouver soudainement bien sérieux pour un amuseur habitué à tirer les sonnettes de l’humour, qui quelques fois finissent par ressembler à des sonnettes d’alarmes, je n’irai pas jusqu’aux lanceurs d’alertes, un terme plus réservé à des situations d’actualités.
Comme Franc-maçon, je porte un regard plus personnel sur ce monde que je partage.
Fréquentant de nombreux frères et de nombreuses soeurs, je vis dans un monde de réflexion et de critiques, une sorte de déformation bienveillante qui me pousserait à dire « Et encore, une chance pour vous, je ne suis pas tombé dedans quand j’étais plus jeune »
Au risque d’être catalogué de nouveau d’intellectuel, je ne remercierai jamais assez les soeurs et les frères qui me proposent de nouvelles voies de réflexions si essentielles à notre évolution
Arrivés à Prague, le chauffeur les déposa au centre de la ville avant de s’occuper de l’intendance à l’Hôtel Cube où avait été réservé leur séjour.
Leur visite avait été annoncée au Conservateur du Musée aussitôt qu’ils avaient eu connaissance de l’exposition qui devait avoir lieu maintenant dans deux jours. Rendez-vous avait été pris pour après déjeuner.
La place Wenceslas où ils arrivèrent, est entourée de bâtiments historiques, de magasins, de restaurants et de cafés. Une imposante statue équestre de Vencesla, le saint patron de la République tchèque, due au célèbre sculpteur tchèque Josef Václav Myslbek, y tient l’espace central.
Comme pour surseoir encore un peu à cette visite, nos trois amis choisirent de déjeuner au café Prokoff, une brasserie semblable «aux tavernes bavaroises avec ses massives pièces de viandes rôties, arrosées de bières amères et légères». En guise de dépaysement culinaire, chacun y choisit un plat traditionnel différent : Alexander une kulajda polévka, une soupe épaisse à base de champignons, de pommes de terre, et de crème, parfumée à l’aneth et garnie d’œufs de caille ; Guido la svíčková, un bœuf mijoté aux légumes, nappé d’une sauce crémeuse aux légumes à base de carottes, de céleri-rave et de racine de persil accompagnée de crème fouettée d’airelles et servie avec des quenelles, et Archibald un ragoût d’agneau à base d’oignon rouge, d’ail et de paprika accompagné de choucroute crue. Ils avaient envisagé de partager ces mets afin que chacun puisse en découvrir les saveurs.
Ils s’étaient assis à une table ronde, de telle sorte qu’ils aient toute latitude pour voir, à travers la baie vitrée, le Musée national, de l’autre côté de la place.
Le bâtiment imposant, flanqué de deux ailes majestueuses, avec ses trois dômes recouvert de cuivre patiné lui donnant un air d’opéra, présente une façade impressionnante d’équilibre construite en grès rougeâtre lui conférant une teinte chaude et vibrante. C’est une ode à la néo-renaissance. Le fronton central est orné d’une sculpture allégorique représentant la Bohême entourée de figures symbolisant les arts et les sciences, Une grande rosace vitrée surmonte le porche. La façade est rythmée par de nombreuses pilastres et colonnes engagées, qui s’élancent sur toute la hauteur Les fenêtres cintrées reflétaient le ciel, tandis que le dôme central, surmonté d’une allégorie en bronze doré de la Renommée – une femme ailée, vêtue d’une tunique et tenant une trompette dans sa main droite – brillait sous les rayons du soleil.
Vers la fin du repas, Alexander se leva soudainement, bousculant un peu la table, pour s’approcher de la vitre comme pour mieux voir à l’extérieur et se tournant vers ses amis leur dit en excuse de son attitude éruptive :
– Je dois être complétement obnubilé, j’ai cru apercevoir la silhouette d’Hircine Enhardir, vous savez le galeriste, mais je ne le vois plus, il a disparu. Ce doit être une berlue due au Milan Nestarec que nous avons bu. Dans le fond, j’ai hâte que nous allions vers le mystère de cette exposition.
Aussitôt dit, aussitôt fait et le trio de se diriger vers le Musée pour y retrouver l’experte déléguée par le conservateur qui devait les accueillir devant la porte du personnel, sur le côté du Musée.
Effectivement, elle était là et, se présente en leur tendant la main, sa voix douce, imprégnée d’une séduction délibérée.
– Amélie Delacroix. Et si vous me demandez si… Oui. Je porte le nom de famille emblématique du célèbre peintre Eugène Delacroix, mon lien avec le grand artiste remonte à plusieurs générations, j’en suis une de ses descendants directs. J’espère que vous avez fait un bon voyage jusqu’à Prague, enchaîna-t-elle rapidement, mettant fin à cette confidence qui n’en n’était pas vraiment une.
En effet, au fil des ans, la famille Delacroix a préservé et célébré l’héritage artistique d’Eugène, transmettant une passion commune pour l’art, la créativité et l’esthétique à travers les générations. Les récits de l’artiste talentueux, de son époque romantique et de ses contributions emblématiques à l’histoire de l’art ont été chéris comme des trésors familiaux.
Amélie, élevée dans un environnement imprégné d’admiration pour la créativité et la vision artistique, a développé une profonde appréciation pour l’art et la culture. Et c’est tout naturellement qu’elle débuta son parcours à Harvard, où elle obtint un diplôme de licence en histoire de l’art puis, avec ses études au Courtauld Institute of Art de Londres, un master en histoire de l’art, se spécialisant davantage dans la période de la Renaissance. Elle choisit de perfectionner ses compétences en muséologie à l’École du Louvre, acquérant une expertise pratique dans la gestion et la conservation des œuvres d’art. Enfin, son travail de thèse de doctorat à l’Accademia di Belle Arti di Brerade Milan, devint une contribution significative sur la Renaissance, et de là sa réputation reconnue depuis trois ans en tant qu’experte internationale même si nos amis n’avaient appris son existence que par les journaux.
Mais quelle ne fut leur surprise ! Les deux quadragénaires semblaient fascinés, l’aîné Archibald pensant en lui-même
– Redoutable !
Amélie Delacroix, la trentaine épanouie, incarne l’essence de la beauté classique et intemporelle. Sa chevelure d’ébène encadre délicatement un visage aux traits délicats, illuminé par des yeux verts pétillant d’intelligence. Sa démarche gracieuse et assurée révèle une confiance en elle qui attire instantanément l’attention de tous ceux qui croisent son chemin. Séduisante sans effort, Amélie possède cette aura magnétique qui intrigue et ensorcelle. Son sourire éclatant et son regard d’émeraude la rendent envoûtante.
Elle porte un tailleur qui allie à la perfection sophistication et modernité. Le tissu de son ensemble est d’une qualité exceptionnelle, doux au toucher pensa Alexander, et sa couleur, un nuance de gris perle, met en valeur la finesse de sa silhouette. La veste cintrée, portée à même la peau, arbore des lignes épurées qui soulignent la grâce de ses épaules, son échancrure ajoute une touche de sensualité subtile à son look. Les manches trois-quarts, dévoilent subtilement ses poignets délicats ornés d’une discrète montre Cartier, la Tank couronnée de fins diamants. Le pantalon du tailleur, coupe droite et fluide, allonge sa silhouette avec une élégance décontractée. La taille haute met en valeur sa finesse naturelle, marquant subtilement la courbure de ses hanches. Des escarpins gris foncé, aux semelles rouges, soulignent la courbe de ses mollets, la finesse de ses chevilles, donnant à sa démarche encore plus de sensualité s’il en était besoin.
S’adressant d’abord à Guido Lhermitt elle lui tend gracieusement sa main sur laquelle il se penche, sans l’effleurer, pour un baisemain délicat tout en lui disant
– Ravi de vous rencontrer Madame.
Avec un air malicieux mais charmant, Amélie lui fit comprendre qu’il avait bien été annoncé.
– Monsieur Lhermitt, Commissaire divisionnaire de la police internationale Interpol, alors comme cela l’exposition intéresse vos services?
À son tour, Alexander tout en se penchant sur sa main se présente en faisant le séducteur avec un sourire que Salaï aurait pu avoir pour enjôler Léonard de Vinci.
– Alexander Van de Meïr pour vous admirer Madame.
Archibald ne fut pas en reste et tout aussi élégamment, mais en claquant discrètement les talons et avec un peu plus de raideur du dos s’annonça plus sobrement.
– Archibald Winston, Comte de Kerval.
– Bienvenue Messieurs. Le conservateur du musée m’a demandé de vous ouvrir tous les accès aux préparatifs. Un motif précis ? Et sans attendre la réponse elle continua.
– Venez messieurs, je vous conduis à l’entrepôt où les œuvres attendent que soit achevés l’installation de la salle qui va les accueillir et, surtout, les contrôles des mesures de sécurité. Et disant cela elle leur adressa un délicieux sourire d’un air entendu, tout en invitant le petit groupe à la suivre.
Dans le sillage du parfum Aromatics élixir que portait leur guide, Alexander s’enhardit à parler le premier.
– Au-delà de l’exploit d’avoir obtenu que ces œuvres soient prêtées au National de Prague par des différents musées, quel intérêt particulier avez-vous eu en réunissant Michel-Ange, Botticelli, Bronzino et Albrecht Dürer? Demanda Archibald.
– Le défi que je me suis donné de pouvoir le faire tout simplement répondit Amélie en levant ses deux mains devant elle en supination, comme pour souligner cette évidence.
– Le vrai défi n’est-il pas leur sécurité ? demanda Guido, très professionnel, mais avec une intonation légèrement plus douce et plus basse que la normale.
– Pour le moment, l’entrepôt est gardé de jour par des hommes en armes et la nuit par des alarmes sophistiquées. Mais nous, nous allons pouvoir y entrer.
Respectueusement, les gardes s’écartent de la porte, reconnaissant l’organisatrice qui tape le code de passe sur le boîtier de côté. C’est comme réunir les deux moitiés d’un symbolon qui permet l’évaluation, la reconnaissance et la validation de la confiance.
Les œuvres, soigneusement déballées et stockées dans l’entrepôt, attendent patiemment d’être révélées au public lors de l’exposition à venir. Leur juxtaposition dans cet espace provisoire crée un supra-tableau de la diversité artistique de la Renaissance, montrant la variété de styles, de sujets et de compétences qui ont prospéré à cette époque. Chaque œuvre représente un chef-d’œuvre à part entière, témoignant du génie artistique de son créateur.
Les trois visiteurs, chacun avec ses propres sensibilités, partagent un moment d’émerveillement, d’extase ou plutôt d’instase silencieuse, face à la richesse et à la diversité des œuvres présentes.
Chaque tableau offre une expérience unique, créant un dialogue visuel de grâce, de beauté, de virtuosité picturale qui transcende les époques et suscite une profonde admiration pour le talent de ces artistes.
Amélie non sans fierté les présente, insistant sur leur provenance pour marquer son mérite d’avoir pu les réunir.
Portrait de jeune homme par Sandro Botticelli, une tempera sur bois de 1483, prêtée par le Louvre de Paris
La madone Bardi di San Spirito probablement de 1485, également de Botticelli, en provenance de la Galerie des Offices de Florence.
– C’est la Vierge Marie qui est peinte faisant le signe, tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux semblant l’esquisser également avec sa menotte droite nota silencieusement Alexander.
– Et juste à côté le tableau du même artiste et sur le même thème, poursuivit Amélie Delacroix, La Madone de l’Eucharistie peint vers 1470 de la fondation Amélie Stewart Gardner Museum de Boston. Remarquez l’enfant qui semble bénir de sa main celui qui le regarde.
– Et comment nous observons, mais charmante madame, ce n’est pas une position de la main pour une bénédiction pensa si fort Alexander qu’il en eut peur de l’avoir dit à haute voix.
– Portrait d’un jeune homme, peinture à l’huile sur bois, de Bronzino exécutée vers 1530-1540, prêté par le Métropolitain Musée d’Art de New York.
Après une légère pause, Amélie enchaîna.
– Enfin, ces deux tableaux exceptionnels d’Albrecht Dürer, voici L’Autoportrait à la fourrure, sur panneau de bois, daté de 1500, prêté par l’Alte Pinakothek de Munich
et La fête du rosaire de 1506, un de ses chefs d’œuvre les plus précieux synthétisant toutes les techniques italiennes de la Renaissance sur un panneau de bois. C’est l’Empereur Rudolf II qui l’a ramené à Prague depuis l’église dominicaine de Francfort, en 1606. Il nous est prêté par la Galerie nationale, ici à Prague, connu sous le nom de Veletržní palác, dans le quartier de Holešovice où il est exposé habituellement dans le bâtiment principal. Vous remarquerez le jeu de doigts sur le luth tenu par l’ange au premier plan. Il joue la musique des anges et la joie du paradis célébrant l’amour divin et la beauté spirituelle de la Vierge Marie.
Les trois hommes l’avaient bien évidemment remarqué silencieusement, mais pas seulement. Il y avait, outre la posture des doigts de l’ange jouant du luth au premier plan, le maintien de l’équerre par le probable architecte du comptoir des marchands allemands de Venise, Hieronymus d’Augsbourg, sur l’extrême-droite du tableau, qui n’avaient pas manqué de les intéresser.
Se tournant résolument vers Guido, elle redemanda candidement.
– Me diriez-vous quel est le motif précis votre visite?
Alexander et Archibald se taisent, tournant leur regard vers Guido, lui laissant le soin de répondre ce qui convenait de dire.
Après un instant de réflexion Guido se contenta de dire :
– Nous n’avons rien à vous cacher, chère madame. Nous sommes missionnés par l’instance internationale Interpol pour prévenir plusieurs musées de possibles vols imminents d’œuvres de la Renaissance. Le musée de Prague est l’un de ceux-là du fait de votre exposition.
– Aaah ! Ne sut que dire la belle Amélie à la fois étonnée, inquiète et contrariée, laissant échapper un imperceptible froncement des sourcils et un furtif pincement de ses lèvres.
Archibald, qui fut témoin de cette réaction y trouva quelque chose qui le gêna, se promit d’en parler à ses amis qui, pour le moment, étaient subjugués tout autant par cette exposition exclusive que par son organisatrice.
Prétextant le rendez-vous avec le conservateur qui les attendait dans l’heure, le comte suggéra à ses amis de prendre rapidement congé de cette charmeuse personne, lui promettant de la retrouver le lendemain.
C’est très chaleureusement que le conservateur les accueillit dans son bureau allant même jusqu’à étreindre, par une affectueuse accolade, Archibald et Guido qui fit les présentations.
– Jakub voici notre ami Alexander Van de Meïr. Alexander voici Jakub Novák, notre conservateur, mieux notre archiviste.
Alexander compris par le mot « notre » qu’il s’agissait de M.
Après s’être amicalement échangé des nouvelles, Lord Archibald l’alerta à nouveau du danger probable entourant l’exposition non sans évoquer l’hypothèse qu’il viendrait de « Savonarole ».
– J’y veillerai. Ce n’est pas la première fois que je suis confronté à cette organisation. Rappelle-toi, il y a sept ans, je t’avais prévenu d’une tentative de vol de la partie des archives qui m’avait été confiée. Seulement quelques documents avaient été soustraits. J’avais dû alors mettre les archives en lieu plus sûr.
L’après midi était avancé quand ils se séparèrent après leurs discussions où furent rapportés les derniers événements, envisageant de déjeuner ensemble le lendemain.
Le chauffeur les attendait de l’autre côté de la place, mais au moment de monter dans la voiture, Alexander se rétracta.
– Partez sans moi, je vous retrouverais à l’Hôtel Cube et si je ne suis pas de retour à l’heure du dîner, ne m’attendez pas.
Et sans explication, mais en fallait-il une, il rebroussa chemin et retourna vers le musée, espérant qu’Amélie n’était pas encore partie.
Parmi ces mystères fondateurs de toute vie commune, il y a ce va et vient structurel entre la genèse et le déclin. Engendrement mutuel, en toutes choses : nature, civilisation, politique, affects, individus et communautés, de la naissance et de la mort. Ainsi est récurrent dans la Franc-maçonnerie authentique le recours à la formule empruntée à l’alchimie : « ordo ab chao ». Cela vient de la mystique juive, dont on sait l’influence sur la démarche initiatique, et qui glosa, longuement, sur la parole biblique : « tohû bohû ».
Dès le second verset de la Genèse (1, 2), il est dit que la « terre était vide et vague », ou déserte et vide : tohû bohû. Chaos précédent la création. Et c’est à partir de là que la parole divine mit de l’ordre : le monde sous la « voûte étoilée ». On retrouve cette expression à diverses reprises. Il en est une, instructive, celle rapportée par le prophète Isaïe concernant le « jugement d’Eden ». C’est le « jour de la vengeance » où Yahvé « tendra le cordeon du chaos et le niveau du vide » (Is, 34, 11). Là encore le tohû bohû précédant un ordre régénéré.
C’est cela qu’entend faire ressortir le secret maçonnique : la fondamentale dialogie existant entre la mort et la renaissance. Cristallisation, s’il en est, du sentiment diffus dans la sagesse populaire des lois, inéluctables, de la transformation, du mouvement constant des métamorphoses. Dans toutes les traditions, les épreuves initiatiques rejouent un tel processus. La mort symbolique des « voyages » que l’on retrouve dans tous les rituels, exprime à loisir le mystère de « l’onostasis » : la résurrection, le relèvement successif à la fin d’une manière d’être et de penser.
À se taire sur l’adventice, ce qui est le propre de l’humain périssable, le « secret » met l’accent sur l’essence des choses : la fin d’un âge annonce la naissance d’un autre. Le désaccord entre les anciennes mœurs et les nouvelles est l’indice qu’une époque s’achève : une « parenthèse » se ferme et qu’une autre commence : une autre parenthèse s’ouvre.
C’est en ce sens que dans la succession des crises civilisationnelles, s’inscrivant dans la longue chaîne de la connaissance traditionnelle « l’ordo ab chao » maçonnique rappelle que l’on ne peut pas réduire à une cause matérielle la faillite d’une organisation sociale donnée. Mais celle-ci en appelle, tout simplement à une autre révolution spirituelle, qui est l’apanage et l’honneur de notre espèce animale. La panique peut régner dans la politique, les élites être totalement déconsidérées, l’économie partir en capilotade, l’essentiel est de pouvoir parler de l’esprit pour trouver une véritable issue à la décrépitude d’une société.
Il est fréquent de rappeler qu’étymologiquement le mot « crise », en grec, signifie jugement. On signale moins, et ce n’est pas moins important, que cela désigne, aussi, cet instrument permettant de trier qu’est le crible. Belle métaphore populaire soulignant qu’il faut savoir rejeter ce qui doit l’être et garder, également, ce qui le mérite.
Frari (Venise) – Sacristie – triptyque de Giovanni Bellini – Saint Benoît de Nursie et Saint Marc
À cet égard, puis-je ici noter une historiette par laquelle, dit-on, commença la vie monastique du grand Saint Benoît de Nurcie. Ce qu’il est convenu de nommer le « miracle du crible » ! Crible qui est prêté à sa nourrice, et que celle-ci brise en deux. Benoît réunifie les deux morceaux. Mais pour échapper à la ferveur de ses admirateurs il se retire dans un lieu désert appelé Subiaco où il va mener une vie érémétique dans la grotte appelée depuis « Sacro Speco », le saint « crible ».
A la fin de ce terrible Ve siècle, les barbares sont à toutes les portes, la fin d’un monde est vécue et ressentie comme telle, et c’est en se retirant de l’action immédiate, c’est par la force de l’esprit qu’un autre monde émerge. Cela mérite d’être souligné, quand on sait le rôle joué par les ecclésiastiques lorsque la maçonnerie, au XVIIIe siècle, entend participer à l’élaboration d’une nouvelle civilisation. Et ce en reprenant l’intuition primordiale de tous ceux que Chateaubriand nomme les « génies Mères » : c’est la puissance de l’esprit qui est matricielle. Le reste : politique, économie, social, « sociétal » vient de surcroît.
La sagesse du « crible » est indéniable en ce qu’elle ne procède pas à partir d’une « tabula rasa », mais est faite de prudence, de discernement, cette « discrétion-secrète » qui sait, de savoir incorporer : celui de la Tradition initiatique que l’ordre des choses est une perpétuelle métamorphose en appelant, toujours, à une nouvelle renaissance. De ce point de vue, ce dont sont conscients les francs-maçons traditionnels, c’est qu’il faut savoir mettre en œuvre une médecine expectante, c’est-à-dire prudente, qui sait attendre en mettant en œuvre des remèdes de longue durée, ayant fait leurs preuves au cours du temps.
On a souvent reproché à la prudence maçonnique cette attitude du juste milieu, aussi loin du révolutionnarisme que du conservatisme. Attitude faisant place à toutes les sensibilités. Mais cela ne fait que traduire le souci de l’harmonie, fut-elle conflictuelle, qui redit, sous une forme sophistiquée, ce que la sagesse humaine sait d’antique mémoire : il faut de tout pour faire un monde. Et ces sensibilités diverses, avant de se dire et de se vivre au grand jour, doivent s’expérimenter dans le secret de ce qui inconsciemment attend la manifestation consciente.
Jacques-Bénigne Bossuet
Peut-être est-ce ainsi qu’il faut comprendre cette lucide observation de Bossuet sur l’Histoire universelle, lorsqu’il rappelle que la « vraie science de l’histoire est de remarquer dans chaque temps les dispositions secrètes qui ont préparé les grands changements et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver ». Parmi bien d’autres, cette remarque souligne que c’est toujours en catimini que s’opèrent les grands changements sociétaux. C’est bien en ce sens que le « secret » et la « loi du silence » maçonniques redisent une structure anthropologique dont il est vain de vouloir faire l’économie.
C’est bien une sagesse au jour le jour que propose l’accompagnement maçonnique, et ce en ponctuant l’année civile par le comput liturgique que l’on retrouve dans toutes les religions. Les solstices d’hiver et d’été rendant attentif au soleil qui décroît, mort symbolique préparant à la mort réelle, et le soleil qui repart, allégorie de la résurrection et de la lumière de la connaissance. Dans la liturgie chrétienne : Saint Jean-Baptiste, la « voix » annonçant celui qui doit venir, Saint Jean l’Évangéliste proclamant la parole, le verbe se faisant chair. « Solstice » : « sol stare », le soleil s’arrête, mais ce afin qu’un cycle nouveau recommence : la vie en son développement perpétuel !
Gilbert Durand
Ainsi que l’a analysé, avec constance mon maitre et frère Gilbert Durand : l’éternelle métamorphose des choses et de la vie, voilà, certainement, ce qui est le cœur battant de l’ésotérisme maçonnique (« Les grands mythes fondateurs de la Franc-maçonnerie », Ed Dervy 2024). C’est par là qu’un tel ésotérisme est, sur la longue durée, et sous des formes différentes, un excitateur de l’âme continuant à attirer nombre d’intelligences aiguës, et à la dynamiser vers un plus-être existentiel. Et ce, très précisément en montrant comment l’esprit, sans les contraindre ou les dévaster, permet à la nature et à la vie sociale de donner le meilleur d’elles-mêmes. On est loin, bien entendu, de ces obédiences se prétendant maçonniques, alors qu’elles se contentent d’agir et de penser (?) comme de désuets partis politiques aux préoccupations essentiellement « sociétales ».
L’idée même de la métamorphose est celle d’une création renouvelée faisant créance à l’efficace interne des situations, et qui reconnaît que lorsqu’une forme sociale spécifique est épuisée, c’est une autre qui est appelée à en prendre la relève.
En la matière voir comment la Franc-maçonnerie, protagoniste essentielle de la modernité, est en phase secrète avec la post-modernité naissante. Et ce même si, nombreux sont les membres de diverses obédiences ne voulant pas en convenir, voire luttant contre un tel état de fait.
En effet, ce passage d’une époque à une autre, certains ne veulent pas le voir car l’abâtardissement de la pensée, c’est-à-dire la perte de ses qualités originelles, de sa vigueur propre, freine la reconnaissance de ce qui est. La routine philosophique et les facilités de l’opinion commune, c’est chose fréquente dans le déroulement des histoires humaines, empêchent de voir en quoi, et comment, certaines structures anthropologiques, archétypales, reprennent force et vigueur alors qu’on les avait crues exténuées.
Martin Heidegger
Faut-il, d’ailleurs, le rappeler, l’expression même : « reprendre force et vigueur », que l’on retrouve, fréquemment, dans les textes et les divers rituels maçonniques ne traduit-elle pas l’inéluctable récurrence des phénomènes humains ? Récurrent ne signifie-t-il pas courant en arrière ? C’est-à-dire retourner à la source, revenir au fondamental. Le « Schritt zurück », ce pas en retour vers l’expérience ancestrale, celle de la Tradition, dont la pensée de Martin Heidegger, a montré la pertinence et l’actualité.
Blocage que l’on doit à des élites n’étant plus en phase avec la vie sociale réelle. Et parmi eux nombre de ceux s’affichant francs-maçons sans en comprendre l’intime et profonde inspiration. Quelques-uns, ayant le pouvoir institutionnel, celui de l’opinion publiée, mais qui reste une simple opinion, et oubliant que la pensée n’est jamais et en rien réductible à la facilité exotérique.
Une telle situation peut être éclairée par cette remarque émise, dans le domaine qui était le sien, ses considérations sur la Révolution française, par Joseph de Maistre :
« Il serait à désirer que cette nation impétueuse, qui ne sait revenir à la vérité qu’après avoir épuisé l’erreur, voulût enfin apercevoir une vérité bien palpable : c’est qu’elle est dupe et victime d’un petit nombre d’hommes qui se placent entre elle et son légitime bien ».
Son « légitime bien » est, pour lui, le souverain. Mais là n’est pas l’essentiel. L’important est l’acuité de son regard. Vision profonde des événements et des hommes lui permettant de noter en quoi une minorité active, obsédée par le pouvoir n’est plus à même de saisir qu’elle est la véritable puissance à l’œuvre dans une époque donnée. Ainsi que le souligne Gilbert Durand dans « Un comte sous l’acacia » (Edimaf,1999), mystique qu’il était, Joseph de Maistre fortement marqué, en sa jeunesse, par la pensée maçonnique, a toujours su voir, au-delà des agitations de surface, quels étaient les courants profonds à l’œuvre dans les histoires humaines.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel Philosophe allemand
Puis-je extrapoler son propos en rappelant, au-delà du mouvement historique suscitant ces « considérations », qu’il est fréquent qu’un « petit nombre d’hommes » s’interposent, jouent les utilités et empêchent, de ce fait, la vraie compréhension d’une société donnée. En la matière, au-delà des aspects affairistes, politiques, voire maffieux dont on la soupçonne, quel est le véritable sens de la Franc-maçonnerie de Tradition ? Peut-être de jouer le rôle de ce que certains nomment le « roi clandestin » de l’époque. C’est-à-dire ce qui régit, véritablement, les manières d’être et de penser. Ce qui agit, souterrainement, mais non moins efficacement. Et ce parce que ceux qui s’en réclament sont en phase avec ce que ce franc-maçon qu’était Hegel nommait le Zeitgeist, l’esprit du temps.
Donc une aristocratie de l’esprit, quelque peu libertaire, et moins préoccupée du pouvoir institué que soucieuse de la puissance instituante.
Portrait de François-René, vicomte de Chateaubriand, par Pierre-Louis Delaval, (vers 1828)
S’agit-il là d’une vue de l’esprit quelque peu utopique ? Pas forcément. Certes, il existe des pesanteurs sociologiques conduisant au « conformisme logique ». Une endogamie favorisant la bienpensance qui répète, à l’infini, des phrases toutes faites et multiplie les lieux communs. Voire, un tel entre-soi peut aboutir à des pratiques perverses où la légitime solidarité s’inverse en passe-droits généralisés où la faveur remplace le mérite. C’est ce que d’antique mémoire on nomme le « pactum sceleris », pacte scélérat. Il s’agit là d’un phénomène récurrent de toute société humaine quelque peu languissante. La médiocrité trouvant un adjuvant de choix dans ce que j’ai nommé la « médiacratie » c’est-à-dire ce qui se contente de l’opinion publiée. N’est-ce point cela que nous rappelle la roborative lucidité d’un Chateaubriand (Mémoires d’Outre-tombe, liv 38,ch 6) : « l’incapacité est une Franc-maçonnerie dont les loges sont en tous pays ». Ces loges, ou pseudos-loges, chacun les reconnaitra dans les obédiences essentiellement « politistes ». ou aux préoccupations uniquement « sociétales » !
Tout cela est bien réel et constitue une évidence qu’il serait vain de nier. Mais au-delà ou en deçà d’un tel abâtardissement subsiste un goût certain pour une pensée exigeante, lucide et enracinée dans la tradition. Cela est particulièrement repérable chez les jeunes générations, n’ayant pas connu les ivresses idéologiques héritées du XIXe siècle que provoquèrent les totalitarismes, en particulier « wokistes », issus de ces théoriques constructions quelque peu paranoïaques.
La paranoïa, certes, en son sens simple, est la maladie psychiatrique que l’on sait, contribuant à une personnalité où dominent rigidité, orgueil, surestimation de soi et, surtout, raisonnements construits à partir d’a priori douteux. Mais n’oublions pas qu’étymologiquement il s’agit d’une pensée se voulant surplombante (para noia en grec). Une pensée qui édicte et qui impose.
Tout autre est la démarche de la Franc-maçonnerie authentique dont le caractère essentiel est l’hétérodoxie. Et c’est en s’éloignant de tout dogmatisme, en relativisant la scholastique que, tout au long du XVIIIe siècle, elle fut en phase avec son temps. C’est de là qu’est issue la tolérance et l’ouverture à l’altérité. Il s’agit là de son principe générateur, on dirait, de nos jours, son code génétique.
Ce qui en fait des penseurs libres. À ne pas confondre avec les « libres-penseurs » dont Nietzsche rappelait qu’ils n’étaient ni libres, ni penseurs !
C’est cette alternative au fanatisme qui attire, de plus en plus, les esprits avides d’exigence spirituelle. Car au-delà des scholastiques du moment, celles de la bienpensance « sociétale », c’est-à-dire « wokiste », il est un défi que nous lance la postmodernité : trouver les mots, les moins faux possible. Mots pouvant devenir paroles fondatrices. N’est-ce point cela la recherche continuelle de ce qu’il est convenu d’appeler la recherche de la « parole perdue » ?
Être en phase avec l’esprit du temps postmoderne. Trouver les mots pour le dire. Cela nécessite quelque audace. Mais l’esprit questionnant est, toujours, aventureux. Il faut, en effet, faire fi des pusillanimités qui sont le propre des esprits étroits. Ne pas avoir peur des responsabilités intellectuelles. C’est-à-dire savoir « répondre » au défi dont il a été question. En bref, voir en quoi les « grands mythes fondateurs » de la Franc-maçonnerie sont, toujours et à nouveau, actuels. Cela ne manque pas de faire mal, d’irriter. Mais, comme le rappelait Virgile, n’est-ce point cela la marque d’une pensée authentique ? « Jubes renovare dolorem », vous m’ordonnez de rouvrir de cruelles blessures. Il faut, en effet, le faire !
Il est difficile pour Eugène Kieffner de ne pas pleurer d’émotion lorsqu’il réfléchit à ses 60 années avec les francs-maçons. « Je ne l’abandonnerais pour rien au monde », dit M. Kieffner à propos de son expérience maçonnique. M. Kieffner a été initié à la franc-maçonnerie alors qu’il était encore un jeune garçon et qu’il a remarqué par hasard la bague maçonnique de son oncle Dennis Kieffner. « Elle était remarquable. Elle brillait », a déclaré M. Kieffner. « Je lui ai dit : « Mon Dieu, tu as une bague brillante. » »
Son oncle l’a regardé et a dit : « Oui, un de ces jours, je veux que tu en portes unE. »
Le résident de Haysville, âgé de 83 ans, a récemment reçu le prix du Past Master de 50 ans de la Grande Loge de l’Indiana, un honneur rare reconnaissant ses décennies de leadership et de service.
Une photo de la cérémonie au cours de laquelle M. Kieffner a reçu son prix. De gauche à droite : le maître de la loge actuelle Tyson Cravener, Mike Cravener et M. Kieffner.
M. Kieffner a rejoint la Loge maçonnique Line à Jasper en 1965, la même année où le bâtiment actuel a été inauguré. Il a rapidement gravi les échelons, devenant la deuxième personne élevée au rang de Maître maçon à l’autel de la loge. Il a servi comme Maître pendant deux mandats, en 1975 et en 1982, et a été secrétaire de tous les autres Maîtres de la loge, à l’exception d’un seul.
« Il y a très peu de gens qui vivent assez longtemps pour dire qu’ils sont devenus Maître il y a 50 ans », a-t-il expliqué. « C’est une sorte d’honneur. »
La Loge Line, l’une des trois loges maçonniques du comté de Dubois, compte actuellement environ 60 membres. M. Kieffner considère que son rôle est de préserver l’histoire et d’inspirer une nouvelle génération de francs-maçons.
L’engagement des francs-maçons envers le service communautaire est une source de fierté pour M. Kieffner. En plus des bourses d’études, des événements spéciaux et du soutien aux événements locaux, ils apportent également un soutien aux autres francs-maçons, quelle que soit leur origine.
Il se souvient d’une nuit à la Loge de la Ligne où deux visiteurs inattendus – l’un d’Angleterre et l’autre de Suisse – sont entrés dans la loge, illustrant la fraternité mondiale des francs-maçons.
L’entrée de la Line Lodge présente l’histoire de sa fondation.
Malgré la longue histoire et les traditions de l’organisation, Kieffner reconnaît que de nombreuses personnes ne comprennent pas ce qu’est la franc-maçonnerie. Il espère changer cette perception.
Pour Kieffner, l’essence de la franc-maçonnerie peut être résumée en trois mots : « Amitié, moralité et amour fraternel ».
Il estime que ces principes, s’ils étaient adoptés plus largement, pourraient avoir un impact profond sur la société. « Si 1 % des gens de l’extérieur du mur profitaient de ce qui se passe dans cette salle, nous n’aurions pas les problèmes que nous connaissons aujourd’hui dans le monde », a-t-il affirmé.
« Il n’y a aucun endroit au monde où vous ne rencontrerez pas un franc-maçon », a déclaré M. Kieffner.
Alors que M. Kieffner regarde vers l’avenir, il voit une opportunité pour les trois loges maçonniques du comté de Dubois de travailler ensemble pour sensibiliser à leur histoire et à leur engagement communautaire continu.
En réfléchissant à ses six décennies de service maçonnique, la passion de Kieffner pour l’organisation reste intacte. Ses yeux s’illuminent lorsqu’il raconte des histoires d’anciens membres, des projets communautaires et les liens durables de la fraternité.
« C’est vraiment agréable d’accueillir un nouveau membre », déclare M. Kieffner. « On noue de nombreux liens. »
Pour Eugène Kieffner, la franc-maçonnerie n’est pas seulement une organisation : c’est un mode de vie qui a façonné son caractère, élargi sa vision du monde et lui a donné une plate-forme pour servir sa communauté pendant plus d’un demi-siècle.
« J’aime voir le bonheur. J’aime voir les gens sourire. Cela fait partie de la franc-maçonnerie », a-t-il déclaré.
M. Kieffner et son épouse, Judy, sont mariés depuis 60 ans et vivent à Haysville. Ils ont deux filles, Tara Betz et Michelle Schmitt.
M. Kieffner pose pour une photo avec les outils de travail du maçon.