Il suffit parfois d’une étincelle, d’une seule volonté têtue, pour transformer une Loge paisible et laborieuse en un véritable champ de ruines fraternel. Quelques mois plus tôt, tout n’était que sourires, poignées de main et chaudes accolades autour de la table du banquet. Et puis, paf ! D’un coup, la Loge se mue en Fort Chabrol, avec des tranchées creusées dans les colonnes et des regards qui fusillent plus vite qu’une épée de grade. Adieu fraternité, adieu chaîne d’union harmonieuse, place à la guerre des égos ! Mais au nom du Grand Architecte, que se passe-t-il donc ?
Qu’est-ce qui transforme un groupe de maçons équilibrés en une meute d’animaux sauvages prêts à s’étriper sous le bandeau ? Voici cinq raisons, aussi savoureuses que désolantes, qui pourraient expliquer ce chaos bien maçonnique…
L’Obsession du Pouvoir Rien ne galvanise plus un frère que l’idée de devenir le Vénérable Maître de sa propre loge… ou du moins de faire croire qu’il l’est déjà. Une seule ambition démesurée suffit à semer la discorde : réunions secrètes, coups bas lors des scrutins, et voilà les tabliers qui volent plus vite que les insultes. Fraternité ? Un vague souvenir entre deux manœuvres politiciennes.
Le Débat Théologique Incontrôlé Un frère lance une réflexion sur l’Esprit ou la matière, un autre réplique avec une interprétation tordue des anciens landmarks, et hop, la loge devient une arène théologique. Entre citations mal digérées de Guénon et exégèses douteuses des rituels, les frères passent de l’harmonie à l’hérésie en un éclair, oubliant que le silence est parfois la plus sage des vertus.
La Querelle des Égoportraits Que serait une loge sans un bon vieux différend sur la décoration du temple ou la qualité du vin du banquet ? Un frère insiste pour que son portrait trône au-dessus de l’Orient, un autre réclame une statue en son honneur, et voilà le chaos : des ego surdimensionnés qui transforment les maillets en armes de jet et les colonnes en barricades.
Le Syndrome du Nouveau Rituelou de la nouvelle technique Un frère, fraîchement initié ou revenu d’un voyage en Loge, débarque avec un rituel « révolutionnaire » qu’il jure être la clé de la vérité maçonnique. Résultat : les anciens s’indignent, les jeunes s’emballent, et la loge se divise en deux camps prêts à s’excommunier mutuellement, oubliant que le vrai travail se fait dans l’union, pas dans la division.
La Rumeur Maléfique Une parole mal interprétée, une rumeur amplifiée autour du café post-tenue, et c’est l’explosion. « Tu as entendu ? Le Vénérable a vendu le temple pour une caisse de porto ! » D’un murmure à une accusation, la loge bascule dans un tribunal improvisé, où la présomption d’innocence s’efface devant le plaisir de régler des comptes.
Mais avouons-le… tout cela n’est qu’un jeu et n’est pas très sérieux.
Dans quelques jours, Sylvain Zeghni descendra de sa charge de Grand Maître National de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, au terme d’un mandat de deux ans. Figure connue et respectée du paysage maçonnique, il a conduit cette obédience amie avec conviction et ouverture, dans un contexte où la franc-maçonnerie doit, plus que jamais, conjuguer fidélité aux traditions et adaptation au monde contemporain.
Nous l’avons rencontré pour un entretien exclusif. Avec simplicité et franchise, il revient sur ses réalisations, ses regrets, les moments forts de son mandat… et livre un regard lucide sur l’avenir.
Le Saviez-vous ?
Le Droit Humain, fondé à Paris en 1893, est la première obédience maçonnique mixte et internationale. Présente dans plus de 60 pays, elle œuvre à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la fraternité universelle.
Un regard rétrospectif
Sylvain Zeghni
450.fm : Sylvain, comment vous sentez-vous à l’approche de la fin de ce mandat de deux ans ?
Sylvain Zeghni : Parfaitement serein ! C’est pour moi la fin d’un cycle où j’ai connu le doute et même, au moins une fois, l’envie d’abandonner cette charge. Mais ce fut aussi une période exaltante et enrichissante par la rencontre avec les frères et les sœurs. Donc serein, conscient du chemin accompli et sans grand regret.
450.fm : Si vous deviez résumer cette période en un mot ou en une image, que choisiriez-vous ?
SZ : Engagement
450.fm : Que signifie, pour vous, avoir porté la charge de Grand Maître National de la Fédération Française du Droit Humain ?
SZ : Une énorme responsabilité ! Le Droit Humain, c’est 15 000 sœurs et Frères répartis en 735 loges. Être grand Maître National, c’est porter l’histoire et l’avenir d’un groupe humain, faire évoluer une structure sans enfreindre ses traditions. Il faut être humble, autant que faire se peut, savoir écouter et prendre en compte des opinions souvent divergentes, tout en maintenant un cap. Comme dans tout poste à responsabilité, il faut aussi savoir encaisser les coups, ce qui n’est pas allé de soi, même si je m’y étais mentalement préparé.
Les réalisations marquantes
Sylvain Zeghni
450.fm : En 2023, au moment de votre élection, quels étaient vos objectifs prioritaires ?
SZ : Mon premier objectif, c’était d’assainir les finances de la fédération, sans remettre en cause son fonctionnement initiatique. Mon second objectif visait à mettre en place une gouvernance plus décentralisée, notamment en instaurant un système de représentation au convent rendant les loges plus autonomes. Ce qui me guidait était le principe de subsidiarité.
450.fm : Quels objectifs considérez-vous avoir pleinement atteints ?
SZ : Précisément, en premier lieu, la mise en place de la représentation pour le convent qui, même si cela n’a pas été facile, a été faite, tout en garantissant le principe une loge–une voix. En effet, chaque loge porte les mandats de deux autres loges au convent, ce qui réduit le coût du convent puisqu’il n’y a plus qu’une loge sur trois présente physiquement ; cependant, toutes les loges votent par l’intermédiaire de leur mandant. Il s’agit d’un système de représentation tournant. Ce mécanisme devrait permettre une collaboration étroite entre les loges, chacune siégeant à tout de rôle tous les trois ans. Mon second objectif était de rendre l’autonomie aux loges, puisque jusqu’à présent les loges n’étaient que des antennes sans personnalité juridique. Nous avons donc transformé la fédération en une fédération de loges ayant chacune un statut d’association. C’est pour nous une révolution culturelle.
450.fm : Pouvez-vous citer un projet qui, selon vous, a profondément marqué l’obédience ces deux dernières années ?
SZ : Je crois que la mise en place d’un système de représentation au convent a très fortement marqué l’obédience. C’est une véritable révolution culturelle pour nous mais je dois dire que d’autres obédiences se sont rapprochées de moi pour savoir comment tout cela aller fonctionner et, peut-être, tenter de mettre en place un tel système dans leur organisation… mais peut- être ne faut-il pas seulement un peu de courage politique mais un peu d’inconscience pour proposer un tel système…
450.fm : Y a-t-il eu une initiative imprévue qui s’est imposée, au fil du mandat ?
SZ : La collaboration entre le Grand Conseil des Grands Inspecteurs Généraux et le Conseil national, demeurée souhaitable pour la gouvernance de notre fédération, quoiqu’elle se fût révélée chaotique par le passé, s’est progressivement imposée comme une évidence, ce qui a permis de mettre en place la réforme de notre organisation.
Le Saviez-vous ?
Le Droit Humain fonctionne selon une gouvernance internationale unique : chaque fédération nationale contribue aux décisions de l’Ordre mondial, garantissant une vision globale et partagée.
Les défis et les zones d’ombre
450.fm : Quels ont été vos plus grands défis, sur le plan interne comme externe ?
SZ : Sur le plan interne, les trois piliers de la réforme (règle de représentation au convent, changement de statut des loges, principe de subsidiarité) ont été très contestés et le sont encore. La formule : « on a toujours fait comme ça, pourquoi changer ? », m’a été beaucoup répétée. Cette résistance bien connue au changement, que j’avais déjà rencontrée sur le plan profane, je ne la croyais pas aussi forte dans notre fédération. Sur le plan externe, il a fallu batailler pour maintenir la place de notre obédience au sein du monde maçonnique. Dans un monde où la concurrence est vive, maintenir une parole forte est essentiel.
450.fm : Y a-t-il des projets que vous auriez aimé concrétiser, mais que le temps ou les circonstances ne vous ont pas permis de réaliser ?
SZ : J’aurais aimé mettre en place une webradio ou une émission sur une webradio afin de permettre à la fédération française d’avoir un moyen plus efficace de communiquer. Le temps et les moyens ont manqué.
450.fm : Certaines démarches n’ont-elles pas donné les résultats escomptés ? Qu’en retenez-vous ?
SZ : Malgré la réduction de nos dépenses grâce au nouveau format du convent et à la renégociation de certains contrats, le résultat global reste insuffisant face à l’augmentation continue de nos charges. Certes, nous avons aussi beaucoup misé sur la communication pour accroitre nos effectifs mais ces actions n’ont pas suffisamment porté leurs fruits.
L’évolution de l’obédience
Sylvain Zeghni, Grand Maître National du DROIT HUMAIN.
450.fm : Comment le Droit Humain a-t-il évolué pendant votre mandat, en termes de vie rituelle, d’organisation et de rayonnement ?
SZ : En termes de vie rituelle, la mise en place de nouveaux rituels dits rituels de référence a conduit à une réflexion sur nos pratiques. De même que la possibilité de choisir la bible comme troisième Lumière sur l’autel des serments a fait couler beaucoup d’encre mais a aussi permis à des loges plus spiritualistes de rendre plus « officielle » leur pratique… Sur le plan de l’organisation, les réformes de structures mises en place et précédemment évoquées ont révolutionné notre organisation. Sur le plan du rayonnement, c’est au monde maçonnique et au monde profane qu’il faut demander leur avis. Je pense, toutefois, que notre travail approfondi sur la loi sur la fin de vie a suscité, tant du côté des parlementaires que du côté de la ministre, un intérêt certain, si j’en juge par la reprise de certaines de nos propositions. De plus, le lancement de la revue Chemins de traverse a permis de renforcer l’image d’ouverture et de production intellectuelles de notre fédération.
450.fm : Quelles avancées majeures avez-vous observées dans le dialogue inter-obédientiel et les relations avec la société civile ?
SZ : Plutôt que des avancées, j’ai constaté un certain recul. Il est de plus en plus difficile, par exemple, de recueillir des signatures communes sur des communiqués. J’ai de plus en plus l’impression d’une séparation entre une maçonnerie mettant en avant une démarche initiatique et une maçonnerie qui se voudrait un « corps intermédiaire ». Cela se voit même au niveau européen où, d’un côté, nous avons l’Alliance Maçonnique Européenne (AME) et, de l’autre, l’Union Maçonnique Libérale Internationale (UMLI). Cela n’empêche pas le dialogue entre les obédiences et entre les Grands Maîtres.
450.fm : En quoi le caractère mixte et international de l’Ordre a-t-il guidé vos choix ?
SZ : J’ai cherché à renforcer les liens qui nous unissent à d’autres fédérations, notamment la fédération belge. La conférence internationale tenue à Strasbourg en 2024 et les rencontres méditerranéennes ont été également l’occasion de développer et de renforcer la coopération entre les fédérations.
Le Saviez-vous ?
Le Droit Humain pratique plusieurs rites maçonniques, dont le Rite Écossais Ancien et Accepté. Son ouverture à la diversité rituelle est l’un de ses atouts identitaires.
Les moments forts
450.fm : Quel moment restera gravé dans votre mémoire ?
SZ : Au printemps dernier, l’épuisement moral et la maladie m’ont conduit à proposer ma démission au Conseil national. La réaction des sœurs et des frères a été extraordinaire et leur soutien plus que fraternel m’a engagé à revenir sur ma décision. C’est pour moi la plus forte émotion de mon mandat.
Emmanuel Macron – Président de la République française
450.fm : Une rencontre ou un échange particulièrement marquant ?
SZ : L’échange avec le Président de la République lors du déjeuner lors de sa visite au Grand Orient de France m’a beaucoup marqué. Mais je n’en dirais pas plus ici.
450.fm : Une tenue ou un événement maçonnique inoubliable ?
SZ : Je garde en mémoire les rencontres méditerranéennes organisées en avril dernier à Marseille. Il s’agissait de réunir nos différentes fédérations, fédérations pionnières et loges pionnières des rives de la Méditerranée autour d’un thème de réflexion. Réunir dans ce contexte des frères et sœurs libanais et un frère israélien fut un grand moment d’espoir et pour moi le signe qu’un début de réconciliation était possible.
Regard vers l’avenir
450.fm : Que souhaitez-vous pour l’avenir du Droit Humain ?
SZ : Un rajeunissement et une orientation plus initiatique, même si la dimension sociétale ne doit pas être négligée.
450.fm : Quels conseils donneriez-vous à votre successeur ?
SZ : D’abord, exposer un projet clair, fixer un cap mais savoir écouter et tenir compte des différentes sensibilités. (Bon courage !)
450.fm : Quels chantiers prioritaires devraient, selon vous, être poursuivis dans l’immédiat ?
SZ : Renforcer l’identité du Droit Humain dans le paysage maçonnique et le rajeunissement de nos effectifs. Le Droit Humain, malgré une histoire forte, n’arrive pas à s’imposer comme première obédience mixte. Quand le GODF devient mixte, on retrouve dans la presse le discours : « enfin, la franc-maçonnerie s’ouvre aux femmes ». C’est ignoré ou sous-estimer non seulement le Droit Humain mais également l’ensemble des obédiences mixtes !
Le rajeunissement de nos effectifs passe par la réponse à la quête de spiritualités des jeunes. Nous ne les séduirons pas par un engagement sur le terrain politique mais par une offre de spiritualité laïque ! Car les jeunes ont un besoin spirituel qu’ils trouvent dans les religions ; en témoignent les nombreux baptêmes d’adultes ou le succès des JMJ mais aussi le développement de l’Islam et des évangélistes chez les jeunes. Alors, à nous francs-maçons de leur offrir une spiritualité ouverte ne les enfermant pas dans une vision conservatrice et communautariste.
Vision sur la franc-maçonnerie
Le futur, l’avenir…
450.fm : Comment percevez-vous l’évolution générale de la franc-maçonnerie en France et dans le monde ?
SZ : Faute de proposer activement une dimension spirituelle, la franc-maçonnerie, considérée dans ses composantes majoritaires, apparaît désuète et inutile dans un monde en pleine mutation. En se profanisant et en voulant devenir un corps intermédiaire, la franc-maçonnerie s’épuise. Quant à la maçonnerie anglo-saxonne, elle apparaît davantage comme un club et est en plein déclin. À nous de réagir et de nous renouveler dans notre approche du monde.
450.fm : Quels défis attendent toutes les obédiences dans les prochaines années ?
SZ : Le vieillissement des effectifs dû à un manque d’attractivité de plus en plus patent auprès des jeunes générations conduit inévitablement à un déclin en termes numériques. Mais le véritable déclin est celui d’un type de sociabilité qui n’a pas su se remettre en question ni offrir aux profanes une spiritualité ouverte.
450.fm : La mixité et l’internationalisme du Droit Humain : atouts et défis ?
SZ : Mixité et internationalisme, quelle modernité toujours à mettre en œuvre. Alors, oui, ce sont de véritables atouts mais aussi un défi dans un monde où les thèses masculinistes s’affichent avec force, où s’affirment un repli des sociétés sur elles-mêmes et une recrudescence du nationalisme.
Conclusion
450.fm : Si vous pouviez adresser un message fraternel à toutes les Sœurs et tous les Frères du Droit Humain…
SZ : Ne vous découragez pas ! Allez de l’avant sans peur et utilisez votre énergie à répandre nos valeurs.
450.fm : … et un mot à la communauté maçonnique au sens large ?
SZ : Unissons nos forces plutôt que de nous diviser.
450.fm : Enfin, après ce mandat, quels sont vos projets, maçonniques ou profanes ?
SZ : Mes projets sont essentiellement profanes avec de nouveaux projets de recherches et des publications à venir. Sur le plan maçonnique, un parcours se termine et il faut laisser la place à celles et à ceux qui sont l’avenir. Mon rôle est désormais celui d’un transmetteur, plus que celui d’un acteur.
L’Aveyron, sur la piste aux trésors : Le Larzac et le rougier de Camarès
C’est ici qu’au XIIe siècle, les Templiers, un ordre créé pendant les premières croisades en Terre Sainte, va installer des bases arrière et mettre en valeur le territoire. Illustration à la Commanderie de Sainte Eulalie de Cernon avec Laurence Fric, du Conservatoire Larzac Templier et Hospitaliers. Puis, nous partons à la Couvertoirade, l’une des cités templières les mieux conservées d’Europe, pour découvrir que les Templiers sur le Larzac avait bien un trésor….
Des templiers qui ont fortement développé l’agropastoralisme encore en place aujourd’hui. Illustration à Roquefort sur Soulzon, la patrie du fameux fromage à pâte persillée. L’occasion d’explorer les fameuses caves d’un petit producteur, Delphine Carles, qui continue de fabriquer son « trésor » à l’ancienne.
Enfin, nous partons survoler l’un des paysages les plus précieux et les plus inattendus de France : le rougier de Camares. En compagnie d’Eric Teissèdre, photographe professionnel, et d’Yves Rouquette, poète écrivain, nous explorons au soleil couchant des terres incandescentes dominées par le magnifique Château de Montaigut.
Cinq ans après, une philosophie de l’engagement et de la transformation
Le 5 août 2020, le philosophe français Bernard Stiegler nous quittait, laissant derrière lui une œuvre riche et provocatrice qui continue d’inspirer les penseurs, les militants et les acteurs du changement à travers le monde. Cinq ans après sa disparition, cet article rend hommage à cet intellectuel hors norme, dont les travaux sur la technique, la mémoire et l’émancipation humaine résonnent profondément avec l’esprit de la franc-maçonnerie, bien qu’il n’ait jamais été membre de cette fraternité initiatique.
À travers une exploration de ses idées, nous mettrons en lumière les parallèles entre sa philosophie et les valeurs maçonniques, notamment dans leur quête commune d’un perfectionnement individuel et collectif face aux défis de la modernité.
Bernard Stiegler : une vie au service de la pensée
Bernard Stiegler au symposium « Technologie, espace, raison : infrastructures de la connaissance dans l’anthropocène » pour le cycle de conférences Histoire et théorie des nouveaux médias le 13 octobre 2016.
Né en 1952, Bernard Stiegler a marqué la philosophie contemporaine par son approche unique, mêlant phénoménologie, anthropologie et critique de la technique. Ancien élève de Jacques Derrida, il forgea une pensée singulière, influencée par son expérience personnelle – notamment ses années d’incarcération dans les années 1970, où il découvrit la philosophie comme un outil de reconstruction. Fondateur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) et du collectif Ars Industrialis, Stiegler consacra sa vie à analyser les impacts de la technologie sur la société et à proposer des alternatives pour une « nouvelle critique de l’économie politique ».
Son œuvre, prolifique et interdisciplinaire, inclut des ouvrages majeurs comme La Technique et le Temps (1994-2001), De la misère symbolique (2004) et Qu’appelle-t-on panser ? (2018-2020). À travers ces travaux, Stiegler interroge la manière dont les technologies façonnent nos modes de pensée, nos relations sociales et notre capacité à « prendre soin » du monde.
Les piliers de la philosophie de stiegler
La Technique comme Pharmakon : Au cœur de la pensée de Stiegler se trouve le concept de pharmakon, emprunté à la philosophie grecque et repris de Platon via Derrida. Le pharmakon désigne à la fois un poison et un remède, une ambivalence que Stiegler applique à la technique. Dans La Technique et le Temps, il soutient que les outils technologiques, des tablettes d’argile aux algorithmes numériques, ne sont ni intrinsèquement bénéfiques ni destructeurs : ils amplifient les capacités humaines tout en pouvant aliéner si leur usage n’est pas maîtrisé. Cette vision dialectique rappelle le rituel du pharmakos grec, où un bouc émissaire était sacrifié pour purifier la communauté, un thème que nous avons exploré dans un précédent article comme résonnant avec les rituels maçonniques de mort symbolique et de renaissance.
La Mémoire et l’Individuation : Stiegler développe l’idée que la technique est une « mémoire extérieure » qui conditionne l’individuation, c’est-à-dire le processus par lequel un individu devient un sujet unique tout en s’inscrivant dans une communauté. Dans De la misère symbolique, il déplore la perte de cette individuation dans une société consumériste où les industries culturelles standardisent les esprits. Cette réflexion fait écho à la démarche maçonnique, qui encourage l’initié à se dépouiller de ses « métaux » (préjugés, passions) pour se construire en tant qu’individu conscient et engagé dans une fraternité universelle.
Prendre Soin et Résistance au Capitalisme Algorithmique : Dans ses derniers travaux, notamment Qu’appelle-t-on panser ?, Stiegler appelle à « prendre soin » de l’humanité face à ce qu’il nomme l’« entropie anthropocène », une dégradation des systèmes sociaux et écologiques causée par un capitalisme numérique débridé. Il propose une économie contributive, où les individus participent activement à la création de savoirs et de pratiques collectives. Cette idée d’un engagement actif pour le bien commun résonne avec les valeurs maçonniques de fraternité et de travail pour l’amélioration de l’humanité.
Parallèles avec l’Esprit de la Franc-Maçonnerie
Bien que Bernard Stiegler n’ait jamais été franc-maçon, sa philosophie partage plusieurs affinités avec l’esprit maçonnique, notamment dans son approche initiatique, son emphasis sur la transformation individuelle et collective, et sa vision d’une société fondée sur la responsabilité et la solidarité.
Une Quête Initiatique : La franc-maçonnerie repose sur des rituels initiatiques où l’individu traverse des épreuves symboliques pour accéder à une compréhension plus profonde de soi et du monde. De manière analogue, Stiegler considérait la philosophie comme une pratique transformative, un processus d’« individuation » qui nécessite un travail constant sur soi. Dans Philosopher par accident (2004), il raconte comment sa période d’incarcération fut une « initiation » philosophique, un moment de rupture et de reconstruction qui rappelle la chambre de réflexion maçonnique, où l’initié médite sur sa propre finitude.
La Fraternité et le Collectif : La franc-maçonnerie promeut une fraternité universelle, un idéal d’unité et de coopération transcendant les frontières. Stiegler, à travers Ars Industrialis, militait pour des communautés de savoir contributives, où les individus collaborent pour contrer la « prolétarisation » (perte de savoir-faire et de savoir-vivre) induite par les technologies capitalistes. Cet appel à la coopération intellectuelle et sociale fait écho à l’engagement maçonnique pour construire une société plus juste, comme illustré par les travaux du Convent de Lausanne, qui cherchait à unifier les pratiques du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Le Pharmakon et le Symbolisme Maçonnique : Le concept de pharmakon chez Stiegler trouve un parallèle dans le symbolisme maçonnique, où les outils (équerre, compas) sont à la fois des instruments pratiques et des symboles de transformation. Comme le pharmakon, ces outils peuvent être utilisés pour construire ou détruire, selon l’intention de l’utilisateur. De même, le pharmakos grec, avec sa dualité sacré/impur, peut être comparé à l’initié maçonnique, qui doit « mourir » symboliquement pour renaître transformé, un thème exploré dans des ouvrages comme La Symbolique maçonnique de Jules Boucher (1948).
L’Engagement Éthique : Stiegler insistait sur la nécessité de « prendre soin » face à la disruption technologique, une démarche éthique qui résonne avec le devoir maçonnique de travailler à l’amélioration de l’humanité. Dans Les Francs-Maçons et leur philosophie (2005), Daniel Beresniak souligne que la maçonnerie n’est pas une fin en soi, mais un moyen de construire une société plus harmonieuse, un objectif que Stiegler poursuivait à travers ses propositions d’une économie contributive.
L’Héritage de Stiegler en 2025
Cinq ans après sa mort, l’héritage de Bernard Stiegler reste plus pertinent que jamais. Face à l’accélération des technologies numériques, de l’intelligence artificielle et des crises écologiques, sa philosophie offre un cadre pour penser la responsabilité humaine dans un monde en mutation. Son appel à une « bifurcation » – un changement radical de paradigme économique et social – continue d’inspirer des initiatives comme celles de l’IRI ou du mouvement des « Territoires en transition ».
En parallèle, la franc-maçonnerie, avec des événements comme la célébration du 150e anniversaire du Convent de Lausanne en septembre 2025, continue de promouvoir une réflexion sur les valeurs universelles dans un monde en crise. Bien que Stiegler n’ait pas été maçon, son insistance sur la nécessité d’une pensée critique et collective face à la technique fait écho à l’esprit maçonnique, qui invite ses membres à « tailler leur pierre » pour contribuer à un édifice commun.
Bernard Stiegler nous a quittés il y a cinq ans, mais ses idées continuent d’éclairer notre compréhension des défis contemporains. Sa vision du pharmakon, de l’individuation et du « prendre soin » partage avec la franc-maçonnerie une ambition commune : celle de transformer l’individu et la société à travers une démarche réfléchie et éthique.
En ce début août 2025, rendons hommage à ce penseur visionnaire en poursuivant son appel à construire un avenir où la technique, loin d’être un poison, devient un remède pour une humanité plus consciente et solidaire.
Références :
Stiegler, Bernard. La Technique et le Temps, 1 : La faute d’Épiméthée. Galilée, 1994.
Stiegler, Bernard. De la misère symbolique. Galilée, 2004.
Stiegler, Bernard. Qu’appelle-t-on panser ?. Les Liens qui Libèrent, 2018-2020.
Stiegler, Bernard. Philosopher par accident. Galilée, 2004.
Boucher, Jules. La Symbolique maçonnique. Dervy, 1948.
Beresniak, Daniel. Les Francs-Maçons et leur philosophie. Dervy, 2005.
Burkert, Walter. Structure and History in Greek Mythology and Ritual. University of California Press, 1979.
La Goliath Expedition est le tour du monde à pied commencé par Karl Bushby, un aventurier britannique né le 30 mars 1969 à Hull, en Angleterre. Ce trek ambitieux part de Punta Arenas au Chili, jusqu’à sa maison à Kingston upon Hull, en Angleterre, soit environ 58 000 kilomètres. Initié le 1er novembre 1998, ce voyage devait initialement s’achever en 2014, mais des obstacles multiples ont prolongé cette odyssée à plus de 27 ans, l’entreprise étant encore en cours en août 2025. En mars 2006, Bushby et l’aventurier français Dimitri Kieffer ont franchi le détroit de Béring à pied, traversant une section gelée de 90 kilomètres en quinze jours.
Parti d’Amérique du Sud, il a suivi le soleil vers l’Ouest et revient vers son Angleterre natale.
Karl Bushby a également raconté cette épopée dans son livre Giant Steps, dont la première édition est parue en 2005. Ce périple, bien au-delà d’une simple prouesse physique, s’apparente à un voyage initiatique, partageant des similitudes profondes avec le célèbre Chemin de Compostelle, un autre parcours chargé de symbolisme et de transformation personnelle.Une Odyssée à Pas Ininterrompus
Une odyssée à pas ininterrompus
Karl Bushby, ancien parachutiste de l’armée britannique ayant servi onze ans au 3e bataillon des parachutistes, a débuté sa Goliath Expedition avec une règle stricte : avancer uniquement à pied, sans recours à aucun autre moyen de transport, et ne rentrer chez lui qu’en marchant. Parti de Punta Arenas, il avait parcouru plus de 17 000 miles (27 000 km) d’ici 2006, traversant l’Amérique du Sud, centrale et du Nord. Initialement, il estimait rentrer à Hull d’ici 2012, mais des défis logistiques, politiques et climatiques ont repoussé cet horizon. Parmi les étapes marquantes, la traversée du détroit de Béring en 2006, réalisée avec Dimitri Kieffer, reste un exploit historique, nécessitant une route détournée de 240 km sur la glace en quatorze jours pour franchir les 93 km du détroit.
Les difficultés se sont multipliées avec les autorités russes, qui l’ont arrêté près du village d’Uelen pour entrée illégale, menaçant de mettre fin à son aventure. Grâce à une intervention diplomatique impliquant John Prescott, alors vice-Premier ministre britannique, et Roman Abramovich, gouverneur de Tchoukotka, Bushby a pu continuer. Cependant, les restrictions de visa (90 jours tous les 180 jours) et les conditions de la toundra, praticable uniquement en hiver sur les rivières gelées, ont ralenti sa progression. Entre 2008 et 2010, il s’est réfugié au Mexique pour des raisons financières, perdant des sponsors lors de la crise de 2008. Reprenant en 2011, il a atteint Srednekolymsk après 1 100 km, mais un nouveau refus de visa en 2012, suivi d’une interdiction d’entrée en Russie jusqu’en 2018, l’a forcé à marcher 4 800 km de Los Angeles à Washington pour plaider sa cause. En 2014, la Russie a finalement levé l’interdiction, lui permettant de reprendre via la Mongolie (2017), l’Ouzbékistan (2019) et une pause à la frontière turkméno-iranienne en raison de la pandémie de COVID-19.
compostelle
En août 2024, face aux tensions géopolitiques, Bushby a innové en traversant la mer Caspienne à la nage sur 288 km en 31 jours avec Angela Maxwell et deux nageurs azerbaïdjanais, avant de rejoindre la Turquie et d’entrer en Europe via le Bosphorus. En juin 2025, il se trouve au Mexique, attendant un visa turc pour reprendre en août, avec un retour espéré à Hull en 2026.
Un voyage initiatique : parallèles avec le chemin de compostelle
Le périple de Bushby transcende l’exploit sportif pour s’apparenter à un voyage initiatique, un thème central partagé avec le Chemin de Compostelle. Ce pèlerinage, qui attire des milliers de marcheurs vers la tombe de Saint-Jacques à Santiago de Compostela, est depuis des siècles un parcours de transformation intérieure, où les épreuves physiques mènent à une renaissance spirituelle. De même, la Goliath Expedition, avec ses 27 années d’endurance face à des obstacles naturels (déserts, toundras, mers gelées) et humains (bureaucratie, conflits), offre à Bushby une quête de sens et d’identité.
Karl Bushby
Le Chemin de Compostelle impose une rupture avec la vie quotidienne, un dépouillement symbolisé par le bâton et la coquille, que Bushby réinvente avec son chariot « The Beast », contenant tout son équipement. Comme les pèlerins, il avance pas à pas, confronté à l’isolement et à l’hostilité des éléments, mais aussi à la solidarité des rencontres, qu’il décrit comme une source d’espoir dans Giant Steps. La traversée de la Bering Strait, un passage périlleux entre deux mondes (Amérique et Asie), évoque les étapes symboliques du Camino, comme le col de Roncevaux, où les marcheurs laissent derrière eux leurs anciens moi.
De plus, les retards imposés par les visas russes ou la pandémie reflètent les épreuves imprévues du pèlerinage, où la patience et la résilience sont mises à l’épreuve. Bushby lui-même a évoqué dans des interviews l’idée que marcher lui permet de « connaître le monde de l’intérieur », une expérience introspective proche de la méditation des pèlerins cherchant l’illumination. Sa décision de nager la Caspienne pour contourner les dangers géopolitiques illustre une adaptation créative, comparable à la flexibilité des pèlerins face aux aléas du Camino.
Une odyssée universelle
Karl Bushby
À 27 ans de voyage, la Goliath Expedition est bien plus qu’une tentative de record. Elle incarne une quête initiatique où chaque pas est une méditation, chaque obstacle une leçon. Comme le Chemin de Compostelle, qui unit des marcheurs de toutes origines sous un même idéal spirituel, le périple de Bushby tisse un lien humain à travers les continents, reliant des cultures par l’effort partagé.
En attendant son retour à Hull en 2026, cette aventure reste un témoignage vivant de la capacité humaine à transcender les limites, dans un esprit qui résonne avec les valeurs universelles de persévérance et de transformation portées par les grands chemins initiatiques.
Ils avancent drapés de noir, silhouettes sobres et dignes. Pingouins d’apparat, juges du symbole, non du fait. Ici, au Barreau du Zénith, on ne condamne pas : on interroge les mythes. Le silence précède le cri. La glace enveloppe le feu du doute. Et c’est dans cette lumière oblique que le rituel commence.
I. PRÉAMBULE : “J’ACCUSE”
Messieurs les Juges, Vénérables Frères et Sœurs, Je prends la parole non pour relater le mythe, mais pour interroger l’oubli qu’il contient. J’accuse ! J’accuse la tradition d’avoir condamné trois compagnons sans preuve, sans témoin, sans cri.
Le rituel nous offre une tragédie splendide, mais il refuse le doute, pourtant, le doute est la lumière du maçon. Je ne défends pas l’erreur. Je défends l’humanité symbolique. Et je demande la réhabilitation de ces compagnons que nous avons jugés trop vite, trop bien, trop parfaitement. Mais ce soir, je plaide pour les compagnons. Car ce que nous avons jugé comme crime… n’est peut-être qu’humanité.
II. LES OUTILS DU MEURTRE : SYMBOLES DÉTOURNÉS.
Les outils du crime : détournement des emblèmes sacrés
Messieurs les Juges, Dans le box des accusés, trois instruments que l’on croyait au-dessus de tout soupçon :
La règle : droite, précise, incorruptible. Elle trace les contours du monde juste… mais ici, elle devient lame. Tranchante, muette, sans impact visible. On l’accuse d’avoir frappé, mais nul sang, nul éclat, nul témoin.
Le levier : serviteur de la matière, outil des bâtisseurs. Il soulève les pierres, libère les charges… mais dans le récit, il frappe à la nuque. Pourtant, Hiram ne tombe pas. Il continue sa course, comme si le symbole refusait d’obéir à l’intrigue.
Le maillet : marteau de la maîtrise, geste du commandement. C’est lui, dit-on, qui donne le coup fatal. Mais où est le drame ? Aucune scène, aucun regard, aucune preuve que le geste ait existé.
Et pourtant, ces trois objets, ces trois emblèmes du métier, deviennent ici les piècesmaîtresses de l’accusation.
Mais peut-on croire que la règle tue ? Que le levier assassine ? Que le maillet exécute sans que le Temple lui-même ne tremble ?
“Ces outils ne sont pas des armes. Ce sont des symboles. Et nul symbole ne tue.”(1)
Et surtout :
Aucun cri. Aucune plainte. Aucun bruit.
Le Temple, au moment du geste supposé fatal, demeure parfaitement silencieux. Le Septentrion ne frémit pas. Aucun garde n’est alerté. Le silence n’est pas vide, il est le quatrième compagnon. Celui qui voit, mais ne dit rien. Celui qui assiste, mais ne témoigne jamais.
Ce silence, sacré ou complice, défie la logique et installe le doute. Et peut-être que là, dans ce vide sonore, le rituel s’est protégé du vrai.
III. LES FAILLES DU RÉCIT : UNE CHORÉGRAPHIE TROP PARFAITE
Trois portes. Trois coups. Trois blessures.
Hiram ne se défend pas. Les compagnons s’enfuient.
Et surtout : chaque fuite se fait par une porte dérobée différente.
Nord. Orient. Occident.
Ces portes ne sont pas des issues : ce sont des failles. Et par ces failles, Hiram s’éloigne du Temple, pour entrer dans le désert.
Le Temple se referme. Le rituel ne poursuit pas. Ce n’est pas une enquête. C’est une évacuation symbolique. Et le maître s’efface dans un couloir que le mythe refuse de cartographier.
IV. LE DÉSERT : THÉÂTRE DU BURLESQUE SACRÉ
Alors débute la quête nocturne :
Des maîtres creusant à mains nues.
Un acacia qui pousse en une nuit.
Un chien qui hurle dans le silence du sable.
Un cri : “Makbénach !”, qui n’est pas un mot, mais une exclamation.
Puis… le corps d’Hiram.
Mais qui l’a amené là ? Personne ne sait. Il n’est pas porté. Il n’est pas suivi. Il apparaît.
Le désert ne reçoit pas un cadavre. Il accueille un symbole en ruine.
Le visage est effacé. La chair a quitté les os. Et le cri reste sans écho.
Le silence continue et renforce la scène, comme une mise en abyme du rituel qui se tait.
V. LES COMPAGNONS : FIGURES HUMAINES, NON CRIMINELLES
Ils sont imparfaits, oui :
Ignorants.
Fanatiques.
Ambitieux.
Mais ils ne tuent pas. Ils cherchent. Ils tâtonnent. Ils fuient, oui mais leur fuite ouvre le chemin initiatique.
Et ce silence qui les accompagne n’est pas leur châtiment, mais leur dévoilement. Ce ne sont pas des assassins. Ce sont nos fragments intérieurs, ceux que le rituel désigne… pour qu’on les reconnaisse.
VI. CONCLUSION : RÉHABILITER LE MYTHE PAR LE DOUTE
Messieurs les Juges, Ce mythe est trop parfait pour être crédible. Mais il est assez absurde pour être initiatique.
Et dans ce rire discret, ce sourire en coin du rituel, se cache la vérité :
Le mythe ne se raconte pas. Il se questionne.
La légende d’Hiram, dans sa grandeur tragique, n’échappe pas à l’ombre du burlesque. Et c’est peut-être là, dans ce silence trop parfait, dans ce cri sans alarme…
Je ne plaide pas pour l’oubli. Je plaide pour la réintégration. Que les compagnons soient vus non comme des criminels, Mais comme des porteurs involontaires de la quête. Et que le silence, figure invisible et impitoyable, soit reconnu comme acteur principal.
Acquittement demandé : Pour les compagnons. Pour le mythe. Pour nous.
Maillet de la justice
P.S. Nota Bene pour ceux qui croient à un mélodrame judiciaire
Ne vous y trompez pas. Ce texte n’est pas une saynète (Courte pièce comique avec peu de personnages). Il est une controverse rituelle, déguisée en farce pour mieux réveiller les sens.
Les pingouins du Barreau du Zénith n’ont pas l’humour facile. Mais ils savent que derrière chaque rire, chaque silence, chaque oubli, se cache la parole perdue, celle qu’on ne retrouve jamais tout à fait, sauf dans le doute.«Nul symbole ne tue » souligne que la violence ne vient pas intrinsèquement des symboles, mais de l’usage que l’on en fait. Elle nous invite à faire preuve de vigilance quant à la manière dont nous interprétons et utilisons ces représentations, pour construire un monde plus tolérant et pacifique.
La vérité géométrique ne se mesure pas, mais se découvre dans le cœur en mouvement.
À cette œuvre symbolique déjà magnifiquement esquissée par d'autres, je viens ajouter ma pierre à l'édifice.
Depuis les origines de la pensée symbolique, la quadrature du cercle fascine autant qu’elle interroge. Énigme mathématique, défi géométrique, mais surtout symbole mystique majeur, elle ouvre une porte secrète entre la Terre et le Ciel, entre la forme et le sens, entre l’homme et le divin.
Car résoudre cette quadrature, ce n’est pas plier l’univers à des lois rigides, mais percevoir le mouvement caché au cœur des formes.
Le Carré
La structure du Monde et de l’Homme
Le carré, figure stable et immobile, est le premier socle sur lequel s’élève toute construction, matérielle comme spirituelle. Par ses quatre côtés égaux et ses angles droits, il manifeste la loi de l’équilibre, de la mesure, de la structure. Il est la forme géométrique de la Terre, du bâti, de ce qui repose et porte.
Dans toutes les traditions, le carré est le fondement de l’univers visible, le symbole des quatre piliers du monde. Il évoque à la fois l’ordre de la nature et celui de l’homme incarné :
Les quatre éléments : Terre (la forme), Eau (la vie), Air (le souffle), Feu (l’être).
Les quatre directions cardinales : Est, Sud, Ouest, Nord, qui définissent l’espace sacré du temple intérieur.
Les quatre phases du cycle : naissance, croissance, maturité, mort, ou plutôt transformation.
Les quatre lettres du Nom sacré (Yod-He-Vav-He) dans leur carré d’incarnation.
Et surtout, le carré peut être lu comme l’expression des quatre dimensions de l’Être humain :
Corpus, le corps, matière incarnée, temple vivant.
Animus, l’âme affective, le souffle des émotions.
Spiritus, l’esprit pensant, le feu des idées et de la volonté.
Essen, l’essence, le germe divin, ce qui relie l’homme à la Source.
Ce carré est donc l’image complète de l’homme en son état terrestre, incarné mais encore fragmenté, structuré mais non unifié.
Mais tant que ce carré reste figé, il est matière sans esprit, structure sans vie, ordre sans souffle. Il est le temple sans lumière, l’édifice construit selon les mesures, mais où rien ne chante.
Il est l’homme qui vit sans centre, sans verticalité, sans appel vers l’Un.
L’édifice est là, mais le verbe n’a pas encore été prononcé.
Or, tout change lorsque l’on cherche le centre du carré.
Ce centre caché, invisible mais essentiel, est le lieu du retournement. Il est le cinquième point, la quintessence, l’étoile au milieu de la croix.
Il est ce que le Tao appelle le Non-agir au cœur de l’action, ce que le kabbaliste nomme Tipheret au centre des six directions, ce que l’alchimiste appelle l’Œuf philosophique, où tout est contenu en puissance.
Trouver ce centre, c’est se souvenir que la matière n’est pas une prison, mais un réceptacle. Que la structure n’est pas une fin, mais un support pour l’Esprit.
Et lorsque ce centre est éveillé, une force silencieuse se déploie : le carré entre en mouvement, et dans cette danse sacrée autour de son propre cœur, il devient cercle vivant.
La matière s’anime. Le temple devient une spirale. Le monde devient verbe.
Le carré devient cercle, quand l’homme cesse de vivre aux bords de lui-même et revient au centre.
Car au cœur du carré, se cache un point invisible : la Quintessence, l’Éther, le germe de vie, le Souffle créateur.
Et si l’on met le carré en rotation autour de ce centre, alors… il devient cercle.
Du Carré au Cercle
Le mouvement de la conscience autour du centre
Lorsque l’homme découvre le centre caché en lui, ce point immobile autour duquel tout peut tourner sans se perdre, une métamorphose devient possible.
Le carré, jusque-là figé dans sa stabilité rigide, se met en mouvement. Il ne se détruit pas, il s’ouvre. Il ne renie pas sa structure, mais la transfigure.
Car c’est le mouvement qui engendre la vie. Et c’est autour du centre, non contre lui, que cette vie devient Création.
Le carré qui tourne devient cercle : non plus limite, mais rayonnement. Non plus séparation des bords, mais unité centrée.
Le Cercle
L’Esprit qui emplit la forme
Le cercle est la figure par excellence de l’infini, du Ciel, du temps cosmique et de la loi divine. Il est le retour perpétuel au Centre, le flux éternel, la sphère du Soi accompli.
Lorsqu’il naît du carré en mouvement, ce cercle n’est pas un simple contour : il est la danse de l’Être autour de son Essence. Il symbolise l’homme qui a reconnu la lumière en lui et qui fait de sa vie un rayonnement à partir de ce foyer.
La Vie : L’Esprit en mouvement dans la matière
Ainsi, la quadrature du cercle ne se résout pas par des instruments de géométrie, elle se résout par la Vie. C’est la Vie, en tant que souffle, mouvement, rythme, circulation, qui permet à la forme de s’ouvrir au sens, à la matière d’accueillir l’esprit.
Le carré est le monde. Le centre est l’âme. Le mouvement est la vie. Le cercle est la création accomplie.
L’homme qui vit selon cette dynamique devient le trait d’union entre l’infini et le fini. Il marche sur la Terre, mais son cœur bat au rythme du Ciel. Il est Temple en mouvement, axe vivant entre haut et bas, vertical dans l’horizontalité.
Un Art de Vivre Centré
Le passage du carré au cercle est plus qu’un symbole : c’est une invitation spirituelle.
Nous sommes tous nés carrés : avec des formes, des rôles, des limites, des peurs. Mais nous sommes appelés à devenir cercles : vivants, vibrants, ouverts, reliés.
Et ce passage n’est pas une fuite hors de la matière :
C’est la mise en mouvement de l’Esprit dans la forme, C’est la musique silencieuse qui fait vibrer la géométrie, C’est la danse de l’âme autour de sa Source.
Ne cherche pas à enfermer le Divin dans la forme. Fais de ta forme une offrande vivante autour du Centre. Et tu verras que le carré devient cercle, Que la matière devient lumière, Et que le monde devient Verbe.
La Création
Danse de l’Esprit dans la Matière
Au cœur du mystère de l’Être, l’homme est semblable au carré : une structure précise, polarisée, ancrée dans la densité du monde manifesté. Il est limité par les frontières de sa chair, par les lois du temps, de la gravité, de la dualité. Il vit dans l’espace quadrillé de ses habitudes, de ses croyances, de ses peurs.
Et pourtant… Quelque chose en lui se souvient du cercle.
Ce souvenir prend la forme d’une aspiration, d’un manque, d’une blessure parfois. L’homme sent confusément qu’il n’est pas complet. Il pressent qu’au centre de sa géométrie figée, se cache un feu invisible, un point de lumière : l’Amour.
Car c’est l’Amour qui met en mouvement. C’est lui qui fait tourner le carré autour de son propre centre. C’est lui, ce souffle invisible qui pousse l’homme à chercher, à douter, à se dépasser, à tendre vers ce qu’il ne connaît pas encore, mais qu’il devine comme vrai.
L’Amour : Force de rotation et de réintégration
L’Amour véritable, celui qui ne prend pas mais qui donne, n’est pas une émotion. Il est une loi de gravitation intérieure, un élan de réintégration, une force spiralaire qui ramène tout ce qui est séparé vers l’Un.
Quand l’homme aime, vraiment, il tourne autour de son centre. Il cesse de vivre en périphérie de lui-même. Il ne fuit plus. Il ne résiste plus. Il entre dans le rythme de la Vie.
Ce mouvement circulaire n’est pas une fuite vers le haut, ni un rejet du monde : c’est une offrande vivante. C’est le Souffle qui épouse la forme, c’est le Divin qui épouse l’humain.
Dans cette danse sacrée, le Moi se dissout peu à peu. Il ne disparaît pas, mais il devient transparent. Il cesse d’être un obstacle. Il devient passage. Et le cercle se révèle.
Le Cercle comme fruit de l’Amour en mouvement
Lorsque le carré se met à tourner par Amour autour de sa propre essence, alors la forme se fait fluide, le temps devient spirale, et la création prend sens.
Le cercle est le fruit de ce mouvement sacré : Il est la conscience qui a retrouvé son axe, l’être qui ne se croit plus séparé, l’âme qui rayonne à partir de son feu intérieur.
C’est là que réside le vrai mystère :
Le monde n’a pas été créé par une loi, mais par un mouvement d’Amour.
Non une volonté de posséder, mais un élan de don. Non une idée fixe, mais une spirale d’intelligence vivante.
Le Verbe s’est fait chair, non pour s’y enfermer, mais pour y danser, comme une flamme dans le vent, comme un cœur qui bat dans le silence du monde.
Danser dans la Matière : Une voie d’unification
Ainsi, la Vie elle-même est cette danse : ce balancement entre polarités, ce tournoiement du carré autour du Centre, ce cercle qui naît et renaît dans chaque instant éveillé.
Et plus encore :
Ce mouvement n’est pas simplement la Vie :
Il est l’Amour. Et l’Amour est le véritable moteur de toute transmutation.
L’homme qui aime devient cosmos. L’homme qui aime devient cercle, non par perfection extérieure, mais parce que tout en lui se met à vibrer autour de l’Essentiel.
La matière, alors, n’est plus prison. Elle devient partenaire du Divin, instrument de louange silencieuse, harpe sacrée que l’Esprit touche dans le secret.
Quand tu aimeras sans attendre, Quand tu donneras sans compter, Quand tu vivras depuis ton centre, Alors tu verras le cercle naître en toi. Et tu sauras que la Création n’est pas une construction, Mais une danse et que cette danse, c’est l’Amour.
Là où le Cœur se met à chanter
Et si tout naissait d’un frisson, D’un chant discret, d’une vibration, Qui, loin des dogmes et des lois, Ranime en nous l’Amour, le vrai, le Roi ?
Non dans l’effort ou la tension, Mais dans l’élan, dans l’intention De vivre au centre de soi-même, Là où l’on aime… sans dire « je t’aime ».
Car quand le cœur devient autel, Que l’on s’y tient comme au ciel, La forme s’ouvre, la vie circule, Et le carré devient souffle qui ondule.
Un cercle doux, fluide et dansant, Autour d’un centre incandescent. Le monde alors n’est plus prison, Mais un poème en floraison.
Ce n’est pas l’ordre ni la loi Qui font vibrer la Vie en soi, Mais le mystère d’un feu discret Qui tourne en rond… et nous recrée.
Cherche donc ce qui fait chanter Ton cœur secret, ton verbe sacré. Ce qui t’éclaire, ce qui t’élève, Ce qui t’enlace et te soulève.
Et laisse l’Amour, tel un soupir, Te faire tourner et vibrer sans fuir. Car dans ce cercle en expansion, C’est Dieu qui prend incarnation.
Là où ton cœur devient lumière, Là où l’Amour dissout les pierres, Là tu deviens à l’image du Créateur Temple vivant, semeur de lueurs.
Les « crimes rituels » au Gabon, caractérisés par des meurtres accompagnés de mutilations et de prélèvements d’organes, constituent un phénomène social troublant qui continue de susciter peur, débat et indignation dans ce pays d’Afrique centrale. Bien que souvent associés à des pratiques occultes ancrées dans des croyances précoloniales, ces actes criminels se sont transformés au fil du temps, s’inscrivant dans un contexte moderne où politique, pouvoir et mysticisme se mêlent de manière complexe.
Cet article explore les origines, les dynamiques et les implications de ces pratiques, en s’appuyant sur diverses sources académiques, médiatiques et témoignages locaux.
Une définition controversée
Le terme « crime rituel » désigne des meurtres commis dans un cadre ésotérique, souvent motivés par des croyances mystiques liées à la sorcellerie ou à la recherche de pouvoir, de richesse ou de protection spirituelle. Selon The Conversation, ces actes impliquent un « triangle criminel » composé d’un commanditaire, d’un sorcier et d’exécutants, où des organes spécifiques – tels que les yeux, la langue, les organes génitaux ou le sang – sont prélevés pour être utilisés dans des rituels visant à assurer la réussite sociale, politique ou économique. Jean-Elvis Ebang Ondo, président de l’Association de lutte contre les crimes rituels (ALCR), recense dans son Manifeste contre les crimes rituels au Gabon (2010) les parties du corps les plus prisées, surnommées localement « pièces détachées », pour leur prétendue capacité à conférer du pouvoir ou de la chance.
Cependant, l’expression « crime rituel » est controversée. Les adeptes du bwiti, un rite initiatique traditionnel gabonais, dénoncent une stigmatisation de leur spiritualité, arguant que le terme « rituel » associe à tort ces pratiques criminelles à leurs croyances. Cette ambiguïté sémantique reflète la complexité du phénomène, qui mêle héritage culturel, désordres sociaux et instrumentalisation politique.
Racines historiques et transformations modernesBien que les racines des crimes rituels plongent dans la période précoloniale, où certaines pratiques sacrificielles étaient liées à des cultes animistes, leurs modalités ont considérablement évolué. Selon Wikipédia, l’émergence des crimes rituels modernes au Gabon remonte aux années 1970, avec une influence croissante de croyances ésotériques importées du Cameroun, du Congo ou du Nigeria, comme celle des « enfants sorciers » popularisée par les Églises évangéliques. Ces croyances, amplifiées par la colonisation et l’introduction du capitalisme néolibéral, se sont intégrées à un contexte de désordres sociaux et politiques, exacerbant les pratiques occultes.
Dans les années 1980, les crimes rituels se sont cristallisés comme une forme de « sacrifice moderne », où les victimes sont perçues comme des « corps-matières fortes » destinées à alimenter des objets de pouvoir ou « fétiches ». Cette perception s’inscrit dans une logique où le corps humain devient une ressource symbolique pour accéder au pouvoir ou à la réussite, une croyance renforcée par l’instabilité politique et les luttes pour le contrôle des ressources après l’indépendance du Gabon en 1960.
Eddy Minang
Une dimension politique et socialeLes crimes rituels sont souvent liés aux élites politiques gabonaises. Eddy Minang, magistrat et auteur de Les crimes rituels au Gabon : approche criminologique et judiciaire du phénomène, affirme que 98 % des commanditaires présumés appartiennent au monde politique, utilisant ces pratiques pour consolider leur pouvoir ou réussir dans les affaires. Cette connexion est particulièrement visible lors des périodes électorales ou des transitions politiques, comme en 2009 après la mort d’Omar Bongo, lorsque l’UNICEF a rapporté une multiplication par trois des crimes rituels.
L’impunité des commanditaires est un problème majeur. Malgré des arrestations, comme dans l’affaire du sénateur Gabriel Eyeghe Ekomie en 2009, aucun commanditaire de haut rang n’a été condamné, alimentant un sentiment d’injustice et de méfiance envers les institutions. Jean-Elvis Ebang Ondo, dont le fils de 12 ans a été victime d’un crime rituel en 2005, dénonce cette « mafia du crime » organisée, qui profite des périodes de bouleversement politique pour agir en toute impunité.
Une psychose sociale amplifiée par les médias
André Ngoua
Les crimes rituels alimentent une psychose collective au Gabon. La découverte de corps mutilés, comme celui de la fillette Yollye Babaghéla en 2013, ou d’André Ngoua en 2023, suscite l’effroi et la colère. Les réseaux sociaux ont amplifié ce phénomène, relayant des rumeurs d’enlèvements et créant des légendes urbaines, comme celle de la « voiture noire » qui ciblerait les enfants à la sortie des écoles. En 2012, le documentaire Les organes du pouvoir diffusé par Canal+ a choqué l’opinion publique en révélant les pratiques brutales des féticheurs, qui insistent sur la nécessité de la souffrance des victimes pour garantir l’efficacité des rituels.
Ali Bongo
Cette médiatisation a contraint les autorités à réagir. En 2013, le président Ali Bongo a ordonné des mesures pour enrayer le phénomène, bien que celles-ci soient souvent jugées insuffisantes. L’ALCR, soutenue par des organisations internationales comme l’ambassade américaine et l’ONG lyonnaise Agir ensemble pour les droits de l’homme, milite pour une réforme du Code pénal, l’aggravation des sanctions et la formation de médecins légistes pour améliorer les enquêtes.
Initiatives et défis pour enrayer le phénomène
Plusieurs initiatives ont été lancées pour lutter contre les crimes rituels. En 2005, l’UNESCO a organisé un colloque régional à Libreville pour identifier les causes sociales et culturelles de ces pratiques et promouvoir des stratégies de prévention. Jean-Elvis Ebang Ondo appelle à une campagne de sensibilisation permanente et à l’indépendance de la justice pour mettre fin à l’impunité. Des propositions d’amendements au Code pénal, incluant l’imprescriptibilité des crimes rituels, sont également en discussion.
Cependant, les défis restent nombreux. L’absence de statistiques fiables, les incohérences dans les données de l’ALCR et les démentis des autorités compliquent l’évaluation de l’ampleur du phénomène. De plus, la peur et les tabous culturels entravent les enquêtes, tandis que la stigmatisation des pratiques traditionnelles comme le bwiti alimente les tensions communautaires.
Un défi pour la société gabonaise
Les crimes rituels au Gabon, bien que profondément enracinés dans des croyances précoloniales, sont un phénomène résolument moderne, exacerbé par les luttes de pouvoir, l’instabilité sociale et l’influence de croyances extérieures. Leur persistance, malgré les efforts de sensibilisation et les pressions internationales, souligne l’urgence d’une réforme judiciaire et d’une mobilisation collective pour briser le cycle de l’impunité. Comme le souligne Jean-Elvis Ebang Ondo, la lutte contre ces pratiques nécessite non seulement des actes concrets de la part des autorités, mais aussi un changement culturel profond pour restaurer les valeurs de solidarité et de justice dans la société gabonaise.
En 2025, alors que le Gabon traverse une transition politique sous la présidence du général Brice Oligui Nguema, l’espoir d’une action décisive contre les crimes rituels repose sur une volonté politique renouvelée et une société civile déterminée à lever le voile sur ce fléau. Pour en savoir plus, des sources comme The Conversation et les travaux d’Eddy Minang offrent des analyses détaillées de ce phénomène complexe.
Références :
The Conversation, « Les crimes rituels au Gabon : un phénomène moderne », 3 août 2025
Wikipédia, « Crimes rituels au Gabon », 16 juillet 2025
Gabonactu.com, « Les crimes rituels au Gabon : approche criminologique et judiciaire du phénomène », 20 juillet 2024
Theses.fr, « Le crime rituel en droit pénal gabonais », 7 mai 2023
Jeune Afrique, « Gabon : crimes rituels, le prix du sang », 28 mai 2013
Franceinfo, « ‘Ils font disparaître les corps’ : la peur des crimes rituels reste vivace au Gabon », 7 février 2020
Le Point, « Au Gabon, la psychose des crimes rituels ravivée par les réseaux sociaux », 16 avril 2013
Centre d’Action Laïque, « Crimes rituels au Gabon : la fin du silence des agneaux », 2 octobre 2014
RFI, « Gabon : le président de l’Association de lutte contre les crimes rituels tire la sonnette d’alarme », 30 septembre 2023
Pour les croyants, et en particulier dans la religion chrétienne, le mystère désigne le plan divin de salut conçu par Dieu de toute éternité, révélé par Jésus-Christ. Chacun connaît la phrase de la liturgie catholique « il est très grand le mystère de la Foi ». La notion de mystère a été développée dans le christianisme en rapport avec une conception néotestamentaire et plus particulièrement paulinienne du mystère – c’est-à-dire inspirée de la pensée de Saint-Paul selon laquelle le mystère s’identifie avec la révélation de Dieu en Jésus-Christ et la résurrection de ce dernier.
Ce n’est pas de ce mystère-là que l’Apprenti Franc-maçon est en quête, au moins dans la spécificité de la démarche qu’il entreprend en étant initié.
En fait, ce n’est aujourd’hui aucune de ces deux acceptions du mot « mystère » que nous allons explorer. Remarquons que ce mot « mystère » est au singulier, ce qui le différencie du mot « mystères » qui désigne un enseignement mystique, caché à ceux qui n’y sont pas initiés.
Il nous faut donc commencer par définir ce qu’est un enseignement mystique. L’adjectif « mystique » qualifie les pratiques et les croyances visant à une union entre l’homme et la divinité. Il sert à qualifier ou à désigner des expériences spirituelles de l’ordre du contact ou de la communication avec une réalité transcendante non discernable par le sens commun.
Pour Corbin et Scholem, il existe bien deux histoires : l’histoire quotidienne, apparente, qui déplie son canevas d’événements sous nos yeux, et l’histoire sacrée, invisible, qui agit sur un autre plan de la réalité, celui de l’âme :
« Le symbole mystique est la représentation exprimable de quelque chose qui se trouve au-delà de la sphère d’expression et de communication, quelque chose qui vient d’une sphère dont la face est, pour ainsi dire, tourné à l’intérieur et en dehors de nous. »
« Mystique » vient de l’adjectif grec μυστικός (mustikos). C’est un mot de la même famille que le verbe μυέω (muéô) qui signifie « initier, enseigner », d’où dérive aussi, bien sûr, le nom μυστήριον (mustérion) qui a donné « mystère ». Mais ce verbe μυέω (muéô) dérive lui-même du verbe μύω (múô), qui veut dire fermer, clore. C’est ce qui signifie « travailler à couvert » ou encore « enfermons nos secrets dans un lieu sûr et sacré »…
Evoquons ici une célébration empreinte de spiritualité, en même temps qu’une expérience initiatique, l’accès à des enseignements de l’ordre du sacré et du divin, donc réservés à ceux qui en étaient jugés dignes.
temple du Parthénon
Nous allons en effet évoquer les célébrations organisées chaque année dans la ville d’Éleusis, en l’honneur de la déesse Déméter.
Éleusis était une petite cité de l’Attique à une vingtaine de kilomètres à l’ouest d’Athènes, en bordure de mer. La grande cité l’avait annexée au VIIème siècle avant notre ère.
De toutes les fêtes grecques de l’Antiquité, la plus célèbre était celle qui y était organisée en l’honneur de Déméter, déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité du sol.
Déméter était la fille de deux Titans, Cronos et Rhéa. Cronos (à ne pas confondre avec Chronos) lui-même était le fils d’Ouranos, le Ciel et la Vie, et de Gaia, la Terre. Ouranos et Gaia, divinités primordiales du Ciel et de la Terre, formaient le premier couple divin de la mythologie.
Cronos avait épousé sa sœur Rhea, considérée comme déesse de la fertilité.
Cronos et Rhéa eurent six enfants, dont Zeus, mais aussi Hestia, la déesse du feu et du sacré, Héra, protectrice des femmes, déesse du mariage, gardienne de la fécondité du couple et des femmes en couches, Hadès, maître des Enfers, Poséidon, dieu de la Mer et des Océans et finalement Déméter, la déesse de l’agriculture et des moissons.
Perséphone
Déméter eût plusieurs enfants, dont Perséphone appelée également Corê, ce qui signifie « la jeune fille ». Les dieux ne se souciaient guère de l’inceste ni des mariages consanguins.
Quand Hadès, souverain des morts, enleva sa nièce Perséphone alors qu’elle cueillait des fleurs, pour l’épouser et en faire la reine des Enfers, sa sœur Déméter, qui était donc la mère de cette Perséphone, partit à la recherche de sa fille.
Elle prit à cet effet la forme d’une vieille femme nommée Doso, et erra pendant neuf jours et neuf nuits. Mais elle avait dû, pendant ce temps, délaisser les récoltes de la Terre. Se rendant compte qu’une famine menaçait les mortels, Zeus décida d’envoyer son messager Hermès à Hadès pour lui demander de rendre Perséphone à sa mère.
Mais Hadès était rusé. Il avait fait manger à Perséphone, sa fiancée captive, sept pépins d’une grenade qu’il lui avait offerte. Elle ignorait que c’était un piège pour la garder avec lui, car il était établi que quiconque mangeait dans le royaume des morts ne pouvait plus le quitter.
Zeus, le dieu suprême, fut ému du sort ainsi réservé à Perséphone ; il obtint qu’elle passât l’hiver aux Enfers et le reste de l’année avec sa mère. C’est ainsi que débuta, selon la mythologie grecque, le cycle des saisons.
Or il se trouve qu’en cherchant sa fille sous le nom et l’apparence de la vielle Doso, Déméter, qui n’avait pris aucune nourriture ni aucune boisson depuis le début de sa quête, avait pu trouver un abri chez Céléos, roi d’Éleusis. Celui-ci avala convainc de mettre fin à son jeûne en lui offrant une coupe de kykéon, une boisson à base de vin, d’orge et de fromage de chèvre râpé. C’est pour le remercier que Déméter initia Céléos aux mystères et lui enseigna l’agriculture.
Cette histoire a été chantée dans les Hymnes homériques – 33 – À Déméter sur lesquels nous reviendrons plus tard.
Plus exactement, Déméter, pour transmettre aux humains l’art et les techniques des semis et du labour, choisit de les enseigner à Triptolème, l’un des deux fils du roi Céléos, à charge pour Triptolème de transmettre cet art au reste des humains. Certaines traditions rapportent que Déméter lui aurait aussi donné des grains de blé afin qu’il les répande sur la Terre.
temple d’Athéna ERechteion acropole Athènes
On comprend donc pourquoi Déméter était célébrée par les habitants de villes et des villages grecs. Les fêtes de Déméter étaient en effet célébrées dans toutes les citées grecques, en Crète, à Lacédémone, etc. Mais les Athéniens, qui se considéraient comme les premiers hommes à avoir pratiqué l’agriculture, leur donnaient une ampleur, une importance, toutes particulières. Et en hommage au rôle du roi Céléos dans le don de l’agriculture, c’est dans la ville d’Éleusis, qu’ils célébraient ces fêtes
On comprend, en ayant à l’esprit l’importance de Déméter dans une société essentiellement agricole et fortement spiritualisée, combien ces festivités étaient au centre de la vie sociale.
En considérant la généalogie de Déméter, en particulier qui étaient ses grands-parents (le Ciel et la Terre), ses parents (la règle et la fertilité), et ses frères et sœurs – dont Zeus le maître de l’Olympe -, on comprend que le culte qui lui était rendu était au cœur même de la vie, au cœur du renouvellement de la nature à chaque printemps, au cœur de la création tout entière telle que l’esprit avait voulu qu’elle soit manifestée.
Nous en arrivons ainsi aux fêtes qui lui étaient dédiées, les fameux Mystères d’Éleusis.
Ces fêtes de Déméter étaient donc des Mystères, au sens d’expériences et d’enseignements mystiques, c’est-à-dire réservés à des initiés, reconnus comme aptes à les recevoir et préparés à cet effet.
Ces mystères étaient divisés en Grands Mystères et Petits Mystères. C’est par ces derniers qu’il nous faut commencer.
Les petits Mystères, étaient dédiés à Déméter, mais plus particulièrement consacrés à sa fille Perséphone. Ils étaient célébrés non pas à Éleusis mais à Agra, une petite cité proche d’Athènes, dans le mois d’Anthestérion, c’est-à-dire entre le 22 février et le 21 mars.[1]
Les cérémonies se déroulaient sur les bords du fleuve Ilissos, principalement sous la forme de rites de purification dans les eaux du fleuve (il est de nos jours pratiquement intégralement canalisé et souterrain et il n’arrive que très rarement à la mer).
On pense aujourd’hui que les Petits Mystères furent institués pour les étrangers, exclus dans les premiers temps de la participation aux Grands Mystères, qui constituaient les Mystères d’Éleusis proprement dits, et qui étaient réservés initialement aux seuls citoyens. La participation aux Petits Mystères n’était pas ouverte à tous, mais constituait une faveur accordée très rarement, à des étrangers qui compensaient le défaut de leur naissance par un mérite éclatant. Concrètement, il semble qu’au cours de leur évolution, les mystères d’Éleusis se sont ouverts d’abord à tous les Grecs, puis à tout homme ou femme, riche ou pauvre, libre ou esclave, parlant grec et n’ayant pas commis d’homicide. Les spécialistes ont retrouvé des textes identifiant parmi ceux qui la reçurent, Héraclès (pour qui ils auraient été créés), Castor et Pollux, Asclépios, ou encore Hippocrate.
Avec le temps, l’accès aux Petits Mystères devint plus accessible. Leur rôle devint de préparer aux Grands Mystères, dont ils étaient une préfiguration.
C’est au cours des Petits Mystères que débutait l’instruction des candidats à l’initiation. Ces derniers, à la fin des cérémonies, prenaient le nom de mystes, c’est-à-dire d’ « initiés ».
Ils ne pouvaient assister que de loin aux cérémonies auxquelles ils aspiraient, toujours accompagnés de leur parrain, le mystagogue, celui qui conduit un myste. En véritables mystes, ils considéraient ce dernier état comme celui de l’aspiration à la perfection. Puis, après plusieurs mois, 6 ou plus probablement 12, l’intervalle n’est pas certifié, les mystes étaient admis à la véritable initiation, c’est-à-dire aux Grands Mystères.
Longtemps, faute de document, la cérémonie secrète de de l’initiation nous est demeurée inconnue. Mais les découvertes des archéologues et l’Hymne à Déméter d’Homère nous ont permis il y a quelques années d’en connaître le programme, même si la phase la plus secrète reste encore mystérieuse aujourd’hui.
On sait cependant que quatre officiants présidaient la cérémonie d’initiation.
Le premier était l’Hiérophante, ou celui qui révèle les choses sacrées,
le deuxième était le Dodonque, ou chef des Lampadophores, c’est-à-dire des porteurs de flambeaux,
le troisième portait le titre de Hiérocéryce, ce qui signifie chef des hérauts sacrés,
tandis que le quatrième était l’Assistant à l’autel. On sait qu’il portait un vêtement allégorique représentant la Lune.
À côté des officiants, se tenaient les représentants de la Cité et des citoyens. L’archonte-roi était le surintendant de la fête[2]. Il avait pour adjoints quatre administrateurs nommés par le peuple, deux étant choisis dans les familles sacerdotales et deux indifféremment tirés du reste des citoyens. Il y avait encore un grand nombre de ministres subalternes distribués en plusieurs classes,
Ces fêtes duraient 9 jours.
– Le 1er jour était celui de l’arrivée et des premières assemblées.
– Le 2ème jour était consacré aux purifications, sous la forme de bains de mer. Un porcelet était également plongé dans la mer avant d’être sacrifié. Un jeûne était respecté par les participants.
– Au 3ème jour, du millet et de l’orge récoltés dans un champ autour d’Éleusis étaient offerts en sacrifice. Contrairement à la pratique habituelle, selon laquelle les prêtres étaient autorisés à prélever une dîme sur ce qui était destiné à être offert en sacrifice aux dieux, aucun prélèvement n’était permis sur les céréales récoltées pour être offertes lors des fêtes de Déméter, et qui de ce fait et en cette circonstance étaient considérées comme particulièrement sacrées. On en conservait d’ailleurs une part, année après année.
– Le 4ème jour était marqué par une procession solennelle, au cours de laquelle une corbeille était placée sur un chariot traîné par des bœufs, grâce auquel on transportait ces reliques sacrées d’Éleusis à Athènes, où on plaçait ces offrandes dans l’Éleusinion, un temple dédié à Déméter situé au pied de l’Acropole.
– Le 5ème jour était appelé le jour des Torches, car à la nuit tombée, hommes et femmes couraient les rues, des flambeaux à la main, imitant ainsi symboliquement Déméter cherchant sa fille Perséphone.
– Le 6ème jour était nommé Iacchos, du nom d’un personnage dont on ne sait exactement quel était le lien de parenté avec Déméter – peut-être un fils qu’elle aurait eu avec Zeus lui-même- mais qui en tout état de cause semble l’avoir accompagnée dans ses recherches. Ce serait en fait un des visages de Dionysos, le dieu de la vigne, du vin et de ses excès, de la folie et de la démesure.
– Le 7ème jour était dédié aux jeux gymniques. Le vainqueur de ces jeux se voyait récompensé par une mesure d’orge.
– Le 8ème jour était consacré à initier ceux qui ne l’étaient pas encore. Ce 8ème jour était appelé Epidaura en mémoire d’Asclépios – Esculape – qui était venu d’Epidaure pour être admis à l’initiation. Esculape était fils d’Apollon. Il fût foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité les morts, avant d’être placé dans le ciel sous la forme de la constellation du Serpentaire.
Son attribut principal est le bâton d’Esculape, autour duquel s’enroule un serpent. C’est le fameux caducée, symbole de la médecine. Il eût plusieurs enfants, dont Hygie et Panacée et une descendance nombreuse, en particulier une dynastie de médecins exerçant à Cos, dont Hippocrate fût le membre le plus illustre.
Les Grecs, puis les Romains, en firent le dieu de la médecine.
– Le 9e jour était appelé Plémochoé. C’est le nom d’un vase d’une quinzaine de centimètres de hauteur, peu profond et aux bords évasés, posé sur un pied assez épais. Lors des Fêtes de Déméter, on remplissait d’eau et de vin deux de ces récipients, dont l’un était placé à l’est, et l’autre à l’ouest, et on les renversait en répétant des mots chargés d’un sens mystérieux.
Après ces neuf jours de procession le prêtre faisait son entrée dans une grande salle, le télestérion. C’était en fait une salle immense qui atteint, à l’apogée du culte, une surface de 2 600 m2.
Seuls les initiés avaient le droit de pénétrer dans le Télestérion et d’assister aux mystères.
Se trouvaient donc uniquement dans le téléstérion, outre les prêtres et les autres officiants, des mystes qui avaient été initiés aux Petits Mystères un an auparavant – qui y étaient admis pour une première fois afin d’ y être initiés -, et des mystes initiés y retournant une seconde fois pour passer à un niveau supérieur. Il y avait en effet un deuxième degré, une seconde étape, à laquelle ne pouvaient participer que ceux qui avaient été initiés depuis une année au moins.
Zeus tenant dans sa main un éclair du ciel
La cérémonie d’accession à ce deuxième degré prenait très vraisemblablement la forme d’une représentation sacrée mais qui, évoquant l’union de Déméter et de Zeus, se rapprochait plus d’un culte de la fertilité. C’était à la fin de cette étape que les initiés prenaient le nom d’époptes un nom qui signifie « ceux qui savent ». Les époptes étaient bien entendu admis dans le télestérion lors de la célébration des Grands Mystères..
On peut aujourd’hui encore admirer ce qu’il reste de cette « salle d’initiation » qui date de l’époque de Pisistrate au 6ème siècle avant notre ère, et en particulier de nombreux bas-reliefs et sculptures.
Après son entrée solennelle, le prêtre prenait place sur un trône, et on lui offrait à boire une coupe de kykéon, la boisson à base de vin, d’orge et de fromage de chèvre râpé, la même que le roi d’Éleusis Céléos avait donné à Déméter pour la revigorer. Puis le prêtre sacrifiait un porcelet au milieu d’un vacarme épouvantable et entouré de danseurs et de musiciens.
Tout ne nous est pas connu des rituels secrets qui se déroulaient alors. Le secret a été bien gardé.
On sait cependant que la cérémonie se faisait durant la nuit. Les initiés s’assemblaient près du temple, dans une enceinte assez vaste pour contenir un peuple nombreux. Ils portaient des couronnes de myrte, et se lavaient les mains à l’entrée du portique. À leur tour, ils buvaient le kykéon, le breuvage sacré.
Puis un grain de blé était présenté, comme une hostie dans l’ostensoir, et contemplé en silence. C’était la scène de l’époptie ou de la contemplation. A travers ce grain de blé, les époptes honoraient Déméter en tant qu’initiatrice aux mystères de la vie.
Puis après divers autres préparatifs, l’officiant leur posait une série de questions, auxquelles ils répondaient par une formule qui, elle, nous est parvenue.
Les mystes se déclaraient inféodés à Déméter en prononçant la fameuse formule :
« J’ai jeûné, j’ai bu le kykéon, j’ai pris du panier, j’ai remis la coupe dans la corbeille et de la corbeille dans le panier. »
Lorsqu’ils avaient fait cette réponse, on les faisait passer rapidement par des alternatives continuelles de lumière et de ténèbres une multitude confuse d’objets divers passait sous leurs yeux, plusieurs voix se faisaient entendre. Enfin, on terminait la cérémonie en exposant à leurs yeux l’objet de leur attente, une robe symbole de leur statut d’initié, et ils se retiraient au milieu des acclamations.
Rien n’était plus expressément défendu que de divulguer les mystères.
L’Hymne à Déméter attribué à Homère évoque « les beaux rites, les rites augustes qu’il est impossible de transgresser, de pénétrer, ni de divulguer ».
Révéler le secret, ou se le faire communiquer sans y avoir droit, étaient deux crimes d’égale gravité.
On ne pouvait avoir aucune relation avec ceux qui avait trahi les secrets de l’initiation. Ils étaient bannis de la société, on évitait de se trouver avec eux dans le même vaisseau, d’habiter la même maison, de respirer le même air.
Bien entendu, l’entrée du temple était rigoureusement interdite aux profanes. Et on ne plaisantait pas ; deux jeunes gens qui avaient osé braver l’interdit furent jugés et condamnés à mort. Mais leur procès n’eût lieu qu’après la fin des Fêtes, car pendant ces 9 jours, il n’était permis de juger personne les tribunaux étaient fermés, les affaires suspendues.
Et c’était un crime, puni de mort, de présenter une requête dans le temple d’Éleusis.
Une loi formelle défendait aux femmes, même de haut rang, de se faire mener au temple dans des chariots, et la peine encourue pour un aussi grave manquement était une amende considérable.
Après chaque célébration des mystères, l’Archonte, présidait un tribunal d’initiés, constitué d’une assemblée des prêtres pour examiner les exactions commises pendant les cérémonies. Un homme accusé d’avoir déposé un rameau sur l’autel sacré fût ainsi condamné à 100 drachmes d’amende, le drachme, une pièce de 3 grammes et demi d’argent, représentant le prix d’une journée de travail.
Ce culte et tout ce qui l’entourait dura plusieurs siècles, en fait près de deux mille ans, jusqu’à sa suppression par l’empereur romain Théodose en 393. Deux ans plus tard, en 395, le sanctuaire fut mis à sac par Alaric Ier et les Wisigoths.
On regardera avec profit les 3 vidéos des cours de Vinciane Pirenne-Delforge au Collège de France
Bien que la Franc-maçonnerie ne soit pas directement dérivée de ces mystères, de nombreuses sources soulignent des parallèles symboliques et structurels, souvent interprétés comme des influences indirectes via les traditions ésotériques antiques. Ces similarités portent sur les rituels d’initiation, les thèmes existentiels et les bénéfices spirituels, mais des différences notables existent en termes de contexte et de finalité.
Pour structurer cette comparaison, appuyons-nous sur les éléments clés de l’hymne.
Certains éléments rappellent évidemment aux Franc-Maçonnes et Francs-Maçons qui ont connu aussi une initiation ritualisée, leur propre initiation.
De même que les rites et rituels maçonniques peuvent être rattachés pour certains à des célébrations païennes – par exemple à la célébration des fêtes solsticiales, ou à ce qui touche au blé, au vin, etc -, de même, les mystères, d’origine préhellénique, plongeaient leurs racines dans de vieux rites chtoniens liés à la fertilité et à la fécondation de la terre.
Nous venons d’évoquer le blé, un élément fondamental que l’on retrouve au cœur de nombreuses mythologies, expression de la vie et de sa perpétuation.
Le blé, c’est d’abord un grain que l’on met en terre, qui s’y décompose et qui arrosé par l’eau, réchauffé par la lumière du soleil, se transforme en une jeune pousse, qui émerge peu à peu de la terre et revit sous une forme nouvelle. Ainsi s’accomplit le cycle des générations, ainsi s’accomplit le cycle vie-mort-renaissance. À certains degrés, les Francs-Maçons font appel au symbolisme du blé, au travers du pain, certes symbole de nourriture spirituelle, mais aussi de vie, de vitalité.
La scène de l’époptie ou de la contemplation était une invitation à prendre conscience de la beauté et de l’harmonie de l’univers, cet Ordre du monde, cet Ordo que nous voulons voir prévaloir plutôt que le Chao.
Nous pourrions encore évoquer le rôle des lumières, des flambeaux, de la musique, du tintamarre, mais aussi du silence. Nous pourrions évoquer la loi du silence, le culte du secret, ou encore nous interroger sur le rôle du mystagogue, celui qui conduisait et accompagnait les impétrants comme le Second Surveillant suit les Apprentis. Le mystagogue, l’introducteur, avait pour fonction de faire entrer le myste dans un monde social et spirituel nouveau, car la société des initiés forme une société de purs, de saints.
Mais le plus important est sans doute la finalité de la démarche elle-même : l’initiation et le parcours maçonnique ont pour but d’accéder à la sagesse et de se préparer à mourir.
Pour recadrer leur année sur le cycle des saisons les grecs ajoutaient périodiquement un mois de 30 jours entre les sixième et septième mois habituels. Il n’y a donc pas de correspondance linéaire entre notre année de 365 ou 366 jours et l´année grecque antique de 354 ou 384 jours.
Bien que non directement liés historiquement, ces parallèles sont souvent vus comme des échos d’une tradition ésotérique universelle, où l’initiation représente une « renaissance » intérieure.
Mais on voit bien que les Mystères d’Éleusis faisaient partie intégrante d’une pratique religieuse dogmatique par nature alors que l’initiation maçonnique est adogmatique par nature. Le GADLU n’est pas nécessairement un dieu pour les francs-maçons.
Ainsi, l’initiation est-elle une voie d’élévation vers la Sagesse et la Connaissance, une voie d’espérance.
[1]L’année grecque habituelle comportait 12 mois d´alternativement 29 et 30 jours, elle avait donc « seulement » 354 jours. Elle dérive donc très rapidement par rapport à notre calendrier. De plus, elle commençait à la première nouvelle lune après le solstice d´été ce qui rajoute des fluctuations par rapport à notre calendrier.
[2]L’archonte-Roi était l’un des trois plus hauts magistrats d’Athènes ; cette fonction, héritière de la royauté, était donc initialement une fonction à vie. Elle sera par suite réduite à 10 ans, puis à un an.
A l’occasion des journées du Patrimoine en France, pour la première fois, les Rose-Croix ouvrent les portes de leur Temple de Paris au public le samedi 20 septembre, de 14h00 à 18h00. Accès gratuit et sans réservation. D’inspiration égyptienne, orné de symboles anciens et mystérieux, le Temple « Christian Rosenkreutz » vous sera présenté lors d’une visite commentée.
Passants, curieux ou initiés, venez découvrir ce lieu unique dédié au mysticisme et à la spiritualité au cœur de Paris !