Accueil Blog Page 16

Laïcité : l’ultime rempart de la République

Ce hors-série d’Humanisme, consacré à la loi du 9 décembre 1905, est un monument intellectuel et civique. On y chemine comme dans un Temple dressé par des maîtres d’œuvre venus de tous les horizons : historiens, philosophes, juristes, militants, écrivains, artistes. Chaque contribution est une pierre, polie par l’expérience, la réflexion et l’engagement, qui vient s’ajuster à une architecture d’ensemble : celle de la laïcité comme socle de la République et horizon d’émancipation.

Humanisme HS Juillet 2025
Humanisme HS Juillet 2025

Les biographies, placées dès les premières pages, après la préface de Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France, l’avant-propos de Christophe Devillers, rédacteur en chef de la revue,

Jean-Pierre Sakoun – Unité Laïque
Jean-Pierre Sakoun – Unité Laïque

et la présentation de Jean-Pierre Sakoun, fondateur et président de l’Association Unité laïque, à l’initiative et à la présidence du Comité pour la panthéonisation du militant communiste, résistant, ouvrier et poète arménien Missak Manouchian, annoncent la haute tenue de l’ensemble : elles révèlent des vies tissées d’érudition, d’action et de fidélité aux idéaux, prolongeant dans la vie profane le travail intérieur de l’initié. On referme ce volume comme on sortirait d’une Tenue magistrale, conscient de porter désormais une responsabilité accrue : continuer la construction commencée il y a cent vingt ans.

Les fondations sont posées par « Comment la laïcité vint à la France », où Philippe Raynaud, Stéphanie Roza, Éric Anceau, Jean-Paul Scot, Vincent Duclert et Bruno Fuligni retracent la genèse et les combats ayant conduit à la Séparation, dans le sillage de la Révolution, de l’Affaire Dreyfus et des luttes de la IIIᵉ République.

« Une philosophie de l’émancipation par l’universel et la fraternité » élève les murs de l’édifice : Francis Wolff inscrit la laïcité dans l’humanisme universel, Robert Lévy affirme l’égalité comme principe métaphysique, Pierre Hayat érige la liberté de conscience en valeur absolue, Benjamin Morel pense la neutralité comme vigilance active, Pierre-Henri Tavoillot défend l’universalisme contre les dérives identitaires.

« Une société modelée par la laïcité » concrétise ces principes : Iannis Roder voit l’école comme maillet façonnant la pierre brute, Michèle Vianès relie la laïcité à l’égalité des sexes, Jacqueline Costa-Lascoux alerte sur la rupture dans la transmission, Ismaïl Ferhat décortique les attaques renouvelées contre ce principe.

Pierre Ouzoulias - Source Les Rendez-vous de l'histoire
Pierre Ouzoulias – Source Les Rendez-vous de l’histoire

« Dans l’arène politique » rassemble ceux qui refusent la résignation. Philippe Foussier dénonce les complaisances, Pierre Ouzoulias – historien, archéologue spécialiste de la Gaule et vice-président du Sénat, sénateur communiste des Hauts-de-Seine à l’origine de nombreuses propositions de loi sur la laïcité – met en garde contre les empiètements religieux, Benoît Drouot retrace un siècle d’atteintes.

Parmi les pierres maîtresses de ce hors-série d’Humanisme, celle qu’apporte Eddy Khaldi s’impose comme une clef de voûte véritable : « L’École laïque, clé de voûte de la République ». Ancien professeur, militant syndical, président de la Fédération nationale des délégués départementaux de l’Éducation nationale depuis 2017, Khaldi ne livre pas ici un simple plaidoyer : il trace un plan d’architecte républicain, rappelant que sans École publique laïque, il n’existe pas de République solide.

Son texte s’ouvre sur un principe fondamental : l’École est le pilier sur lequel repose la démocratie française et l’idée même de citoyenneté. C’est là que se forment des esprits libres, éclairés, capables de jugement et de raison critique, à l’abri de toute emprise religieuse ou communautaire. Cette mission n’est pas accessoire : elle est consubstantielle à la République. L’attaque contre la laïcité scolaire est donc, pour Khaldi, une attaque directe contre le cœur du pacte républicain.

Humanisme HS Juillet 2025
Humanisme HS Juillet 2025

Page après page, il met en garde contre les logiques d’individualisation et de privatisation qui, depuis la loi Debré de 1959, ont peu à peu fracturé l’unité éducative nationale. L’école « subventionnée » sous contrat, au lieu d’émanciper, recrée des ségrégations culturelles et sociales qui minent le lien civique. Il rappelle que l’enseignement public laïque n’est pas l’émanation d’un groupe ou d’une communauté : il appartient à la Nation entière.

Khaldi insiste sur la nécessité de retisser le lien consubstantiel entre la République et son école. Ce lien prend corps dans la Charte de la laïcité affichée dans chaque établissement : une boussole morale et civique qui doit guider élèves, enseignants et familles. La mission de l’École ne se limite pas à instruire : elle doit élever, éveiller l’esprit critique, former à la liberté de conscience et à la responsabilité citoyenne. Sans cela, la République se vide de sens et la démocratie se réduit à une façade.

Il rappelle que la laïcité est une égalité de liberté : liberté de croire ou de ne pas croire, garantie par un espace commun protégé de toute pression spirituelle ou idéologique. L’École, en ce sens, est un sanctuaire républicain où l’enfant apprend que son appartenance fondamentale n’est pas religieuse, ethnique ou communautaire, mais citoyenne. « La laïcité signifie que dans la société nous sommes définis par notre citoyenneté, et en aucun cas par notre religion », martèle-t-il. Sa conclusion est un appel d’urgence. Notre République est à reconstruire ! Le renoncement à une École pleinement laïque conduit à un effondrement silencieux, préparant un éclatement communautaire. Il faut renouer avec l’idéal de l’école gratuite, obligatoire, laïque et émancipatrice, fondée sur l’intérêt général, la justice sociale et la liberté de conscience.

Guillaume Trichard Passé Grand Maître du Grand Orient

Ce plaidoyer rejoint l’avertissement de Guillaume Trichard, Passé Grand Maître du GODF, pour qui la République est aujourd’hui « à réparer » face à l’entrisme islamiste politique – le frérisme – qui avance masqué, profitant de complaisances coupables jusque dans certaines élites politiques et intellectuelles.

Maitre Louise El Yafi - Source Justifit
Maitre Louise El Yafi – Source Justifit

En écho à cette vigilance, l’article de Louise El Yafi, avocate pénaliste et essayiste franco-libanaise, collaboratrice régulière de Marianne et de L’Orient-Le Jour, agit comme un scalpel sur un angle souvent méconnu : « Radicalisation féminine : un séparatisme sous influence ». Elle y démonte, exemples récents et données chiffrées à l’appui, un processus ni marginal ni accidentel, mais pensé, progressif et ciblé. Les femmes – et surtout les jeunes filles – sont désormais au cœur de la stratégie islamiste : vectrices de normes religieuses radicales, gardiennes supposées de la morale collective, elles sont mobilisées pour légitimer, transmettre et renforcer le séparatisme. Trois registres sont distingués : salafisme quiétiste féminin, jihadisme féminin et frérisme féminisé, ce dernier habillant d’atours progressistes une logique communautariste inflexible. L’école devient un champ de confrontation idéologique : pressions vestimentaires, injonctions religieuses, harcèlement, influence des réseaux sociaux… Un faux choix se dessine : rester fidèle à la République ou « préserver » une identité religieuse redéfinie par les radicaux. Ce séparatisme prospère sur les failles de notre société, sur le vide de sens et l’éclatement du lien civique, offrant aux islamistes l’occasion d’y implanter leur contre-modèle.

Humanisme HS Juillet 2025
Humanisme HS Juillet 2025

La suite du hors-série élargit encore le champ : « La République laïque au défi du XXIᵉ siècle » examine les menaces contemporaines (Michel Seelig, Nathalie Heinich, Richard Malka, Gérard Biard, Jean-Pierre Sakoun, Pierre Vermeren), « Un monde compliqué » explore les terrains étrangers (Cécile Révauger, Djemila Benhabib, Kamel Daoud, Boualem Sansal, Frantz-Olivier Giesbert). Enfin, « Le Grand Orient de France, inlassable architecte de la laïcité » conclut par un témoignage de fidélité : Christophe Devillers, Charles Coutel, Denis Lefebvre, Pierre Mollier, Nathalie Zenou, et les anciens Grands Maîtres, de Patrick Kessel à Jean-Philippe Hubsch.

Autochrome de Ferdinand Buisson en 1930
Autochrome de Ferdinand Buisson en 1930
Georges Clemenceau par Nadar
Georges Clemenceau par Nadar

À cette charpente s’ajoutent deux signatures graphiques qui confèrent à l’ouvrage une densité visuelle rare. Christian Guémy, alias C215, nous gratifie de portraits habités par la mémoire et la lumière, prolongeant l’hommage qu’il avait rendu aux « Illustres de la franc-maçonnerie » au musée de la rue Cadet. La couverture qu’il signe s’orne d’un visage saisissant, mais l’artiste offre aussi une galerie de figures tutélaires : Jean Jaurès, Aristide Briand, Ferdinand Buisson, Jules Ferry et Georges Clemenceau, aux côtés de Caroline Rémi, dite Séverine – grande journaliste, militante dreyfusarde et féministe, aujourd’hui injustement méconnue. Ces visages, gravés avec la précision d’un ciseau sur pierre, deviennent autant de pierres de façade du grand édifice républicain.

École Jules Ferry, Clamart (Hauts-de-Seine)
École Jules Ferry, Clamart (Hauts-de-Seine)


Xavier Gorce, par son trait incisif et son humour distancié, introduit une respiration critique ; comme un compas vérifiant la régularité des lignes, il rappelle que l’ironie et la lucidité sont aussi des outils indispensables à la construction commune.

Ce hors-série est un instrument de travail, un viatique et un acte. Dans la France d’aujourd’hui, où la laïcité est attaquée par des forces qui veulent la réduire à un simple aménagement du pluralisme, cet ouvrage rappelle qu’elle est au contraire une exigence structurante. Défendre la laïcité, et singulièrement la laïcité scolaire, c’est préserver l’unité de la Nation et la promesse républicaine d’égalité, de liberté et de fraternité. Ne pas le faire, c’est consentir à ce que l’histoire se défasse pierre après pierre.

Humanisme – Revue des francs-maçons du Grand Orient de France
Hors-série : Séparer pour unir – La force de la loi de 1905
Conform Édition, hors-série, 2025, 220 pages, 19 €

Acquérir cet exceptionnel hors- série https://bit.ly/3J8VGO8

La spiritualité active

Une fois la Spiritualité réveillée comme la Belle au bois dormant du conte de Charles Perrault par un baiser du Prince, c’est avec elle la réalité de la vie dans toutes ses dimensions qui reprend des couleurs à chaque instant, l’amour transformant le regard de l’être spiritualisé en art de voir ce qui est perçu avec beaucoup plus d’acuité. Car il ne perçoit plus seulement le monde de l’extérieur, mais il s’y attache aussi par le cœur et aime à prendre plus de temps pour mieux voir jusqu’à contempler ce qu’il perçoit.

Cette Spiritualité active est de tous les temps et a toujours relié les connaissances ésotériques des êtres spirituels et leur attachement aux connaissances scientifiques les plus avancées de leur temps. La matière et l’esprit, bien loin d’être séparées l’une de l’autre, sont appelées à se retrouver et s’unir chez les hommes et les femmes éveillés spirituellement, souvent au terme d’une profonde recherche en eux-mêmes. Les contes d’autrefois racontent de la plus belle manière ces retrouvailles, jusqu’à ces derniers mots « Et ils eurent beaucoup d’enfants. » …

Dans le conte de la Belle au bois dormant, la Belle s’endort après s’être piqué le doigt à sa quenouille en filant, c’est-à-dire en transformant un paquet informe de matière fibreuse attaché au bâton vertical de sa quenouille, en un fil s’enroulant régulièrement autour d’un rouet en rotation, ce qu’elle finit par faire sans vraiment y penser jusqu’à ne plus tenir sa quenouille et s’y piquer. Pour éviter de se piquer, la fileuse doit au contraire ne pas se laisser endormir par la monotonie répétitive du rouet en rotation, et veiller à transformer la matière fibreuse informe en un fil régulier, analogue au fil de ses pensées. Cet art de la pensée correspond à un « travail de fileuse », disent les alchimistes, à l’art de sentir en conscience défiler les secondes comme une fileuse au rouet sent passer le fil entre ses doigts et le transforme en fil d’or à mesure qu’il s’enroule sur la roue.

L’art de filer ses pensées est à la fois le plus simple et le plus difficile qui soit, car il consiste à laisser s’agréger les unes aux autres les pensées et les saisir toutes en donnant à chacune la même valeur absolue. À ce niveau de conscience, tout compte absolument à chaque instant, même les actions habituelles du quotidien et les détails les plus infimes de la vie, et tout ce qui est pensé a la même valeur absolue et n’a plus d’ombre. En termes symboliques, il s’agit de tout penser en se maintenant sous le soleil à son zénith, et en termes alchimiques d’être un soleil en soi-même pour soi-même. Il s’agit de laisser se produire les choses de la vie pour en reconstituer le fil, pour en saisir le sens et mieux se connaître soi-même.

Jung

C.G. Jung observait que ceux de ses patients qui arrivent à s’affranchir par eux-mêmes de l’esclavage où les maintenaient leurs problèmes et qui atteignent des niveaux supérieurs de développement et d’intégration psychique, ne font en réalité que permettre aux choses de se produire d’elles-mêmes. Ils laissent leur inconscient leur parler en silence, et ils écoutent ses messages avec patience avec le plus grand sérieux.

« L’art de laisser les choses arriver d’elles-mêmes, l’action par l’inaction, laisser les choses se faire d’elles-mêmes, comme le disait Maître Eckhart, devint pour moi la clef de la porte d’accès à la voie. Nous devons être capables de laisser les choses se produire d’elles-mêmes dans la psyché. Chez nous, il s’agit d’un art que la plupart des gens ignorent totalement. La conscience ne cesse d’interférer, d’aider, de corriger et de nier, ne laissant jamais se développer en paix le processus psychique. » (C.G. Jung, Commentaire sur le Mystère de la Fleur d’Or) Quand, avec patience, l’être en soi-même autorise le processus psychique à se développer en paix, l’inconscient féconde la conscience, et la conscience illumine l’inconscient.

Il s’agit par ailleurs de reconnaître la nature plutôt rationnelle ou intuitive de ses pensées, et reconnaître au corps une capacité à penser équivalente à celle de l’esprit, quitte à malmener la pensée rationnelle qui invalide et marginalise trop souvent les pensées intuitives. La pensée rationnelle du cerveau gauche a pour fonction de garder l’esprit clair et la tête froide, alors que le cerveau droit intuitif est prêt à perdre la tête et à s’enflammer, et il ne s’agit pas de choisir l’eau de l’un ou le feu de l’autre, d’être plutôt rationnel ou plutôt intuitif, mais tout ensemble rationel/intuitif. Cette conjonction des deux natures, symboliquement masculine et féminine, est le creuset des regards et des sentiments percevant et suscitant l’harmonie en soi comme autour de soi.

Les croisements de pensées et de connaissances induits par cette conjonction s’effectuent symboliquement sur un plan horizontal en traçant le signe de l’infini, et c’est du point central de ce symbole situé au centre du cerveau que jaillirait verticalement l’axe lumineux de la conscience. Il appartient à chaque être spiritualisé de faire rejaillir encore et encore cette lumière à profusion comme une source d’eau et de feu embrassant sa vie et embrasant son cœur indéfiniment.

Alors les pensées se transforment en symboles en action qui s’impriment en puissance dans l’imaginaire et tendent à « dé-teindre » sur leur auteur(e) qui se libère de tout fil conducteur préconçu et se libère soi-même de ses ombres, jusqu’à renouveler ses idées et ses convictions les plus profondes. Les alchimistes ont l’art d’illustrer ces opérations de « teinture » par des scènes de la vie ordinaire qui n’attirent que le regard des cherchants et des initiés à leur langage. Dé-teindre peut signifier laver les vêtements et les idées (les « laveures alchimiques ») pour en extraire les teintures essentielles et parvenir à leur blancheur.

Mais surtout ces symboles-archétypes s’animent d’une vie propre et illustrent les pensées et les sentiments des initiés qui s’en nourrissent spirituellement pour en absorber les vertus, espérant un jour en goûter la quinte-essence, un cinquième élément, l’Éther, plus subtil que les quatre premiers. Les alchimistes se désignent eux-mêmes comme des « abstracteurs de quintessence ». François Rabelais a ainsi publié son livre Gargantua sous le même pseudonyme que son autre livre Pantagruel : Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais : « Abstracteur de Quintessence ». Il appartient à chaque Maçonne et Maçon de trouver les mots et les idées justes inspirés par ces symboles essentiels (essence-ciel), afin d’en « révéler » et « fixer » le sens en eux-mêmes, chacun(e) trouvant comme le poète l’inspiration pour en exalter les sens en silence et en secret.

L’un des plus puissants symboles d’une spiritualité active est le lemniscate de Bernoulli. Ce signe de l’infini relie les grands artistes de la Renaissance aux mathématiciens contemporains, en particulier à James Booth qui fut à la fois pasteur, mathématicien et pédagogue anglo-irlandais, actif sur les trois plans spirituel, moral, et matériel, auteur au milieu du XIXè siècle de livres sur l’éducation des femmes et l’auto-amélioration de la condition ouvrière. Sa pensée a valorisé le rôle des femmes et des ouvriers dans une société élitiste dominée par les hommes, et a rendu plus responsables les hommes et les femmes pour qu’ils s’éduquent eux-mêmes et deviennent plus autonomes, cultivent leurs connaissances et s’élèvent matériellement, moralement, et spirituellement.

James Booth

À l’aide d’un compas à cinq pointes, James Booth trace simultanément le signe de l’infini et trois cercles emboîtés les uns dans les autres, symboles du corps, de l’esprit, et de l’âme. Ainsi, les courbes de Bernoulli, de Booth, et de tous les mathématiciens, sont non seulement les courbes de fonctions et d’équations mathématiques, mais aussi des instantanés d’états physiques, d’états d’esprit, et d’états d’âme. Ces tracés sont représentés sur le site : https://mathcurve.com/courbes2d/watt/wattbooth2.gif

L’emboitement des cercles de cette courbe de Booth illustre parfaitement l’étroite correspondance entre la matière et l’esprit, contrairement aux idéologies et aux religions qui les séparent en occident. Le cercle jaune spirituel n’est pas tracé en s’appuyant sur un point unique et central, l’Un du dieu monothéiste, mais se trace avec la tête du compas qui peu à peu fait le tour du cercle jaune, tout en entraînant en même temps le tracé d’un autre cercle bleu matériel qui lui est contigu avec les pointes du compas, tandis qu’apparaissent en leur centre un troisième cercle rouge moral et mental et un lemniscate horizontal. Tout apparaît simultanément, et les trois niveaux matériel, moral-mental, et spirituel de l’être sont tout de suite en parfaite correspondance.

À ce niveau de spiritualité, le symbole qui jusqu’alors reflétait le réel, le rejoint et se fond en lui. L’être spirituel est un symbole vivant qui s’inspire de toutes ces structures symboliques pour se maintenir éveillé, évitant ainsi de retomber dans le profond sommeil de la Belle au bois dormant. Pour la Belle à présent éveillée, le mouvement régulier qu’elle imprime au rouet illustre l’étroite correspondance entre le corps et l’esprit, une interdépendance elle-même régie par des fonctions cycliques (rythme circadien) reliées aux grands cycles de l’univers.

Voilà la grande intégration effectuée par les êtres spirituellement épanouis, vivants actifs à présent au service d’une grande roue cosmique en mouvement.

Le Pharmakos et la Franc-maçonnerie : une exploration symbolique et philosophique

Le concept de pharmakos, issu de la Grèce antique, et la Franc-maçonnerie, avec ses rituels et son symbolisme, peuvent sembler à première vue éloignés. Pourtant, une analyse approfondie révèle des parallèles fascinants entre ces deux phénomènes, notamment dans leur rapport au sacrifice, à la purification et à la quête de transcendance.

Cet article explore les liens possibles entre le pharmakos et la Franc-maçonnerie, en s’appuyant sur des sources historiques, philosophiques et maçonniques, pour éclairer la manière dont ces deux traditions s’entrecroisent dans leur approche des dynamiques humaines et spirituelles.

Pharmakos : Un rituel de purification antique

Grèce, colonne
Vestiges de Delphes

Dans la Grèce antique, le pharmakos désignait un rituel de purification sociale où un individu, souvent marginalisé ou stigmatisé, était désigné comme bouc émissaire pour absorber les maux de la communauté. Selon l’historien Walter Burkert dans Structure and History in Greek Mythology and Ritual (1979), le pharmakos était à la fois victime sacrificielle et agent de renouveau, chassé ou parfois exécuté pour restaurer l’harmonie sociale face à des crises comme la peste ou la famine. Ce rituel, pratiqué dans des cités comme Athènes lors des Thargélies, reposait sur une dualité : le pharmakos était à la fois impur (porteur des péchés collectifs) et sacré (instrument de la purification).

Cette ambivalence du pharmakos – à la fois rejeté et nécessaire – trouve un écho dans les traditions ésotériques et initiatiques, où la mort symbolique et la renaissance occupent une place centrale. C’est ici que la franc-maçonnerie, avec ses rituels riches en symbolisme, entre en résonance.

La Franc-maçonnerie : une quête initiatique et symbolique

La Franc-maçonnerie, née au XVIIIe siècle en Europe, est une fraternité initiatique qui utilise des rituels symboliques pour guider ses membres vers l’amélioration personnelle et la compréhension des valeurs universelles comme la liberté, l’égalité et la fraternité. Les rituels maçonniques, notamment ceux du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), sont imprégnés de symboles de mort et de renaissance, où l’initié traverse des épreuves pour se dépouiller de son « vieil homme » et renaître en tant que maçon.

Dans La Symbolique maçonnique (1948), Jules Boucher décrit le passage dans la « chambre de réflexion » comme une étape clé de l’initiation au premier degré. L’initié y médite sur sa propre mortalité, face à des symboles comme le crâne ou le sablier, dans un processus qui rappelle la mort symbolique du pharmakos. Cette épreuve, bien que personnelle, vise à purifier l’initié de ses passions profanes pour le préparer à intégrer la communauté maçonnique.

Parallèles entre le pharmakos et la Franc-maçonnerie

Pierre Pollier
  1. Sacrifice Symbolique et Purification : Le pharmakos incarne un sacrifice rituel destiné à purifier la communauté. De même, dans la franc-maçonnerie, l’initié subit une mort symbolique pour renaître transformé. Selon Pierre Mollier, historien maçonnique, dans La Franc-Maçonnerie : une histoire intellectuelle (2016), ce processus reflète une volonté de dépasser l’ego pour atteindre une conscience collective et fraternelle. Comme le pharmakos, l’initié devient un vecteur de transformation, non pas pour expier les fautes d’une communauté, mais pour incarner un idéal de perfectionnement individuel et collectif.
  2. La Dualité Sacré/Impur : Le pharmakos est à la fois impur (car il porte les péchés) et sacré (car il permet la rédemption). Cette dualité se retrouve dans les rituels maçonniques, où l’initié est confronté à ses propres imperfections avant d’être « régénéré » par l’initiation. René Guénon, dans Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage (1964), souligne que les rituels maçonniques s’inspirent de traditions ésotériques où la mort initiatique symbolise la purification nécessaire pour accéder à une connaissance supérieure.
  3. La Communauté et l’Individu : Le pharmakos agit pour le bien de la communauté, tout comme l’initié maçonnique s’engage à œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Dans le contexte du Convent de Lausanne de 1875, qui a unifié les pratiques du REAA, les maçons ont réaffirmé leur engagement envers une fraternité universelle, un idéal qui transcende les frontières et les individualismes, à l’image du sacrifice collectif du pharmakos. Comme le note Daniel Beresniak dans La Franc-Maçonnerie au XXIe siècle (2000), la maçonnerie cherche à construire une communauté harmonieuse à travers le perfectionnement individuel.

Une perspective contemporaine

Si le pharmakos est un vestige des sociétés antiques, son écho persiste dans les dynamiques modernes de bouc émissaire, où des individus ou des groupes sont stigmatisés pour apaiser les tensions sociales. La franc-maçonnerie, en revanche, propose une alternative : plutôt que d’exclure, elle intègre l’individu dans une communauté par le biais de l’initiation. Cependant, certains critiques, comme ceux cités dans The Conversation à propos des crimes rituels au Gabon, soulignent que des pratiques sacrificielles modernes, bien que déviantes, peuvent être influencées par des croyances ésotériques mal interprétées, rappelant la figure du pharmakos dans un contexte pathologique.

Dans Le Sacrifice dans les Religions (1994), Marcel Mauss et Henri Hubert explorent comment les rituels sacrificiels, comme celui du pharmakos, visent à rétablir un équilibre entre le sacré et le profane. La franc-maçonnerie, en évitant tout sacrifice physique, transpose cette idée dans un cadre symbolique, où l’initié « sacrifie » son ego pour atteindre une harmonie intérieure et fraternelle.

Une résonance cymbolique

Alchimie sur la table de l'alchimiste
Alchimie sur la table de l’alchimiste

Le pharmakos et la franc-maçonnerie partagent une préoccupation commune : la purification et la transformation, qu’elle soit individuelle ou collective. Si le pharmakos incarne un sacrifice réel pour apaiser les tensions d’une communauté antique, la franc-maçonnerie propose une voie intérieure, où la mort symbolique et la renaissance permettent à l’initié de contribuer à un idéal universel. En 2025, alors que la franc-maçonnerie célèbre des événements comme le 150e anniversaire du Convent de Lausanne, ces parallèles invitent à réfléchir sur la manière dont les rituels, anciens ou modernes, continuent de façonner notre compréhension du sacrifice, de la communauté et de la quête de sens.

Références :

  • Burkert, Walter. Structure and History in Greek Mythology and Ritual. University of California Press, 1979.
  • Boucher, Jules. La Symbolique maçonnique. Dervy, 1948.
  • Mollier, Pierre. La Franc-Maçonnerie : une histoire intellectuelle. PUF, 2016.
  • Guénon, René. Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage. Éditions Traditionnelles, 1964.
  • Beresniak, Daniel. La Franc-Maçonnerie au XXIe siècle. Dervy, 2000.
  • Mauss, Marcel, et Hubert, Henri. Le Sacrifice dans les Religions. PUF, 1994.
  • The Conversation, « Les crimes rituels au Gabon : un phénomène moderne », 3 août 2025.
  • L’Edifice, « Le Convent de Lausanne », https://www.ledifice.net/P021-3.html.

Autres articles sur ce thème

Le Dessin de Jissey : « Quand un seul membre sème le chaos dans la Loge »

2

Il suffit parfois d’une étincelle, d’une seule volonté têtue, pour transformer une Loge paisible et laborieuse en un véritable champ de ruines fraternel. Quelques mois plus tôt, tout n’était que sourires, poignées de main et chaudes accolades autour de la table du banquet. Et puis, paf ! D’un coup, la Loge se mue en Fort Chabrol, avec des tranchées creusées dans les colonnes et des regards qui fusillent plus vite qu’une épée de grade. Adieu fraternité, adieu chaîne d’union harmonieuse, place à la guerre des égos ! Mais au nom du Grand Architecte, que se passe-t-il donc ?

Qu’est-ce qui transforme un groupe de maçons équilibrés en une meute d’animaux sauvages prêts à s’étriper sous le bandeau ? Voici cinq raisons, aussi savoureuses que désolantes, qui pourraient expliquer ce chaos bien maçonnique…

  1. L’Obsession du Pouvoir
    Rien ne galvanise plus un frère que l’idée de devenir le Vénérable Maître de sa propre loge… ou du moins de faire croire qu’il l’est déjà. Une seule ambition démesurée suffit à semer la discorde : réunions secrètes, coups bas lors des scrutins, et voilà les tabliers qui volent plus vite que les insultes. Fraternité ? Un vague souvenir entre deux manœuvres politiciennes.
  2. Le Débat Théologique Incontrôlé
    Un frère lance une réflexion sur l’Esprit ou la matière, un autre réplique avec une interprétation tordue des anciens landmarks, et hop, la loge devient une arène théologique. Entre citations mal digérées de Guénon et exégèses douteuses des rituels, les frères passent de l’harmonie à l’hérésie en un éclair, oubliant que le silence est parfois la plus sage des vertus.
  3. La Querelle des Égoportraits
    Que serait une loge sans un bon vieux différend sur la décoration du temple ou la qualité du vin du banquet ? Un frère insiste pour que son portrait trône au-dessus de l’Orient, un autre réclame une statue en son honneur, et voilà le chaos : des ego surdimensionnés qui transforment les maillets en armes de jet et les colonnes en barricades.
  4. Le Syndrome du Nouveau Rituel ou de la nouvelle technique
    Un frère, fraîchement initié ou revenu d’un voyage en Loge, débarque avec un rituel « révolutionnaire » qu’il jure être la clé de la vérité maçonnique. Résultat : les anciens s’indignent, les jeunes s’emballent, et la loge se divise en deux camps prêts à s’excommunier mutuellement, oubliant que le vrai travail se fait dans l’union, pas dans la division.
  5. La Rumeur Maléfique
    Une parole mal interprétée, une rumeur amplifiée autour du café post-tenue, et c’est l’explosion. « Tu as entendu ? Le Vénérable a vendu le temple pour une caisse de porto ! » D’un murmure à une accusation, la loge bascule dans un tribunal improvisé, où la présomption d’innocence s’efface devant le plaisir de régler des comptes.

Mais avouons-le… tout cela n’est qu’un jeu et n’est pas très sérieux.

EXCLUSIF – Interview de Sylvain Zeghni : deux années au service du Droit Humain

Propos recueillis par 450.fm

Micro tendu

Dans quelques jours, Sylvain Zeghni descendra de sa charge de Grand Maître National de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, au terme d’un mandat de deux ans. Figure connue et respectée du paysage maçonnique, il a conduit cette obédience amie avec conviction et ouverture, dans un contexte où la franc-maçonnerie doit, plus que jamais, conjuguer fidélité aux traditions et adaptation au monde contemporain.

Nous l’avons rencontré pour un entretien exclusif. Avec simplicité et franchise, il revient sur ses réalisations, ses regrets, les moments forts de son mandat… et livre un regard lucide sur l’avenir.

Le Saviez-vous ?

Le Droit Humain, fondé à Paris en 1893, est la première obédience maçonnique mixte et internationale. Présente dans plus de 60 pays, elle œuvre à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la fraternité universelle.

Un regard rétrospectif

Sylvain Zeghni

450.fm : Sylvain, comment vous sentez-vous à l’approche de la fin de ce mandat de deux ans ?

Sylvain Zeghni : Parfaitement serein ! C’est pour moi la fin d’un cycle où j’ai connu le doute et même, au moins une fois, l’envie d’abandonner cette charge. Mais ce fut aussi une période exaltante et enrichissante par la rencontre avec les frères et les sœurs. Donc serein, conscient du chemin accompli et sans grand regret.

450.fm : Si vous deviez résumer cette période en un mot ou en une image, que choisiriez-vous ?

SZ : Engagement

450.fm : Que signifie, pour vous, avoir porté la charge de Grand Maître National de la Fédération Française du Droit Humain ?

SZ : Une énorme responsabilité ! Le Droit Humain, c’est 15 000 sœurs et Frères répartis en 735 loges. Être grand Maître National, c’est porter l’histoire et l’avenir d’un groupe humain, faire évoluer une structure sans enfreindre ses traditions. Il faut être humble, autant que faire se peut, savoir écouter et prendre en compte des opinions souvent divergentes, tout en maintenant un cap. Comme dans tout poste à responsabilité, il faut aussi savoir encaisser les coups, ce qui n’est pas allé de soi, même si je m’y étais mentalement préparé.

Les réalisations marquantes

Sylvain Zeghni

450.fm : En 2023, au moment de votre élection, quels étaient vos objectifs prioritaires ?

SZ : Mon premier objectif, c’était d’assainir les finances de la fédération, sans remettre en cause son fonctionnement initiatique. Mon second objectif visait à mettre en place une gouvernance plus décentralisée, notamment en instaurant un système de représentation au convent rendant les loges plus autonomes. Ce qui me guidait était le principe de subsidiarité.

450.fm : Quels objectifs considérez-vous avoir pleinement atteints ?

SZ : Précisément, en premier lieu, la mise en place de la représentation pour le convent qui, même si cela n’a pas été facile, a été faite, tout en garantissant le principe une loge–une voix. En effet, chaque loge porte les mandats de deux autres loges au convent, ce qui réduit le coût du convent puisqu’il n’y a plus qu’une loge sur trois présente physiquement ; cependant, toutes les loges votent par l’intermédiaire de leur mandant. Il s’agit d’un système de représentation tournant. Ce mécanisme devrait permettre une collaboration étroite entre les loges, chacune siégeant à tout de rôle tous les trois ans. Mon second objectif était de rendre l’autonomie aux loges, puisque jusqu’à présent les loges n’étaient que des antennes sans personnalité juridique. Nous avons donc transformé la fédération en une fédération de loges ayant chacune un statut d’association. C’est pour nous une révolution culturelle.

450.fm : Pouvez-vous citer un projet qui, selon vous, a profondément marqué l’obédience ces deux dernières années ?

SZ : Je crois que la mise en place d’un système de représentation au convent a très fortement marqué l’obédience. C’est une véritable révolution culturelle pour nous mais je dois dire que d’autres obédiences se sont rapprochées de moi pour savoir comment tout cela aller fonctionner et, peut-être, tenter de mettre en place un tel système dans leur organisation… mais peut- être ne faut-il pas seulement un peu de courage politique mais un peu d’inconscience pour proposer un tel système…

450.fm : Y a-t-il eu une initiative imprévue qui s’est imposée, au fil du mandat ?

SZ : La collaboration entre le Grand Conseil des Grands Inspecteurs Généraux et le Conseil national, demeurée souhaitable pour la gouvernance de notre fédération, quoiqu’elle se fût révélée chaotique par le passé, s’est progressivement imposée comme une évidence, ce qui a permis de mettre en place la réforme de notre organisation.

Le Saviez-vous ?

Le Droit Humain fonctionne selon une gouvernance internationale unique : chaque fédération nationale contribue aux décisions de l’Ordre mondial, garantissant une vision globale et partagée.

Les défis et les zones d’ombre

450.fm : Quels ont été vos plus grands défis, sur le plan interne comme externe ?

SZ : Sur le plan interne, les trois piliers de la réforme (règle de représentation au convent, changement de statut des loges, principe de subsidiarité) ont été très contestés et le sont encore. La formule : « on a toujours fait comme ça, pourquoi changer ? », m’a été beaucoup répétée. Cette résistance bien connue au changement, que j’avais déjà rencontrée sur le plan profane, je ne la croyais pas aussi forte dans notre fédération. Sur le plan externe, il a fallu batailler pour maintenir la place de notre obédience au sein du monde maçonnique. Dans un monde où la concurrence est vive, maintenir une parole forte est essentiel.

450.fm : Y a-t-il des projets que vous auriez aimé concrétiser, mais que le temps ou les circonstances ne vous ont pas permis de réaliser ?

SZ : J’aurais aimé mettre en place une webradio ou une émission sur une webradio afin de permettre à la fédération française d’avoir un moyen plus efficace de communiquer. Le temps et les moyens ont manqué.

450.fm : Certaines démarches n’ont-elles pas donné les résultats escomptés ? Qu’en retenez-vous ?

SZ : Malgré la réduction de nos dépenses grâce au nouveau format du convent et à la renégociation de certains contrats, le résultat global reste insuffisant face à l’augmentation continue de nos charges. Certes, nous avons aussi beaucoup misé sur la communication pour accroitre nos effectifs mais ces actions n’ont pas suffisamment porté leurs fruits.

L’évolution de l’obédience

Sylvain Zeghni, Grand Maître National du DROIT HUMAIN.
Sylvain Zeghni, Grand Maître National du DROIT HUMAIN.

450.fm : Comment le Droit Humain a-t-il évolué pendant votre mandat, en termes de vie rituelle, d’organisation et de rayonnement ?

SZ : En termes de vie rituelle, la mise en place de nouveaux rituels dits rituels de référence a conduit à une réflexion sur nos pratiques. De même que la possibilité de choisir la bible comme troisième Lumière sur l’autel des serments a fait couler beaucoup d’encre mais a aussi permis à des loges plus spiritualistes de rendre plus « officielle » leur pratique… Sur le plan de l’organisation, les réformes de structures mises en place et précédemment évoquées ont révolutionné notre organisation. Sur le plan du rayonnement, c’est au monde maçonnique et au monde profane qu’il faut demander leur avis. Je pense, toutefois, que notre travail approfondi sur la loi sur la fin de vie a suscité, tant du côté des parlementaires que du côté de la ministre, un intérêt certain, si j’en juge par la reprise de certaines de nos propositions. De plus, le lancement de la revue Chemins de traverse a permis de renforcer l’image d’ouverture et de production intellectuelles de notre fédération.

450.fm : Quelles avancées majeures avez-vous observées dans le dialogue inter-obédientiel et les relations avec la société civile ?

SZ : Plutôt que des avancées, j’ai constaté un certain recul. Il est de plus en plus difficile, par exemple, de recueillir des signatures communes sur des communiqués. J’ai de plus en plus l’impression d’une séparation entre une maçonnerie mettant en avant une démarche initiatique et une maçonnerie qui se voudrait un « corps intermédiaire ». Cela se voit même au niveau européen où, d’un côté, nous avons l’Alliance Maçonnique Européenne (AME) et, de l’autre, l’Union Maçonnique Libérale Internationale (UMLI). Cela n’empêche pas le dialogue entre les obédiences et entre les Grands Maîtres.

450.fm : En quoi le caractère mixte et international de l’Ordre a-t-il guidé vos choix ?

SZ : J’ai cherché à renforcer les liens qui nous unissent à d’autres fédérations, notamment la fédération belge. La conférence internationale tenue à Strasbourg en 2024 et les rencontres méditerranéennes ont été également l’occasion de développer et de renforcer la coopération entre les fédérations.

Le Saviez-vous ?

Le Droit Humain pratique plusieurs rites maçonniques, dont le Rite Écossais Ancien et Accepté. Son ouverture à la diversité rituelle est l’un de ses atouts identitaires.

Les moments forts

450.fm : Quel moment restera gravé dans votre mémoire ?

SZ : Au printemps dernier, l’épuisement moral et la maladie m’ont conduit à proposer ma démission au Conseil national. La réaction des sœurs et des frères a été extraordinaire et leur soutien plus que fraternel m’a engagé à revenir sur ma décision. C’est pour moi la plus forte émotion de mon mandat.

Emmanuel Macron – Président de la République française

450.fm : Une rencontre ou un échange particulièrement marquant ?

SZ : L’échange avec le Président de la République lors du déjeuner lors de sa visite au Grand Orient de France m’a beaucoup marqué. Mais je n’en dirais pas plus ici.

450.fm : Une tenue ou un événement maçonnique inoubliable ?

SZ : Je garde en mémoire les rencontres méditerranéennes organisées en avril dernier à Marseille. Il s’agissait de réunir nos différentes fédérations, fédérations pionnières et loges pionnières des rives de la Méditerranée autour d’un thème de réflexion. Réunir dans ce contexte des frères et sœurs libanais et un frère israélien fut un grand moment d’espoir et pour moi le signe qu’un début de réconciliation était possible.

Regard vers l’avenir

conférence

450.fm : Que souhaitez-vous pour l’avenir du Droit Humain ?

SZ : Un rajeunissement et une orientation plus initiatique, même si la dimension sociétale ne doit pas être négligée.

450.fm : Quels conseils donneriez-vous à votre successeur ?

SZ : D’abord, exposer un projet clair, fixer un cap mais savoir écouter et tenir compte des différentes sensibilités. (Bon courage !)

450.fm : Quels chantiers prioritaires devraient, selon vous, être poursuivis dans l’immédiat ?

SZ : Renforcer l’identité du Droit Humain dans le paysage maçonnique et le rajeunissement de nos effectifs. Le Droit Humain, malgré une histoire forte, n’arrive pas à s’imposer comme première obédience mixte. Quand le GODF devient mixte, on retrouve dans la presse le discours : « enfin, la franc-maçonnerie s’ouvre aux femmes ». C’est ignoré ou sous-estimer non seulement le Droit Humain mais également l’ensemble des obédiences mixtes !

Le rajeunissement de nos effectifs passe par la réponse à la quête de spiritualités des jeunes. Nous ne les séduirons pas par un engagement sur le terrain politique mais par une offre de spiritualité laïque ! Car les jeunes ont un besoin spirituel qu’ils trouvent dans les religions ; en témoignent les nombreux baptêmes d’adultes ou le succès des JMJ mais aussi le développement de l’Islam et des évangélistes chez les jeunes. Alors, à nous francs-maçons de leur offrir une spiritualité ouverte ne les enfermant pas dans une vision conservatrice et communautariste.

Vision sur la franc-maçonnerie

famille heureuse, soleil couchant, père mère enfants
Le futur, l’avenir…

450.fm : Comment percevez-vous l’évolution générale de la franc-maçonnerie en France et dans le monde ?

SZ : Faute de proposer activement une dimension spirituelle, la franc-maçonnerie, considérée dans ses composantes majoritaires, apparaît désuète et inutile dans un monde en pleine mutation. En se profanisant et en voulant devenir un corps intermédiaire, la franc-maçonnerie s’épuise. Quant à la maçonnerie anglo-saxonne, elle apparaît davantage comme un club et est en plein déclin. À nous de réagir et de nous renouveler dans notre approche du monde.

450.fm : Quels défis attendent toutes les obédiences dans les prochaines années ?

SZ : Le vieillissement des effectifs dû à un manque d’attractivité de plus en plus patent auprès des jeunes générations conduit inévitablement à un déclin en termes numériques. Mais le véritable déclin est celui d’un type de sociabilité qui n’a pas su se remettre en question ni offrir aux profanes une spiritualité ouverte.

450.fm : La mixité et l’internationalisme du Droit Humain : atouts et défis ?

SZ : Mixité et internationalisme, quelle modernité toujours à mettre en œuvre. Alors, oui, ce sont de véritables atouts mais aussi un défi dans un monde où les thèses masculinistes s’affichent avec force, où s’affirment un repli des sociétés sur elles-mêmes et une recrudescence du nationalisme.

Conclusion

450.fm : Si vous pouviez adresser un message fraternel à toutes les Sœurs et tous les Frères du Droit Humain…

SZ : Ne vous découragez pas ! Allez de l’avant sans peur et utilisez votre énergie à répandre nos valeurs.

450.fm : … et un mot à la communauté maçonnique au sens large ?

SZ : Unissons nos forces plutôt que de nous diviser.

450.fm : Enfin, après ce mandat, quels sont vos projets, maçonniques ou profanes ?

SZ : Mes projets sont essentiellement profanes avec de nouveaux projets de recherches et des publications à venir. Sur le plan maçonnique, un parcours se termine et il faut laisser la place à celles et à ceux qui sont l’avenir. Mon rôle est désormais celui d’un transmetteur, plus que celui d’un acteur.

Le Larzac : Terre des Templiers

L’Aveyron, sur la piste aux trésors : Le Larzac et le rougier de Camarès

C’est ici qu’au XIIe siècle, les Templiers, un ordre créé pendant les premières croisades en Terre Sainte, va installer des bases arrière et mettre en valeur le territoire. Illustration à la Commanderie de Sainte Eulalie de Cernon avec Laurence Fric, du Conservatoire Larzac Templier et Hospitaliers. Puis, nous partons à la Couvertoirade, l’une des cités templières les mieux conservées d’Europe, pour découvrir que les Templiers sur le Larzac avait bien un trésor….

Des templiers qui ont fortement développé l’agropastoralisme encore en place aujourd’hui. Illustration à Roquefort sur Soulzon, la patrie du fameux fromage à pâte persillée. L’occasion d’explorer les fameuses caves d’un petit producteur, Delphine Carles, qui continue de fabriquer son « trésor » à l’ancienne.

Enfin, nous partons survoler l’un des paysages les plus précieux et les plus inattendus de France : le rougier de Camares. En compagnie d’Eric Teissèdre, photographe professionnel, et d’Yves Rouquette, poète écrivain, nous explorons au soleil couchant des terres incandescentes dominées par le magnifique Château de Montaigut.

© Cap Sud Ouest – France 3 – janvier 2014
Une émission présentée par Éric Perrin et réalisée par Catherine Breton

Hommage au philosophe Bernard Stiegler

Cinq ans après, une philosophie de l’engagement et de la transformation

Le 5 août 2020, le philosophe français Bernard Stiegler nous quittait, laissant derrière lui une œuvre riche et provocatrice qui continue d’inspirer les penseurs, les militants et les acteurs du changement à travers le monde. Cinq ans après sa disparition, cet article rend hommage à cet intellectuel hors norme, dont les travaux sur la technique, la mémoire et l’émancipation humaine résonnent profondément avec l’esprit de la franc-maçonnerie, bien qu’il n’ait jamais été membre de cette fraternité initiatique.

À travers une exploration de ses idées, nous mettrons en lumière les parallèles entre sa philosophie et les valeurs maçonniques, notamment dans leur quête commune d’un perfectionnement individuel et collectif face aux défis de la modernité.

Bernard Stiegler : une vie au service de la pensée

Bernard Stiegler au symposium « Technologie, espace, raison : infrastructures de la connaissance dans l’anthropocène » pour le cycle de conférences Histoire et théorie des nouveaux médias le 13 octobre 2016.

Né en 1952, Bernard Stiegler a marqué la philosophie contemporaine par son approche unique, mêlant phénoménologie, anthropologie et critique de la technique. Ancien élève de Jacques Derrida, il forgea une pensée singulière, influencée par son expérience personnelle – notamment ses années d’incarcération dans les années 1970, où il découvrit la philosophie comme un outil de reconstruction. Fondateur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) et du collectif Ars Industrialis, Stiegler consacra sa vie à analyser les impacts de la technologie sur la société et à proposer des alternatives pour une « nouvelle critique de l’économie politique ».

Son œuvre, prolifique et interdisciplinaire, inclut des ouvrages majeurs comme La Technique et le Temps (1994-2001), De la misère symbolique (2004) et Qu’appelle-t-on panser ? (2018-2020). À travers ces travaux, Stiegler interroge la manière dont les technologies façonnent nos modes de pensée, nos relations sociales et notre capacité à « prendre soin » du monde.

Les piliers de la philosophie de stiegler

  1. La Technique comme Pharmakon : Au cœur de la pensée de Stiegler se trouve le concept de pharmakon, emprunté à la philosophie grecque et repris de Platon via Derrida. Le pharmakon désigne à la fois un poison et un remède, une ambivalence que Stiegler applique à la technique. Dans La Technique et le Temps, il soutient que les outils technologiques, des tablettes d’argile aux algorithmes numériques, ne sont ni intrinsèquement bénéfiques ni destructeurs : ils amplifient les capacités humaines tout en pouvant aliéner si leur usage n’est pas maîtrisé. Cette vision dialectique rappelle le rituel du pharmakos grec, où un bouc émissaire était sacrifié pour purifier la communauté, un thème que nous avons exploré dans un précédent article comme résonnant avec les rituels maçonniques de mort symbolique et de renaissance.
  2. La Mémoire et l’Individuation : Stiegler développe l’idée que la technique est une « mémoire extérieure » qui conditionne l’individuation, c’est-à-dire le processus par lequel un individu devient un sujet unique tout en s’inscrivant dans une communauté. Dans De la misère symbolique, il déplore la perte de cette individuation dans une société consumériste où les industries culturelles standardisent les esprits. Cette réflexion fait écho à la démarche maçonnique, qui encourage l’initié à se dépouiller de ses « métaux » (préjugés, passions) pour se construire en tant qu’individu conscient et engagé dans une fraternité universelle.
  3. Prendre Soin et Résistance au Capitalisme Algorithmique : Dans ses derniers travaux, notamment Qu’appelle-t-on panser ?, Stiegler appelle à « prendre soin » de l’humanité face à ce qu’il nomme l’« entropie anthropocène », une dégradation des systèmes sociaux et écologiques causée par un capitalisme numérique débridé. Il propose une économie contributive, où les individus participent activement à la création de savoirs et de pratiques collectives. Cette idée d’un engagement actif pour le bien commun résonne avec les valeurs maçonniques de fraternité et de travail pour l’amélioration de l’humanité.

Parallèles avec l’Esprit de la Franc-Maçonnerie

Bien que Bernard Stiegler n’ait jamais été franc-maçon, sa philosophie partage plusieurs affinités avec l’esprit maçonnique, notamment dans son approche initiatique, son emphasis sur la transformation individuelle et collective, et sa vision d’une société fondée sur la responsabilité et la solidarité.

  1. Une Quête Initiatique : La franc-maçonnerie repose sur des rituels initiatiques où l’individu traverse des épreuves symboliques pour accéder à une compréhension plus profonde de soi et du monde. De manière analogue, Stiegler considérait la philosophie comme une pratique transformative, un processus d’« individuation » qui nécessite un travail constant sur soi. Dans Philosopher par accident (2004), il raconte comment sa période d’incarcération fut une « initiation » philosophique, un moment de rupture et de reconstruction qui rappelle la chambre de réflexion maçonnique, où l’initié médite sur sa propre finitude.
  2. La Fraternité et le Collectif : La franc-maçonnerie promeut une fraternité universelle, un idéal d’unité et de coopération transcendant les frontières. Stiegler, à travers Ars Industrialis, militait pour des communautés de savoir contributives, où les individus collaborent pour contrer la « prolétarisation » (perte de savoir-faire et de savoir-vivre) induite par les technologies capitalistes. Cet appel à la coopération intellectuelle et sociale fait écho à l’engagement maçonnique pour construire une société plus juste, comme illustré par les travaux du Convent de Lausanne, qui cherchait à unifier les pratiques du Rite Écossais Ancien et Accepté.
  3. Le Pharmakon et le Symbolisme Maçonnique : Le concept de pharmakon chez Stiegler trouve un parallèle dans le symbolisme maçonnique, où les outils (équerre, compas) sont à la fois des instruments pratiques et des symboles de transformation. Comme le pharmakon, ces outils peuvent être utilisés pour construire ou détruire, selon l’intention de l’utilisateur. De même, le pharmakos grec, avec sa dualité sacré/impur, peut être comparé à l’initié maçonnique, qui doit « mourir » symboliquement pour renaître transformé, un thème exploré dans des ouvrages comme La Symbolique maçonnique de Jules Boucher (1948).
  4. L’Engagement Éthique : Stiegler insistait sur la nécessité de « prendre soin » face à la disruption technologique, une démarche éthique qui résonne avec le devoir maçonnique de travailler à l’amélioration de l’humanité. Dans Les Francs-Maçons et leur philosophie (2005), Daniel Beresniak souligne que la maçonnerie n’est pas une fin en soi, mais un moyen de construire une société plus harmonieuse, un objectif que Stiegler poursuivait à travers ses propositions d’une économie contributive.

L’Héritage de Stiegler en 2025

Cinq ans après sa mort, l’héritage de Bernard Stiegler reste plus pertinent que jamais. Face à l’accélération des technologies numériques, de l’intelligence artificielle et des crises écologiques, sa philosophie offre un cadre pour penser la responsabilité humaine dans un monde en mutation. Son appel à une « bifurcation » – un changement radical de paradigme économique et social – continue d’inspirer des initiatives comme celles de l’IRI ou du mouvement des « Territoires en transition ».

En parallèle, la franc-maçonnerie, avec des événements comme la célébration du 150e anniversaire du Convent de Lausanne en septembre 2025, continue de promouvoir une réflexion sur les valeurs universelles dans un monde en crise. Bien que Stiegler n’ait pas été maçon, son insistance sur la nécessité d’une pensée critique et collective face à la technique fait écho à l’esprit maçonnique, qui invite ses membres à « tailler leur pierre » pour contribuer à un édifice commun.

Bernard Stiegler nous a quittés il y a cinq ans, mais ses idées continuent d’éclairer notre compréhension des défis contemporains. Sa vision du pharmakon, de l’individuation et du « prendre soin » partage avec la franc-maçonnerie une ambition commune : celle de transformer l’individu et la société à travers une démarche réfléchie et éthique.

En ce début août 2025, rendons hommage à ce penseur visionnaire en poursuivant son appel à construire un avenir où la technique, loin d’être un poison, devient un remède pour une humanité plus consciente et solidaire.

Références :

  • Stiegler, Bernard. La Technique et le Temps, 1 : La faute d’Épiméthée. Galilée, 1994.
  • Stiegler, Bernard. De la misère symbolique. Galilée, 2004.
  • Stiegler, Bernard. Qu’appelle-t-on panser ?. Les Liens qui Libèrent, 2018-2020.
  • Stiegler, Bernard. Philosopher par accident. Galilée, 2004.
  • Boucher, Jules. La Symbolique maçonnique. Dervy, 1948.
  • Beresniak, Daniel. Les Francs-Maçons et leur philosophie. Dervy, 2005.
  • Burkert, Walter. Structure and History in Greek Mythology and Ritual. University of California Press, 1979.
  • L’Edifice, « Le Convent de Lausanne », https://www.ledifice.net/P021-3.html.
  • The Conversation, « Les crimes rituels au Gabon : un phénomène moderne », 3 août 2025.

Autre article sur ce thème

27 ans pour faire le tour du monde à pied… un voyage presque initiatique

La Goliath Expedition est le tour du monde à pied commencé par Karl Bushby, un aventurier britannique né le 30 mars 1969 à Hull, en Angleterre. Ce trek ambitieux part de Punta Arenas au Chili, jusqu’à sa maison à Kingston upon Hull, en Angleterre, soit environ 58 000 kilomètres. Initié le 1er novembre 1998, ce voyage devait initialement s’achever en 2014, mais des obstacles multiples ont prolongé cette odyssée à plus de 27 ans, l’entreprise étant encore en cours en août 2025. En mars 2006, Bushby et l’aventurier français Dimitri Kieffer ont franchi le détroit de Béring à pied, traversant une section gelée de 90 kilomètres en quinze jours.

Parti d’Amérique du Sud, il a suivi le soleil vers l’Ouest et revient vers son Angleterre natale.

Karl Bushby a également raconté cette épopée dans son livre Giant Steps, dont la première édition est parue en 2005. Ce périple, bien au-delà d’une simple prouesse physique, s’apparente à un voyage initiatique, partageant des similitudes profondes avec le célèbre Chemin de Compostelle, un autre parcours chargé de symbolisme et de transformation personnelle.Une Odyssée à Pas Ininterrompus

Une odyssée à pas ininterrompus

Karl Bushby, ancien parachutiste de l’armée britannique ayant servi onze ans au 3e bataillon des parachutistes, a débuté sa Goliath Expedition avec une règle stricte : avancer uniquement à pied, sans recours à aucun autre moyen de transport, et ne rentrer chez lui qu’en marchant. Parti de Punta Arenas, il avait parcouru plus de 17 000 miles (27 000 km) d’ici 2006, traversant l’Amérique du Sud, centrale et du Nord. Initialement, il estimait rentrer à Hull d’ici 2012, mais des défis logistiques, politiques et climatiques ont repoussé cet horizon. Parmi les étapes marquantes, la traversée du détroit de Béring en 2006, réalisée avec Dimitri Kieffer, reste un exploit historique, nécessitant une route détournée de 240 km sur la glace en quatorze jours pour franchir les 93 km du détroit.

Les difficultés se sont multipliées avec les autorités russes, qui l’ont arrêté près du village d’Uelen pour entrée illégale, menaçant de mettre fin à son aventure. Grâce à une intervention diplomatique impliquant John Prescott, alors vice-Premier ministre britannique, et Roman Abramovich, gouverneur de Tchoukotka, Bushby a pu continuer. Cependant, les restrictions de visa (90 jours tous les 180 jours) et les conditions de la toundra, praticable uniquement en hiver sur les rivières gelées, ont ralenti sa progression. Entre 2008 et 2010, il s’est réfugié au Mexique pour des raisons financières, perdant des sponsors lors de la crise de 2008. Reprenant en 2011, il a atteint Srednekolymsk après 1 100 km, mais un nouveau refus de visa en 2012, suivi d’une interdiction d’entrée en Russie jusqu’en 2018, l’a forcé à marcher 4 800 km de Los Angeles à Washington pour plaider sa cause. En 2014, la Russie a finalement levé l’interdiction, lui permettant de reprendre via la Mongolie (2017), l’Ouzbékistan (2019) et une pause à la frontière turkméno-iranienne en raison de la pandémie de COVID-19.

compostelle

En août 2024, face aux tensions géopolitiques, Bushby a innové en traversant la mer Caspienne à la nage sur 288 km en 31 jours avec Angela Maxwell et deux nageurs azerbaïdjanais, avant de rejoindre la Turquie et d’entrer en Europe via le Bosphorus. En juin 2025, il se trouve au Mexique, attendant un visa turc pour reprendre en août, avec un retour espéré à Hull en 2026.

Un voyage initiatique : parallèles avec le chemin de compostelle

Le périple de Bushby transcende l’exploit sportif pour s’apparenter à un voyage initiatique, un thème central partagé avec le Chemin de Compostelle. Ce pèlerinage, qui attire des milliers de marcheurs vers la tombe de Saint-Jacques à Santiago de Compostela, est depuis des siècles un parcours de transformation intérieure, où les épreuves physiques mènent à une renaissance spirituelle. De même, la Goliath Expedition, avec ses 27 années d’endurance face à des obstacles naturels (déserts, toundras, mers gelées) et humains (bureaucratie, conflits), offre à Bushby une quête de sens et d’identité.

Karl Bushby

Le Chemin de Compostelle impose une rupture avec la vie quotidienne, un dépouillement symbolisé par le bâton et la coquille, que Bushby réinvente avec son chariot « The Beast », contenant tout son équipement. Comme les pèlerins, il avance pas à pas, confronté à l’isolement et à l’hostilité des éléments, mais aussi à la solidarité des rencontres, qu’il décrit comme une source d’espoir dans Giant Steps. La traversée de la Bering Strait, un passage périlleux entre deux mondes (Amérique et Asie), évoque les étapes symboliques du Camino, comme le col de Roncevaux, où les marcheurs laissent derrière eux leurs anciens moi.

De plus, les retards imposés par les visas russes ou la pandémie reflètent les épreuves imprévues du pèlerinage, où la patience et la résilience sont mises à l’épreuve. Bushby lui-même a évoqué dans des interviews l’idée que marcher lui permet de « connaître le monde de l’intérieur », une expérience introspective proche de la méditation des pèlerins cherchant l’illumination. Sa décision de nager la Caspienne pour contourner les dangers géopolitiques illustre une adaptation créative, comparable à la flexibilité des pèlerins face aux aléas du Camino.

Une odyssée universelle

Karl Bushby

À 27 ans de voyage, la Goliath Expedition est bien plus qu’une tentative de record. Elle incarne une quête initiatique où chaque pas est une méditation, chaque obstacle une leçon. Comme le Chemin de Compostelle, qui unit des marcheurs de toutes origines sous un même idéal spirituel, le périple de Bushby tisse un lien humain à travers les continents, reliant des cultures par l’effort partagé.

En attendant son retour à Hull en 2026, cette aventure reste un témoignage vivant de la capacité humaine à transcender les limites, dans un esprit qui résonne avec les valeurs universelles de persévérance et de transformation portées par les grands chemins initiatiques.

« J’accuse » : Audience initiatique, tribunal du barreau du zénith

1

À l’Orient de la parole perdue

 PROLOGUE VISUEL : LA TOILE QUI PRÉCÈDE LE VERBE

Ils avancent drapés de noir, silhouettes sobres et dignes.
Pingouins d’apparat, juges du symbole, non du fait.
Ici, au Barreau du Zénith, on ne condamne pas : on interroge les mythes.
Le silence précède le cri. La glace enveloppe le feu du doute.
Et c’est dans cette lumière oblique que le rituel commence.

I.  PRÉAMBULE : “J’ACCUSE”

Messieurs les Juges, Vénérables Frères et Sœurs,
Je prends la parole non pour relater le mythe, mais pour interroger l’oubli qu’il contient.
J’accuse !
J’accuse la tradition d’avoir condamné trois compagnons sans preuve, sans témoin, sans cri.

Le rituel nous offre une tragédie splendide, mais il refuse le doute, pourtant, le doute est la lumière du maçon.
Je ne défends pas l’erreur. Je défends l’humanité symbolique.
Et je demande la réhabilitation de ces compagnons que nous avons jugés trop vite, trop bien, trop parfaitement.
Mais ce soir, je plaide pour les compagnons.
Car ce que nous avons jugé comme crime… n’est peut-être qu’humanité.

II.  LES OUTILS DU MEURTRE : SYMBOLES DÉTOURNÉS.

Les outils du crime : détournement des emblèmes sacrés

Messieurs les Juges,
Dans le box des accusés, trois instruments que l’on croyait au-dessus de tout soupçon :

  • La règle : droite, précise, incorruptible. Elle trace les contours du monde juste… mais ici, elle devient lame. Tranchante, muette, sans impact visible. On l’accuse d’avoir frappé, mais nul sang, nul éclat, nul témoin.
  •  Le levier : serviteur de la matière, outil des bâtisseurs. Il soulève les pierres, libère les charges… mais dans le récit, il frappe à la nuque. Pourtant, Hiram ne tombe pas. Il continue sa course, comme si le symbole refusait d’obéir à l’intrigue.
  •  Le maillet : marteau de la maîtrise, geste du commandement. C’est lui, dit-on, qui donne le coup fatal. Mais où est le drame ? Aucune scène, aucun regard, aucune preuve que le geste ait existé.

Et pourtant, ces trois objets, ces trois emblèmes du métier, deviennent ici les piècesmaîtresses de l’accusation.

Mais peut-on croire que la règle tue ?
Que le levier assassine ?
Que le maillet exécute sans que le Temple lui-même ne tremble ?

“Ces outils ne sont pas des armes. Ce sont des symboles. Et nul symbole ne tue.”(1)

Et surtout :

Aucun cri. Aucune plainte. Aucun bruit.

Le Temple, au moment du geste supposé fatal, demeure parfaitement silencieux.
Le Septentrion ne frémit pas. Aucun garde n’est alerté.
Le silence n’est pas vide, il est le quatrième compagnon.
Celui qui voit, mais ne dit rien. Celui qui assiste, mais ne témoigne jamais.

Ce silence, sacré ou complice, défie la logique et installe le doute.
Et peut-être que là, dans ce vide sonore, le rituel s’est protégé du vrai.

III. LES FAILLES DU RÉCIT : UNE CHORÉGRAPHIE TROP PARFAITE

  • Trois portes. Trois coups. Trois blessures.
  • Hiram ne se défend pas. Les compagnons s’enfuient.
  • Et surtout : chaque fuite se fait par une porte dérobée différente.

Nord. Orient. Occident.

Ces portes ne sont pas des issues : ce sont des failles.
Et par ces failles, Hiram s’éloigne du Temple, pour entrer dans le désert.

Le Temple se referme. Le rituel ne poursuit pas.
Ce n’est pas une enquête. C’est une évacuation symbolique.
Et le maître s’efface dans un couloir que le mythe refuse de cartographier.

IV.  LE DÉSERT : THÉÂTRE DU BURLESQUE SACRÉ

Alors débute la quête nocturne :

  • Des maîtres creusant à mains nues.
  • Un acacia qui pousse en une nuit.
  • Un chien qui hurle dans le silence du sable.
  • Un cri : “Makbénach !”, qui n’est pas un mot, mais une exclamation.

Puis… le corps d’Hiram.

Mais qui l’a amené là ? Personne ne sait.
Il n’est pas porté. Il n’est pas suivi. Il apparaît.

Le désert ne reçoit pas un cadavre. Il accueille un symbole en ruine.

Le visage est effacé.
La chair a quitté les os.
Et le cri reste sans écho.

Le silence continue et renforce la scène, comme une mise en abyme du rituel qui se tait.

V. LES COMPAGNONS : FIGURES HUMAINES, NON CRIMINELLES

Ils sont imparfaits, oui :

  • Ignorants.
  • Fanatiques.
  • Ambitieux.

Mais ils ne tuent pas.
Ils cherchent. Ils tâtonnent.
Ils fuient, oui  mais leur fuite ouvre le chemin initiatique.

Et ce silence qui les accompagne n’est pas leur châtiment, mais leur dévoilement.
Ce ne sont pas des assassins.
Ce sont nos fragments intérieurs, ceux que le rituel désigne… pour qu’on les reconnaisse.

VI. CONCLUSION : RÉHABILITER LE MYTHE PAR LE DOUTE

Messieurs les Juges,
Ce mythe est trop parfait pour être crédible.
Mais il est assez absurde pour être initiatique.

Et dans ce rire discret, ce sourire en coin du rituel, se cache la vérité :

Le mythe ne se raconte pas. Il se questionne.

La légende d’Hiram, dans sa grandeur tragique, n’échappe pas à l’ombre du burlesque.
Et c’est peut-être là, dans ce silence trop parfait, dans ce cri sans alarme…

…que brille la vraie lumière.

Le doute est à l’origine de la sagesse.

René Descartes

Mathématicien, Philosophe, Physicien, Scientifique (1596 – 1650)

VERDICT DEMANDÉ : L’ACQUITTEMENT DES COMPAGNONS

Je ne plaide pas pour l’oubli.
Je plaide pour la réintégration.
Que les compagnons soient vus non comme des criminels,
Mais comme des porteurs involontaires de la quête.
Et que le silence, figure invisible et impitoyable, soit reconnu comme acteur principal.

Acquittement demandé :  Pour les compagnons. Pour le mythe. Pour nous.

Maillet maçonnique de Vénérable Maître
Maillet de la justice

P.S.  Nota Bene pour ceux qui croient à un mélodrame judiciaire

Ne vous y trompez pas.
Ce texte n’est pas une saynète (Courte pièce comique avec peu de personnages).
Il est une controverse rituelle, déguisée en farce pour mieux réveiller les sens.

Les pingouins du Barreau du Zénith n’ont pas l’humour facile.
Mais ils savent que derrière chaque rire, chaque silence, chaque oubli, se cache la parole perdue, celle qu’on    ne retrouve jamais tout à fait, sauf dans le doute.«Nul symbole ne tue » souligne que la violence ne vient pas intrinsèquement des symboles, mais de l’usage que l’on en fait. Elle nous invite à faire preuve de vigilance quant à la manière dont nous interprétons et utilisons ces représentations, pour construire un monde plus tolérant et pacifique. 

Une exploration mystique de la quadrature du cercle

Le mystère du mouvement créateur

La vérité géométrique ne se mesure pas, mais se découvre dans le cœur en mouvement.

À cette œuvre symbolique déjà magnifiquement esquissée par d'autres, je viens ajouter ma pierre à l'édifice.

Depuis les origines de la pensée symbolique, la quadrature du cercle fascine autant qu’elle interroge. Énigme mathématique, défi géométrique, mais surtout symbole mystique majeur, elle ouvre une porte secrète entre la Terre et le Ciel, entre la forme et le sens, entre l’homme et le divin.

Car résoudre cette quadrature, ce n’est pas plier l’univers à des lois rigides, mais percevoir le mouvement caché au cœur des formes.

Le Carré

Le carré, figure stable et immobile, est le premier socle sur lequel s’élève toute construction, matérielle comme spirituelle. Par ses quatre côtés égaux et ses angles droits, il manifeste la loi de l’équilibre, de la mesure, de la structure. Il est la forme géométrique de la Terre, du bâti, de ce qui repose et porte.

Dans toutes les traditions, le carré est le fondement de l’univers visible, le symbole des quatre piliers du monde. Il évoque à la fois l’ordre de la nature et celui de l’homme incarné :

Les quatre éléments : Terre (la forme), Eau (la vie), Air (le souffle), Feu (l’être).

Les quatre directions cardinales : Est, Sud, Ouest, Nord, qui définissent l’espace sacré du temple intérieur.

Les quatre phases du cycle : naissance, croissance, maturité, mort, ou plutôt transformation.

Les quatre lettres du Nom sacré (Yod-He-Vav-He) dans leur carré d’incarnation.

Et surtout, le carré peut être lu comme l’expression des quatre dimensions de l’Être humain :

  • Corpus, le corps, matière incarnée, temple vivant.
  • Animus, l’âme affective, le souffle des émotions.
  • Spiritus, l’esprit pensant, le feu des idées et de la volonté.
  • Essen, l’essence, le germe divin, ce qui relie l’homme à la Source.

Ce carré est donc l’image complète de l’homme en son état terrestre, incarné mais encore fragmenté, structuré mais non unifié.

Mais tant que ce carré reste figé, il est matière sans esprit, structure sans vie, ordre sans souffle. Il est le temple sans lumière, l’édifice construit selon les mesures, mais où rien ne chante.

Il est l’homme qui vit sans centre, sans verticalité, sans appel vers l’Un.

L’édifice est là, mais le verbe n’a pas encore été prononcé.

Or, tout change lorsque l’on cherche le centre du carré.

Ce centre caché, invisible mais essentiel, est le lieu du retournement. Il est le cinquième point, la quintessence, l’étoile au milieu de la croix.

Il est ce que le Tao appelle le Non-agir au cœur de l’action, ce que le kabbaliste nomme Tipheret au centre des six directions, ce que l’alchimiste appelle l’Œuf philosophique, où tout est contenu en puissance.

Trouver ce centre, c’est se souvenir que la matière n’est pas une prison, mais un réceptacle. Que la structure n’est pas une fin, mais un support pour l’Esprit.

Et lorsque ce centre est éveillé, une force silencieuse se déploie : le carré entre en mouvement, et dans cette danse sacrée autour de son propre cœur, il devient cercle vivant.

La matière s’anime.
Le temple devient une spirale.
Le monde devient verbe.

Car au cœur du carré, se cache un point invisible : la Quintessence, l’Éther, le germe de vie, le Souffle créateur.

Et si l’on met le carré en rotation autour de ce centre, alors… il devient cercle.

Du Carré au Cercle

Lorsque l’homme découvre le centre caché en lui, ce point immobile autour duquel tout peut tourner sans se perdre, une métamorphose devient possible.

Le carré, jusque-là figé dans sa stabilité rigide, se met en mouvement. Il ne se détruit pas, il s’ouvre. Il ne renie pas sa structure, mais la transfigure.

Car c’est le mouvement qui engendre la vie.
Et c’est autour du centre, non contre lui, que cette vie devient Création.

Le carré qui tourne devient cercle : non plus limite, mais rayonnement. Non plus séparation des bords, mais unité centrée.

Le Cercle

Le cercle est la figure par excellence de l’infini, du Ciel, du temps cosmique et de la loi divine. Il est le retour perpétuel au Centre, le flux éternel, la sphère du Soi accompli.

Lorsqu’il naît du carré en mouvement, ce cercle n’est pas un simple contour : il est la danse de l’Être autour de son Essence. Il symbolise l’homme qui a reconnu la lumière en lui et qui fait de sa vie un rayonnement à partir de ce foyer.

Ainsi, la quadrature du cercle ne se résout pas par des instruments de géométrie, elle se résout par la Vie.
C’est la Vie, en tant que souffle, mouvement, rythme, circulation, qui permet à la forme de s’ouvrir au sens, à la matière d’accueillir l’esprit.

Le carré est le monde.
Le centre est l’âme.
Le mouvement est la vie.
Le cercle est la création accomplie.

L’homme qui vit selon cette dynamique devient le trait d’union entre l’infini et le fini. Il marche sur la Terre, mais son cœur bat au rythme du Ciel. Il est Temple en mouvement, axe vivant entre haut et bas, vertical dans l’horizontalité.

Le passage du carré au cercle est plus qu’un symbole : c’est une invitation spirituelle.

Nous sommes tous nés carrés : avec des formes, des rôles, des limites, des peurs.
Mais nous sommes appelés à devenir cercles : vivants, vibrants, ouverts, reliés.

Et ce passage n’est pas une fuite hors de la matière :

C’est la mise en mouvement de l’Esprit dans la forme,
C’est la musique silencieuse qui fait vibrer la géométrie,
C’est la danse de l’âme autour de sa Source.

Ne cherche pas à enfermer le Divin dans la forme.
Fais de ta forme une offrande vivante autour du Centre.
Et tu verras que le carré devient cercle,
Que la matière devient lumière,
Et que le monde devient Verbe.

La Création

Au cœur du mystère de l’Être, l’homme est semblable au carré : une structure précise, polarisée, ancrée dans la densité du monde manifesté. Il est limité par les frontières de sa chair, par les lois du temps, de la gravité, de la dualité. Il vit dans l’espace quadrillé de ses habitudes, de ses croyances, de ses peurs.

Et pourtant… Quelque chose en lui se souvient du cercle.

Ce souvenir prend la forme d’une aspiration, d’un manque, d’une blessure parfois. L’homme sent confusément qu’il n’est pas complet. Il pressent qu’au centre de sa géométrie figée, se cache un feu invisible, un point de lumière : l’Amour.

Car c’est l’Amour qui met en mouvement.
C’est lui qui fait tourner le carré autour de son propre centre.
C’est lui, ce souffle invisible qui pousse l’homme à chercher, à douter, à se dépasser, à tendre vers ce qu’il ne connaît pas encore, mais qu’il devine comme vrai.

L’Amour véritable, celui qui ne prend pas mais qui donne, n’est pas une émotion.
Il est une loi de gravitation intérieure, un élan de réintégration, une force spiralaire qui ramène tout ce qui est séparé vers l’Un.

Quand l’homme aime, vraiment, il tourne autour de son centre. Il cesse de vivre en périphérie de lui-même. Il ne fuit plus. Il ne résiste plus. Il entre dans le rythme de la Vie.

Ce mouvement circulaire n’est pas une fuite vers le haut, ni un rejet du monde : c’est une offrande vivante. C’est le Souffle qui épouse la forme, c’est le Divin qui épouse l’humain.

Dans cette danse sacrée, le Moi se dissout peu à peu. Il ne disparaît pas, mais il devient transparent. Il cesse d’être un obstacle. Il devient passage. Et le cercle se révèle.

Lorsque le carré se met à tourner par Amour autour de sa propre essence, alors la forme se fait fluide, le temps devient spirale, et la création prend sens.

Le cercle est le fruit de ce mouvement sacré :
Il est la conscience qui a retrouvé son axe, l’être qui ne se croit plus séparé, l’âme qui rayonne à partir de son feu intérieur.

C’est là que réside le vrai mystère :

Le monde n’a pas été créé par une loi, mais par un mouvement d’Amour.

Non une volonté de posséder, mais un élan de don.
Non une idée fixe, mais une spirale d’intelligence vivante.

Le Verbe s’est fait chair, non pour s’y enfermer, mais pour y danser, comme une flamme dans le vent, comme un cœur qui bat dans le silence du monde.

Ainsi, la Vie elle-même est cette danse : ce balancement entre polarités, ce tournoiement du carré autour du Centre, ce cercle qui naît et renaît dans chaque instant éveillé.

Et plus encore :

Ce mouvement n’est pas simplement la Vie :

Il est l’Amour.
Et l’Amour est le véritable moteur de toute transmutation.

L’homme qui aime devient cosmos.
L’homme qui aime devient cercle, non par perfection extérieure, mais parce que tout en lui se met à vibrer autour de l’Essentiel.

La matière, alors, n’est plus prison. Elle devient partenaire du Divin, instrument de louange silencieuse, harpe sacrée que l’Esprit touche dans le secret.

Quand tu aimeras sans attendre,
Quand tu donneras sans compter,
Quand tu vivras depuis ton centre,
Alors tu verras le cercle naître en toi.
Et tu sauras que la Création n’est pas une construction,
Mais une danse et que cette danse, c’est l’Amour.

Là où le Cœur se met à chanter

Et si tout naissait d’un frisson,
D’un chant discret, d’une vibration,
Qui, loin des dogmes et des lois,
Ranime en nous l’Amour, le vrai, le Roi ?

Non dans l’effort ou la tension,
Mais dans l’élan, dans l’intention
De vivre au centre de soi-même,
Là où l’on aime… sans dire « je t’aime ».

Car quand le cœur devient autel,
Que l’on s’y tient comme au ciel,
La forme s’ouvre, la vie circule,
Et le carré devient souffle qui ondule.

Un cercle doux, fluide et dansant,
Autour d’un centre incandescent.
Le monde alors n’est plus prison,
Mais un poème en floraison.

Ce n’est pas l’ordre ni la loi
Qui font vibrer la Vie en soi,
Mais le mystère d’un feu discret
Qui tourne en rond… et nous recrée.

Cherche donc ce qui fait chanter
Ton cœur secret, ton verbe sacré.
Ce qui t’éclaire, ce qui t’élève,
Ce qui t’enlace et te soulève.

Et laisse l’Amour, tel un soupir,
Te faire tourner et vibrer sans fuir.
Car dans ce cercle en expansion,
C’est Dieu qui prend incarnation.

Là où ton cœur devient lumière,
Là où l’Amour dissout les pierres,
Là tu deviens à l’image du Créateur
Temple vivant, semeur de lueurs.