jeu 25 décembre 2025 - 08:12
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L’imaginal, l’archétype et le symbolisme en Franc-maçonnerie

La comparaison entre l’imaginal d’Henri Corbin, le concept d’inconscient collectif et d’archétypes de Carl Gustav Jung, et le symbolisme de la Franc-maçonnerie constitue un sujet riche et complexe, qui touche à la fois à la philosophie, à la psychologie des profondeurs, à la mystique et à l’ésotérisme.

L’exploration de ces trois domaines met en lumière leurs points de convergence, leurs divergences, et la manière dont ils s’entrecroisent dans une quête commune de sens et de transcendance. Nous commencerons par une présentation des concepts clés, avant d’examiner leurs relations avec le symbolisme maçonnique et de conclure sur leurs implications spirituelles et philosophiques.

1. L’IMAGINAL selon Henri Corbin

Henri Corbin, philosophe et orientaliste français, a développé le concept d’imaginal (ou mundus imaginalis) en s’inspirant principalement de la mystique islamique, notamment des œuvres de penseurs comme Sohrawardi et Ibn Arabi. L’imaginal désigne un plan intermédiaire entre le sensible (le monde matériel) et l’intelligible (le monde des idées pures). Ce n’est ni une simple imagination subjective, ni une abstraction conceptuelle, mais un domaine ontologique réel où les réalités spirituelles prennent forme sous des images symboliques.

L’imaginal est un espace où les visions mystiques, les anges, les archétypes spirituels et les symboles prennent une réalité objective, accessible par l’imagination active, une faculté de l’âme qui transcende la raison discursive. Il est le lieu de la théophanie, c’est-à-dire des manifestations divines sous forme d’images symboliques, comme les visions prophétiques ou les expériences mystiques.

Contrairement à l’imagination fantasmatique, qui produit des illusions, l’imaginal est ancré dans une vérité métaphysique et permet un accès au sacré.

Ainsi,dans la tradition soufie, l’imaginal peut se manifester dans la vision d’un guide spirituel ou d’un ange, comme l’ange Gabriel apparaissant au Prophète. Ces visions ne sont pas des métaphores, mais des réalités spirituelles perçues par l’âme.

Corbin insiste sur le fait que l’imaginal n’est pas un produit de l’ego, mais un espace où l’âme rencontre le divin à travers des symboles vivants. Cette idée trouve un écho dans les pratiques initiatiques, où les symboles ne sont pas de simples allégories, mais des clés pour accéder à une réalité supérieure.

Au cours de sa conférence sur l’imaginal,  Jean-Jacques Wunenburger commence par retracer l’histoire du terme, popularisé par le philosophe et orientaliste Henri Corbin. L’imaginal, dérivé des études sur la mystique islamique (notamment chez Sohrawardi et Ibn Arabi), désigne un « monde intermédiaire » où les réalités spirituelles prennent une forme sensible, sans être matérielles. Ce n’est ni le pur intellect ni le monde physique, mais un domaine où l’image joue un rôle médiateur. Contrairement à l’imagination, souvent associée à la fantaisie ou à l’irréel, l’imaginal est un espace ontologique réel, où les images ont une consistance propre. Wunenburger explique que l’imaginal n’est pas un produit subjectif, mais un lieu où des vérités suprasensibles se manifestent sous forme symbolique. Les images de l’imaginal ne sont pas de simples représentations, mais des réalités actives qui permettent de saisir des vérités spirituelles ou métaphysiques. Wunenburger insiste sur leur fonction de médiation : elles relient l’humain à des dimensions supérieures, comme dans les visions mystiques, les rêves ou les expériences poétiques. Puis, le conférencier discute de la portée de l’imaginal dans divers domaines, comme la philosophie, la psychologie (notamment jungienne avec les archétypes), la littérature et l’art. Il souligne que ce concept peut aider à comprendre des phénomènes modernes, comme les expériences visionnaires ou les créations artistiques, en leur donnant une dignité ontologique. La conférence aborde aussi la marginalisation de l’imaginal dans la pensée occidentale moderne, qui privilégie le rationalisme et le matérialisme. Wunenburger plaide pour une réhabilitation de ce domaine intermédiaire, qui permettrait de réenchanter le monde et de redonner du sens à l’expérience humaine.

2. L’INCONSCIENT COLLECTIF et les Archétypes selon Carl Gustav Jung

Carl Gustav Jung, psychiatre suisse et père de la psychologie analytique, a introduit les notions d’inconscient collectif et d’archétypes pour expliquer les structures universelles de la psyché humaine. Ces concepts, bien que psychologiques, flirtent avec la spiritualité et l’ésotérisme, notamment dans leur rapport aux symboles.

L’inconscient collectif :

C’est une couche profonde de la psyché, commune à tous les êtres humains, qui contient des schémas universels hérités de l’histoire de l’humanité. Contrairement à l’inconscient personnel (lié aux expériences individuelles), l’inconscient collectif est transpersonnel et intemporel.

Les archétypes  

Ce sont des modèles primordiaux ou des images fondamentales (le Héros, la Mère, le Sage, l’Ombre, etc.) qui structurent l’inconscient collectif. Ils se manifestent dans les mythes, les rêves, les religions et les symboles culturels, agissant comme des forces dynamiques qui influencent la psyché. Les archétypes ne sont pas directement observables, mais ils se traduisent sous forme d’images symboliques dans l’imagination ou les visions.

L’imagination active  

Jung a développé une technique appelée imagination active, où l’individu dialogue avec les images de l’inconscient pour intégrer les archétypes et progresser vers l’individuation, c’est-à-dire la réalisation de soi. Cette pratique ressemble à l’accès à l’imaginal de Corbin, bien que Jung l’ancre dans une perspective psychologique plutôt que métaphysique.

– Lenoir décrit les archétypes comme des modèles universels, des images ou des schémas innés présents dans l’inconscient collectif, partagé par tous les êtres humains, indépendamment de leur culture ou de leur époque. Ces archétypes ne sont pas des idées conscientes, mais des forces psychiques dynamiques qui influencent nos pensées, émotions, comportements et perceptions, souvent à notre insu. Jung les comparait à des « instincts psychiques », des empreintes qui guident notre manière de comprendre le monde se manifestant de diverses manières :

Dans les rêves : Jung considérait les rêves comme des expressions symboliques des archétypes. Par exemple, rêver d’une figure maternelle imposante peut refléter l’influence de l’archétype de la Mère, signalant un besoin de protection ou un conflit avec cette énergie.

Dans les mythes et récits : Les archétypes expliquent pourquoi certaines histoires, comme celle du Héros qui triomphe du mal, résonnent universellement, de l’Épopée de Gilgamesh aux films hollywoodiens.

Dans la vie quotidienne : Nos comportements peuvent être influencés par des archétypes. Par exemple, une personne qui agit toujours comme un « sauveur » peut être sous l’emprise de l’archétype du Héros, parfois au détriment de son propre bien-être.

Au cours de la vidéo « Voyage vers soi », Frédéric Lenoir relie les archétypes au processus d’individuation, qui vise à intégrer les différentes parts de la psyché pour devenir un individu complet. Les archétypes, en se manifestant dans nos vies (via des émotions fortes, des rêves ou des rencontres), nous poussent à explorer des aspects méconnus de nous-mêmes. Il souligne que Jung ne voyait pas les archétypes comme de simples concepts théoriques, mais comme des forces vivantes à explorer activement. Il encourage chacun à dialoguer avec ces archétypes, notamment à travers l’analyse des rêves ou des exercices d’imagination active (une sorte de méditation guidée où l’on interagit avec les figures de l’inconscient).

Pour Jung, les symboles ne sont pas de simples représentations, mais des ponts entre le conscient et l’inconscient, permettant à l’individu de se connecter à des vérités universelles.

3. LE SYMBOLISME de la Franc-maçonnerie

La Franc-maçonnerie, en tant que tradition initiatique, repose sur un riche corpus de symboles, de rituels et de mythes visant à guider l’initié vers une transformation intérieure et une compréhension plus profonde de l’univers. Le symbolisme maçonnique, bien que codifié dans des rituels spécifiques, est universel et intemporel, puisant dans des traditions aussi diverses que l’hermétisme, l’alchimie, la kabbale et les mystères antiques.

Les symboles maçonniques (l’équerre, le compas, le maillet, la pierre brute, le temple de Salomon, etc.) ne sont pas de simples métaphores, mais des outils de méditation et de transformation spirituelle. Ils fonctionnent comme des archétypes initiatiques, c’est-à-dire des images universelles qui relient l’individu à des vérités cosmiques et morales.

Le travail maçonnique consiste à polir la pierre brute, une métaphore de l’individuation ou de la quête de perfection intérieure.

Le rôle du rituel

Les rituels maçonniques, comme l’initiation ou l’élévation aux grades supérieurs, plongent l’initié dans un espace symbolique où il vit une expérience de mort et de renaissance, comparable aux visions mystiques de l’imaginal ou aux confrontations archétypiques de Jung. Ces rituels utilisent des images et des symboles (le cabinet de réflexion, le voyage initiatique, la lumière) pour provoquer un éveil spirituel.

L’équerre et le compas : Ils représentent l’équilibre entre la matière (l’équerre) et l’esprit (le compas), un thème central dans l’alchimie spirituelle.

Le temple de Salomon : Symbole du cosmos et de l’âme humaine, il incarne l’idée d’une construction intérieure harmonieuse.

La lumière : Métaphore de la connaissance et de l’illumination, elle évoque l’accès à une réalité supérieure.

4. COMPARAISON des trois approches

La convergence

Le rôle central du symbole :

Chez Corbin, le symbole est une réalité ontologique dans l’imaginal, un pont vers le divin.

Chez Jung, le symbole est une manifestation des archétypes, un lien entre l’inconscient et le conscient.

En Franc-maçonnerie, le symbole est un outil initiatique, une clé pour accéder à des vérités universelles.

Dans les trois cas, le symbole n’est pas réductible à une allégorie : il est vivant, dynamique et chargé de sens.

La quête de transcendance :

Corbin voit l’imaginal comme un moyen d’accéder au sacré et de rencontrer le divin.

Jung envisage l’individuation comme une intégration des archétypes menant à une complétude psychique et spirituelle.

La Franc-maçonnerie propose une transformation intérieure par le travail symbolique, visant à aligner l’initié avec des principes cosmiques et moraux.

Ces trois approches partagent une vision de l’être humain comme un chercheur de vérité, engagé dans un processus de dépassement de soi.

L’imagination comme faculté spirituelle

Corbin parle d’imagination active comme d’une capacité à percevoir les réalités de l’imaginal.

Jung utilise l’imagination active pour dialoguer avec les archétypes.

En Franc-maçonnerie, l’imagination est sollicitée dans la méditation sur les symboles et la participation aux rituels, qui activent des images archétypiques.

La dimension initiatique

Les visions de l’imaginal chez Corbin sont souvent associées à des expériences mystiques initiatiques, comme dans le soufisme.

Jung décrit l’individuation comme un processus initiatique, marqué par des confrontations avec des figures archétypiques (l’Ombre, l’Anima/Animus, le Soi).

La Franc-maçonnerie est explicitement initiatique, avec des grades et des rituels qui structurent le cheminement spirituel.

La divergence

Le Fondement ontologique :

Pour Corbin, l’imaginal est un domaine métaphysique réel, indépendant de la psyché humaine. Il s’inscrit dans une vision théologique et cosmique.

Jung, bien qu’ouvert à la spiritualité, ancre les archétypes dans la psyché humaine, les considérant comme des structures biologiques et psychologiques héritées.

La Franc-maçonnerie, bien qu’ésotérique, reste souvent agnostique sur la nature ultime des symboles, les laissant ouverts à l’interprétation personnelle de l’initié.

La finalité

Corbin vise une union mystique avec le divin, où l’imaginal est un espace de révélation théophanique.

Jung cherche l’intégration psychologique et l’équilibre intérieur, même si cela peut inclure une dimension spirituelle.

La Franc-maçonnerie met l’accent sur la construction morale et spirituelle, avec une dimension sociale (fraternité, amélioration de l’humanité).

La méthodologie

Corbin s’appuie sur l’exégèse des textes mystiques et l’expérience intérieure, dans une approche philosophique et religieuse.

Jung utilise une méthode psychologique, avec des outils comme l’analyse des rêves et l’imagination active.

La Franc-maçonnerie repose sur des rituels collectifs et des pratiques symboliques, dans un cadre structuré et traditionnel.

Une synthèse possible

Malgré leurs différences, ces trois approches convergent dans leur reconnaissance d’un espace intermédiaire où l’âme humaine rencontre des réalités supérieures à travers des images symboliques. L’imaginal de Corbin peut être vu comme une version métaphysique de l’inconscient collectif de Jung, tandis que la Franc-maçonnerie offre un cadre pratique pour actualiser ces réalités dans un cheminement initiatique. Ensemble, elles forment un triangle conceptuel où le symbole agit comme un catalyseur de transformation, reliant le matériel au spirituel, l’individuel au collectif, et le temporel à l’éternel.

5. LE SYMBOLISME MAÇONNIQUE COMME PONT entre Corbin et Jung

Le symbolisme maçonnique peut être considéré comme un terrain d’application pratique pour les idées de Corbin et de Jung, car il combine la dimension métaphysique de l’imaginal et la profondeur psychologique des archétypes.

L’imaginal et la Franc-maçonnerie

Les rituels maçonniques, comme l’initiation, créent un espace symbolique comparable à l’imaginal. Par exemple, le cabinet de réflexion, avec ses symboles de mort et de renaissance (le crâne, le sel, le soufre), évoque un voyage dans un monde intermédiaire où l’initié rencontre des vérités spirituelles.

Les symboles maçonniques, comme le temple ou la lumière, fonctionnent comme des théophanies, des manifestations du sacré qui rappellent les visions de l’imaginal.

Les archétypes et la Franc-maçonnerie

Les figures et symboles maçonniques (le Grand Architecte, le Maître, la pierre brute) peuvent être lus comme des archétypes jungiens. Par exemple, le Grand Architecte évoque le Soi, l’archétype de la totalité, tandis que la pierre brute représente l’Ombre ou le potentiel non réalisé.

Les rituels maçonniques, avec leurs épreuves et leurs voyages, mettent l’initié en contact avec des forces archétypiques, similaires à celles rencontrées dans l’imagination active de Jung.

Prenons le symbole de la lumière dans la Franc-maçonnerie. Pour Corbin, elle serait une théophanie, une manifestation du divin dans l’imaginal. Pour Jung, elle représenterait l’émergence de la conscience ou l’intégration du Soi. Dans la Franc-maçonnerie, elle symbolise l’illumination spirituelle obtenue par le travail initiatique. Ces trois lectures, bien que distinctes, se rejoignent dans l’idée que la lumière est une réalité transformatrice, accessible par l’expérience symbolique.

6. IMPLICATIONS PHILOSOPHIQUES ET SPIRITUELLES

La comparaison entre Corbin, Jung et la Franc-maçonnerie soulève des questions fondamentales sur la nature de la réalité, la place de l’imagination et le rôle des symboles dans la quête humaine.

Une vision non dualiste : Les trois approches rejettent l’opposition stricte entre matière et esprit, proposant un espace intermédiaire (imaginal, inconscient collectif, temple symbolique) où ces dimensions s’entrecroisent.

Le pouvoir de l’imagination : Corbin, Jung et la Franc-maçonnerie réhabilitent l’imagination comme une faculté essentielle pour accéder à la vérité, contredisant la vision rationaliste qui la réduit à une fantaisie.

Une spiritualité universelle : Malgré leurs contextes différents (islamique pour Corbin, psychologique pour Jung, initiatique pour la Franc-maçonnerie), ces approches partagent une vision universaliste, où les symboles transcendent les frontières culturelles et religieuses.

Une éthique de la transformation : Que ce soit par l’union mystique, l’individuation ou le travail maçonnique, l’objectif est de transformer l’individu pour qu’il devienne un pont entre le terrestre et le céleste.

L’imaginal d’Henri Corbin, les archétypes de Carl Gustav Jung et le symbolisme de la Franc-maçonnerie convergent dans leur reconnaissance des symboles comme des portes vers une réalité supérieure. Corbin offre une vision métaphysique, où l’imaginal est un monde spirituel autonome ; Jung propose une lecture psychologique, où les archétypes structurent la psyché ; et la Franc-maçonnerie fournit un cadre initiatique, où les symboles sont vécus dans des rituels transformateurs. Ensemble, ils forment une constellation de pensées qui célèbrent la capacité humaine à transcender le visible pour toucher l’invisible, à travers l’imagination, la méditation et l’engagement spirituel.

Cette comparaison invite à repenser le rôle des symboles dans notre monde contemporain, souvent dominé par le matérialisme et la rationalité.

En redonnant vie à l’imaginal, aux archétypes et aux rituels, Corbin, Jung et la Franc-maçonnerie nous rappellent que l’âme humaine est fondamentalement une chercheuse de lumière, guidée par les étoiles des symboles éternels.

Maçon dans ma loge, Maçon dans ma vie

Vous êtes Franc-maçon ou Franc-maçonne depuis quelques semaines, quelques mois, quelques années… Quelle que soit votre ancienneté, bien des choses vous paraissent étranges, peut-être même incongrues. Et pourtant, chacun de vous peut être certain d’une chose : on ne devient pas Franc-maçon comme on entre dans un club service, simplement en s’inscrivant et en payant une cotisation.

On est tout d’abord reçu Apprenti franc-maçon au terme d’un processus relativement long, qui aboutit à un engagement, pris solennellement, en pleine conscience, en pleine liberté. D’autres serments, d’autres engagements, viendront compléter le premier, lorsque l’Apprenti deviendra Compagnon puisque lorsque le Compagnon sera relevé Maître.
On pourrait penser que ces serments demandés au franc-maçon à chaque étape de sa progression ne règlent que ses devoirs vis-à-vis de l’Ordre et de ses Frères. Cela est vrai, naturellement, de ce qui a trait à la discrétion, ou encore à la fraternité.

Mais ce à quoi s’engage le franc-maçon dès le soir de son initiation va bien au-delà. Le chemin sur lequel il s’engage à progresser implique naturellement qu’il vive activement les tenues de sa Loge.

Vivre activement les tenues, cela ne veut pas dire nécessairement prendre la parole, pour plancher ou intervenir dans le débat, ni non plus occuper un plateau, ou remplir un office. Au demeurant, les Apprentis et les Compagnons ne peuvent encore faire ni l’un ni l’autre pleinement. Mais ils peuvent déjà assurément vivre activement les tenues.

Vivre activement les tenues, cela signifie d’abord vivre le rituel. Il faut s’en imprégner, s’imprégner de son sens, le laisser opérer, le laisser remplir sa fonction qui est de créer l’ordre intérieur de la Loge et l’ordre intérieur en chacun des Frères et des Sœurs, ce qui permet de quitter l’agitation des parvis, de ne plus être dans le monde profane, mais bien de s’élever ensemble, le regard tourné vers la Lumière.

Vivre le rituel, c’est aussi faire en conscience l’effort de se conformer aux formes, en particulier avant toute prise de parole : les éléments du décor de la loge, les places occupées par chacun, le mode de déambulation, la posture exigée de ceux qui prennent la parole, le silence absolu qui s’impose à ceux à qui elle n’est pas donnée, tout est réglé. Cette fixité de la forme du tout ritualisé permet de ne se concentrer que sur le sens du fond.

Vivre le rituel, ce n’est pas s’en tenir simplement à une exécution « mécanique » de ce qui est écrit, mais bien plutôt s’ouvrir au contenu initiatique et symbolique de chaque rituel, ouverture et fermeture des travaux, initiation ou augmentation de salaire.
Vivre activement les tenues, c’est aussi et surtout se mettre en ouverture, à l’écoute ; c’est s’ouvrir à la pensée de l’autre. C’est permettre à la pensée de l’autre, du Frère ou de la Sœur qui s’exprime, de venir interpeller notre propre pensée, pour la conforter ou pour la remettre en question, dans tous les cas pour l’enrichir.

Comme notre République, la plupart des obédiences maçonniques de France ont inclus dans leur devise « Liberté, Egalité, Fraternité ».

Peut-être n’avez-vous jamais pensé que le premier champ d’application de cette devise était notre propre comportement. Ces trois valeurs majeures sont les premières qu’il nous faut conquérir.

Déclaration des droits de l'Homme
Déclaration des droits de l’Homme

La démarche maçonnique est une démarche de libération. Je veux être un homme libre, dégagé des préjugés et des dogmes. Et si je revendique la liberté pour moi, je me dois de la revendiquer pour chacun.

Pour tous et pour chacun car l’autre est mon égal, à tout le moins en dignité. En tant qu’homme, je ne suis l’inférieur de quiconque, ni son supérieur. Ce principe d’égalité commande que je le respecte comme je souhaite qu’il me respecte moi-même.
L’autre et moi sommes libres et égaux, comme le dit la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’autre et moi, nous sommes Frères en humanité. Et cette fraternité crée le devoir de solidarité.

Notre attention portée à l’autre est l’un des piliers essentiels de notre engagement en Franc-maçonnerie. Il suffit pour s’en convaincre de relire le Chapitre Premier de la Constitution du REAA :

La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la Fraternité.

Au-delà de la fraternité entre initiés, la Franc-maçonnerie invite naturellement à la fraternité entre tous les hommes, au nom des valeurs qu’elle développe chez ceux et celles qui y adhèrent et cherchent à s’y perfectionner.
Mais la moindre des choses, la première étape, c’est bien d’avoir un comportement véritablement fraternel à l’intérieur de la Loge, vis-à-vis de chacun de nos Frères ou sœurs. Il n’est pas possible de se contraindre à avoir la même sympathie, la même affection pour chacun. Avoir un comportement fraternel c’est respecter son Frère pour ce qu’il est, aller vers lui, lui prêter attention et assistance si cela est nécessaire.

Voici donc ce qu’est un Maçon qui se comporte comme tel au sein de sa Loge. Cette Loge n’est pas un avatar, né spontanément à partir de rien et vivant en autarcie. Elle vit dans un cadre, en fait un double cadre, celui d’une obédience et celui d’un Rite.
Il n’existait originellement en Franc-maçonnerie que deux grades : Apprenti et Compagnon, auxquels s’est ajouté le grade de Maître, jusque-là réservé à ceux qui avaient été Vénérables , en 1725.

C’est la raison pour laquelle les anglo-saxons regroupent les degrés au-delà du troisième sous l’appellation de « degrés latéraux », c’est-à-dire des degrés de complément, d’instruction ou de perfectionnement. Comment sont nés ces degrés, et à quoi correspondent-ils ?

À partir des années 1730, ici et là, différents auteurs, pour la plupart en France et en Angleterre, écrivirent des rituels et fondent des ateliers pour de nombreux degrés additionnels. L’objectif était de prolonger et d’enrichir la mythologie des trois premiers degrés, de pousser plus avant la réflexion afin de poursuivre son cheminement spirituel et moral.

Dans les années 1760, on dénombre ainsi plus d’une centaine de degrés additionnels, pratiqués chacun dans un seul ou dans quelques Orients, et qui sont tous pratiqués de manière disparate, sans cohérence particulière, sans continuité. Peu à peu, on voit apparaître des ébauches de séquences, avec une suite de degrés formant un tout progressif et cohérent. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle se créent ou plutôt s’organisent les principaux rites maçonniques.

Tel qu’il a été organisé en 1801 et qu’il est encore pratiqué, le Rite Écossais Ancien et Accepté est aujourd’hui encore le plus important de tous les Rites, par le nombre de Frères et d’institutions maçonniques qui le pratiquent, dans les trois premiers degrés ou au-delà.
Pour le Maçon écossais, chaque degré éclaire d’une lumière nouvelle la vision initiale des degrés antérieurs : plus le franc-maçon s’élève dans les degrés, plus il enrichit sa palette des éclairages nécessaires à la perception de ce qu’il cherche.
La démarche de progression proposée par le Rite Écossais Ancien et Accepté fait appel à un fort contenu symbolique, ce qui permet de faire travailler simultanément conscient et inconscient.

Bijou-mac-Dignitaire-Aigle-bicephale-orne-couronne-St-Michel
Bijou-mac-Dignitaire-Aigle-bicephale-orne-couronne-St-Michel

C’est l’enchaînement des contenus symboliques, degré après degré, qui crée une dynamique de la pensée. Et c’est cette dynamique de la pensée qui engendre une modification des états de conscience tels qu’ils structurent la construction individuelle.

On peut se demander si la cohérence du Rite dans sa progression est le fruit d’une construction délibérément pensée dans ce but, ou si cette cohérence aurait pu être différente. En fait, chaque Maçon découvre progressivement la cohérence du Rite au travers de sa propre progression, c’est-à-dire de la construction progressive de sa propre cohérence.

C’est l’un des sens de la devise du Rite : Ordo ab Chao.

Ce processus de construction de soi-même n’a pas de fin. Si chacun de nous a fait quelques progrès après quelques années, il est loin d’être au bout du chemin. C’est en fait comme l’horizon : il recule à chaque pas que l’on fait pour avancer. Ce n’est donc pas d’être arrivé qui importe, mais chaque étape, chaque moment du chemin.

Voici donc ce qui doit être à l’esprit de tout Maçon qui s’interroge sur ce que signifie « Maçon dans ma Loge ».

Main sur la Bible lors du serment

Mais les engagements du Maçon vont clairement au-delà, et impliquent son comportement largement à l’extérieur de l’espace sacré du temple et du temps sacré des tenues. La démarche initiatique n’est pas une démarche de philosophie théorique. Elle invite à une éthique, à une morale en action.
Lors de l’initiation, on précise que ce à quoi s’engage l’impétrant ne saurait, en aucune manière, être incompatible avec les devoirs d’un honnête homme et d’un bon citoyen. En fait, ce à quoi s’engage le franc-maçon est de nature à l’aider, autant que sa nature et ses résolutions antérieures l’y préparent déjà, à être véritablement un honnête homme et un bon citoyen.

Ce à quoi s’engage le franc-maçon est effectivement de l’ordre de l’adhésion. Non seulement de l’adhésion intellectuelle, mais bien de l’adhésion concrète. De la praxis au-delà du logos.

Le Serment (Dionysos Tsokos, 1849) illustre une cérémonie d’initiation : le pope semble être Grigórios Phléssas, le combattant Theódoros Kolokotrónis.

On n’est pas franc-maçon parce qu’on participe deux fois par mois à une tenue de deux ou trois heures en loge avant de partager une agape fraternelle. Être franc-maçon c’est forger et fortifier sa propre conviction et sa propre détermination en s’inspirant des principes et des valeurs sur lesquels le travail parmi les Frères ou les Sœurs, a permis de réfléchir.
On est franc-maçon parce que l’on agit en toutes circonstances dans le respect de ces principes et de ces valeurs. Bien plus qu’adhésion à une pratique, fût-elle chargée de sens et inspirée des plus hauts principes spirituels, c’est l’engagement d’une vie d’Homme, au service d’un idéal.

On entend parfois, pour parler d’un homme honnête, ouvert, engagé et généreux, dire que c’est un Maçon sans tablier.

Ce n’est guère une expression acceptable. Il y a des hommes vertueux qui auraient eu toutes les vertus pour être d’excellents Maçons. Mais ils ont choisi une autre voie. La voie maçonnique est une voie initiatique, un chemin de progression et d’élévation spirituelle. D’autres voies d’accomplissement et de réalisation existent naturellement, tout aussi capables de rendre des hommes meilleurs. La voie que nous avons choisie n’est ni la seule, ni la meilleure. C’est une voie exigeante, mais formidablement gratifiante pour qui s’y engage résolument et y travaille à sa propre évolution, afin de concourir à l’évolution du monde qui l’entoure. C’est l’initiation qui fait le Maçon. Et il ne peut donc pas y avoir de Maçon sans Tablier.

En revanche, il peut y avoir des tabliers sans Maçon hélas, mais c’est une autre histoire…
Le point de départ de la démarche maçonnique, c’est l’effort de lucidité. La lucidité c’est la faculté de voir et de comprendre les choses avec clarté et justesse ; le mot vient du latin luciditas, qui signifie « clarté, splendeur, lumière ».

Lors de la cérémonie d’initiation, en ôtant le bandeau qui obscurcissait la vue de l’impétrant, on lui a symboliquement donné la lumière.
Aller vers la lumière c’est d’abord être lucide. D’une certaine manière, le premier devoir du Maçon c’est de s’efforcer de se connaître et de connaître le monde qui l’entoure avec lucidité, avec objectivité. Puis d’agir selon le bien et le juste.

Le rôle de la Franc-maçonnerie est de ce point de vue de nous éveiller de telle manière que nous nous éclairions sur ce que nous sommes nous-mêmes, et que nous essayions à partir de là d’éclairer un peu plus la société dans laquelle nous évoluons.

La démarche maçonnique doit nous aider à penser le monde autrement pour pouvoir agir le monde autrement. Se comprendre soi-même, comprendre le monde qui nous entoure et s’y comporter comme un individu responsable parce qu’éclairé.

Ce n’est donc pas que le fait d’avoir été initié qui fait d’un homme libre et de bonnes mœurs un véritable franc-maçon. C’est le fait de travailler, de travailler dans les formes que propose la Franc-maçonnerie.
Il n’y a donc pas de francs-Maçons en dehors d’une Loge, je veux dire en dehors d’une fréquentation régulière, assidue de son atelier.

A la fin de chacune de nos tenues, nous sommes invités à nous comporter en Maçons dans la vie profane.

Souvenons-nous des paroles qui accompagnent la Chaîne d’Union, par exemple :
« Bien au-dessus des soucis de la vie matérielle, s’ouvre pour le franc-Maçon le vaste domaine de la pensée et de l’action. Avant de nous séparer, élevons-nous ensemble vers notre idéal. Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la lumière sur notre chemin. »

Et s’il fallait douter de l’invitation à être Maçon chaque jour, à chaque heure de notre vie, au-delà des portes du lieu de nos réunions, il suffit de rappeler ce que dit le Vénérable Maître juste avant que l’extinction des colonnettes marque le début de la fermeture des Travaux :

« Que la Lumière qui a éclairé nos Travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans ce Temple… ».

Tout est dit.

Se retrouver ensemble dans un même but

La démarche initiatique n’est pas une ascèse solitaire ; le Maçon n’est pas un ermite. La démarche initiatique est au contraire un partage, un vécu partagé.
C’est une démarche spirituelle personnelle, que nous conduisons collectivement.
Être franc-Maçon ou franc-maçonne, c’est s’engager dans une démarche de perfectionnement. En soi, pour soi, mais par les autres, et aussi pour eux.

Nous attendons en effet de nos Frères et de nos Sœurs qu’ils s’engagent et qu’ils agissent non pas collectivement mais à titre individuel, faisant ainsi preuve personnellement d’initiative et de responsabilité, en faisant vivre dans leur quotidien, dans leur environnement personnel, familial ou professionnel, et plus largement dans la Cité, les valeurs et les principes cultivés lors de nos travaux. L’engagement n’obéit à aucun mot d’ordre, et procède ici davantage de l’exemplarité qu’il donne.
Son exemplarité est une vertu essentielle pour le franc-maçon, dans la Loge comme hors de la Loge.

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Chacun de nous, selon ses aptitudes, son environnement, ses capacités, peut et donc doit s’engager et s’efforcer d’« être un membre utile et conscient de la société ».
La place du franc-maçon ou de la franc-maçonne dans les défis lancés à notre société, par exemple le respect de la dignité humaine, le devoir de solidarité ou le devoir d’équité, c’est la place qui revient à des humains conscients de ces problèmes, conscients de ce qu’ils font, notamment à titre individuel sur le plan politique local, régional ou national. Ses actions concourront à davantage d’équité, de solidarité ou de dignité dans nos sociétés.
Nous sommes naturellement loin du but.

La Franc-maçonnerie se retrouve en fait exactement dans la perspective des constructeurs de cathédrale dont elle se réclame. C’est-à-dire que quand un ouvrier maçon commençait une cathédrale au Moyen-âge, il savait qu’en posant cette première pierre il ne verrait jamais l’édifice achevé.

Pour nous aujourd’hui qui souhaitons construire une cathédrale qui s’appelle la société humaine, il est clair que nous-mêmes ne verront pas l’édifice achevé. Mais cela ne doit pas être pris comme prétexte pour ne pas se mettre au travail.
On m’objectera que les constructeurs de cathédrale avaient un architecte qui pensait l’ensemble.

Si effectivement le Compagnon ouvrier, lui, lorsqu’il commençait à tailler sa pierre, savait pertinemment qu’il ne verrait pas la fin de l’ouvrage, il y avait un architecte qui le pensait en beauté, en solidité, on pourrait dire en force et en sagesse.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’architecte de nos sociétés. Ou il y en a tellement que l’on a le sentiment que la plus grande confusion semble régner puisque les plans des uns contrarient ceux des autres. Le chaos et le désordre règnent nationalement et mondialement.

Eh bien nous sommes de ceux qui justement entendent donner un sens à leur vie et faire triompher l’ordre sur le chaos.
Nous sommes de ceux qui doivent affirmer qu’il ne faut pas se dire que les hommes ont toujours été des loups pour les hommes et que par conséquent il y aura toujours des guerres tribales, de l’injustice, de l’égoïsme entre les sociétés humaines et à l’intérieur de notre société, parce que c’est dans la nature de l’homme.

Ne soyons pas naïfs : nous n’éradiquerons pas ces cancers sociaux demain.
Mais, si nous travaillons effectivement de plus en plus nombreux, si nous travaillons avec ardeur, sincérité et persévérance à améliorer notre pensée, à améliorer notre objectivité, notre lucidité lorsque nous regardons le monde qui nous entoure, alors nous pouvons espérer concourir véritablement à améliorer la condition humaine et aider l’humanité à faire quelques progrès.

A ceux qui pensent que la Franc-maçonnerie est obsolète, dépassée, et surtout inutile, il faut répondre qu’ils n’ont de la Maçonnerie qu’une vision étroite et passive, qu’ils ne s’en tiennent qu’aux formes, qui sont effectivement attachées à une tradition multi-séculaire, et non au fond, qui s’adresse à des hommes et des femmes du temps présent et tournés vers l’avenir. Non pas leur avenir personnel uniquement, mais bien plus largement l’avenir de notre société, l’avenir collectif de l’humanité, à commencer par celui de l’avenir de ceux qui les entourent, dans leur quartier, dans leur commune, dans leur région, dans leur pays.
Et à ceux qui veulent engager davantage les francs-maçons en tant que tels dans des combats séculiers, politiques ou autres, on peut leur objecter que tel de devrait pas être l’objet de l’Ordre maçonnique tel que l’envisagent les obédiences de la Maçonnerie traditionnelles.

En revanche, il appartient au Franc-maçon et à la Franc-maçonne, à titre personnel, de s’engager hors du Temple, chacun selon ses inclinations, afin de prolonger et à concrétiser au-dehors l’œuvre commencée dans le Temple.
La Franc-maçonnerie donne aux Frères et aux Sœurs les outils et l’opportunité de travailler sur les valeurs et les principes qui peuvent inspirer leur action, leur engagement dans la Cité.

Que chaque Maçon ou Maçonne dont la conscience aura été éveillée par le travail initiatique s’engage à titre individuel là où il pense devoir et pouvoir être utile, parti, syndicat, ou association. Dès lors que les valeurs et les vertus cultivées en Loge inspireront son action, ils ne peuvent se tromper.

Et lorsque cela est nécessaire, qu’ils regroupent leurs efforts, sans qu’il soit nécessaire de mettre leurs sautoirs ou leurs cordons, ni de défiler avec la bannière de leur Atelier en tête de cortège, pour faire avancer ensemble le chantier.

Vous ne recevrez jamais d’instruction sur le choix à faire au moment d’une échéance électorale, ou le soutien à apporter à tel candidat ou à tel courant d’opinion.
Vous êtes des hommes ou des femmes libres, libres de vos choix, libres de vous mobiliser comme bon vous semble. La seule chose que nous puissions attendre de vous, c’est que vous respectiez vos engagements et que vous agissiez selon les principes auxquels vous avez librement choisi d’adhérer. C’est cela, être Maçon. C’est s’efforcer d’aller vers la maîtrise de soi, la maîtrise de ses choix, la maîtrise de sa vie, ou en tous cas de son destin. Être Maçon, c’est s’efforcer de devenir maître du sens de sa propre existence.

Quand l’ordre maçonnique dit qu’il travaille à l’amélioration de la condition humaine, quand l’ordre maçonnique dit que ses valeurs essentielles sont la liberté, l’égalité et la fraternité, quand il dit que c’est le respect de l’autre, quand il dit qu’il travaille à la dignité de chacun et aux droits de l’homme, il n’y a rien à modifier.
Rien à modifier mais tout à faire.

L’épopée de Gilgamesh

Pour aller à la découverte de Gilgamesh, je me suis pour cela essentiellement appuyé sur l’oeuvre majeure de Jean Boottéro : «L’épopée de Gilgamesh, le grand homme qui ne voulait par mourir», publiée en 1992, qu’il a directement traduit de l’akkadien, la langue vernaculaire parlée du 4ème au 1er millénaire avant J-C en Mésopotamie, et qui s’écrivait en caractère cunéiforme.

Vieille de quelques 35 siècles, et donc de loin antérieure à l’Iliade, au Mahâbhârata, et sans parler de la Bible (dont les parties les plus vieilles de l’Ancien testament, le Deutéronome et les 6 livres suivants, datent du 7ème ou 8ème siècle avant JC), ce récit est la première oeuvre littéraire connue qui, par son ampleur, son souffle, sa hauteur de vision et de ton, l’universel de son propos, lui ait valu dans tout le Proche-Orient ancien une célébrité millénaire, et mérite d’être classé de nos jours, comme un des textes fondateurs de l’humanité.

Elle conte l’histoire d’une grande amitié, source de surhumaines réussites, mais qui, tragiquement amputée par la mort, jette le survivant, le grand roi Gilgamesh, dans une recherche désespérée, mais vaine, du moyen d’échapper au trépas.

Après avoir posé le contexte historico-culturel de l’écriture de ce texte, j’aborderai les grands évènements de ce récit mythique, pour regarder enfin en quoi cette épopée nous concerne, nous FM.: du XXIème siècle.

Le contexte

Au IVème millénaire avant JC, Sumériens et Sémites se regroupent pour constituer ensemble la civilisation «akkadienne», au sein de la Mésopotamie (de mésos : milieu et potamos : fleuve : littéralement «le pays entre les fleuves», soit le Tigre et l’Euphrate) qui occupait en gros l’espace de l’Irak actuel.

Vers 3000 ans avant JC, ils inventent l’écriture. Le pays est alors constitué de «Cités-Etats» indépendants, plus ou moins toujours en rivalité ou en guerre.

C’est vers 2650 qu’ aurait probablement vécu Gilgamesh, roi d’Uruk, une cité située le long de l’Euphrate, dans le Sud de l’Irak actuel, et nommée aujourd’hui Warka.  Aurait vécu car s’il est probable que le personnage de Gilgamesh ait réellement existé, on ne peut l’affirmer aujourd’hui avec certitude, car il appartient, au même titre que le Roi Arthur, aux personnages mythique, ou semi-légendaires, apparaissant comme des héros dont le contexte des exploits est vraisemblablement historique, mais dont on ne peut affirmer l’existence réelle, ou s’il s’agit d’un récit, ou encore de l’amalgame de différents personnages.

C’est vers 2300/2000 qu’on commence à mettre par écrit les légendes sumériennes de Gilgamesh: différents auteurs relatent, chacun à leur manière, les exploits qui ont émaillés la vie de ce grand roi.

Vers 1750/1600, ses exploits sont assemblés par les traducteurs contemporains dans un première oeuvre qui aboutit à l’élaboration d’un seul récit massif, qu’on appelle la «Version ancienne» de l’Epopée de Gilgamesh, riche de 2000 vers environ et qui va être diffusé dans tout le Proche-Orient ancien.

Vers 1000 avant JC, sous la direction de Sinleqe’unnennî, est réécrit ce qu’on appelle la «version ninivite» de l’Epopée car elle a été retrouvée à Ninive, une des plus puissantes cités de la Mésopotamie, et n’a été découverte qu’au XIXème siècle de notre ère. Elle comprend 3000 vers, écrits en écriture cunéiforme sur 11 tablettes recto-verso. C’est cette version, écrite dans un style concis et percutant, qui est la meilleure source pour connaître le texte car elle est la mieux conservée et les passages manquants ou détruits sont beaucoup moins importants que dans la «version ancienne». Plus tard sera écrite une 12ème tablette, que beaucoup de spécialistes renâclent à intégrer à l’oeuvre, car on n’en connaît pas l’auteur et elle semble se surajouter à l’histoire en en perturbant sa cohérence et sa fin.

Mais laissons-nous maintenant emporter par ce récit épique.

Le texte

                        La première tablette débute par la présentation du héros.
                    Je vais présenter au monde celui qui a tout vu,
Connu la terre entière, pénétré toutes choses,
Et partout exploré tout ce qui est caché !
Surdoué de sagesse, il a tout embrassé du regard :
Il a contemplé les secrets, découverts les mystères ;
Il nous en a même appris sur avant le déluge !
Retour de son lointain voyage, exténué mais apaisé,
Il a gravé sur une stèle tous ses labeurs !

Hommage est rendu au héros, le roi d’Uruk, Gilgamesh, reconnu pour sa force, sa puissance, sa beauté, son courage, ses hauts faits, sa naissance (Dieu aux deux tiers, pour un tiers homme). Mais sont également décrits ses excès de pouvoir, son orgueil, sa brutalité, ses orgies, les droits qu’il s’accorde sur ses sujets, notamment celui, pour chaque mariage de ses sujets, de passer la première nuit de noce avec la jeune mariée.

Excédés, ses sujets vont alors se plaindre aux Dieux, qui, les écoutants,  décident de créer à partir de l’argile, au loin dans la steppe, Enkidu le-preux. Enkidu est décrit comme velu, à la longue chevelure, vivant en harmonie entre la nature et les animaux, d’une force surhumaine, puissant comme un boeuf et broutant l’herbe comme les gazelles au milieu d’une harde sauvage.

Prévenu de l’existence de cet être exceptionnel, Gilgamesh flaire le danger et décide de lui envoyer une courtisane pour l’épuiser et le détourner de sa harde qui devrait dès lors se retourner contre lui. Enkidu fut effectivement séduit par la courtisane,  lui fit l’amour 6 jours et 7 nuits, et s’en trouva ensuite trop fatigué pour pouvoir rejoindre sa harde. Mais il s’attacha à elle, ils eurent une vraie relation et elle le «civilisa», apprenant à ce sauvage en quoi réside la force initiatrice de la femme, lui faisant découvrir son humanité et la puissance de l’amour.

Elle le convainc ensuite de partir pour Uruk affronter, mais surtout rencontrer Gilgamesh, dont la force semble égale à la sienne. Par l’intermédiaire de rêves qui vont l’informer de son destin tout au long du récit, il sait que le roi lui-même, Gilgamesh, va être son rival.

La deuxième tablette commence par l’entrée de Enkidu dans Uruk, accueilli par une foule en liesse qui voit en lui son sauveur. Effectivement, après qu’à un mariage, Enkidu ait interdit au roi venu exercer son droit de cuissage, l’entrée de la chambre nuptiale, les deux hommes se battent férocement. La bataille dure toute la nuit et au matin, épuisés, les combattants se lient finalement d’amitié. Enkidu, envoyé par les Dieux pour vaincre Gilgamesh, sera désormais son fidèle compagnon. Gilgamesh découvre ses propres limites et il est invité à ne plus abuser de son pouvoir. Il présente alors son nouvel ami à sa mère.

Les deux hommes règnent alors paisiblement sur Uruk mais très vite Gilgamesh rêve d’accomplir de grands exploits dont le premier sera d’aller couper et ramener les cèdres de la forêt des cèdres au Liban qui ne poussent pas chez eux, et qui sont nécessaires pour construire de grands édifices. Pour cela ils devront vaincre le géant  Humbaba, le gardien de la forêt. Enkidu tentera de mettre en garde son ami sur la dangerosité de ce dessein, mais rien n’y fera. Gilgamesh fait forger les armes et annoncent leur départ aux anciens et à sa mère qui vont leur prodiguer leurs conseils et prier Shamas, dieu du soleil, de les protéger.

La quatrième tablette raconte le voyage, terrible, les rêves effrayants par cinq fois que fait Gilgamesh et le réconfort que lui apporte Enkidu par ses interprétations. Quand ils arrivent devant la forêt, le cri épouvantable que pousse Humbaba glace d’horreur Enkidu et c’est Gilgamesh cette fois-ci qui doit réconforter son compagnon à deux reprises.

Un seul n’y peut marcher mais bien deux affrontent aisément.
Une corde à trois brins ne peut être coupée
Et deux jeunes lions sont bien plus forts que leur père.

Héros maîtrisant un lion, souvent présenté comme étant Gilgamesh, mais cela reste incertain20. Bas-relief de la façade N du palais de Khorsabad, fin du viiie siècle av. J.-C. Musée du Louvre.

Ils parviennent alors jusqu’à Humbaba et la cinquième tablette raconte le terrible combat contre le géant. Heureusement que le dieu Shamas intervient et jette dans la bataille les treize grands vents, et l’ouragan qui va bloquer le géant afin qu’il ne puisse plus bouger. Humbaba, que les deux compères ont commencé à frapper, se voit perdu et cherche à apitoyer Gilgamesh en lui offrant ses meilleurs cèdres et en lui rappelant son origine en partie divine par sa mère. Enkidu intervient alors pour endurcir son ami et l’encourage à égorger le géant. Ce qui est fait mais avant qu’il ne meure celui-ci a le temps de prononcer une malédiction :

Qu’ils ne vieillissent ni l’un ni l’autre
Et pas davantage que son ami Gilgamesh
Qu’Enkidu ne trouve jamais de salut

D’épaisses ténèbres s’abattent alors sur la montagne des Cèdres et ils comprennent, mais trop tard, que les Dieux ne voulaient pas de cette exécution. Ils abattent alors les cèdres et les ramènent chez eux.

Ils vont pouvoir construire un temple qu’ils vont dédier aux dieux.

Le panthéon des Sumériens est un ensemble de divinités masculines et féminines. C’est la belle Istar, déesse de l’amour, de la fécondité, de la guerre et de la mort (donc l’équivalente de Vénus chez les grecs), qui veille sur Uruk, et Gilgamesh lui dédia le temple le plus élevé de la ville.

A la sixième tablette Istar, fascinée par la beauté de Gilgamesh, tombe amoureuse de lui et lui propose de l’épouser. Mais celui-ci refuse, lui reprochant sa vie  de luxure, ses multiples accouplements et notamment avec les animaux, et lui rappelant le triste sort qu’elle a réservé à ses précédents amants. Celle-ci entre alors en fureur et va demander à son père le dieu Anu de punir l’insolent en envoyant le taureau-céleste provoquer des désastres sur Uruk. Mais Gilgamesh affrontera le taureau, le tuera et humilie Istar en lui jetant au visage une patte du taureau.

La septième tablette conte les rêves angoissants d’Enkidu sur l’arrogance qu’ils ont montré, et  qui va conduire les dieux à le punir en lui ôtant la vie. Il maudit ceux qui l’ont tiré de sa vie première de chasseur, ce qui indispose encore plus les Dieux, et une fièvre s’abat sur lui. Elle dure 12 jours et finit par l’emporter. Il expire à l’aube du treizième jour dans les bras de son ami, désespéré. Celui-ci entonne une lamentation funèbre en son honneur et le pleure 6 jours et 6 nuits, jusqu’à ce que les vers sortent de son nez et il lui organise alors des funérailles somptueuses.

La neuvième tablette le voit partir dans le désert, désespéré, à la recherche de l’immortalité, la vie-sans-fin, car l’idée de sa propre mort le terrifie désormais. Il doit pour cela aller trouver Outanapisti, le seul humain qui ait survécu au déluge et ait obtenu des dieux la vie  éternelle. Il emprunte un chemin long et difficile, qui, après qu’i se soit  débarrassé des lions sauvages, va le mener au bout de la terre, à l’entrée des Monts  Jumeaux. Là il réussit à convaincre les gardiens, les hommes-scorpions, de lui ouvrir la porte. Il doit parcourir un long et ténébreux tunnel de 110 kms. qu’aucun mortel n’a jamais parcouru, et au bout duquel il retrouve la lumière en pénétrant dans un magnifique jardin-des-arbres-à-gemmes, jardin merveilleux qui s’étend le long de la mer et ou les arbres portent, à la place des fruits, des pierres précieuses de toutes les couleurs, et qui n’est pas sans nous rappeler le Jardin d’Eden de la Genèse.

Sur les bords de ce rivage il rencontre Siduri, la tavernière des dieux, qui la dissuade de continuer sa route. En entendant le récit de ses prouesses et du désespoir de la perte de son ami, elle accepte de lui donner les informations demandées. Il lui faut encore terroriser le passeur qui consent à le prendre sur sa barque pour l’amener auprès du sage Outanapisti, le seul humain survivant du déluge, et qui vit sur une île. Il lui explique son désespoir et sa peur de mourir. Le sage essaie de le calmer et de lui rappeler ses devoirs et la nécessité d’accepter l’inéluctabilité de la mort

Qu’as-tu gagné à te perturber de la sorte ?
A te bouleverser tu t’es seulement épuisé,
Saturant tes muscles de lassitude et rapprochant ta fin lointaine.
Le meilleur des jeunes hommes, la meilleure des jeunes femmes,
Sont enlevées par la main de la mort.

Gilgamesh lui demandant comment il est devenu immortel, Outanapisti lui fait alors le récit du déluge. Les dieux ayant trouvé que les hommes étaient devenus trop nombreux et trop bruyants, troublant leur sommeil, décidèrent de provoquer le déluge. Bien qu’ayant juré le secret, un des dieux, Enki, en informa Outanapisti, et lui demanda de construire un bateau dont il lui donna les dimensions exactes et qui fut achevé le soir du septième jour. Il embarqua alors sa famille et tous les animaux, et les eaux se mirent à déferler pendant 6 jours et 7 nuits. La description du déluge, le retrait des eaux, suit, très étrangement,  parfois presque mot à mot pour certains détails, celle relatée dans la Bible.

Lorsqu’arriva le septième jour, je pris une colombe et la lâchai.
La colombe s’en fût, puis revint : n’ayant rien vu où se poser, elle s’en retournait
Puis je pris un hirondelle et la lâchai.
L’hirondelle s’en fût, puis revint: n’ayant rien vu où se poser, elle s’en retournait.
Puis je pris un corbeau, et le lâchai.
Le corbeau s’en fût, mais ayant trouvé le retrait des eaux,il ne s’en revint plus.

Les dieux regrettèrent alors la punition trop cruelle infligée aux hommes, et Enlil décida de bénir Outanapisti, et de lui accorder, ainsi qu’à sa famille, l’immortalité.

Après ce récit, Gilgamesh insiste de nouveau pour avoir le secret de l’immortalité. Le sage lui pose alors comme épreuve de ne pas dormir pendant 6 jours et 7 nuits, mais Gilgamesh, à peine assis, s’endort profondément. S’il n’est même pas capable de vaincre le sommeil, le petit frère de la mort, lui dit Outanapisti, comment peut-il prétendre à l’immortalité!

Gilgamesh, désespéré, s’apprête alors à reprendre sa route. Mais le sage, ému par ses pleurs, lui montre une herbe au fond de la mer, l’herbe de jouvence, qui rajeunit celui qui en absorbe. Gilgamesh plonge au fond de la mer pour en ramasser et reprend ensuite son chemin. Hélas, au cours d’une halte, un serpent survient, s’en empare et, en s’en retournant, rejette sa peau et rajeunit. Il pleure à nouveau et s’en retourne finalement à Uruk, sans avoir trouvé le secret de l’immortalité.

Il va désormais se consacrer à sa cité, à ses remparts, à ses fondations, et au bonheur de son peuple. Et le dernier paragraphe du texte est le même que celle que l’on trouve au tout début, signifiant ainsi que la boucle est bouclée

Monte déambuler sur les remparts d’Uruk ;
Scrutes-en les fondations, contemples-en le briquetage :
Tout cela n’est-il pas brique cuite ?
Et les sept sages en personne n’en ont-il pas jeté les bases ?
Trois cents hectares de ville, autant de jardins,
Autant de terre vierge, c’est l’apanage du temple d’Istar.
Avec ces mille hectares, tu couvres du regard l’entier domaine d’Uruk

Gilgamesh n’a pas trouvé le secret de l’immortalité, mais en étant allé au bout de lui-même, il a accompli sa métamorphose intérieure : il n’a pas trouvé l’objet de sa quête, mais il a trouvé la sagesse. Il a appris à mieux se connaître, et à mieux accomplir sa part d’humanité.

Et pour nous, Franc-maçon,

                   En quoi ce texte nous parle-t-il ?

A travers cette épopée, le héros poursuit de toute évidence une quête initiatique, celle qui anime tout F.: M.: sur son chemin. Les combats sont terribles, les obstacles nombreux, mais l’initié poursuit sa route, fidèle à la foi qui l’anime pour atteindre  le but de son périple : la quête de l’immortalité pour Gilgamesh, la transmutation du plomb en or pour les alchimistes, la recherche de la Vérité pour les F.:M.: ne parle-t-on pas toujours de la même chose ?

Et si le but n’est pas atteint, c’est une mise en route sur le chemin que cette quête accomplit, et un mouvement qui va dés lors nous animer (mobiliser notre âme), qui sont essentiels. Le plus important n’est pas d’atteindre le but mais de se mettre en route.

Et à la fin du périple, c’est nous-même, notre humanité, notre finitude, et notre possibilité d’accomplissement même, ou surtout, avec nos limites, que nous retrouvons. Quand Gilgamesh au retour de son périple contemple du haut de ses remparts la solidité de leurs fondations et celle de la brique cuite utilisée, c’est de lui-même dont il parle : de sa solidité, de ses fondations.

Mais pour accomplir ce voyage, nous avons besoin d’aide. L’aide des Dieux qui qui vont nous soutenir si nous trébuchons dans les épreuves (aide-toi, le ciel t’aidera), l’aide des songes qui vont éclairer notre parcours en nous donnant accès à ce qui n’est pas immédiatement perceptible à nos sens : encore faut-il prendre le temps de les contempler.

Et l’aide des hommes. Enkidu, son fidèle compagnon, est la représentation du passage de la pierre brute à la pierre polie : il quitte le monde animal et sauvage dans lequel il se trouve bien, pour aller vers celui des hommes, et prendre le risque de la relation, c’est à dire de l’altérité, du contact avec l’autre. L’autre qui me ressemble, mais qui n’est pas moi : semblable mais point identique.

C’est ce que nous faisons quand nous quittons le monde profane pour aller dans un univers sacré, ou nous allons certes rencontrer des mains secourables qui vont nous encourager, mais aussi rencontrer l’autre, l’autre avec ses différences, qui vont souvent nous enrichir, mais aussi parfois nous agacer, voire nous insupporter. Il me semble bon alors dans ces moments de se questionner : est-ce l’autre qui m’insupporte, ou cette partie de moi que je n’ai pas envie de regarder et que l’autre va me révéler ?

Le rencontre avec l’autre va se faire de deux manières. C’est la rencontre avec la courtisane, la prostituée, la femme, qui va l’arracher à sa savane sauvage. Elle va l’initier à l’amour physique, l’amour/éros des grecs, et il va connaitre la volupté et le plaisir des sens. Première manifestation de l’amour. Et c’est une femme qui l’initie.

C’est ensuite la rencontre avec Enkidu ou il va, après que leurs corps se soient confrontés et affrontés dans un violent combat, connaître l’amour/amitié, l’amour/phyllia, qui le portera jusqu’à sa mort. Deuxième manifestation de l’amour. Et c’est un homme qui l’initie.

Dès lors, ayant intégré son féminin, accueillant, passif, et son masculin, combattant, actif, il peut intégrer le sage en lui. 1 + 1 donne 2, et 2 conduit au 3.

Sur la fin de son périple Gilgamesh rencontrera, à travers le sage Outanapisti, l’amour désintéressé de celui qui lui donnera son temps et sa compassion sans compter, mais sans céder à son désir infantile de posséder l’immortalité.

De retour dans sa ville Uruk, on peut se dire qu’il vivra l’amour/agapè, l’amour gratuit et inconditionnel qui l’amènera à exercer sa fonction de roi avec sagesse et modération, veillant sur ses sujets et conduisant sa ville vers la prospérité.

Ainsi il a poursuivi sa quête et sa mutation grâce à la force de l’amour.
Souhaitons que chacun d’entre nous puisse s’inspirer de cette épopée.

25/04/25 : Le “Seigneur des Anneaux“ sera à l’honneur à Blois

Un week-end maçonnique à BLOIS

Le vendredi 25 Avril la Loge Denis Papin (de la Grande Loge de France) organise à BLOIS une conférence publique originale concernant la Franc-Maçonnerie.
L’ancien Grand Maître Alain-Noël DUBART y traitera en effet de la lecture symbolique du “Seigneur des Anneaux“ de JRR TOLKIEN. Ce thème, apparemment plus proche de la mythologie et de “l’heroic fantasy“ que de l’initiation maçonnique, serait-il en concordance profonde avec les aspects symboliques de la Franc-Maçonnerie ?

Il reviendra au conférencier de dérouler le fil d’Ariane…

Le samedi 26 Avril la RL Denis Papin à l’Orient de Blois (RL 445 GLDF) fêtera ses 110 ans de travail : à cette occasion une Cérémonie Blanche ouverte à tous, Sœurs et Frères de toutes Obédiences, sera l’occasion de célébrer les 50 années de présence sur le chantier de 3 Frères de la Loge et de mettre en œuvre un jumelage avec la RL “L’Équité“, à l’Orient de Waterloo (Grande Loge de Belgique).

Pâques, l’inspiration principielle du symbolisme maçonnique

L’histoire nous apprend qu’il y a deux franc-maçonneries !

  • La franc-maçonnerie basique d’expression anglaise,
  • Le groupe des francs-maçonneries « illustrées » dans lequel on peut trouver toutes les adaptations rituéliques plus ou moins folkloriques au gré des inspirateurs, des époques et des modes !

Naturellement les éléments principaux de la franc-maçonnerie anglaise basique se retrouve dans la plupart des rituels !

L’originalité de la création de la pratique maçonnique au XVIIème siècle est liée à la capacité de suggérer sans formellement énoncer ! Cela fut rendu possible grâce à l’utilisation du langage symbolique.

L’inspiration qui habitait les créateurs fut essentiellement biblique ! Plusieurs éléments permettent de cibler le temps pascal comme la source principale du rituel maçonnique.

Parmi les éléments principaux on peut citer :

  • L’orientation Est – ouest du temple avec l’entrée à l’ouest et le lieu sacré à l’est
  • Le principe de l’initiation
  • La règle du midi – minuit
  • Le concept de la Mort suivie de la renaissance.

A l’époque où la franc-maçonnerie fut créée en Angleterre, la Bible en usage était la King James Version Bible, plus simplement nommée KJV.

Ces quatre éléments principaux ne sont compréhensibles que si on les relie au symbolisme pascal ! Comme nous sommes en plein dans les fêtes pascales c’est le moment idéal pour vous expliquer pourquoi !


C’est avec la règle de midi – minuit que la démonstration est la plus belle !

A quelle heure ….. Il y a les mots et le sens qu’ils ont !

Il y a aussi le poids de l’histoire et le vécu de ceux qui se risquent à vouloir comprendre !

Notre démarche maçonnique contemporaine s’honore souvent de conserver l’usage de certains mots mais qui sait encore ce qu’ils ont signifié ?

Certains peuvent être tentés de redonner un autre sens à ces mots en faisant fi de la continuité du sens historique et culturel et peut-être ont-ils raison même s’il est parfois déroutant de jouer avec le non-sens !

Midi, Minuit , sont des mots poétiques, des mots relatifs à un temps, à ce temps qui détermine la durée de nos travaux !

On retrouve ces mots dans les plus anciens rituels du 18è siècle insérés dans ces demandes et réponses que nous utilisons encore aujourd’hui comme cela a été cas à l’ouverture de nos travaux ; voici une version qui date de 1747 :

Demande du Vénérable : F.·. 1er Surveillant, à quelle heure se fait l’ouverture de la loge d’apprenti maçon ?
Réponse : Très Vénérable, à Midi plein.
D : Vénérable 2ème Surveillant, quelle heure est il ?
R : Très Vénérable, il est midi plein.
D : Puisqu’il est midi plein et que c’est à cette heure que se fait l’ouverture de la loge d’apprentis et que commencent nos travaux, Vénérable Frère 1er Surveillant, dites au Frère 2ème Surveillant qu’il me fasse passer par sa colonne, le mot, la passe, le signe et l’attouchement et leurs significations et vous mes Frères passez la même chose par votre Colonne afin de nous assurer que nous sommes ici tous Frères.
…….
D : Vén.·. F.·. premier Surveillant, à quelle heure devons-nous fermer nos travaux?
R : A minuit.
D : Quelle heure est-il ?
R : Minuit.
D : Puisqu’il est minuit et que c’est l’heure à laquelle nous terminons nos travaux, FF.·. premier et second Surveillants , invitez les Frères à m’aider à fermer les travaux, etc.

Qui d’entre nous ne s’est pas interrogé sur la bizarrerie de ces références rituéliques ?

Comment comprendre que des hommes d’actions comme les compagnons bâtisseurs que nous honorons et dont nous nous réclamons, puissent s’être reconnus dans un temps de travail qui commence à midi et se termine à minuit ?

Qui peut croire que ces horaires de travail soient réalistes, opérationnels et recommandables ?

Ici, tout est symbole ! Encore faut-il le comprendre !

Le rituel donne un indice en évoquant le soleil à son zénith mais cela est insuffisant pour justifier la permanence avec laquelle les textes et les pratiques se sont référés et continuent de se référer à ce découpage du temps !

On évoque aussi le Soleil et la Lune, les deux Saint-Jean, mais à ce qu’il me semble, un défaut de cohérence restait trop patent pour que je me satisfasse de tant d’imprécisions !

Comment justifier cette incongruité et cette distorsion avec le sens commun de mots simples et précis appliqués à un objet lui-même bien identifié !

Si on reprend les anciens textes compagnonniques et en particulier le Regius , les francs-¬maçons opératifs se retrouvaient essentiellement sur trois principes:
• l’excellence dans la pratique du métier
• l’excellence dans le respect d’une rigueur morale
• l’obéissance dans l’organisation sociale de la société médiévale imprégnée par la référence christique

Hommes de devoir et de travail, comment pouvaient-ils se reconnaître dans un temps de travail aussi antinomique avec les exigences d’un métier ?

Bien sûr, il s’agit là de symboles ; le temps symbolique et le travail symbolique ne se retrouvent pas obligatoirement dans le sens commun des mêmes mots !

De quel travail s’agit-il ? Et quel lien avec l’initiation ?

Est-ce le travail symbolique individuel sur soi-même ?
Est-ce plutôt un travail symbolique collectif ?
Pourquoi tant d’opacités par rapport à d’autres développements ?

Derrière les paroles du rituel qui fixent le début et la fin des travaux de loge à midi et à minuit, se profile un autre espace temps !

Le premier élément de réponse qui vient à l’esprit se retrouve dans ce volume de la loi sacrée que fut la Bible pour toutes les loges de Saint-Jean et en particulier l’évangile selon Saint Jean.

Dans les loges, la Bible était ouverte au niveau du prologue de Saint-Jean ; qu’est-il écrit ?


1 – Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 – Elle était au commencement avec Dieu.
3 – Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 – En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5- La Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue
6- Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean
7- Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent en lui.
8 – Il n’était pas la lumière mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.
9 – Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 – Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
11 – Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue.
12 – Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés.
13 – non du sang, lÙ de la volonté de la chair, lÙ de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 – Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, Ille gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
15 – Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié: C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.
16 – Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce;
17 – Car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 – Personne n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.
19 – Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des Lévites, pour lui demander: Toi, qui es-tu?
20 – Il déclara, et ne le nia point !, il déclara qu’il n’était pas le Christ
21 – Et ils lui demandèrent: Quoi donc es-tu Elie? Et il dit : Je ne le suis point. Es-tu le prophète? Et il répondit : Non.
22 – Ils lui dirent alors: Qui es-tu ? afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même?
23 – Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Esaïe, le prophète.
24 – Ceux qui avaient été envoyés étaient des pharisiens.
25 – Ils lui firent encore cette question: Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es pas le Christ, ni Elie, ni le prophète 7
26 – Jean leur répondit: Moi, je baptise d’eau, mais au milieu de vous il y a quelqu’un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi;
27 – je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers.
28 – Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait.
29 – Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.
30 – C’est celui dont j’ai dit : Après moi vient un homme qui m’a précédé, car il était avant moi.
31 – Je ne le connaissais pas, mais c’est afin qu’il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser d’eau.
32 – Jean rendit ce témoignage: J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui.
33 – Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser d’eau, celui-là m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est celui qui baptise du Saint-Esprit.
34 – Et j’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu,
35 – Le lendemain, Jean était encore là, avec deux de ses disciples;
36 – et, ayant regardé Jésus qui passait, il dit : Voilà l’Agneau de Dieu.
37 – Les deux disciples l’entendirent prononcer ces paroles, et ils suivirent Jésus,
38 – Jésus se retourna, et voyant qu’ils le suivaient, il leur dit : Que cherchez-vous? Ils lui répondirent: Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu ?
39 – Venez, leur dit-il, et voyez, Ils allèrent, et ils virent où il demeurait; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là, C’était environ la dixième heure,
40 – André, frère de Simon Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean, et qui avaient suivi Jésus,
41 – Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit: Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ).
42 – Et il le conduisit vers Jésus, Jésus, l’ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jonas; tu seras appelé Céphas (ce qui signiffie Pierre),
43 – Le lendemain, Jésus voulut se rendre en Galilée, et il rencontra Philippe, Il lui dit : Suis-moi, 44 – Philippe était de Bethsaïda, de la ville d’André et de Pierre,
45 – Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph.
46 – Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe lui répondit: Viens, et vois. 47 – Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui: Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude.
48 – D’où me connais-tu? lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit: Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu,
49 – Nathanaël répondit et lui dit : Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël.
50 – Jésus lui répondit: Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses que celles-ci,
51 – Et il lui dit : En vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme.

Un peu plus loin, il est écrit que Jésus parla aux Juifs pour leur dire:
« Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie.»

et Jean ajoute : Il prononça ces paroles alors qu’il enseignait au Temple, du côté du Trésor. Et personne ne l’arrêta, parce que son heure n’était pas encore venue.

Un peu plus loin retraçant le processus de condamnation de Jésus par Pilate, Jean écrit :

« Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher; mais les Juifs se mirent à crier : Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur.
13 – En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu: Gabbatha).
14 – C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi »
15 – Alors ils crièrent: « A mort ! A mort ! Crucifie-le! » Pilate leur dit : « Vais-je crucifier votre roi? » Les chefs des prêtres répondirent : «Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur »
16 – Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié, et ils se saisirent de lui. »

A la lecture de ce texte, on comprend maintenant que Midi symbolise l’heure du début de l’essentiel de la démarche christique, c’est-à-dire le début de la crucifixion.

D’une certaine manière, l’initiation maçonnique pourrait se comprendre comme une réappropriation de la phase finale du parcours obligé de Jésus-Christ vers la Lumière ; cette réappropriation se fait à travers le langage symbolique théoriquement uniquement compréhensible par les initiés. L’intelligence des textes maçonniques en utilisant le contenu symbolique des mots permet à des êtres incultes de croire qu’ils ont compris quelque chose alors que l’essentiel leur échappe.

L’initiation maçonnique dans son concept initial ne se décrète pas : elle se vit.

Mais qu’en est-il de Minuit ?

La tradition biblique véhicule la croyance que l’espérance est fondée sur le Seigneur dont le rayonnement se compare à celui du soleil. Dans la Bible, la nuit, temps d’obscurité, a souvent une connotation négative: c’est un temps d’épreuve. Mais la nuit se révèle aussi être un temps privilégié d’espérance. Le veilleur de nuit sait avec certitude que la noirceur fera place à la lumière. C’est pourquoi la nuit est une période où se jouent des événements marquants de l’histoire du salut.

Le premier grand geste de salut posé la nuit fut la fuite du peuple choisi hors de l’Égypte.

Lors des négociations de Moïse avec Pharaon, Yahvé fait venir une obscurité qui régnera pour trois jours (Ex 10,21-23). Cette nuit prolongée est, pour les Égyptiens, une véritable malédiction, d’autant plus que pour les Israélites, la lumière continue de briller!

Mais, paradoxalement, c’est au cœur de la nuit que le peuple d’Israël trouvera la liberté. À trois reprises, le récit de l’Exode mentionne que Yahvé fait périr les premiers-nés « au milieu de la nuit» (11,4; 12,12.29). La première Pâque, fête par excellence de la libération, fût célébrée la nuit.

La nuit est donc perçue comme le moment ou s’opère le jugement divin. Les justes s’en tireront à bon compte, les infidèles périront. C’est dans cet esprit que Sophonie décrit le Jour de Yahvé, pourtant attendu comme la délivrance ultime :

« Jour de fureur, ce jour-là ! jour de détresse et de tribulations, jour de désolation et de dévastation, jour d’obscurité et de sombres nuages, jour de nuées et de ténèbres. »(1,15)

Mais les fidèles gardent espoir en Yahvé et voient le jour se lever (Es 9,1).

Dans le Nouveau Testament, la nuit occupe une place bien particulière. L’institution de l’Eucharistie a lieu « la nuit même où il (Jésus) était livré» (1 Co 11,23).

Dans l’Évangile selon saint Luc, Jésus associe l’heure de son arrestation avec les puissances maléfiques : « Chaque jour, j’étais avec vous dans le Temple, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est maintenant votre heure, c’est la domination des ténèbres. »

Tout cela conduira toutefois à la victoire de la lumière. L’Ange du Seigneur, assis sur la pierre roulée du tombeau vide, porte un vêtement clair, blanc comme la neige (Mt 28,3).

Les chrétiens et les chrétiennes n’ont plus à craindre la nuit puisque la lumière de Pâque brille désormais sans cesse. Comme le peuple d’Israël quittant l’Égypte, les disciples, après la résurrection, sont libérés de leur prison en pleine nuit (Ac 5,19). Il arrive la même chose à Pierre (Ac 12,6-7).

Lorsque Paul rencontre le Christ (Ac 9,1-19), il est aveuglé et demeure dans la nuit durant trois jours. À la suite de quoi, la lumière du Sauveur ne cessera de briller pour lui (Ep 5,8-14).

Tout se passe comme si l’essentiel de la vie de l’initié était contenu entre ces deux temps : de midi, début du processus de la résurrection, à Minuit, fin du temps initial et célébration de l’obtention de la vie éternelle !

En plaçant leur champ de travail et de réflexion dans cette période de la vie de Jésus, et qui plus est dans un lieu, le temple de Salomon, dédié au GADLU, les concepteurs de la démarche maçonnique placèrent délibérément l’initié franc-maçon dans le processus qui l’amènerait à vivre le mystère de la résurrection.

Cette compréhension ne concerne pas uniquement le contenu symbolique du début et de la fin des travaux car il permet plus globalement de comprendre la spécificité de l’inspiration maçonnique dans l’œuvre des tailleurs de pierre de nos cathédrales et aussi l’opposition farouche et irréductible du Vatican à tout rapprochement avec la Franc-Maçonnerie.

Les autres éléments de l’inspiration pascale

Midi-Minuit n’est pas le seul élément qui éclaire l’inspiration pascale de la démarche maçonnique.

Les quatre temps de l’initiation sont en lien avec des symboles christiques :

Dans le 3ᵉ degré (Maître), le candidat traverse une mise en scène de mort et de renaissance symbolique. Il est mis en situation de chute, de mise au tombeau, puis relevé à la vie nouvelle, grâce à la « prise de la patte de lion ».

Cette structure évoque clairement une forme de « pâque initiatique », c’est-à-dire un passage, une transformation de l’être — tout comme dans la symbolique chrétienne, où la résurrection signifie le passage de la mort à la vie.

Conclusion

Au total, à l’issue de cette étude du contenu symbolique des travaux maçonniques il est possible de dire que toute l’originalité de l’imaginaire maçonnique repose sur trois axiomes :

• la Franc-maçonnerie met en avant une démarche initiatique imprégnée de l’expérience christique présentée par un langage symbolique,
• les rituels maçonniques proposent un travail initiatique centré sur « l’espérance » d’une mort profane,
• l’objectif initiatique de la démarche maçonnique vise la résurrection de l’initié dans la continuité de l’expérience christique !


La connaissance du sens premier du contenu symbolique permet de mieux comprendre la logique des rites. Il n’est pas nécessaire pour autant d’en faire un dogme et chacun a le droit de se réapproprier les symboles à partir d’une grille de lecture personnelle.

Autres articles sur Pâques et franc-maçonnerie :

https://books.google.fr/books/about/Masonic_Symbolism_of_Easter_and_the_Chri.html?id=blzIDwAAQBAJ&redir_esc=y

Symbolism of Easter

Renaissance ou Résurrection ? Dans la tradition maçonnique à la lumière de ce dimanche de Pâques par Jean-Laurent Turbet

Le Pape François et les Francs-Maçons : une danse prudente sous la voûte étoilée

Le Saint-Père, le pape François, nous a quittés ce lundi de Pâques. La rédaction a souhaité retracer le parcours du saint homme. Pendant ses 12 ans de pontificat (2013-2025), le pape François, ce jésuite argentin au sourire malicieux, a jonglé avec la Franc-maçonnerie comme un équilibriste sur un fil tendu entre tradition catholique et ouverture pastorale. L’Église et les loges, c’est une vieille histoire d’amour-haine et François n’a pas réécrit le scénario, mais il y a ajouté sa touche personnelle, entre fermeté doctrinale et clins d’œil fraternels.

Alors, mes amis, sortez vos tabliers (ou pas) et voyons ce que ce tango a donné.

Clement XII
Portrait du pape Clément XII

Une brouille vieille comme les menhirs : Depuis 1738, quand le pape Clément XII a jeté un anathème sur la Franc-maçonnerie, l’Église catholique et les loges se regardent en chiens de faïence. Pourquoi Les maçons, avec leurs rituels secrets, leur goût pour la laïcité et leur spiritualité à géométrie variable, sont jugés incompatibles avec la foi catholique ? François, fidèle à cette ligne, n’a pas fait de révolution. En 2023, il a donné son feu vert à une note du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, répondant à un évêque philippin inquiet. Verdict : un catholique en tablier maçonnique est en « état de péché grave » et peut dire adieu à la communion. Pas de quoi organiser un banquet fraternel au Vatican, donc !

Mais François, avec son style décontracté, n’a pas non plus agité l’épouvantail maçonnique comme un inquisiteur d’antan.

Le Pape François

Un dialogue, mais sans accolade fraternelle : François, c’est l’homme du dialogue, celui qui serre des mains de rabbins, d’imams et même d’athées convaincus. Alors, certains maçons ont rêvé d’un rameau d’acacia tendu vers leurs loges. En 2016, lors de l’Année de la Miséricorde, il appelait à accueillir tout le monde, ce qui a fait naître des espoirs chez les optimistes en tablier. « Et si François nous invitait à prendre un maté en Loge ? » ont pensé quelques frères. Que nenni ! En 2017, il a bloqué la nomination de Johnny Ibrahim, un diplomate libanais franc-maçon, comme ambassadeur près du Saint-Siège. Message clair : on peut discuter, mais pas au point de troquer la tiare contre une équerre.

pape François

Quelques piques bien placées : François n’a pas fait de la Franc-maçonnerie son punching-ball, mais il n’a pas mâché ses mots quand il le fallait. En 2015, à Turin, il a lâché une petite grenade en dénonçant les « lobbys maçonniques » du XIXe siècle, accusés d’avoir persécuté l’Église avec leur anticléricalisme. Une manière de rappeler que, même s’il préfère parler d’amour et d’écologie, il n’oublie pas les vieilles rancunes. Pourtant, il n’a jamais transformé les maçons en bouc émissaire, préférant se concentrer sur des combats comme la lutte contre la pauvreté ou le réchauffement climatique. Faut dire qu’entre les crises mondiales et les œufs de Pâques, il avait de quoi remplir son agenda !

Pascal Vesin

L’affaire du curé maçon : En 2013, un épisode a fait jaser jusqu’aux gargouilles de Notre-Dame. Le père Pascal Vesin, curé de Megève et membre du Grand Orient de France, s’est vu montrer la porte de son église à la demande de Rome. Ce prêtre, qui imaginait un pont entre la chaire et la Loge, a tenté le tout pour le tout en marchant de la Haute-Savoie jusqu’à Rome pour plaider sa cause. Résultat ? Une poignée de main avec un sous-secrétaire et une suspension confirmée. Pauvre Pascal, il espérait un tête-à-tête avec François, mais il a dû se contenter d’un selfie avec un garde suisse ! Cet épisode montre que François, tout ouvert qu’il soit, ne plaisante pas avec les doubles appartenances.

Les complotistes s’en mêlent : Évidemment, un pape aussi médiatique que François ne pouvait pas échapper aux théoriciens du complot. Sur les réseaux, certains l’ont accusé d’être un « franc-maçon infiltré » ou un jésuite tirant les ficelles d’un complot mondial. D’autres ont vu dans ses gestes d’ouverture (comme son dialogue avec les laïcs) des preuves de sympathies maçonniques. Pure fiction ! François, qui dénonçait régulièrement la désinformation, devait bien rigoler en lisant ces élucubrations. « Moi, en Loge ? Plutôt en train de boire un maté avec Messi ! » aurait-il pu dire.

Le Pape François et le Cardinal Zuppi. Photo: Diocèse de Bologne

Bilan d’un pontificat prudent : En 12 ans, François n’a ni serré la Franc-maçonnerie dans ses bras ni lui déclaré une guerre sainte. Il a maintenu la ligne catholique classique : pas d’adhésion possible, point barre. Mais son style pastoral, chaleureux et inclusif, a parfois donné l’impression qu’il pouvait tendre une perche. En réalité, il a préféré garder ses distances, tout en évitant de faire des maçons les méchants d’un thriller vaticanesque. Et franchement, entre réformer l’Église, sauver la planète et bénir des œufs de Pâques, il avait mieux à faire que de courir après des compas et des équerres.

Alors, mes amis, levons un verre de chouchen (ou de vin de messe) à ce pape qui a su danser sur ce fil sans tomber ! PAIX A SON AME.

Les Francs-maçons contre les fantômes du passé : « Certaines autorités ne veulent pas être photographiées avec nous. »

De notre confrère espagnol elindependiente.com – Par Israël Cánovas

Ils ne sont que 3 000 frères et doivent désormais faire face à une mission : se faire connaître et briser le stigmate qui pèse sur eux depuis la dictature de Franco.

Tout est dû à une conspiration maçonnique de gauche de la classe politique, en collusion avec la subversion terroriste communiste, dans la sphère sociale. Telle fut son épitaphe publique. Le 1er octobre 1975, Francisco Franco lança son ultime attaque contre la franc-maçonnerie depuis un balcon du Palais royal, sur la Plaza de Oriente, escorté de son épouse Carmen Polo et des futurs roi Juan Carlos et reine Sofia. Ce fut son dernier « bain de masse », et le dictateur fit revivre le spectre de la « conspiration judéo-maçonnique » qui tortura les Espagnols pendant quatre décennies.

À l’aube de leur demi-siècle d’existence, les francs-maçons espagnols continuent de porter les stigmates, telle une longue ombre qui refuse de s’estomper. Elle demeure l’héritage d’un passé bien trop récent.  

« Il reste justement à combattre ces préjugés. À cause des années de persécution franquiste et du message négatif de la franc-maçonnerie, de nombreux préjugés ont été générés », admet Txema Oleaga, sénateur socialiste et Grand Maître de la Grande Loge d’Espagne , dans une interview accordée à El Independiente . C’est l’une des premières interviews qu’il donne depuis sa prise de fonction et une preuve supplémentaire de l’objectif des francs-maçons espagnols : émerger de la rue et se débarrasser de décennies d’ostracisme et d’incompréhension.

« Nous nous engageons à lutter contre les préjugés. »

« Nous nous engageons à combattre les préjugés en montrant qui étaient les francs-maçons, quelles contributions ils ont apportées à l’avancement de la société et comment ils ont été persécutés précisément pour avoir défendu les idées de liberté et de tolérance », explique Oleaga. En pleine commémoration de l’Année Franco, du cinquantième anniversaire de sa mort et du début de la fin de son régime, la Franc-Maçonnerie fait son chemin. Ses membres furent la cible de répressions, en vertu de la loi pour la suppression de la franc-maçonnerie et du communisme promulguée en mars 1940. La chasse fut massive : le Service de documentation de Salamanque conserve quelque 80 000 dossiers sur des francs-maçons présumés, et environ un millier d’exécutions furent recensées.

Une persécution inquisitoriale et soutenue qui justifie aujourd’hui l’engagement des francs-maçons espagnols à ouvrir les portes et les fenêtres de leurs temples et à revendiquer « l’honorabilité » de leurs rites . Oleaga nous rencontre tôt un matin du début du printemps au siège madrilène de la Grande Loge, un endroit à deux pas du stade Santiago Bernabéu où la seule ferveur possible est celle de l’obéissance à ce qui a été pendant des siècles la société secrète la plus répandue au monde. Ses membres lui préfèrent aujourd’hui l’adjectif discret.

De tout ce que j’ai fait dans la vie, à la seule exception d’être père, c’est ce qui me comble le plus.

« La franc-maçonnerie, pour moi, est une expérience de vie. De tout ce que j’ai fait dans la vie, à la seule exception d’être père, c’est ce qui m’a le plus épanouissant. J’ai également adhéré à un parti politique, à un syndicat et à de nombreuses associations culturelles », affirme Oleaga. Sur le papier, suggère le Grand Maître, la franc-maçonnerie est « un système de communauté morale voilé d’allégorie et enseigné à travers des symboles ». « Je dirais que c’est une grande fraternité de frères. » Ils sont tous animés par leur passion pour la connaissance et leur désir d’apprendre et de pouvoir, ensemble, améliorer la société dans laquelle nous vivons.

Pour être franc-maçon, souligne le plus haut représentant d’une loge de 3 000 membres, 
« les seules conditions requises sont d’être libre et de bonnes mœurs. » « Quelqu’un capable de prendre ses propres décisions et de choisir sa vie. Et par bonnes mœurs, j’entends quelqu’un qui n’est pas un criminel ou qui n’a pas de casier judiciaire en cours. Toute personne remplissant ces conditions peut postuler. L’entrée n’est pas facile, car nous ne faisons pas de prosélytisme et ne recherchons pas de profil spécifique », explique Oleaga. Nous recherchons des personnes désireuses de participer à la fraternité et d’y contribuer. Des personnes intéressées par ce langage symbolique et les idées de liberté, d’égalité et de fraternité, et tolérantes. Des personnes qui comprennent qu’elles peuvent avoir un point de vue, mais qui sont intellectuellement prêtes à accepter que le point de vue d’autrui puisse être convaincant.

Purges et persécutions

– La franc-maçonnerie a été légalisée en mai 1979, deux ans après la légalisation du Parti communiste . Il semble qu’ils étaient plus dangereux que les communistes …
– Et c’était la loi pour la répression de la franc-maçonnerie et du communisme. Le problème était que le ministère de l’Intérieur s’y opposait parce qu’il disait que c’était une secte. C’est la Cour nationale qui a déclaré que ce n’était pas le cas. Ils n’avaient pas d’autre choix que de dire cela parce qu’ils n’avaient pas encore rompu avec le franquisme.

Affiche contre les francs-maçons, 1942

Dans les cérémonies maçonniques, il est interdit de parler de religion et de politique. « Il nous est formellement interdit de parler de politique ou de religion dans nos loges. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas aborder de questions universelles, mais il ne faut pas le faire avec une perspective partisane. Sinon, l’harmonie serait perturbée », admet Oleaga en parcourant les différents temples rituels de la loge et en expliquant le symbolisme marqué par le culte du « Grand Architecte de l’Univers » et du compas et de l’équerre . Le compas comme symbole des sciences exactes et du ciel et l’équerre comme emblème de la matière et de la terre.

Une vénération qui utilise des symboles inspirés de l’architecture et de la maçonnerie. Le terme maçon – dérivé du français – signifie maçon ou constructeur. Ni secte ni lobby, la franc-maçonnerie espagnole revendique sa diversité. « Il y a quelques années, nous avons mené une enquête sur l’idéologie et les professions, et il n’y avait aucune différence avec la société espagnole. La seule différence est qu’il y a moins de personnes de moins de 30 ans. Elles ne se positionnent pas toutes idéologiquement d’un côté ou de l’autre, et ce sont des personnes très tolérantes », remarque le grand maître.

– Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour briser la stigmatisation du franquisme ?
– Tout d’abord, il nous a été très difficile de pouvoir travailler librement en Espagne. Le premier Grand Maître Luis Salat a lancé la structure maçonnique et a demandé la reconnaissance. Cela a été possible grâce à deux décisions de justice. Les grands maîtres suivants ont progressivement consolidé la franc-maçonnerie. C’est mon prédécesseur au pouvoir qui a initié le processus d’ouverture. Il demanda aux frères connus dans leurs localités respectives de se présenter et de dire qu’ils étaient francs-maçons. C’est à moi d’approfondir cela. Nous n’attendons pas de la société qu’elle nous donne quoi que ce soit, ni ne demandons la restitution de nos biens ou quoi que ce soit de ce genre. Tout ce que nous voulons, c’est que la Franc-Maçonnerie soit respectée et qu’il soit reconnu que les Francs-Maçons sont des personnes honorables qui peuvent travailler pacifiquement vers leur objectif de vie maçonnique.

Tout ce que nous voulons, c’est que la Franc-Maçonnerie soit respectée et qu’il soit reconnu que les Francs-Maçons sont des gens honnêtes.

– Pourquoi Franco était-il obsédé par la franc-maçonnerie ?
– Il y a un historien qui a passé cinq ans à essayer de retrouver la légende urbaine selon laquelle Franco aurait postulé pour rejoindre une loge et aurait été élu noir. Ce n’est pas vrai. Il n’a jamais demandé à être admis. Il est vrai qu’il avait un frère maçonnique, Ramón . Qu’est-il arrivé à Franco ? Je crois sincèrement que la seule explication est qu’il était quelqu’un qui méprisait tout ce qui pouvait générer de la tolérance, du respect, de la défense de la démocratie, des valeurs de la laïcité et de toute tentative de démocratie et de liberté en Espagne. Il avait une obsession malsaine, mais il savait quelque chose sur la franc-maçonnerie.

Ce ne sont pas seulement les régimes totalitaires – du fasciste au communiste – qui ont persécuté la franc-maçonnerie. Elle a également été condamnée par l’Église catholique . « Un pape a un jour émis une excommunication contre les francs-maçons, et cette excommunication n’a toujours pas été officiellement levée, même si elle n’est pas appliquée en pratique. De nombreux prêtres catholiques affirment qu’il n’y a pas d’incompatibilité. Cette hostilité de l’Église explique en partie l’histoire passée, mais ce qui s’est passé sous Franco était une exagération », déplore Oleaga.

Parmi les francs-maçons d’aujourd’hui, il y a des gens bien connus. Je préfère que ce soient eux qui sortent et confessent leur statut maçonnique.

« Sortir du placard »

– Il est temps de « sortir du placard »…
– Nous avons commencé il y a quelques années mais nous sommes encore dans cette phase.

– Dans ce manque d’affichage public de « fierté maçonnique », la peur de retourner dans la clandestinité pèse-t-elle lourdement ?
– Pas tant que ça, mais le fait qu’il y a un grand secteur qui a encore beaucoup de préjugés , et bien sûr, ces préjugés causent parfois des difficultés dans votre vie quotidienne. Les pas en avant sont fermes, surtout lorsque des personnalités très en vue ont pris la décision d’avouer leur état. Par exemple, Jerónimo Saavedra. Puisque vous parliez de la fierté gay plus tôt, Jerónimo Saavedra est sorti du placard à son époque, a eu beaucoup de problèmes et a été un modèle. Et plus tard, il a avoué être franc-maçon. C’est ce que nous sommes. Nous sommes conscients des préjugés. Nous sommes conscients que certains fonctionnaires de l’État ne seraient pas disposés à être photographiés avec nous lors d’une réunion où nous pourrions expliquer ce que nous faisons, et nous ne voulons évidemment pas les forcer à agir. Nous voulons avancer petit à petit. Ce que nous voulons, c’est que chaque étape que nous franchissons soit fluide.

Couverture de l’hebdomadaire phalangiste El Español de 1943

– À quelles autorités faites-vous référence ?
– Je préfère ne pas être précis. Il existe une assez bonne relation au sein des forces et des organismes de sécurité de l’État. Il est vrai qu’il y a une certaine réticence aux niveaux supérieurs, mais en fait, dans nos loges, il y a des militaires et des membres de la police et il n’y a pas de problème.

– Rencontrez-vous de l’hostilité de la part de certains partis comme Vox ?
– L’extrême droite en Espagne et dans de nombreux autres pays a de nombreuses réserves à l’égard de la franc-maçonnerie, non pas parce que c’est de la franc-maçonnerie, mais parce que c’est un espace où l’on défend la liberté, le respect des autres et la tolérance. Cela entre logiquement en conflit avec les idéologies ultraconservatrices. En Espagne, nous n’avons pas eu de problèmes avec Vox, mais il est vrai qu’ils sont assez réticents à tout ce qui pourrait être de la franc-maçonnerie. Quand on demande, par exemple, la reconnaissance d’un franc-maçon célèbre, ils s’y opposent généralement. Mais je fais plutôt référence à des secteurs sociaux, pas nécessairement structurés, mais plutôt à des personnes qui ont des préjugés contre la franc-maçonnerie parce que c’est ce pour quoi elles ont été élevées.

– Nous savons que des personnages historiques tels que Clara Campoamor et Carmen de Burgos Colombine étaient francs-maçons. Mais pouvez-vous nommer des membres vivants éminents ?
– Il y a des gens célèbres. Je préfère que ce soient eux qui sortent et confessent leur statut maçonnique. Nous ne voulons pas les forcer à le faire. Mais il serait surprenant d’en voir certains qui sont très connus et qui sont sur la place publique sans aucune difficulté.

À des années-lumière du reste de l’Europe

La Grande Loge d’Espagne n’accepte pas les femmes . Ils ont une structure parallèle. « Nous avons un accord avec la Grande Loge des Femmes. Sur le plan intellectuel, la défense des valeurs est la même. Qu’est-ce qui nous distingue ? Le cheminement rituel. Les modes d’initiation d’un homme et d’une femme au cours de l’histoire ont suivi des formules rituelles différentes », explique Oleaga. Dans les deux cas, souligne Oleaga, la croyance est dans la « construction du grand édifice de l’humanité dans lequel chacun de nous symboliserait une pierre qui, avec d’autres, fait partie de cette grande structure qu’est l’édifice universel ». « Nous croyons en cette transcendance de l’être humain. »

Txema Oleaga, élu chef de la franc-maçonnerie en Espagne

Une philosophie qui manque encore en Espagne de lumière et de chiffres. Le Portugal, notre voisin ibérique avec quatre fois moins d’habitants que l’Espagne, compte deux fois plus de francs-maçons que nous . « Ils comptent entre 7 000 et 8 000 francs-maçons. Le Portugal a également connu une dictature et des persécutions moins sévères que celles de Franco, et ils ont réussi à les surmonter. Atteindre 20 000 ou 30 000 francs-maçons serait un chiffre fantastique, car même pendant une période comme la Seconde République , où la franc-maçonnerie était très présente, nous n’avons pas dépassé les 4 000 », explique-t-il. « Il serait intéressant de mettre fin à ces 40 ans de secret et de retrouver le fil que nous avions », dit quelqu’un qui observe la société espagnole avec une certaine inquiétude. « Je suis préoccupé par les crimes haineux, par une certaine intolérance qui se répand progressivement dans la société. L’intolérance mène au fanatisme et à l’horreur . »

Atteindre 20 000 ou 30 000 francs-maçons serait un chiffre formidable.

Le Grand Maître reconnaît que la Franc-Maçonnerie est à la traîne en Espagne. Dans d’autres pays du vieux continent, elle jouit d’un prestige et d’une visibilité publique qui lui sont refusés ici. Si, au Royaume-Uni, le duc de Kent préside les réunions, qu’elles se tiennent ouvertement et sans problème, et qu’elles organisent ce qu’on appelle des festivals, imaginez l’impact public. Malheureusement, dans notre pays, et notamment dans certaines sphères publiques, certains se méfient de nous, mais je crois que ce jour viendra. Leur aspiration est de faire connaître au public une organisation qui a lutté contre le secret et la persécution . « Je souhaite avant tout qu’il n’y ait aucun préjugé contre la Franc-Maçonnerie, que personne n’insulte qui que ce soit parce qu’il est Franc-Maçon, et que les Francs-Maçons soient invités à tout événement de toute institution d’État liée à l’histoire, au même titre que les autres entités. »

La commémoration solennelle du canot de sauvetage de Valparaíso unit tradition, Franc-maçonnerie et mémoire

De notre confrère granlogia.cl

Un siècle de service à la communauté, le Valparaíso Lifeboat Volunteer Corps a commémoré son 100e anniversaire avec une veillée solennelle, marquée par la tristesse du décès de son président, le frère Luis Cortés Bosch, qui a été initié à la Marine Lodge No. 82 de Valparaíso.

« La veillée est une cérémonie organisée par l’institution où tous nos bénévoles se rassemblent et attendent 12 heures, marquant le début de notre anniversaire », a expliqué Gerardo Fernández, vice-président de l’organisation. « Cette année, toutes nos cérémonies sont solennelles, par respect pour lui et sa famille. »

Lors de l’événement, auquel ont participé les pompiers de Valparaíso – compagnies 1, 2 et 10 – et un rassemblement fraternel de volontaires, les autorités civiles et maritimes étaient également présentes.

Ont été particulièrement présents le Grand Orateur de la Grande Loge du Chili, Rubén Leal, représentant le Grand Maître Sebastián Jans Pérez, le Maire de Valparaíso, Camila Nieto, le Grand Bibliothécaire Nabor Urzúa, ainsi que les autorités maçonniques et les représentants de diverses loges de la région, ainsi que du monde maritime et bénévole de Valparaíso.

Dans son discours, le Grand Président a souligné les liens profonds qui unissent la Franc-Maçonnerie chilienne à cette institution de sauvetage centenaire : « Le Corps de Sauvetage Volontaire de Valparaíso porte en lui des valeurs humanistes, des souvenirs, des aventures et nous montre surtout l’esprit de ceux qui ont fait confiance à sa force pour naviguer sur les eaux », a déclaré Leal.

Il a également rendu hommage aux fondateurs de l’institution, parmi lesquels Oluf Christiansen, initié à la Loge Cruz del Sur n° 16 et membre actif des Loges Bethesda et Marina n° 82, et Alberto Chodowiecki, membre de la Loge Germania n° 8, qui, par son engagement maçonnique, a promu l’« Union maçonnique pour la propagation du sauvetage en mer et sur terre », obtenant le soutien de 18 loges pour financer les premières opérations de sauvetage. « L’histoire du Canot de Sauvetage est aussi l’histoire de la Franc-Maçonnerie chilienne, qui depuis ses origines s’est engagée dans des œuvres à caractère philanthropique, social et profondément humain », a souligné le Grand Orateur.

Dans la même optique, la Grande Loge du Chili, à travers son Espace Patrimoine et en partenariat avec le Musée National Maritime, a promu une exposition commémorative pour souligner la valeur historique de cette institution et mettre en valeur l’héritage qu’elle partage avec l’Ordre.

La cérémonie du 100e anniversaire, marquée par la solennité et l’esprit fraternel, a reflété non seulement l’engagement des « pompiers de la mer » mais aussi une histoire partagée avec la franc-maçonnerie chilienne. Une histoire de service, de philanthropie et de mémoire qui continue de naviguer vers l’avenir.

Les pyramides oubliées du Soudan : plus nombreuses que celles d’Égypte

Quand on évoque les pyramides, l’image des majestueuses structures de Gizeh, en Égypte, s’impose immédiatement. Pourtant, à quelques centaines de kilomètres au sud, le Soudan abrite un secret archéologique stupéfiant : il compte plus de pyramides que son illustre voisin. Avec environ 255 pyramides nubiennes, contre 138 en Égypte, le royaume de Koush a laissé un héritage monumental, souvent éclipsé par la renommée égyptienne. Cet article vous emmène à la découverte de ces tombes royales, de leur histoire fascinante, de leurs particularités architecturales, et des raisons de leur relative obscurité.

Une civilisation koushite au rayonnement méconnu

Pyramides de Nuri

Les pyramides du Soudan, situées dans la région historique de la Nubie (aujourd’hui le nord du Soudan et le sud de l’Égypte), furent érigées par les souverains du royaume de Koush, une civilisation qui prospéra le long du Nil de 1070 av. J.-C. à 350 apr. J.-C. Trois royaumes koushites se succédèrent : Kerma (2500-1500 av. J.-C.), Napata (1000-300 av. J.-C.) et Meroë (300 av. J.-C.-300 apr. J.-C.). Ces royaumes, profondément influencés par l’Égypte, rivalisèrent avec elle sur les plans culturel, économique et militaire. Au VIIIe siècle av. J.-C., les « pharaons noirs » de la XXVe dynastie, originaires de Napata, dominèrent même l’Égypte pendant près d’un siècle, sous des figures comme Piye et Taharqa.

Contrairement à une idée reçue, ces pyramides ne sont pas l’œuvre d’Égyptiens ayant migré vers le sud. Elles sont l’expression d’une identité koushite unique, mêlant traditions nubiennes et influences égyptiennes. Construites en grès et en granit, elles servaient de tombes aux rois, reines, princes et notables, témoignant de la puissance et de la spiritualité de Koush.

Des pyramides aux caractéristiques uniques

Pyramides d’Égypte

Les pyramides nubiennes, bien que plus nombreuses, diffèrent nettement de leurs cousines égyptiennes. Plus petites, elles mesurent généralement de 6 à 30 mètres de haut, contre 138 mètres pour la moyenne égyptienne (comme la Grande Pyramide de Khéops, culminant à 147 mètres). Leur angle d’inclinaison est aussi plus prononcé, environ 70°, contre 40 à 50° pour les pyramides égyptiennes, leur donnant une silhouette élancée et pointue. Cette différence s’explique par des techniques de construction adaptées, notamment l’usage du chadouf, une grue à contrepoids limitant la largeur de la base.

Pyramides de Méroé au Soudan – Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Chaque pyramide nubienne était flanquée d’une chapelle funéraire à l’est, ornée de stèles et de tables d’offrandes gravées de scènes alimentaires. Lors des rites, on y versait des libations d’eau, de vin ou de lait, destinées à régénérer le défunt dans l’au-delà. Les chambres funéraires, situées sous la pyramide et non à l’intérieur comme en Égypte, contenaient des momies parées d’or et de bijoux, placées dans des sarcophages de bois. Les fouilles des XIXe et XXe siècles ont révélé des trésors : arcs, flèches, harnais de chevaux, poteries, verreries colorées et objets attestant d’un commerce florissant avec l’Égypte et le monde hellénistique.

Un trait distinctif est l’élargissement du droit à la pyramide. À Meroë, la nécropole se divise en trois zones : le nord pour les royaumes royaux, le sud pour des dignitaires variés, et l’ouest pour des non-souverains. Cette démocratisation contraste avec l’Égypte, où les pyramides étaient presque exclusivement réservées aux pharaons.

Trois sites emblématiques

Les pyramides nubiennes se concentrent sur trois sites majeurs, tous inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO :

  1. El-Kurru : Première nécropole royale, utilisée dès 751 av. J.-C., elle abrite les tombes des rois Kachta, Piye, Chabaka, Chabataka et Tanoutamon, ainsi que celles de quatorze reines. Située près de Napata, elle marque le début de la tradition pyramidale koushite.
  2. Nuri : À 26 km d’El-Kurru, cette nécropole, active de 670 à 310 av. J.-C., compte 21 tombes de rois et 52 de reines et princes. La plus grande pyramide, celle de Taharqa (160-180 pieds de haut), imite le tombeau d’Osiris, soulignant l’influence égyptienne. Certaines tombes, inondées par la montée des eaux souterraines, nécessitent des fouilles sous-marines.
  3. Meroë : Le site le plus spectaculaire, situé à 220 km au nord de Khartoum, regroupe environ 200 pyramides réparties en trois nécropoles (nord, sud, ouest). Construites entre le IVe siècle av. J.-C. et le IVe siècle apr. J.-C., elles sont décorées de gravures d’éléphants, de girafes et de gazelles, rappelant un passé où la région était une savane fertile. Meroë, dernière capitale koushite, fut un centre culturel et commercial majeur.

Un quatrième site, Jebel Barkal, abrite 25 pyramides près d’une mesa sacrée, centre religieux de Napata. Ces sites, bien que moins grandioses que Gizeh, offrent une expérience unique : loin des foules touristiques, ils se dressent dans un silence majestueux, entourés de dunes dorées.

Pourquoi si peu de renommée ?

Si les pyramides nubiennes surpassent en nombre celles d’Égypte, pourquoi restent-elles si peu connues ? Plusieurs facteurs expliquent cette obscurité :

  • Échelle et ancienneté : Les pyramides égyptiennes, construites dès 2700 av. J.-C., sont plus anciennes et monumentales. La Grande Pyramide de Khéops, plus grande structure humaine pendant des millénaires, éclipse les modestes pyramides nubiennes, érigées à partir de 700 av. J.-C. Leur taille et leur complexité technique captivent davantage l’imaginaire collectif.
  • Accessibilité et tourisme : Les pyramides de Gizeh, près du Caire, attirent des millions de visiteurs (9,3 millions en 2015). En revanche, les sites nubiens, situés dans des zones désertiques reculées, manquent d’infrastructures touristiques. Le Soudan, marqué par deux guerres civiles (1956-1972, 1983-2005), l’indépendance du Sud-Soudan en 2011, et des troubles politiques (coup d’État de 2021), reste peu sûr pour les voyageurs. En 2023, le pays accueillait moins de 15 000 touristes par an, contre des centaines de milliers dans les années 1980.
  • Pillage et dégradation : Les pyramides nubiennes ont souffert de pillages, notamment par l’Italien Giuseppe Ferlini, qui dynamita une quarantaine de tombes à Meroë dans les années 1830, cherchant de l’or. Ses découvertes, vendues aux musées de Munich et Berlin, furent initialement dédaignées, car on doutait qu’une civilisation subsaharienne puisse produire des bijoux aussi raffinés. Les tempêtes de sable et la désertification menacent également ces sites, ensevelissant certains monuments.
  • Narratif historique : L’égyptologie, discipline dominante, a longtemps relégué la Nubie à un rôle secondaire, perçue comme une simple imitatrice de l’Égypte. Les manuels scolaires et la culture populaire, amplifiés par des films comme Indiana Jones, ont glorifié les pharaons égyptiens, occultant les « pharaons noirs » koushites. Sous le régime d’Omar al-Bashir (1989-2019), l’histoire préislamique du Soudan fut négligée au profit d’une idéologie religieuse.

Un héritage à redécouvrir

Pyramides de Méroé au Soudan

Malgré ces obstacles, les pyramides nubiennes gagnent en visibilité. Depuis la chute d’al-Bashir en 2019, le Soudan cherche à valoriser son patrimoine. Des fouilles, menées par des équipes de l’Université Humboldt de Berlin ou de l’Institut archéologique allemand, révèlent la richesse de Meroë, où le script méroïtique, encore indéchiffré, intrigue les chercheurs. Les gravures des tombes, où les rois dominent les dieux, et l’émergence des kandakes (reines guerrières comme Amanirenas, qui défia Rome en 27 av. J.-C.), témoignent d’une culture audacieuse, fière de son identité.

Ces pyramides ne sont pas de pâles copies égyptiennes. Elles incarnent l’aspiration des Koushites à se poser en héritiers des grands pharaons, comme Sésostris III ou Ramsès II, à une époque où l’Égypte, affaiblie par des invasions, perdait son éclat. En adoptant le modèle pyramidal, abandonné par les Égyptiens depuis le Nouvel Empire, les Koushites affirmaient leur légitimité, tout en y insufflant leurs propres croyances, comme le culte du dieu-lion Apedemak.

Une invitation au voyage et à la réflexion

Quand la situation politique le permettra, visiter les pyramides nubiennes offre une expérience unique : camper sous les étoiles, face à des tombes intactes, sans l’agitation des sites égyptiens. À Meroë, les dunes dorées encadrent des silhouettes pointues, gravées d’animaux disparus. À Nuri, le tombeau de Taharqa, partiellement submergé, fascine les archéologues-plongeurs. À Jebel Barkal, la mesa sacrée veille sur un paysage intemporel.

Ces monuments rappellent que l’Afrique, bien avant les stéréotypes coloniaux, abritait des civilisations brillantes. Ils invitent à repenser notre vision de l’histoire, où la Nubie, loin d’être une périphérie, fut un centre de pouvoir et de culture. Comme le souligne une nouvelle vague de fierté nationale au Soudan, la Nubie a façonné l’Afrique comme la Grèce a marqué l’Europe. En redécouvrant ces pyramides, nous honorons non seulement les Koushites, mais aussi une humanité plurielle, où chaque pierre raconte une histoire d’ambition, de foi et d’éternité.

Le Dessin de Jissey : « De l’utilité des Planches en maçonnerie »

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Mes Frères, Mes Soeurs, accrochez vos tabliers, car l’intelligence artificielle débarque en Loge comme un apprenti trop zélé avec une truelle en or ! D’ici quelques mois, ces petites malignes d’IA vont faire rougir nos planches maçonniques, ces chefs-d’œuvre qu’on peaufine entre deux cafés et trois méditations sous la voûte étoilée.

Fini le temps où l’on compilait sagement des bribes de Wikipédia ou des vieux grimoires poussiéreux : l’IA, avec son cerveau numérique gonflé à l’hélium, pond des textes si brillants qu’ils pourraient éclairer le Temple sans bougies ! Elle analyse, synthétise, et balance des réflexions philosophiques plus profondes que le puits de nos vénérables secrets. Mais franchement, une planche sans la sueur, les ratures et les éclats de rire en Loge, c’est comme un banquet sans vin : techniquement parfait, mais sans âme. Alors, mes Frères, rions de cette IA superstar et continuons à ciseler nos planches, car aucune machine ne saura jamais capter l’étincelle fraternelle qui fait vibrer nos cœurs sous l’équerre et le compas. La technologie peut bien jouer les divas, mais en Loge, c’est l’humain qui tient la maillet !