dim 20 avril 2025 - 16:04
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Le Dieu Géométrique de Spinoza : L’Ordre Infini (III)

Avec inspiration de notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz

Et si Dieu n’était ni un roi céleste ni un esprit capricieux, mais une équation parfaite, un ordre géométrique qui sous-tend chaque mouvement de l’univers ? Baruch Spinoza (1632-1677), dans son chef-d’œuvre L’Éthique, démontrée selon l’ordre géométrique (1677), nous offre cette vision audacieuse : un Dieu qui n’est pas au-dessus de la Nature, mais qui est la Nature – une substance unique, infinie, nécessaire, dévoilée par la rigueur d’une démonstration mathématique.

Dans ce troisième et dernier volet de notre série, explorons ce “Dieu géométrique” qui défie les passions humaines et les dogmes pour révéler une réalité unifiée. Pourquoi Spinoza a-t-il choisi la géométrie pour parler du divin ? Et en quoi cette pensée peut-elle éclairer notre quête de liberté et de paix ?

Une révolution sous forme d’équations

Galileo Galilée

Au XVIIe siècle, alors que Galilée affirme que « le livre de la nature est écrit en langage mathématique », Spinoza pousse cette idée à son paroxysme. Né à Amsterdam dans une famille juive séfarade exilée, il grandit dans une Europe où la science et la religion s’affrontent violemment. À 23 ans, son rejet des dogmes – notamment d’un Dieu anthropomorphe – lui vaut une excommunication brutale en 1656. Mais loin de se taire, il forge une philosophie qui marie intuition et logique, exposée dans L’Éthique avec la précision d’un traité d’Euclide. Comme le note Rómulo Ramírez Daza y García dans son essai Le Dieu géométrique de Baruch Spinoza (Universidad Panamericana), Spinoza sépare le divin des “Livres de la Loi” pour le contempler avec “l’œil de la Sagesse”. Ce n’est pas un acte de foi aveugle, mais une démonstration rigoureuse qui révèle un Dieu immanent.

Pourquoi la géométrie ? Pour Spinoza, elle est le “modèle idéal” pour exposer la réalité divine. Les axiomes, définitions et propositions s’enchaînent comme les théorèmes d’un cercle ou d’un triangle, offrant une clarté implacable. « Tout suit une série d’étapes pour sa démonstration », écrit Muñoz, capturant cette méthode qui transforme la métaphysique en science.

Dieu : la substance infinie

Au cœur de cette géométrie se trouve une idée radicale : Dieu est une substance unique, causa sui (cause de soi), dont l’essence implique l’existence. « Dieu est la totalité de l’Être », explique Ramírez, une réalité infinie qui contient tout – vous, moi, les montagnes, les étoiles – dans une unité absolue. Dans L’Éthique (Partie I, Proposition 14), Spinoza affirme : « Hors de Dieu, aucune substance ne peut être ni être conçue. » S’il existait autre chose, ce serait une autre substance, ce qui est impossible : Dieu est l’Unique.

Cette substance se manifeste par une infinité d’attributs, mais l’homme n’en perçoit que deux : la pensée (l’esprit) et l’étendue (le corps). « La pensée est un attribut de Dieu », écrit Spinoza (Partie II, Proposition 1) ; il est un être pensant, infini. L’étendue, quant à elle, est la cause immanente de tout ce qui existe physiquement – non une limitation, mais une expression de l’imagination divine. Comme le souligne Gilles Deleuze dans Spinoza : Philosophie pratique (1981), « ces attributs ne divisent pas Dieu ; ils sont des perspectives sur une même réalité ».

Rien n’échappe à cette substance. « Tout ce qui est est en Dieu », proclame Spinoza (Partie I, Proposition 15). Les choses ne pourraient être autrement : leur perfection découle de la nécessité divine, pas d’un caprice. Un flocon de neige, une tempête, une idée – tout suit un ordre géométrique, une logique aussi précise que la somme des angles d’un triangle (180°).

L’âme : un reflet de l’infini

Baruch Spinoza
Baruch Spinoza

Et l’homme dans tout cela ? L’âme humaine, pour Spinoza, n’est pas une entité séparée, mais une modification de la substance divine. « L’âme fait partie de la compréhension infinie de Dieu », dit-il (Partie II, Proposition 11, Corollaire). Elle est un mode, une expression particulière des attributs de pensée et d’étendue. Contrairement à Dieu, nécessaire et éternel, l’homme est contingent – un fragment dans l’immense tapisserie de la Nature.

Pourtant, quelque chose d’immortel subsiste en nous. Dans L’Éthique (Partie V, Proposition 23), Spinoza suggère que l’idée de notre âme, en tant que chose pensante, perdure dans la substance. Cette immortalité n’est pas un paradis personnel, mais une connexion intemporelle à l’infini. Comme l’écrit Ramírez, « l’âme est rapportée à l’infini impérissable, qui est Dieu ». Il n’y a aucun moyen d’échapper à cette réalité : tout implique Dieu.

La connaissance : un chemin vers la liberté

Spinoza distingue trois niveaux de connaissance, chacun révélant un aspect du Dieu géométrique :

  1. Expérience vague : Une perception confuse, désordonnée – voir une fleur sans en saisir l’essence.
  2. Signes et mémoire : Se souvenir d’une chose par des mots ou des images, une connaissance encore imparfaite.
  3. Intuition rationnelle : Comprendre les notions communes et les idées adéquates, comme les lois universelles. C’est la “conscience intuitive”, la plus haute forme de savoir.

« Le bien suprême de l’âme est la connaissance de Dieu », affirme Spinoza (Partie IV, Proposition 28). Cette connaissance libère l’homme des passions – peur, colère, désir aveugle – qui l’enchaînent aux lois du monde. Dieu, lui, est libre car exempt de passions ; l’homme, en le comprenant, s’approche de cette liberté. Comme le note Stuart Hampshire dans Spinoza (1951), « la liberté spinoziste n’est pas un caprice, mais une harmonie avec la nécessité ».

Le physique : un parallélisme parfait

Dans le domaine physique, tout suit cet ordre géométrique. « Un corps en mouvement ou au repos est déterminé par un autre corps, et ainsi de suite à l’infini », écrit Spinoza (Partie II, Proposition 13, Lemme 3). Les corps se distinguent par le mouvement et le repos, mais leur cause ultime est la substance divine. Ce parallélisme – entre pensée et étendue – est absolu : l’esprit et le corps ne s’opposent pas, ils reflètent la même réalité sous deux attributs.

L’infinité de Dieu, explique Ramírez, est une “intemporalité qui se manifeste dans le temps sempiternel”. Le flux du devenir – une rivière qui coule, une étoile qui s’éteint – est l’expression éternelle de cette substance unique. Il n’y a pas deux univers, pas deux substances : tout est un.

Une paix par la compréhension

Spinoza rêve d’un jour où l’humanité comprendra ce Créateur géométrique. « Ce jour-là, il y aura la paix dans le monde », écrit Muñoz. Mais tant que le cerveau cherche la vérité à l’extérieur et que le cœur suit ses passions, cette paix reste hors de portée. La liberté, pour Spinoza, ne vient pas de la révolte ou de la raison seule ; elle naît d’un chemin spirituel, d’une intuition qui transcende les limites humaines pour saisir l’ordre divin.

Un legs éternel

Tombe de Spinoza

Mort à 44 ans, usé par la tuberculose et son métier de polisseur de lentilles, Spinoza laissa une œuvre interdite mais indestructible. Albert Einstein, en 1929, confessait : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie des lois de l’univers. » Aujourd’hui, ce Dieu géométrique nous défie encore : il nous invite à voir l’infini dans le fini, à trouver le sacré dans l’ordre, et à nous libérer par la connaissance.

Ainsi s’achève notre voyage dans la pensée de Spinoza. De l’immanence à la liberté, son Dieu-Nature reste une boussole pour naviguer dans un monde chaotique – une géométrie de l’âme qui, une fois comprise, illumine tout.

María Elena Castillo est la plus haute autorité maçonnique féminine en Argentine

De notre confrère argentin mendozatoday.com.ar

Originaire de Mendoza et ancienne conseillère de Paco Pérez : « Il y a beaucoup de femmes francs-maçonnes en politique et dans le système judiciaire. »

« Bien qu’elles ne soient pas aussi visibles, il y a beaucoup de femmes francs-maçonnes dans le journalisme argentin, dans le système judiciaire – que ce soit comme procureures, avocates de la défense ou juges – dans le pouvoir législatif et, bien sûr, aussi dans le pouvoir exécutif. » C’est avec ces mots que María Elena Castillo, originaire de Mendoza, a admis cette « suspicion collective », en accordant une interview au journal La Nación, en sa qualité de « Sérénissime Grand Maître de la Grande Loge Féminine de la République Argentine », dont le siège se trouve à quelques pas de l’Obélisque de Buenos Aires.

Castillo a travaillé comme avocate toute sa vie, même si elle est maintenant à la retraite. Elle-même a travaillé en politique à Mendoza, pendant l’administration de Francisco Pérez, jusqu’à ce qu’Alfredo Cornejo assume son premier poste de gouverneur (fin 2015 – début 2016).

Elle a travaillé dans des entreprises privées et dans divers services publics et était jusqu’alors conseillère au Secrétariat juridique et technique de l’État provincial. Elle dit également avoir travaillé bénévolement au ministère de la Défense publique, « un secteur dirigé par des femmes à sa création, mais sans structure légale ».

La « leader » des francs-maçons argentins n’ose pas nommer ses « sœurs ». D’abord parce que la discrétion est l’un des principes traditionnels de cette organisation. Et deuxièmement, parce qu’elles craignent la discrimination dont elles sont victimes, assurent-elles à La Nación, depuis la création de cette « branche féminine », puisque les loges ont toujours été considérées comme réservées aux hommes. Mais il précise aussitôt : « La franc-maçonnerie est une philosophie de vie, qui vise la charité, la tolérance, le respect… En fin de compte, notre défi est d’être des sujets vertueux… »

L’icône universelle de la franc-maçonnerie.

Selon la note, il y a environ 4 000 francs-maçons en Argentine. « Parmi elles, il y a des femmes maçonnes, des femmes titulaires de deux ou trois doctorats, et d’autres qui n’ont terminé que le lycée ou, dans certains endroits, l’école primaire. Pourtant, elles transmettent la sagesse, car la sagesse ne se limite pas à l’illumination », explique-t-elle.

Grâce à l’impulsion décisive des « sœurs du Chili », où elles ont plus de 40 ans d’expérience, l’institution en Argentine a été fondée il y a plus de 20 ans (le 6 juillet 2002, pour être exact) et, plus précisément, à Mendoza, elle fonctionne depuis 2009.

Au niveau local, elle serait moins encline à nommer d’autres femmes de Mendoza (et encore moins par le biais d’un média national), car « la persécution est encore forte. De nombreuses femmes instruites dans leur domaine ne peuvent se faire connaître, car si leur appartenance à la franc-maçonnerie était connue, elles risqueraient d’être expulsées. »

Libre et autonome

Très bien, mais alors pourquoi la franc-maçonnerie a-t-elle été historiquement conçue comme une « affaire d’hommes » ? Et Castillo de répondre au journaliste : « Pour comprendre cela, il faut remonter à 1717, lorsque la Grande Loge d’Angleterre fut fondée et que les conditions d’admission furent établies. Les femmes en furent exclues. Cela était sans doute lié à l’époque : l’accès à l’espace public leur était interdit. »

Pour éviter tout doute, il prévient que pour être un « sujet initiable », il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme universitaire spécifique ou une position sociale élevée. Je n’ai pas de capacités paranormales, mais plutôt je suis une personne prête à tout remettre en question en toute liberté.

Saint-Martin
Général San Martin, fondateur de la Loge Lautaro.

En revenant aux hommes de l’école primaire, nous savons que San Martín était un maçon qui a fondé la Loge Lautaro. Mais les archives indiquent que Manuel Belgrano était également l’un d’entre eux. Domingo Faustino Sarmiento, Bernardo Rivadavia, Hipólito Yrigoyen, entre autres leaders historiques et actuels qui ont atteint de grands sommets. Également Manuel García Ferré, le créateur de Hijitus, Anteojito et Larguirucho, entre autres personnages.

Pour clarifier les questions sur l’orientation politique requise pour appartenir à cette organisation, les francs-maçons affirment que même l’ancien président chilien Salvador Allende en était un. Et Castillo affirme qu’Alicia Moreu de Justo — l’éminente médecin, féministe et dirigeante socialiste argentine — était, à sa manière, une « franc-maçonne sans tablier (un tablier rouge de préférence souvent porté lors des cérémonies) ». Et ce n’était pas seulement parce qu’il n’y avait pas ce genre d’espaces pour les femmes à l’époque.

Et, en conclusion, il précise : « La Franc-maçonnerie en général défend les principes républicains et la démocratie comme la meilleure méthode de gouvernement que nous connaissions. Peut-être en trouverons-nous une meilleure demain, mais c’est aujourd’hui la situation. »

Au-delà du siège maçonnique et des temples établis dans la Cinquième Section et à Godoy Cruz (le quartier dit de Bombal Sur), et en accord avec l’époque, il existe également un site Web et des réseaux sociaux, où des contacts peuvent être établis.

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Rose-Croix, Histoire et Mystères : Secrets et symbolisme d’un manuscrit rosicrucien

Un manuscrit ancien aux pages jaunies, des gravures énigmatiques, des textes alchimiques murmurant des secrets d’un autre temps : voilà ce que nous révèle une conférence captivante intitulée « Les Rose-Croix : Une société secrète ? », cette vidéo de 16 minutes, animée par Jean-Guy Riant, spécialiste des traditions ésotériques, nous invite à explorer les archives de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (AMORC). Au centre de cette plongée : un manuscrit du XVIIIe siècle, Theosophia Fratrum Rosae Crucis, présenté pour la première fois dans son intégralité.

Que révèle ce document ? Qui sont vraiment les Rose-Croix ? Entre légendes et réalités, décryptons ensemble cet ordre mystérieux qui, depuis des siècles, oscille entre ombre et lumière.

Une fenêtre sur le XVIIIe siècle

La conférence débute par une promesse intrigante : révéler un trésor des archives rosicruciennes. Le manuscrit Theosophia Fratrum Rosae Crucis, datant du XVIIIe siècle, est un joyau rare, mêlant gravures symboliques et textes alchimiques. Jean-Guy Riant explique : « Ce document était un outil pour les Rose-Croix de l’époque, un moyen d’étudier et de transmettre une sagesse ésotérique visant l’éveil spirituel. » Plus qu’un simple recueil, il s’agit d’un guide initiatique, destiné à ceux qui cherchaient à transcender le monde matériel pour atteindre une harmonie intérieure.

Les Rose-Croix émergent dans l’imaginaire collectif au début du XVIIe siècle avec trois manifestes fondateurs : la Fama Fraternitatis (1614), la Confessio Fraternitatis (1615) et les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz (1616). Publiés en Allemagne, ces textes annoncent un ordre secret dédié à la réforme spirituelle et scientifique de l’humanité. Riant note : « Leur auteur présumé, Johann Valentin Andreae, reste un mystère – œuvre réelle ou fiction savante ? » Quoi qu’il en soit, ces écrits enflamment l’Europe, attirant alchimistes, philosophes et rêveurs.

Société secrète ou discrétion assumée ?

Harvey Spencer Lewis

Le titre interroge : les Rose-Croix sont-ils une société secrète ? Riant répond avec clarté : « Ils ne sont pas secrets au sens classique, mais discrets par tradition et par prudence. » L’AMORC, refondé en 1915 par Harvey Spencer Lewis, est une organisation publique, avec des centres accessibles. « Leur discrétion est un héritage des époques troublées », précise-t-il, évoquant les persécutions sous l’Inquisition ou les régimes autoritaires.

Au XVIIe siècle, dans une Europe déchirée par les guerres religieuses, les Rose-Croix devaient se protéger. « Proclamer des idées novatrices était dangereux », ajoute Riant. Aujourd’hui, cette discrétion est devenue symbolique : les rituels et les enseignements restent réservés aux membres, mais l’ordre ne cache pas son existence.

Une quête mystique et humaniste

Entrée du musée Égyptien de l’AMORC à San Jose, en Californie.

Quel est le cœur de la pensée rosicrucienne ? Riant le résume : « C’est une voie d’éveil spirituel à travers la connaissance. » Le manuscrit Theosophia en est la preuve : ses gravures – roses, croix, cercles – et ses textes codés explorent l’alchimie intérieure. « Transformer l’âme, pas seulement le plomb en or, voilà leur ambition », dit-il.

Les Rose-Croix puisent dans un syncrétisme riche : hermétisme, gnosticisme, kabbale, et philosophie antique, cherchant à unir science et spiritualité.

Leur devise implicite ? « Guérir l’homme et régénérer le monde. » Ils privilégient l’intuition et l’expérience personnelle, loin des dogmes imposés. Riant insiste : « Ils n’imposent pas une foi, ils proposent une méthode. » Cette approche séduit ceux qui refusent les vérités toutes faites.

Décryptage du Theosophia

Statue du pharaon Thoutmôsis III, fondateur originel de l’AMORC d’après Harvey Spencer Lewis.

Le clou de la conférence est l’analyse du manuscrit. Riant décrit ses pages : diagrammes alchimiques, symboles (soleil, lune, serpent qui se mord la queue), et textes en latin ou en allemand. « Chaque image est une méditation, un reflet du cosmos et de l’âme », explique-t-il. Une rose croisée symbolise l’union du spirituel et du matériel ; un cercle avec un point central évoque l’unité divine.

Ces symboles codent une sagesse pratique. « Les initiés les utilisaient pour progresser dans leurs cercles d’étude », dit Riant. Les neuf grades de l’AMORC moderne perpétuent cette tradition, chaque étape dévoilant une nouvelle facette des lois universelles – vibration, polarité, cycles.

Les fantasmes dissipés

Les Rose-Croix traînent des mythes tenaces : une cabale secrète ? Riant sourit : « Pure fiction, née de leur aura mystérieuse. » Les manifestes du XVIIe siècle, avec leurs promesses ambitieuses, ont alimenté ces spéculations, mais leur influence était intellectuelle, pas politique. Quant à la richesse supposée, il clarifie : « Les cotisations servent aux temples et aux publications, rien de plus. » L’AMORC est transparent sur ses activités.

Une tradition d’aujourd’hui

L’intérieur du temple de la loge de Paris.

Riant conclut sur la vitalité des Rose-Croix : « Ils répondent à une soif de sens dans un monde matérialiste. » En 2025, l’AMORC compte des milliers de membres mondiaux, attirés par une spiritualité libre. « Leur secret n’est pas dans l’ombre, mais dans ce qu’on découvre en soi », dit-il. Le Theosophia est un pont entre passé et présent, une invitation à l’introspection.

Une lumière intemporelle

Cette conférence démystifie avec élégance : les Rose-Croix ne sont ni secte ni conspiration, mais une fraternité discrète, porteuse d’une sagesse ancienne. Theosophia Fratrum Rosae Crucis n’est pas un grimoire interdit : c’est un miroir pour l’âme.

Comme le dit Riant : « Le mystère, c’est nous-mêmes. » Société secrète ? Non. Voie d’éveil ? Sans aucun doute.

La Collapsologie ou l’art de détruire le temple 

La Collapsologie est une branche de l’écologie souvent caricaturée, comme tenant un discours apocalyptique, avec des prophéties de fin du monde. Mais ça n’est pas ça, c’est une approche qui tente de comprendre comment les systèmes se détruisent. Elle entre en  résonance avec un problème typiquement maçonnique, celui de la destruction du temple et de sa reconstruction. Les francs-maçons ont-ils quelque chose à faire avec la collapsologie ? 

La Collapsologie en France est représentée par Pablo Servigne et Raphaël Stevens. En 2015, ils publient un livre  :  « Comment tout peut s’effondrer ». La collapsologie, c’est l’étude des systèmes qui s’effondrent. Les auteurs ont passé en revue  plusieurs centaines d’études scientifiques pour essayer d’éclaircir ce phénomène. Pourquoi et comment un système s’effondre, à partir de quel moment commence-t-il à s’autodétruire, dans des domaines aussi différents que le climat, l’économie, la politique, le vivant ? Il y a un moment où il dépasse les limites de ce qui est supportable pour lui, alors, il bascule, il ne peut plus revenir en arrière, il ne peut plus rétablir l’équilibre. Par exemple, pour ce qui concerne la Terre, les scientifiques ont déterminé neuf limites planétaires qui, si elles étaient dépassées, entraîneraient un collapsus. Sur les neuf, six sont déjà franchies en 2024 :  

  • le changement climatique ;
  • l’érosion de la biodiversité ;
  • la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;
  • le changement d’usage des sols ;
  • le cycle de l’eau douce (eau bleue et eau verte) ;
  • l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.

La Collapsologie cherche à repérer les signaux faibles qui montrent qu’un système est en danger et surtout à comprendre à partir de quel moment se fait le point de bascule qui empêche tout retour en arrière. 

Un effondrement, ça n’est pas une crise. Dans le cas d’une crise on met en œuvre une stratégie de gestion de crise, on sait faire ça. On sait : prévenir, anticiper, tenter de l’enrayer, la contenir, la limiter, puis réparer les dégâts. Dans le cas d’un effondrement, on ne peut pas apporter de solution, on  ne peut pas l’empêcher non plus, est-ce que cela veut dire qu’on ne peut rien faire ? Pas du tout, disent les collapsologues. Quand on a pris conscience qu’on est en train de vivre un effondrement, les premières réactions sont en général assez violentes : d’abord l’ignorance : je ne savais pas ; puis le déni : ce n’est pas vrai, ce n’est pas sûr.  On se raconte des histoires, on essaie de s’accrocher aux mythes : le progrès, la croissance infinie ; à des croyances rassurantes : la technoscience va bien nous tirer de là, ou Dieu, ou n’importe qui d’autre.  On essaie de se réfugier dans le passé quand ces problèmes n’existaient pas. Mais ça ne sert à rien, bien sûr. Quand on se réveille, les problèmes sont toujours là. Et ensuite, une fois qu’on a dépassé ce stade ?  Et bien on est enfin disponible pour essayer d’imaginer autre chose, pour dépasser l’éco-anxiété et se lancer dans l’action constructive. 

En fait, les effondrements ne sont pas si nouveaux que ça. Paul Valéry écrivait en 1919, au sortir de la Grande Guerre : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».  L’empire maya a disparu vers l’an 800, la chute de l’empire romain est datée de 476 avant notre ère, et plus près de nous, l’empire soviétique s’est effondré en 1991. Le premier qui ait théorisé là dessus est un Russe devenu américain :  Dmitry Orlov. Dans  un ouvrage paru aux USA en 2013 puis en France sous le titre : « Les 5 stades de l’effondrement. Manuel du survivant », il énumère :

  • 1er stade : financier 
  • 2è : économique
  • 3è : politique
  • 4è : social
  • 5è : culturel

C’est ce qui est arrivé à l’Union Soviétique.  Pratiquement tous ces items sont actuellement en crise dans nos sociétés. Sont-elles prêtes à l’effondrer ? On ne le sait pas et quand on  le saura, il sera trop tard. 

Mais Pablo Servigne ne développe pas du tout une pensée de résignation. En 2015 il fait paraître  un ouvrage collectif intitulé : “ Petit traité de résilience locale”.  C’est un inventaire de toutes les solutions bricolées partout avec un maître mot : la résilience. La résilience pour un système c’est sa capacité de s’adapter et de se réinventer en trouvant des solutions nouvelles. Parmi celles répertoriées par l’ouvrage :  la relocalisation des activités,  le développement de communautés de type “village”, plus solidaires. Des communautés qui fonctionnent sur un mode plus coopératif que compétitif. C’est une des leçons qu’on tire de l’écologie. Aucun écosystème ne peut survivre en se basant uniquement sur le principe de compétition, il court à sa perte. Il faut qu’il s’équilibre par des relations de coopération. Les nouvelles communautés  permettent de reconstruire du collectif pour sortir de l’individualisme qui finit par mettre en compétition chacun contre tous. 

Le dernier ouvrage rédigé par l’équipe de Pablo Servigne en 2024 s’appelle « Le pouvoir du suricate, apprivoiser nos peurs pour traverser ce siècle ».  Le suricate est un petit animal d’Afrique, de la famille des mangoustes. Il joue le rôle de sentinelle pour prévenir les autres des catastrophes, mais surtout il est le champion de la résilience, il sait organiser des collectifs pour faire face à n’importe quelle situation. Pour Pablo Servigne, c’est que devraient faire les communautés humaines : retisser de la solidarité, adopter des modes d’organisation et de décision moins hiérarchisés, plus décentralisés, plus horizontaux, recherchant l’équité, et  respectant les équilibres au sein du vivant pour ne pas lui imposer plus qu’il ne peut supporter. L’économie de la résilience ne peut être que différente de l’économie de la compétition qu’on connaît aujourd’hui. Mais elle suppose de repenser les valeurs qui fondent nos sociétés.

Nicolas Poussin,  la destruction 
du temple de Jérusalem

En quoi cette réflexion autour de la collapsologie concerne-t-elle  la franc-maçonnerie ?  En fait, sans en avoir l’air, on parle de franc-maçonnerie depuis le début. D’ailleurs tout commence par une catastrophe lorsque, réfugié dans le cabinet de réflexion pour échapper au tumulte du monde, le vieil homme est appelé à mourir pour que puisse naître l’homme nouveau. On le décape au vitriol, il faut qu’il se remette en cause dans les profondeurs de lui-même. Et c’est sous sa propre poussière qu’il va trouver la pierre qui servira à construire un nouvel édifice. Et puis l’histoire continue. Quelqu’un meurt et, pas de chance, c’était le patron, celui qui commandait le travail, le seul qui avait tout le plan dans sa tête.  Comment continuer sans lui ? En Espagne à la mort d’Antoni Gaudi en 1926 il a fallu reprendre la construction de la Sagrada Familia. On avait retrouvé une partie des croquis de l’architecte, on a dû les interpréter. Tant de choses étaient perdues à jamais. Le travail de ses successeurs a-t-il été fidèle au projet initial ? Le tracé, fidèle à l’esquisse? On ne le saura jamais et peut être que ça n’a pas d’importance 

Pour ce qui est des Francs maçons ce n’est pas spolier grand chose que de dire que le temple a été plusieurs fois détruit et reconstruit, puis pas reconstruit du tout.  Il n’existe plus dans sa version matérielle, il continue d’exister dans son for intérieur puisqu’il est l’objet du travail de chacun. Avec cette problématique de destruction-reconstruction, les francs maçons sont bien placés pour comprendre les enjeux de la collapsologie. Ils savent qu’il faut accepter de perdre et démolir pour que quelque chose de nouveau puisse être bâti sur des bases nouvelles.  Les francs maçons savent se remettre en cause, ou devraient le savoir, puisque c’est la base même de leur démarche. Ils savent aussi fabriquer de l’intelligence collective, ils y passent l’essentiel de leur temps. Ils savent tisser des liens autour de la chaîne d’union avec des gens qui, sans eux, ne se seraient jamais rencontrés. Ils savent, et c’est le principe même de la franc -maçonnerie, articuler  la dimension individuelle du parcours initiatique avec l’indispensable dimension collective qui fait qu’on travaille ensemble. Ils savent laisser les métaux à la porte du temple et donc oublier l’esprit de compétition qui règne au dehors. Il savent, ou du moins, ils devraient savoir, comment lutter contre tout ce qui nous empêche d’affronter les enjeux de l’écologie, et qui sont ni plus ni moins que des trois aveuglements des mauvais compagnons : l’ignorance, le fanatisme (croire qu’on a absolument raison), et l’ambition de vouloir toujours plus pour soi-même au détriment des autres. Et puis ils savent, ou ils devraient savoir,  conserver les valeurs anciennes tout en forgeant des valeurs nouvelles, n’ont-ils pas pour projet d’améliorer l’homme et la société pour aujourd’hui et pour demain ? 

Commande passée à l'IA : des francs maçons construisent un village..

Ne pas avoir peur de regarder en face les temps qui viennent, en s’appuyant sur la raison et sur la science, imaginer des solutions nouvelles, tisser des liens de solidarité, reconstruire du collectif et de l’universalisme, c’est bien du travail de franc-maçon. La résilience, c’est bien une qualité de franc-maçon. Alors oui, la collapsologie devrait être un sujet d’étude. 

L’Hypertrophie de l’égo en Franc-maçonnerie : une ombre sur le chemin initiatique

La Franc-maçonnerie se présente comme une voie d’humilité, une quête intérieure où l’initié, frère ou sœur, est invité à « polir sa pierre brute » – cette métaphore de l’ego imparfait qu’il faut tailler pour atteindre une harmonie spirituelle et fraternelle. Pourtant, paradoxalement, certains maçons, hommes comme femmes, développent avec les années une hypertrophie de l’ego, un orgueil qui semble contredire les idéaux mêmes de l’ordre.

Que ce soit à travers les degrés et grades obtenus, les fonctions électives exercées, ou simplement l’appartenance à cette institution millénaire, ce phénomène touche une minorité mais soulève des questions essentielles :

pourquoi cette dérive ? Quels mécanismes internes ou externes favorisent cet enflure de l’ego ?

Explorons ce paradoxe avec une curiosité bienveillante.

La Franc-maçonnerie : un idéal d’humilité

Dès l’initiation, le profane entre en loge les yeux bandés, symbolisant son aveuglement face à la lumière de la connaissance. Ce rituel, commun à la plupart des obédiences – Grande Loge de France (GLDF), Grand Orient de France (GODF), Droit Humain, ou Grande Loge Féminine de France (GLFF)… – pose un principe fondamental : l’ego ne doit jamais devenir le conducteur, il doit laisser la place à la quête collective et personnelle de vérité. Les outils maçonniques – l’équerre pour la droiture, le compas pour l’équilibre, le maillet pour briser les aspérités – sont des rappels constants de cette humilité. Contrairement à ce qu’écrit l’historien maçonnique Roger Dachez dans Histoire de la Franc-maçonnerie française (2003), « la maçonnerie est un chemin de déconstruction de l’ego au profit de l’édifice commun », il semblerait plutôt que le chemin ne consiste pas à déconstruire l’égo, mais à nourrir l’humilité par le remplissage d’amour sincère et profond de soi-même. Car l’égo n’est pas un organe, mais une conséquence.

Ce chemin, aussi noble soit-il, n’est pas exempt de pièges. Avec les années, certains maçons s’éloignent de cet idéal, laissant l’orgueil prendre le dessus.

Trois facteurs principaux semblent alimenter cette hypertrophie : les grades et degrés, les fonctions électives, et l’appartenance elle-même.

Examinons-les un par un.

Les grades et degrés : une échelle de prestige ?

La Franc-maçonnerie est structurée en degrés, souvent organisés en rites – le Rite Écossais Ancien et Accepté (33 degrés) ou le Rite Français (3 degrés principaux, parfois suivis de grades complémentaires) par exemple. Chaque degré représente une étape initiatique, un dévoilement progressif des symboles et des mystères. Pour beaucoup, atteindre les hauts grades – comme le 33e degré du REAA, celui de « Souverain Grand Inspecteur Général » – est une récompense spirituelle, un signe de persévérance et de compréhension.

Pourtant, chez certains, ces grades deviennent une source d’orgueil. Le maçon ou la maçonne qui gravit les échelons peut se voir comme « supérieur » aux apprenants des degrés inférieurs, oubliant que chaque grade est une leçon, non un trophée. Cette dérive est parfois renforcée par la reconnaissance extérieure : un frère ou une sœur arborant les insignes d’un haut grade (tablier orné, cordon distinctif) peut attirer l’admiration en loge ou dans les cercles maçonniques, nourrissant une satisfaction personnelle qui glisse vers la vanité. Comme le note Pierre Mollier, conservateur du musée de la Franc-maçonnerie à Paris, dans La Franc-Maçonnerie (2016), « les grades, conçus comme des outils d’éveil, deviennent parfois des médailles d’honneur dans l’esprit de ceux qui les portent ».

Psychologiquement, ce phénomène s’explique par un biais bien connu : le besoin de statut. Selon la théorie de la hiérarchie des besoins de Maslow, l’estime de soi et la reconnaissance sociale sont des moteurs puissants.

En maçonnerie, où l’égalité est prônée en théorie, les grades créent une hiérarchie implicite qui peut flatter l’ego, surtout si l’initié confond progression spirituelle et supériorité personnelle.

Les fonctions électives : le pouvoir en Loge

Un autre vecteur d’orgueil réside dans les fonctions électives – vénérable maître, surveillant, orateur, secrétaire –, qui confèrent une autorité temporaire au sein de la loge. Être élu à ces postes est un honneur, une marque de confiance des frères et sœurs. Le vénérable maître, par exemple, préside les tenues, anime les travaux et incarne l’unité de la loge. Pour beaucoup, c’est une responsabilité exercée avec humilité et dévouement.

Mais pour certains, ces rôles deviennent une tribune. Diriger une loge peut exalter un sentiment de pouvoir, surtout dans des obédiences où les vénérables jouissent d’un prestige marqué. L’organisation de rituels, la prise de parole devant une assemblée, ou la gestion des affaires internes flattent l’ego de ceux qui y voient une validation de leur valeur. Une sœur ou un frère qui enchaîne les mandats peut se percevoir comme indispensable, oubliant que ces fonctions sont tournantes et au service du collectif.

Ce phénomène est amplifié par la dynamique de groupe :

l’admiration des pairs ou les flatteries subtiles peuvent conforter un ego déjà fragile. Les fonctions électives, censées être des devoirs, se transforment alors en privilèges dans l’esprit de certains.

L’appartenance maçonnique : une fierté mal placée

Enfin, pour d’autres, l’orgueil naît simplement de l’appartenance à la Franc-maçonnerie. Être maçon ou maçonne, c’est intégrer une tradition vieille de trois siècles, marquée par des figures illustres – Voltaire, Mozart, Louise Michel – et auréolée de mystère. Cette appartenance confère un sentiment d’élitisme, d’être “choisi” ou “éveillé” là où le profane reste dans l’ombre. Pour certains, porter cet héritage devient une source de vanité, un badge d’honneur exhibé dans les cercles initiés ou même en société.

Cet orgueil peut être accentué par le secret maçonnique : ne pas tout dire, savoir ce que d’autres ignorent, crée une distinction qui flatte l’ego. Une sœur ou un frère peut se vanter – discrètement ou non – d’appartenir à cet “ordre des sages“, oubliant que l’initiation n’est pas une fin, mais un commencement. Comme le souligne le philosophe de la Franc-maçonnerie Daniel Béresniak dans Les Symboles de la franc-maçonnerie (1997),

« l’appartenance, mal comprise, transforme un chemin d’humilité en un piédestal imaginaire ».

Une dérive humaine, pas maçonnique

Pourquoi cette hypertrophie touche-t-elle autant les frères que les sœurs ? Parce qu’elle n’est pas liée au genre, mais à la nature humaine. La Franc-maçonnerie, avec ses grades, ses titres et son aura, offre un terrain fertile aux faiblesses universelles : le besoin de reconnaissance, la peur de l’insignifiance, ou la quête de pouvoir. Les femmes, intégrées plus tardivement (XIXe siècle avec Maria Deraismes), ne sont pas immunisées :

elles peuvent, elles aussi, succomber à l’orgueil des hauts grades ou des fonctions dans les obédiences mixtes ou féminines.

Cette dérive n’est pas systématique – elle concerne une minorité –, mais elle est amplifiée par le temps. Avec les années, un maçon peut perdre de vue l’humilité initiale, surtout s’il s’entoure d’une “cour” flatteuse ou s’il privilégie les honneurs sur la quête intérieure. Le paradoxe est cruel : une institution qui prône l’égalité et la fraternité devient, pour certains, un miroir déformant de leur ego.

Retrouver la Pierre Brute

Povlja sur l’île de Brač – Carrière de pierre

Comment contrer cette hypertrophie ? La réponse réside dans les fondements mêmes de la maçonnerie : le retour constant à la simplicité de l’apprenti. Les rituels rappellent que nul n’est au-dessus des autres – le 33e degré ne vaut pas plus que le 1e face à l’idéal commun. Les loges, par leur fonctionnement collégial, peuvent aussi tempérer les egos en valorisant l’écoute et le service. Comme le disait Albert Pike dans Morals and Dogma (1871) :

« le vrai maçon est celui qui se souvient qu’il n’est qu’une pierre parmi d’autres dans l’édifice ».

invitaion à entrer, miroir, passage, chemins

En somme, l’hypertrophie de l’ego en Franc-maçonnerie n’est pas une fatalité, mais un défi humain. Grades, fonctions, appartenance : ces marqueurs, s’ils sont mal compris, détournent du chemin initiatique.

Frères et sœurs, le miroir est là – à chacun de choisir s’il reflète la lumière ou l’orgueil.

Dieu ou la Nature de Spinoza : La Substance Infinie (II)

Avec inspiration de notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz

Imaginez un dieu sans trône, sans couronne, sans colère ni clémence – un dieu qui n’est ni une personne ni un créateur au sens classique, mais une essence infinie, un tissu unique dont sont faits le vent, les étoiles, et même vos propres pensées. Au XVIIe siècle, dans une Europe déchirée par la foi et éblouie par la science, Baruch Spinoza (1632-1677) osa proclamer une vérité qui fit vaciller les certitudes de son temps : Dieu est la Nature, une substance indivisible, cause de tout ce qui existe.

Dans ce deuxième volet de notre série, explorons cette vision panthéiste qui rejette le Dieu anthropomorphe des dogmes pour révéler une réalité unifiée, régie par une loi immuable. Pourquoi cette idée fut-elle jugée hérétique ? Et que peut-elle encore nous apprendre aujourd’hui ?

Un siècle de raison et de ferveur

Le XVIIe siècle est un creuset d’idées nouvelles et de tensions anciennes. Les mathématiques, avec Descartes et Newton, deviennent le langage de la nature ; le mécanisme (tout s’explique par des lois physiques), le dynamisme (l’énergie anime l’univers) et le finalisme (tout a un but) redessinent la pensée scientifique. Mais c’est aussi une ère de fanatisme religieux : les guerres de Trente Ans (1618-1648) ravagent l’Europe, et l’Inquisition traque les dissidents. Dans ce tumulte, la famille Spinoza, des Juifs séfarades portugais, fuit les persécutions ibériques pour s’installer à Amsterdam, une oasis de tolérance où la liberté intellectuelle commence à germer.

Dès 23 ans, Baruch, brillant élève de la yeshiva, se détourne des textes sacrés pour embrasser la philosophie. Il lit Descartes, maître du rationalisme, mais va plus loin. Les rabbins prêchent un Dieu anthropomorphe – un vieillard barbu, perché dans les cieux, scrutant ses créatures avec des passions humaines. Spinoza y voit une illusion, une projection de nos désirs et de nos peurs. En 1656, cette audace lui coûte cher : un cherem (excommunication) le bannit de la communauté juive d’Amsterdam. À une époque où la religion définit l’identité sociale, c’est une chute brutale : il devient un paria, exclu des cercles qui l’ont vu naître. Mais loin de plier, Spinoza transforme cet exil en un tremplin pour une pensée révolutionnaire.

Dieu comme substance unique

Dans L’Éthique (1677), Spinoza propose une ontologie qui défie tout précédent : Dieu est une substance unique, infinie, causa sui (cause de soi), dont tout découle par nécessité. « Tout vient de Dieu et tout contient Dieu », écrit Muñoz, résumant cette idée. Contrairement à Descartes, qui part du “je pense, donc je suis” pour prouver le monde via un Dieu extérieur, Spinoza commence par Dieu lui-même. Cette substance n’a besoin de rien pour exister : elle est l’existence, parfaite en soi, avec une infinité d’attributs – dont l’homme ne perçoit que deux : la pensée (esprit) et l’étendue (matière).

Pensez à un triangle : ses angles totalisent 180° non par caprice, mais par la nécessité de sa forme. De même, chaque phénomène – une tempête, un sourire – émane de la nature de Dieu comme une conséquence logique. « Dieu ne travaille pas pour des fins », insiste Spinoza dans L’Éthique (Partie I, Appendice). Il n’est pas un artisan doté de passions humaines ; il est une loi universelle, un ordre immuable qui s’exprime dans chaque brin d’herbe et chaque galaxie. Comme l’écrit le philosophe Stuart Hampshire dans Spinoza (1951), « pour Spinoza, Dieu n’est pas un agent volontaire, mais une nécessité impersonnelle ».

Une attaque contre les dogmes

Spinoza rejette les philosophies qui étudient Dieu à partir des “choses sensibles” – une erreur qu’il juge fondamentale. Les religions, dit-il, déforment la nature divine en la parant d’attributs humains : colère, amour conditionnel, vengeance. Dans son Traité théologico-politique (1670), il dénonce ces récits comme des fictions politiques, conçues pour manipuler les masses par la peur. « Pour comprendre la substance, ne la regardez pas avec la raison seule, mais avec l’intuition et l’imagination », suggère Muñoz, capturant l’appel de Spinoza à une approche plus profonde.

Ce Dieu n’a ni forme ni visage. Il ne se préoccupe pas des détails de nos vies comme un parent attentif. Tout suit une loi universelle, une harmonie mathématique que l’homme perçoit comme imparfaite faute de vision globale. « L’imperfection est dans l’esprit humain », écrit Spinoza. Quand nous pleurons un malheur, nous ne voyons qu’une fraction du tableau ; la substance, elle, reste parfaite.

Le sacré partout et nulle part

Si Dieu est la Nature, alors tout est sacré – de la plus petite particule au cosmos infini. « En tout est contenu le tout », note Muñoz, écho d’une idée centrale dans L’Éthique : chaque élément reflète la substance entière. Observez une cellule au microscope : elle est un univers en miniature. Contemplez une nébuleuse : elle obéit aux mêmes lois que votre propre souffle. Pour Spinoza, la vérité n’est pas un décret divin ; elle est un attribut de la substance, inscrite dans l’ordre naturel.

L’homme n’est pas une exception : il n’est pas une substance distincte, mais une modification de cette essence divine. Comme l’explique Jonathan Israel dans Radical Enlightenment (2001), « le panthéisme de Spinoza dissout toute hiérarchie : l’homme n’est pas au-dessus de la nature, il en fait partie ». Cette vision égalitaire choque une époque où l’homme se voit comme la couronne de la création.

Une liberté rationnelle

Portrait d’Albert Einstein (Photo d’Oren Jack Turner, Princeton, N.J.)

Spinoza ne voit pas Dieu comme un législateur distribuant péchés et vertus. Les morales religieuses, avec leurs commandements, sont des constructions humaines, pas divines. Dans L’Éthique (Partie IV, Proposition 37), il affirme : « La liberté est fondée sur la raison et la compréhension. » Comprendre la nécessité – pourquoi les choses sont ainsi – libère de la peur et des illusions. Si je sais que ma colère ou ma joie découle de la Nature, je ne me perds pas dans la culpabilité ; je cherche à les harmoniser par la connaissance.

Albert Einstein, fasciné par Spinoza, écrivait en 1929 : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie de ce qui existe. » Pour lui, méditer sur cette harmonie était une forme de communion spirituelle, bien plus riche que les prières traditionnelles.

Une pensée qui traverse le temps

Exilé à 23 ans, Spinoza vécut modestement, polissant des lentilles pour subsister et écrivant dans une solitude féconde. Ses idées, interdites et brûlées, survécurent grâce à des lecteurs clandestins. Mort à La Haye en 1677, il laissa une philosophie qui défie les siècles : un Dieu sans autel, une Nature sans limites, une liberté sans dogmes.

Dans le prochain volet, nous plongerons dans l’éthique spinoziste et sa vision du bonheur. Pour l’instant, retenons ceci : Spinoza nous appelle à voir le divin dans l’ordre du monde, à dépasser les fictions humaines, et à embrasser la réalité comme une danse éternelle de la substance unique.

La suite demain même heure…

Episode précédent

03/05/25 à Port-Sainte-Marie : Une Journée d’Histoire, de Partage et de Compagnonnage

Imaginez une journée où le passé prend vie, où les savoir-faire ancestraux rencontrent les esprits curieux d’aujourd’hui, et où les échos des bâtisseurs d’antan résonnent dans un village pittoresque du Lot-et-Garonne. Le samedi 3 mai 2025, Port-Sainte-Marie (47130) accueillera un événement exceptionnel : un cycle de conférences intitulé “Histoire du Compagnonnage et Orientation des Édifices Religieux”.

Organisé en partenariat avec la mairie et l’Association Les Ateliers de Boussères, ce colloque promet une plongée fascinante dans l’univers du compagnonnage, suivie d’une soirée conviviale au Hameau de Boussères. Que vous soyez passionné d’histoire, membre d’une société compagnonnique, ou simplement curieux, cette journée est faite pour vous. Voici tout ce que vous devez savoir pour ne pas manquer cette expérience unique !

Un pont entre passé et présent

Depuis des siècles, le compagnonnage incarne une tradition d’excellence, de transmission et de fraternité. Ces sociétés ouvrières, nées au Moyen Âge sur les chantiers des cathédrales, ont façonné des générations d’artisans – tailleurs de pierre, charpentiers, forgerons – dont les chefs-d’œuvre jalonnent notre patrimoine. Mais le compagnonnage est plus qu’une histoire : il est un art de vivre, un lien entre l’homme et son métier, entre l’individu et la communauté. C’est dans cet esprit que Port-Sainte-Marie, petite commune au riche passé, ouvre ses portes pour une journée de rencontre et d’échange.

L’événement réunira des experts renommés, des compagnons, et le grand public autour de deux thématiques captivantes : l’histoire des sociétés compagnonniques et l’orientation symbolique des édifices religieux. Entre conférences, débats, repas partagés et festivités, cette journée s’annonce comme un moment d’apprentissage et de convivialité, où les savoirs se mêlent aux saveurs et à la musique.

Les temps forts de la journée

Le programme, soigneusement orchestré, se déroulera dans le cadre charmant de l’église Saint-Vincent et du jardin de l’ancien presbytère, avant de se prolonger au Hameau de Boussères pour une soirée festive. Voici le détail des festivités :

  • 8h00 : Petit-déjeuner d’accueil
    Dès votre arrivée, un petit-déjeuner chaleureux vous sera offert pour bien commencer la journée. L’occasion idéale pour rencontrer les autres participants et vous imprégner de l’ambiance du village.
  • 10h00 – 12h00 : Conférence de François Icher – “La Naissance et l’Histoire des Sociétés Compagnonniques”
    François Icher, docteur en histoire et spécialiste incontesté du compagnonnage, ouvrira le bal. Inspecteur d’académie honoraire et chercheur associé au CNRS, il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence, traduits dans le monde entier (Allemagne, États-Unis, Japon). Sa conférence retracera les origines du compagnonnage, depuis les chantiers médiévaux jusqu’à son rôle moderne, en passant par ses légendes et ses valeurs. Attendez-vous à un voyage érudit et passionnant dans le temps !
  • 12h00 : Verre de l’amitié
    Après cette première immersion, un apéritif convivial réunira les participants pour un moment de détente et d’échange informel.
  • 13h00 : Repas dans le jardin de l’ancien presbytère (Tarif : 25 €)
    Le déjeuner, servi dans ce cadre verdoyant, sera une pause gourmande pour reprendre des forces avant l’après-midi. Réservez vite, car les places sont limitées !
  • 14h15 – 15h45 : Conférence de Jean-François Ferraton – “L’Orientation Physique des Édifices Religieux”
    Compagnon des Devoirs Unis depuis plus de trente ans, Jean-François Ferraton partagera son expertise unique. Créateur de mobilier liturgique (autels, ambons, vitraux) et auteur de Rites et Mystères des Compagnonnages (Glénat-Le Cerf) et À l’Écoute de la Lumière (Invenit), il explorera l’orientation des édifices religieux, un sujet où se croisent architecture, symbolisme et spiritualité. Sa collaboration récente au n°19 des Fragments d’Histoire du Compagnonnage promet une intervention riche et éclairante.
  • 16h00 – 17h30 : Débat et échanges
    Place au dialogue ! Ce temps fort permettra aux participants – compagnons, historiens, ou simples curieux – de poser des questions, partager leurs idées et débattre avec les conférenciers. Un moment d’ouverture pour tisser des liens et approfondir les thèmes abordés.
  • 17h30 : Clôture du colloque
    La journée officielle s’achèvera, mais l’aventure continuera pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience lors de la soirée.

Une soirée festive au Hameau de Boussères

table medievale

Pour clore cette journée en beauté, direction le Hameau de Boussères, à quelques encablures de Port-Sainte-Marie. Là, une ambiance plus légère vous attend :

  • 19h30 : Repas du soir (Tarif : 20 €)
    Un dîner convivial, préparé avec soin, réunira les participants autour de la table. Un bar tenu par l’Association Les Ateliers de Boussères (https://adb47.jimdofree.com) proposera des boissons pour accompagner ce moment de partage.
  • 21h00 : Concert (Tarif : 10 €)
    La soirée s’illuminera avec un concert, dont les détails seront dévoilés prochainement. Une note musicale pour conclure cette journée sur une touche de joie et d’élégance. (Option combinée repas + concert : 30 €.)

Informations pratiques : tarifs, inscriptions et hébergements

  • Tarifs :
    • Entrée au colloque : 15 €
    • Repas de midi : 25 €
    • Repas du soir : 20 €
    • Concert : 10 €
    • Repas du soir + concert : 30 €
  • Inscriptions :
    Les inscriptions et règlements se font via HelloAsso sur le lien suivant :
  • https://www.helloasso.com/associations/les-ateliers-de-bousseres/evenements/colloque-histoire-du-compagnonnage-et-soiree-ateliers-de-bousseres
    Attention : Les inscriptions pour les repas doivent être finalisées avant le 11 avril 2025. Ne tardez pas !
  • Hébergements :
    Pour ceux qui souhaitent profiter pleinement de l’événement, plusieurs options s’offrent à vous (réservations à effectuer par vos soins) :
    • Camping au Hameau de Boussères : Disponible dès le vendredi soir. Merci d’envoyer un email à confcompagnonnage@gmail.com pour signaler votre arrivée.
    • Domaine de Roccas : Hébergements insolites, 1270 Route d’Esaplays, Port-Sainte-Marie (www.domaineroccas.com).
    • Chambres d’hôtes Larroquinière : 592 Route de Mathalin, Port-Sainte-Marie (www.larroquiniere.fr).
    • Chambres d’hôtes L’Atelier du Roc : 590 Impasse des Murs de la Ville, Port-Sainte-Marie (latelierduroc.monsite-orange.fr).
    • Gîtes Les Terrasses de l’Insolite : 662 Route de Saint Julien, Port-Sainte-Marie (Contact : 06 84 24 47 01).
    • Gîte Le Clos Vigneau : 581 Route de Saint Julien, Port-Sainte-Marie (Contact : 07 82 40 53 85).

https://www.helloasso.com/associations/les-ateliers-de-bousseres/evenements/colloque-histoire-du-compagnonnage-et-soiree-ateliers-de-bousseres

Une invitation à tous

Que vous soyez un érudit passionné par l’histoire des bâtisseurs, un artisan curieux de ses racines, ou un amateur de rencontres humaines, ce colloque est une occasion rare. François Icher et Jean-François Ferraton, par leur savoir et leur expérience, vous guideront dans un voyage intellectuel et sensible, tandis que les échanges et les festivités renforceront les liens entre participants. Organisé par François Braud, Luc Mallangé, Baptiste Accard, Simon Leroy, Damien Dezanet et l’Association Les Ateliers de Boussères, cet événement ambitionne de célébrer le compagnonnage comme un patrimoine vivant, accessible à tous.

Alors, notez la date : samedi 3 mai 2025. Port-Sainte-Marie vous attend pour une journée où l’histoire se raconte, se débat, se savoure et se chante. Inscrivez-vous dès maintenant, réservez votre place, et venez nombreux partager cette expérience riche et inspirante !

Les Filles de Mnémosyne : Les femmes au cœur de l’épopée maçonnique

De notre confrère bdzoom – Par Henri Filippini

Imaginez un monde où les ombres du secret s’écartent pour révéler des figures longtemps occultées : des femmes, audacieuses et visionnaires, qui ont marqué l’histoire d’une institution souvent perçue comme un bastion masculin. Avec Les Filles de Mnémosyne, le douzième et ultime tome de la série L’Épopée de la franc-maçonnerie (Glénat), Didier Convard et son équipe clôturent une aventure éditoriale ambitieuse en rendant hommage aux pionnières de la franc-maçonnerie féminine.

Publié en 2025, cet album, dessiné par Luca Malisan et scénarisé par Pierre Boisserie avec la supervision de Convard, nous transporte dans une fresque où mémoire, sororité et humanisme s’entrelacent. Pourquoi ce focus sur les femmes ? Que nous disent-elles de la franc-maçonnerie et de son évolution ? Plongeons dans cette histoire fascinante, riche de symboles et de combats.

« L’Épopée de la franc-maçonnerie T12 : Les Sœurs de la fraternité » par Annabel, Pierre Boisserie et Didier Convard.

Éditions Glénat (14,95 €) — EAN : 9782344036952 – Parution 12 mars 2025

Une série au long cours : de Hiram aux Filles de Mnémosyne

Lancée en 2020 sous la direction de Didier Convard – lui-même franc-maçon et maître incontesté de l’ésotérisme en bande dessinée (Le Triangle Secret) –, L’Épopée de la franc-maçonnerie a entrepris de retracer les origines et l’évolution de cette institution humaniste sur plus de trois millénaires. Du légendaire Hiram, architecte du Temple de Salomon (tome 1, L’Ombre d’Hiram), aux francs-maçons anglais de la Royal Society (tome 4), en passant par les bâtisseurs médiévaux et les révolutionnaires du XVIIIe siècle, la série a mêlé histoire et fiction avec une rigueur pédagogique et un souffle romanesque. Avec près de 150 000 exemplaires vendus sur douze tomes, elle prouve que la bande dessinée classique, lorsqu’elle est portée par une vision intelligente, reste un médium puissant.

Ce dernier opus, Les Filles de Mnémosyne, marque un tournant. Mnémosyne, dans la mythologie grecque, est la déesse de la mémoire et la mère des Muses – un symbole parfait pour un album qui célèbre les femmes comme gardiennes du savoir et actrices du progrès. À travers trois récits distincts, Convard et Boisserie explorent des figures historiques et fictives qui ont défié les conventions pour faire entendre leur voix dans un monde maçonnique longtemps réservé aux hommes.

Les femmes et la Franc-maçonnerie : une histoire méconnue

Si la franc-maçonnerie moderne est officiellement née en 1717 avec la Grande Loge de Londres, exclusivement masculine, les femmes n’ont pas attendu cette date pour s’inscrire dans son héritage spirituel et symbolique. Dès le XVIIIe siècle, des “loges d’adoption” émergent en France, permettant aux femmes d’accéder à une forme de maçonnerie sous la tutelle des hommes. Mais c’est au XIXe siècle que leur rôle s’affirme avec force. En 1882, Maria Deraismes, journaliste et féministe, est initiée dans une loge masculine à Paris – un acte révolutionnaire qui défie les règles établies. Exclue peu après, elle fonde en 1893, avec Georges Martin, l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, première obédience mixte au monde. Cette rupture marque un jalon dans l’histoire maçonnique et féministe.

Les Filles de Mnémosyne s’inspire de ces pionnières pour tisser ses récits. L’album met en scène des femmes réelles et imaginaires, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, qui incarnent les valeurs maçonniques : liberté, égalité, fraternité. Comme le souligne l’article de BDZoom, un dossier historique signé Jean-Laurent Turbet accompagne l’album, offrant un éclairage savant sur ces figures souvent éclipsées par leurs homologues masculins. Ce n’est pas une simple célébration : c’est une reconnaissance tardive d’un apport essentiel.

Une fresque en trois temps

L’album se divise en trois histoires, chacune illustrant une facette de la présence féminine dans la franc-maçonnerie :

L’ère moderne : Maria Deraismes et au-delà
Le troisième récit salue les figures historiques comme Maria Deraismes, dont le combat pour l’égalité résonne encore. Les auteurs y entrelacent fiction et réalité, montrant comment ces femmes ont transformé la maçonnerie en un…

L’Antiquité : Les prêtresses du savoir
Le premier récit nous transporte dans un passé mythique, où des femmes, gardiennes de temples et de mystères, posent les bases spirituelles de ce qui deviendra la maçonnerie. Leur lien avec Mnémosyne symbolise la mémoire collective, un fil conducteur des rites initiatiques. Luca Malisan, avec son dessin précis et évocateur, donne vie à ces silhouettes drapées dans des tuniques, entourées de colonnes et de symboles ésotériques. (Inclure ici l’image de la page BDZoom montrant une prêtresse avec un compas ou un livre.)

Le XVIIIe siècle : Les pionnières des Lumières
Le deuxième récit s’ancre dans l’effervescence des Lumières, où des femmes comme celles des loges d’adoption défient les interdits. On peut imaginer une héroïne fictive inspirée de figures comme la duchesse de Bourbon, grande maîtresse d’une loge féminine en 1775, luttant pour imposer sa place dans un monde d’hommes. Les planches, riches en détails d’époque – perruques poudrées, salons éclairés à la chandelle – capturent cette tension entre tradition et émancipation. (Inclure ici l’image de BDZoom avec une femme en costume XVIIIe tenant un maillet.)

Le Siècle des Lumières : Les insurgées de l’ombre

Le deuxième récit nous projette au XVIIIe siècle, époque charnière où la franc-maçonnerie s’organise en loges structurées, mais reste un domaine masculin. Ici, Pierre Boisserie imagine une héroïne fictive, inspirée des premières maçonnes des loges d’adoption, qui s’infiltre dans cet univers codifié pour revendiquer sa place. Le dessin de Luca Malisan, avec ses jeux de lumière et ses décors élégants – salons rococo, tabliers maçonniques, regards complices –, capte l’audace de ces femmes qui, derrière les paravents de la société, œuvraient pour l’égalité. (Inclure ici l’image de BDZoom montrant une femme en robe d’époque tenant un symbole maçonnique, comme une équerre ou un compas.) Ce récit illustre une tension historique : les femmes, bien que marginalisées, ont su contourner les interdits pour influencer les idéaux des Lumières, souvent dans l’ombre des grands noms comme Voltaire ou Diderot.

L’Ère moderne : Les architectes de demain
Le troisième volet s’ancre dans le XXe siècle, avec un clin d’œil au Droit Humain et aux combats contemporains pour la mixité. On y suit une figure inspirée de Maria Deraismes ou d’Annie Besant – autre grande maçonne et théosophe –, qui transforme la franc-maçonnerie en un espace d’émancipation universelle. Les planches de Malisan brillent par leur modernité : costumes sobres, temples épurés, et une palette de couleurs qui évoque la clarté de la raison. (Inclure ici l’image de BDZoom montrant une femme contemporaine dans un temple maçonnique, entourée de symboles comme le pavé mosaïque ou la lumière rayonnante.) Ce dernier récit célèbre la victoire des femmes dans la maçonnerie mixte, tout en posant une question : leur présence a-t-elle redéfini l’essence même de cette tradition ?

Le Dieu géométrique et les filles de la mémoire

Le titre Les Filles de Mnémosyne n’est pas anodin. En liant ces femmes à la déesse grecque de la mémoire, Convard et Boisserie soulignent leur rôle de passeuses : elles ne se contentent pas de rejoindre la franc-maçonnerie, elles en préservent et en enrichissent l’héritage. Ce choix résonne avec la méthode géométrique de Spinoza, explorée dans le tome précédent de notre série d’articles : un ordre rationnel et universel, où chaque élément – homme ou femme – trouve sa place dans une harmonie plus vaste. Les femmes de cet album ne sont pas des intruses ; elles sont des bâtisseuses, des “architectes de l’âme”, comme les appelle Jean-Laurent Turbet dans son dossier historique.

Leur présence remet en question une idée reçue : la franc-maçonnerie comme un club fermé d’hommes savants. Dès 1774, le Grand Orient de France reconnaît des loges d’adoption, et au XXe siècle, des obédiences comme la Grande Loge Féminine de France (fondée en 1952) ou le Droit Humain prouvent que la mixité n’est pas une anomalie, mais une évolution naturelle. Selon l’historien André Combes, auteur de Histoire de la franc-maçonnerie au XIXe siècle (1999), « les femmes ont apporté à la maçonnerie une sensibilité humaniste qui a enrichi ses idéaux ». Les Filles de Mnémosyne illustre cette transformation, montrant comment elles ont fait de la mémoire – Mnémosyne – un outil de progrès.

Une bande dessinée entre art et pédagogie

Visuellement, cet album est une réussite. Luca Malisan, déjà à l’œuvre sur des tomes précédents, excelle dans sa capacité à passer des décors mythiques de l’Antiquité aux intérieurs feutrés du XVIIIe siècle, puis aux lignes épurées du XXe. Ses planches, détaillées et expressives, captent l’émotion des personnages – un regard déterminé, une main tenant un symbole maçonnique – tout en respectant la rigueur historique. Les couleurs, signées Fabien Alquier, jouent un rôle clé : chaudes et dorées pour l’Antiquité, pastel pour les Lumières, sobres pour l’époque moderne, elles rythment les époques et les moods narratifs.

Le scénario, porté par Pierre Boisserie sous la houlette de Convard, équilibre fiction et faits réels. Chaque histoire s’appuie sur des recherches solides, enrichies par le dossier de Turbet, qui détaille les dates, les noms et les contextes. Ce mélange d’aventure et de savoir fait de Les Filles de Mnémosyne un point d’orgue parfait pour la série : il ne s’agit pas seulement de raconter, mais de transmettre. Comme le note BDZoom, « cet ultime album conclut une fresque qui a su vulgariser l’histoire maçonnique sans sacrifier la profondeur ».

Pourquoi les femmes ?

Pourquoi consacrer ce dernier tome aux femmes ? Pour Convard, c’est une évidence : « Elles ont été les grandes absentes des récits officiels, mais leur influence est indéniable. » Dans une interview pour BDZoom, il confie que ce choix répond à une volonté de rééquilibrer l’histoire, trop souvent écrite au masculin. Les femmes de l’album ne sont pas des figures secondaires ou des muses passives ; elles sont des initiées, des combattantes, des penseuses qui ont porté les valeurs maçonniques – tolérance, égalité, quête de lumière – avec une force singulière.

Ce focus reflète aussi une réalité contemporaine : en 2025, la franc-maçonnerie mixte et féminine est plus vivante que jamais. En France, la Grande Loge Féminine compte des milliers de membres, et des obédiences comme le Droit Humain continuent d’attirer des femmes en quête de sens et de sororité. Les Filles de Mnémosyne n’est pas qu’un hommage ; c’est un miroir tendu à notre époque, où l’égalité reste un combat

Le Dessin de Jissey : « L’amour fraternel… de soi-même ! »

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Il n’a pas échappé à notre Frère Jissey que certain(e)s maçons(nes) développent un sens profond de l’amour fraternel. Le seul problème réside dans le fait que cet amour ne s’adresse qu’à eux-mêmes. Rassurez-vous, cela ne vous concerne aucunement. Jissey possède le nom (et la copie du passeport) des coupables.

Le plus gros frein à l’universalisme, c’est…

La culture communautariste est le gros frein à l’universalisme ; il faut promouvoir l’individualisme !

La Franc-maçonnerie affiche une belle pérennité tri-séculaire. Celle-ci doit probablement pas mal à l’idée, mise en avant dès les constitutions d’Anderson, qu’elle s’adresse aux humains de toutes origines. Bien sûr, les exclusions (femmes, borgnes et bossus, esclaves…) parlent beaucoup de l’état d’esprit à l’époque de la rédaction des règles. Mais l’attrait de l’universalisme était dans le Zeitgeist du siècle des Lumières, et continue à parler à tous ceux qui sont épris d’égalité en droits.

Jean-Jacques-François Le Barbier (dit l’Aîné, attribué à, 1738-1826). “Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Il en résulte des textes comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Une mouture célèbre est celle de 1948. Elle se situait après la terrible seconde guerre mondiale, dans une Organisation des Nations Unies toute fraîche et animée de la volonté de pacifier le concert des peuples. Les 58 états membres d’alors étaient d’accord sur les termes. Vraiment ? Ben, comme disait Coluche, le problème avec l’égalité c’est que certains sont plus égaux que d’autres. En effet, les pays développés menaient la danse et tenaient la plume.

Dans le préambule du texte, les termes de peuples, nations, individus, organes sont présents, mais dans les articles suivants individu (ou personne ou être humain) est bien plus fréquent que les autres termes. Pas vraiment étonnant puisqu’il s’agit de droits de l’homme. Oui mais « famille » ou « communauté » apparaissent peu. Et des voix se sont élevées, indiquant que des sociétés moins individualistes, où famille ou communauté sont les niveaux essentiels, n’y trouvaient pas leur compte. 

C’est là que l’on voit apparaître un clivage entre manières de penser.

Homme mûr et chauve en méditation ou réflexion
Homme mûr et chauve en méditation ou réflexion

La pensée occidentale reconnaît sans difficulté l’importance des groupes et organes : nation, gouvernement, communauté, association, famille… Mais, dans les pays qui ont évolué vers la démocratie, l’individu a obtenu un important noyau de droits. La vie dans les pays occidentaux démocratiques affiche des différences profondes avec celle dans les pays autres. Dans ces derniers pays, l’égalité en droits des individus est systématiquement moins poussée. Un test discriminant entre les deux cultures est celui de la dénonciation ou non d’un membre de sa famille qui aurait commis un crime : dans les pays démocratiques le taux de dénonciation serait notablement plus élevé que dans les autres.

cocktail au travail discussion
Humains ensemble

Cet écart dans les mentalités peut être attribué au fait que les pays non occidentaux ont pris leur essor civilisationnel plus tardivement. Ils pourraient donc être encore imprégnés des réflexes de survie anciens, salutaires à l’époque, mais qui accordent systématiquement le primat au groupe, enfin, surtout à ses meneurs. (NB : cette explication « évolutionniste » reste néanmoins à confirmer par les scientifiques adéquats.)

Voilà donc l’Union Africaine qui adopte en 1986 une Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Ses articles insistent sur les droits et les devoirs des peuples, des nations, des familles, plus que ceux des individus.

Cherchons une explication de cet écart.

Cet écart est lourd de conséquences, entre l’occident et les autres pays.

Les civilisations ont développé des systèmes de régulation des comportements. Le plus répandu, jusque dans nos pays il n’y a pas si longtemps, est basé sur la réputation, aussi nommée l’honneur. Ce système est aux commandes dans la plupart des œuvres de littérature ou de cinéma dans lesquelles l’action se passe dans notre passé. Le succès de ces fictions semble indiquer qu’elles correspondent à nos archétypes, et sans doute aussi à notre génome. Des sociologues ont mesuré pays par pays ceux pour lesquels ce système, encore appelé culture de la honte, est toujours actuellement en vigueur. Eh bien, c’est le cas dans tous les pays du monde, sauf l’occident, c’est-à-dire l’Europe, l’Amérique du nord, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

David Graeber

Les cultures de la honte ont pour caractéristique des liens communautaires forts et des structures de parenté étroites. L’individu n’est qu’un élément du groupe, son honneur personnel et l’honneur collectif du groupe se confondent quasiment. Le statut de l’individu est en prise directe sur sa réputation.

Les membres du groupe se surveillent mutuellement et sont solidaires pour défendre leur réputation (on trouve là la notion de crime d’honneur). Comme expliqué par David Graeber dans son livre sur la dette dans l’histoire, la honte est associée à la violence car il faut absolument défendre son honneur et celui de sa famille. L’individu dans ces cultures cherche à se faire respecter par les autres.

En occident, la culture dominante actuelle est celle de la culpabilité. 

Elle se différencie des autres par l’importance de son individualisme. En franc-maçonnerie, c’est l’individu qui postule, qui est initié, qui taille sa propre pierre.

De cet individualisme découlent des traits particuliers : non-conformisme, esprit analytique, fidélité à des valeurs plus qu’à des relations. Ceci entraîne quelques conséquences négatives : besoin anxieux de se distinguer pour « exister », narcissisme, hubris, sentiment de solitude.

Nous le savons, notre environnement culturel influence nos comportements. Nos sociétés devenant de plus en plus multiculturelles, elles prennent plus ou moins le visage de communautés juxtaposées.

Le monde occidental est devenu celui de l’impermanence ; on dirait qu’Héraclite ou le Tao ont finalement gagné contre Platon et tous les philosophes de l’être. On change de boulot, de voisins, de collègues, d’amis, de ville, de conjoint, et même de genre. Ce qui est constant chez l’individu ce sont ses qualités singulières, sa personnalité, et non ses relations. Pour cette raison, il attache une grande importance à la cohérence et à l’intégrité morale.

Fidèle à rien, l’occidental doit au moins être fidèle à lui-même.

S’adapter à un monde social individualiste signifie perfectionner les attributs personnels qui persistent dans divers contextes, tailler sa pierre, quoi.

Deux hommes dans la dispute

Bref, dans notre société actuelle, nous avons deux communautés face à face : l’une, issue d’une immigration récente, ne se reconnaît aucun défaut et accuse l’autre, et l’autre adore se flageller pour aller vers plus de perfection morale… un beau couple sado-maso qui peut s’étriper longtemps, avant qu’une des tendances philosophiques ne l’emporte. Bref, de longs et pénibles efforts seront encore nécessaires.

Mon opinion personnelle reste solidement en faveur de notre culture occidentale, qui me semble présenter le rapport points positifs / points négatifs le plus favorable. Notre culture occidentale est pour le moment encore majoritaire dans nos pays. Que faire afin d’apaiser les tensions ? Il me semble nécessaire d’assurer que chaque individu issu des cultures de l’honneur soit frotté sérieusement à notre culture. Cela doit se faire dès l’enfance, avant que les préjugés ne s’installent.

Texte rédigé sans utilisation d’IA !