Notre rapport à l’intelligence artificielle peut être éclairé à l’aide de théories et de concepts qui peuvent réenchanter notre perception des nouvelles technologies.
Si les pratiques religieuses sont tombées en désuétude depuis plus d’un siècle, il semble que ce soit via nos pratiques numériques que notre besoin de sacré tente de s’épanouir. C’est en tout cas une piste de recherche que suivent des anthropologues. Ils s’appuient pour étayer leurs propos sur des mystiques, théologiens et philosophes qui ont construit notre pensée occidentale.
Nous abordons les liens entre l’intelligence artificielle et le sacré avec Pascal Lardellier, professeur à l’Université Bourgogne Europe. Il a cosigné un article avec Emmanuel Carré, paru dans The Conversation, sur les liens de plus en plus ténus qu’entretient l’intelligence artificielle avec la mystique.
Si ce rapprochement peut paraître un peu étrange, il n’est pourtant pas nouveau. Beaucoup de penseurs et de théologiens ont affirmé qu’il n’existe pas d’opposition fondamentale entre sacralité et technicité. Pour étayer ses propos, Pascal Lardellier convoque des concepts le « Hau » de Marcel Mauss. Comment le relie-t-il à l’usage de l’IA aujourd’hui ? » Ce qui nous intéressait dans ce texte, c’est de prouver qu’à côté des approches prioritaires de l’IA (économique, pédagogique, sociétale), il y a toute une lecture qui peut être faite en termes de mystique. Alors, on pensait depuis Max Weber que le monde s’était désenchanté, et puis on pensait que la technique avait posé le dernier clou sur le cercueil de cet enchantement du monde, et il n’en est rien.«
En effet lorsqu’on se penche sur certains concepts mystiques ou anthropologiques, « on s’aperçoit que les nouvelles technologies revisitent le vers de Lamartine : « Objets inanimés, avez vous donc une âme? ». Nous avons puisé aux sources de l’anthropologie. D’après le beau concept de Hau : l’esprit qui anime les choses, dans la magnifique théorie de Marcel Mauss, les objets sont animés d’une puissance qui les fait circuler et revenir à celui qui a donné. C’est en effet très beau et c’est vrai que les nouvelles technologies, et notamment l’I.A, peuvent éveiller cette idée d’une autonomie, quasiment d’une conscience, qui animerait les objets à notre corps défendant. »
Comment expliquer que des technologies numériques se trouvent investies d’une dimension sacrée aujourd’hui ? Pascal Lardellier convoque deux grands théologiens pour mettre en forme cette idée : Pierre Teilhard de Chardin et l’Allemand Rudolf Otto. « Teilhard de Chardin, avec sa théorie de la noosphère, une conscience qui se répandrait à l’échelle de la planète pour relier toutes les consciences et en faire une conscience collective. On n’en est pas très loin avec Internet, même avant l’IA, cette espèce de conscience qui fait qu’on pose une question et qu’aussitôt des réponses remontent. Bien évidemment, depuis deux ou trois ans, avec l’IA, on est passés de l’artisanat à l’industrie, puisque là on pose n’importe quelle question, et dans la seconde remontent des réponses construites, argumentées, bien écrites. » Rudolf Otto ensuite, « qui nous disait que le rapport à la mystique, c’est un rapport numineux, qui fait qu’on a à la fois un enchantement et une terreur face à une connexion directe à d’autres sphères qui nous dépassent et nous englobent. C’est précisément l’expérience sacrée que nous permet de revisiter l’IA.«
Est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui les réseaux numériques réalisent l’union spirituelle recherchée par les mystiques ? Peut-on aller jusque là ? « Ces lectures restent quand même métaphoriques. Elles sont allégoriques. On ne peut pas dire qu’il y a de connexion directe d’un point de vue théorique, mais néanmoins, c’est vrai que Pierre Teilhard de Chardin et Rudolf Otto, avec d’autres, ont été visionnaires. Ils ont été tellement visionnaires dans ce qu’ils décrivaient que toutes choses égales par ailleurs, on peut y voir effectivement des correspondances assez troublantes et saisissantes.«
Il est aussi tentant de voir des correspondances entre l’IA et le maggid , concept issu de la mystique juive et qui désigne le messager qu’on retrouve dans la Torah. « C’était dans la mystique juive aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, la possibilité d’avoir une relation directe avec un messager céleste qui allait révéler aux sages les secrets de la Torah. Quand on voit le dialogue direct que nous avons avec Siri ou Alexa – on pose une question et puis dans la seconde une réponse est apportée, elle anticipe même parfois quand nous sommes en voiture des problèmes de circulation, des dangers – quelque chose de l’ordre de cette visitation mystique. On le retrouve très bien dans toute la littérature New Age sur les anges gardien, dans des ouvrages nous disant qu’on peut avoir une relation directe avec notre ange gardien qui va nous parler, nous répondre, nous conseiller. Et c’est un petit peu la même logique. »
Selon Pascal Lardellier, ces concepts nous permettent de réenchanter le rapport à la technique et à la technologie, et plus précisément le rapport à l’intelligence artificielle.
(avec Jean Daniélou, Gaston Granger/Tourniac et René Guénon en contrepoint)
S’il est des figures qui, sans jamais s’être croisées, se répondent dans les profondeurs de la pensée spirituelle et symbolique, Pierre Teilhard de Chardin, Carl Gustav Jung, Jean Daniélou, René Guénon, Gaston Granger, et la Franc-Maçonnerie initiatique en font assurément partie.
Pierre Teilhard de Chardin
Chacun, à sa manière, interroge le sens de l’homme, du monde et de sa transformation intérieure. Ce que je propose ici, c’est de montrer comment ces approches — mystique, symbolique, philosophique ou initiatique — dessinent ensemble une carte du chemin intérieur vers l’unité.
Teilhard de Chardin, bien que ni franc-maçon, ni proche de la psychologie analytique de Jung au sens strict, développe pourtant des idées et intuitions qui entrent en profonde résonance avec la pensée maçonnique et la psychologie jungienne.
I. Teilhard de Chardin, Jung, Granger : le devenir comme principe
Teilhard de Chardin voit dans l’univers une montée irréversible vers la conscience, un dynamisme évolutif animé par une tension vers le Point Oméga, figure du Christ cosmique. Il s’agit moins de contempler que de participer à l’évolution spirituelle du monde, en devenant co-créateurs avec Dieu.
Carl Gustav Jung
De son côté, Carl Gustav Jung décrit un chemin de transformation intérieure, où l’homme s’individue en affrontant ses ombres, ses projections, pour découvrir le Soi, centre archétypal de la psyché. Ce travail est analogue au travail alchimique, et rejoint l’idéal maçonnique de perfectionnement progressif.
C’est précisément cette dynamique du devenir que Gaston Granger place au cœur de la pensée humaine : pour lui, toute pensée symbolique est aussi expérimentation de sens, une mise en forme du réel par l’intermédiaire du langage, du mythe et du rite. La pensée n’est pas enfermée dans la logique, elle est pouvoir créateur, elle se cherche dans le symbole vivant, à l’image du rituel maçonnique.
II. Langage symbolique et herméneutique du sacré
La Franc-Maçonnerie, tout comme Jung et Guénon, place le symbole au cœur de son action. Le symbole n’est pas un code à décoder, mais une porte vers l’invisible. Pour Jung, les symboles sont issus de l’inconscient collectif, et leur puissance vient de ce qu’ils ouvrent à l’indicible.
Guénon, dans Le Symbolisme de la Croix ou L’ésotérisme de Dante, insiste sur le fait que le symbole est un véhicule de connaissance traditionnelle. Mais là où Jung verrait un archétype vivant de la psyché, Guénon y voit une révélation métaphysique, participation à une vérité éternelle.
Teilhard de Chardin, lui, redonne au symbole une dimension cosmique : l’homme devient transparence du monde au divin, et le Christ est le symbole vivant de la réintégration du multiple dans l’Un.
Enfin, Jean Daniélou, dans Dieu et nous, rappelle que le christianisme primitif est profondément symbolique. Il retrouve dans les Pères de l’Église une lecture typologique, qui relie visible et invisible. Cette lecture est très proche de celle de la Franc-Maçonnerie : chaque symbole est à la fois mémoire et promesse, passé et accomplissement en devenir.
III. Tradition, spiritualité et transmission
René Guénon insiste avec force sur la dimension traditionnelle de l’initiation. Pour lui, l’initiation maçonnique ne vaut que si elle s’enracine dans une chaîne de transmission authentique, et conduit l’homme non à une psychologie du Moi, mais à la réintégration métaphysique dans le Principe.
À l’inverse, Teilhard de Chardin croit en une mystique du futur, en une spiritualité incarnée dans l’histoire, évolutive, qui ne revient pas à l’origine mais converge vers l’accomplissement.
Granger tranche : toute vérité est à construire, toute pensée se déploie dans l’histoire. L’initiation, dans cette optique, serait élaboration progressive du sens par le rituel, la parole et le symbole.
Dans cette tension entre verticalité traditionnelle (Guénon) et horizon évolutionnaire (Teilhard de Chardin), la Franc-Maçonnerie est peut-être ce carrefour vivant, ce lieu d’articulation entre la mémoire immémoriale du sacré et la quête toujours actuelle de l’homme.
IV. L’homme, pont entre terre et ciel
Pour Jung, l’homme est un pont entre le conscient et l’inconscient, entre l’humain et le divin. Le Soi est une totalité vers laquelle tout gravite, une figure de l’unité intérieure. Teilhard de Chardin, de son côté, voit l’homme comme le point de courbure de l’univers, là où la matière devient pensée, et où la pensée peut devenir adoration. L’homme est sacerdotal, il unit la terre au ciel.
Personne seule au sommet d’une montagne
Guénon, plus réservé sur la modernité, insiste : l’homme véritable est l’homme transcendant, qui par le rite, le symbole et la contemplation, retrouve l’intériorité sacrée. C’est la figure du centre.
Jean Daniélou rejoint Teilhard de Chardin, mais dans une théologie plus ecclésiale : pour lui, le Christ est la plénitude de l’homme, celui qui réalise dans sa personne l’unité entre Dieu et la création.
Dans la Franc-Maçonnerie, cette figure de l’homme-pont est partout présente : dans l’Équerre et le Compas, dans la colonne B et la colonne J, dans la chambre du milieu. L’initié est celui qui fait le lien, celui qui unit ce qui semblait séparé.
Pour conclure, l’unité par la pluralité des voies
Teilhard de Chardin, Jung, Guénon, Daniélou, Granger… tous posent à leur manière la même question fondamentale : qui est l’homme ? et vers quoi tend-il ?
deux doigts pour chacune des sept mains
• Teilhard de Chardin répond : vers le Christ cosmique, plénitude de l’être et de l’univers et précise « Le monde n’est pas clos. Il est une montée. » • Jung : vers le Soi, unité intérieure de l’âme. • Guénon : vers le Principe, retour à l’origine métaphysique et pour lui « La voie qui ne mène nulle part est la voie la plus profonde. » • Daniélou : vers Dieu par l’histoire et les signes. • Granger : vers une pensée du monde symbolique, en perpétuelle construction et conclut « Ce n’est pas le symbole qui est obscur, c’est notre regard qui n’est pas encore initié. »- • La Franc-Maçonnerie : vers la Lumière, au cœur d’un chemin initiatique de perfectionnement.
Tous parlent d’unité, tous la cherchent, tous nous rappellent que l’homme est un lieu de passage, un chantier sacré, où se construit une autre architecture, invisible, mais essentielle.
Le Cercle Philosophique Mathurin Terrier, fidèle à sa mission de reconnaissance et d’amitié, a organisé une conférence captivante intitulée La Musique maçonnique : du profane au sacré, animée par Anne-Claire Scébalt. Cet événement, qui s’est tenu salle Loire à Ancenis, a réuni 80 passionnés pour un voyage musical et symbolique à travers les siècles. En explorant les œuvres de compositeurs emblématiques, de la période médiévale à l’époque contemporaine, la conférencière a offert une plongée profonde dans l’univers de la musique maçonnique, révélant ses dimensions spirituelles et philosophiques.
Une Exploration Musicale et Symbolique à Travers les Âges
La conférence a débuté par une introduction aux origines de la musique maçonnique, un art intimement lié aux rituels et aux idéaux de la franc-maçonnerie. Anne-Claire Scébalt a guidé son auditoire à travers une fresque chronologique, depuis les chants sacrés du Moyen Âge jusqu’aux compositions modernes, en mettant en lumière les intentions des compositeurs et les significations cachées de leurs œuvres. La singularité mélodique de chaque pièce a été décryptée, permettant aux auditeurs de saisir les passerelles entre le profane et le sacré, deux dimensions souvent entrelacées dans la musique maçonnique.
Parmi les œuvres présentées, Viderunt omnes de Pérotin (1199), interprété par The Hilliard Ensemble (1989), a ouvert le voyage. Ce chant grégorien, composé pour la liturgie de Noël, illustre la richesse polyphonique de l’École de Notre-Dame, une période clé dans l’évolution de la musique sacrée. Sa structure complexe, mêlant rigueur et élévation spirituelle, a résonné comme une introduction parfaite aux thèmes de la soirée.
Le XVIIIe siècle, période d’essor de la franc-maçonnerie en Europe, a été largement représenté. Anne-Claire Scébalt a exploré Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck (1779), avec une interprétation de l’Introduction et du chœur par Les Musiciens du Louvre sous la direction de Marc Minkowski (2001). Cette œuvre, empreinte de dramaturgie, reflète les idéaux maçonniques d’humanité et de quête de vérité, thèmes chers à Gluck, lui-même initié. De la même époque, le Rituel maçonnique funèbre, le Déluge de François Giroust (1784), dirigé par René Cotte (1990), a permis d’illustrer les musiques spécifiquement composées pour les cérémonies maçonniques, où la solennité et le symbolisme dominent.
Mozart et Wagner : Figures Emblématiques de la Musique Maçonnique
Un moment fort de la conférence a été l’analyse de Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) de Wolfgang Amadeus Mozart (1791), interprétée par le Mahler Chamber Orchestra sous la direction de Claudio Abbado (2005). Mozart, membre actif de la franc-maçonnerie, a insufflé dans cette œuvre des symboles maçonniques évidents : le chiffre trois (trois dames, trois génies, trois épreuves) et une quête initiatique menant à la lumière. L’Ouvertüre, avec ses accords majestueux, a captivé l’auditoire, qui a pu apprécier comment Mozart transcende le profane pour toucher au sacré à travers une musique universelle.
Le Quatuor en Do Majeur, Les Dissonances, K.465 (adagio-allegro) de Mozart (1785), interprété par le Quatuor Mosaïques (2001), a également été abordé. Dédié à Joseph Haydn, un autre compositeur influencé par les idéaux maçonniques, ce quatuor illustre la recherche d’harmonie et d’équilibre, des valeurs centrales de la franc-maçonnerie.
Richard Wagner, avec Parsifal (1882), interprété par le Berliner Philharmoniker sous Herbert von Karajan (1981), a offert une autre perspective. Bien que Wagner ne fût pas maçon, son opéra explore des thèmes spirituels et mystiques proches des préoccupations maçonniques, comme la quête de rédemption et la transcendance. La musique de Parsifal, avec ses longues progressions harmoniques, a transporté l’auditoire dans une méditation profonde sur le sacré.
De Strauss à l’Époque Moderne : La Musique comme Réflexion Philosophique
La conférence s’est également tournée vers des œuvres plus modernes, comme Also Sprach Zarathustra de Richard Strauss (1896), interprété par le Berliner Philharmoniker sous Herbert von Karajan (1995). Les sections Sonnenaufgang (Lever de soleil), Von der grossen Zehnsucht (Du grand désir) et Von der Wissenschaft (De la science) ont été analysées pour leur portée philosophique. Inspirée par Nietzsche, cette œuvre résonne avec les idéaux maçonniques de quête de connaissance et d’élévation spirituelle, bien que Strauss n’ait pas été directement lié à la franc-maçonnerie.
Anne-Claire Scébalt a souligné comment ces compositions, qu’elles soient explicitement maçonniques ou symboliques, invitent à une réflexion intime. La musique, dans sa capacité à transcender les mots, devient un vecteur d’initiation, reliant l’auditeur à des vérités profondes, qu’elles soient profanes ou sacrées.
Un Échange Fructueux avec le Public
L’événement s’est distingué par la qualité des échanges entre Anne-Claire Scébalt et le public. Les 80 participants, visiblement captivés, ont posé des questions pointues, permettant d’approfondir des aspects techniques et symboliques des œuvres présentées. Cette interaction a enrichi la compréhension collective, offrant une nouvelle grille de lecture pour aborder la musique maçonnique. Comme l’a souligné la conférencière, cette approche permet à chacun de tisser un lien plus personnel avec les œuvres, qu’il s’agisse d’un opéra de Mozart ou d’un chant médiéval de Pérotin.
Perspectives et Engagement du Cercle Mathurin Terrier
Le succès de cette conférence, saluée comme « intéressante et captivante » par les participants, ouvre la voie à de nouvelles initiatives du même type. Le Cercle Philosophique Mathurin Terrier, basé à Ancenis, réaffirme ainsi son rôle de passeur culturel dans le territoire. En proposant des événements qui mêlent réflexion, art et philosophie, le cercle continue de nourrir les esprits curieux et de tisser des liens d’amitié intellectuelle.
La Musique, un Pont entre le Profane et le Sacré
La conférence La Musique maçonnique : du profane au sacré a brillamment démontré la richesse de cet art singulier. À travers des œuvres majeures de Pérotin, Gluck, Mozart, Wagner, Strauss et bien d’autres, Anne-Claire Scébalt a offert une expérience à la fois éducative et émouvante. La musique maçonnique, par sa profondeur symbolique, invite à une méditation sur l’humain et le divin, unissant le profane et le sacré dans une harmonie universelle. Le Cercle Mathurin Terrier, par cette initiative, perpétue un héritage de réflexion et d’échange, au cœur d’Ancenis.
La Franc-maçonnerie à laquelle nous appartenons est née en 1717 à Londres. C’était à la fois une résurrection, une transformation radicale de quelque chose qui venait du fond des âges: l’art de la construction des édifices sacrés. Les maçons modernes avaient bien conservé le nom des anciens bâtisseurs mais ils ne bâtissaient plus. Comme nous le disons, d’opératifs ils étaient devenus spéculatifs, ce qui veut dire qu’ils se livraient désormais à une reconstruction de leur être, à une transformation de leur existence au moyen de matériaux symboliques et rituels.
De la Maçonnerie ancienne, on n’avait ressuscité que la pensée, l’esprit, la quête de la Connaissance et de la Sagesse par un travail sur son propre esprit, la pierre intérieure. Je traiterai dans une seconde partie de l’esprit de cette maçonnerie moderne, héritière et synthèse de plusieurs traditions initiatiques et surtout des principes qui animent la Grande Loge. Mais auparavant je souhaiterais vous présenter quelques aperçus sommaires sur les origines véritables de la Franc-maçonnerie, de sa symbolique, de son idéologie et de son éthique.
En Egypte au temps des Pharaons, en Israël aux temps bibliques, dans la Grèce antique ont existé des collèges de professionnels de la construction des temples: architectes, tailleurs de pierres, sculpteurs, spécialistes du bois et du traitement des métaux, géomètres et calculateurs, etc
Tous devaient être profondément instruits de la connaissance de leur art et de sa pratique et possédaient des secrets de fabrication, de technique qu’ils se transmettaient de génération en génération. Tous devaient être certainement initiés aux mystères des religions pour lesquelles on leur demandait d’édifier des lieux de culte. Les architectes maîtres d’œuvre des édifices étaient aussi prêtres dans la tradition égyptienne.
Dans toutes les rel lui igions il est évident que le lieu de culte doit obéir à une symbolique conforme aux enseignements et révélations d’une religion, avec une orientation particulière et surtout une disposition de l’espace sacré qui se retrouve dans de nombreuses cultures: un lieu de passage du profane au sacré, encore extérieur au temple, le parvis, le lieu où vont s’assembler les fidèles pour célébrer le culte, et un autre situé à l’endroit le plus profond de l’édifice, le Saint des Saints du temple d’Egypte ou du temple de Jérusalem, où est censée se tenir l’image de la divinité, ou son symbole ou encore sa présence réelle. Nous retrouvons œ type de disposition dans les églises chrétiennes comme dans le temple maçonnique.
Enfin les constructeurs d’édifices sacrés des temps antiques devaient probablement recevoir outre la formation technique, pratique et religieuse, une initiation du 3è’“° type concernant la symbolique générale de certains éléments des édifices faisant référence à des choses cachées que les religions incorporent aux lieux de culte mais qu’eIles ne dévoilent pas. Par exemple le rapport entre l’édifice religieux et le cosmos ou le corps humain, la signification secrète des figures rectangulaires, carrées, des cercles, des nefs, des dômes, des colonnes, des rosaces, etc.
Ou encore des mesures utilisées pour obtenir les proportions harmonieuses de l’édifice qui renvoient à des nombres sacrés (3, 5) et aux éléments constitutifs de la divinité et de l’univers.
Si on ne prend en considération que sa fonction opérative ancienne (l ‘édification des temples) les métiers d’architecte, de constructeurs que commémorent son symbolisme et ses rites, on peut dire que les origines de la Maçonnerie se perdent dans la nuit des temps puisqu’ils se sont eux – mêmes identifiés aux bâtisseurs de temples égyptiens, hébreux ou grecs.
Mais je pense qu’iI faut surtout chercher dans l’antiquité romaine le modèle d’association corporative de constructeurs dont les Maçons du Moyen – Age se sont, à travers plusieurs médiations, inspirés.
Les collèges romains étaient des corporations fortement organisées, hiérarchisées, possédant des écoles, des maisons communes, où se célèbrent des rites et des sacrifices aux dieux. Les collèges de bâtisseurs sont profondément liés à la religion. Chaque collégia avait ses dieux comme ses signes de reconnaissance. Les dieux jouaient toujours un rôle protecteur et inspirateur dans la pratique de chacun des métiers liés à la construction.
Le travail est doublement sacré, d’abord parce qu’il est consacré à un édifice du culte, ensuite parce que le travail humain est à l’image de l’œuvre du Créateur donnant naissance à la nature.
On sait que depuis l’écroulement de l’empire romain d’Occident, les collèges de bâtisseurs formés de spécialistes gallo- romains se sont maintenus dans les régions fortement romanisées comme la Provence, la vallée du Rhône,~l’Auvergne, la -Narbonnaise et l’Occitanie, -malgré la domination wisigothique
C’est grâce à eux que les évêques de ces temps troublés ont pu édifier les premières églises en pierre d’une grande valeur architecturale. En tant qu’entités juridiques, les collèges gallo- romains ont dû disparaître du fait de l’évolution de la société. A partir du 6eme siècle, c’est autour de l’ Eglise et surtout des Ordres monastiques que vont se constituer les nouveaux groupements de constructeurs.
Certes ces constructeurs venus des collèges changent de statut puisqu’ils sont au service des évêques et des monastères, mais ils vont hériter des collèges la science de la construction, l’initiation symbolique et les formes d’organisation..
Sous l’impulsion de I’ Ordre des Bénédictins (Cluny, Cîteaux, Clervaux) la France va se couvrir d’ abbayes qui vont constituer pendant des siècles la structure de base de l’économie, de la société et de l’ordre politique. Tous les métiers vont travailler sous la protection et au service des abbayes, d’abord bénédictines et plus tard templières et principalement les associations monastiques de constructeurs
A partir du siècle et d’abord au sud de la Loire, ils vont répandre les innombrables chef- d’œuvres de l’art roman — qualifié d’abord de « gothique ancien », parce qu’il avait été créé dans un pays dominé par les Goths c’est à dire les peuples germaniques.
Je dois souligner que depuis les origines romaines, les sociétés de constructeurs jouissent en raison de la nature de leurs fonctions de privilèges et liberté multiples naturellement exceptionnelles: d’abord celle de circuler d’une ville à l’autre, ensuite elles bénéficient d’exemptions d’impôts, de redevances, de corvées, de services obligatoires, tant à l’égard des seigneurs que des municipalités ou du monarque C’est ce qui sera exprimé par l’adjectif « franc » qui signifie libre et peut s’appliquer à d’autres professions (ex. francs – charpentiers ou francs- archers) mais aussi aux villes (cf. les innombrables Villefranche). Ces libertés sont une constante pour toutes les sociétés et corporations de constructeurs, sans doute parce que même quand ils sont laïques, ils participent activement à la production du sacré et à la propagation de la foi. Et puis il faut tenir compte du fait qu’ils possèdent de hautes qualifications techniques et scientifiques, rares à l’époque, ce qui est le cas des architectes, mais aussi des tailleurs de pierres, sans parler du talent artistique des sculpteurs chargés d’orner les monuments et d’inscrire dans la pierre les grands récits de l’Histoire sainte et des Evangiles.
Nous venons d’évoquer des institutions anciennes qui sont des préfigurations de la Franc-maçonnerie qui va se constituer en Angleterre et en France sur les chantiers des cathédrales. Elle a avec ces corporations anciennes beaucoup de points communs et en dépit des changements historiques, elle en est à bien des égards l’héritière.
Même si la Franc -maçonnerie ne trouve sa véritable identité qu’à travers l’aventure de l’Ordre du Temple en Terre sainte, on peut dire qu’elle doit beaucoup à cette tradition antique des bâtisseurs de Temples. L’expédition des Croisades qui a duré deux siècles, de 1096 à1291, ainsi que la conquête de la Palestine et de la Syrie par la féodalité catholique ont donné à l’ordre du Temple l’occasion de jouer un rôle historique considérable au sein de la chrétienté occidentale et surtout d’être un vecteur capital de bien des aspects de la culture orientale, byzantine et arabe.
A leur arrivée en Palestine les Templiers seront chargés par les Croisés de construire les ouvrages militaires nécessaires au contrôle du pays. Ils vont emprunter leurs méthodes aux chrétiens de Byzance, capitale de l’Empire romain d’orient qui a survécu mille ans jusqu’en 1453 à l’Empire d’Occident. Les collèges romains de bâtisseurs y sont restés intacts et ils transmettent leur savoir aux Templiers. Ainsi ils construisent les fameuses forteresses de Palestine, de Syrie, de Jordanie: les Kraks qu’on peut encore admirer aujourd’hui. Ceci nous indique que les Templiers ne sont pas seulement des guerriers. Pendant toute la durée du royaume franc, ils vont faire fonction de bâtisseurs d’édifices militaires mais aussi religieux.
De l’histoire des Croisades nous avons surtout retenu l’image~d’un affrontement sanglant, implacable, entre les Croisés et le monde arabe islamique. La vérité fut beaucoup plus complexe et contrastée comme dans toutes les conquêtes coloniales, les conquérants profitèrent des divisions de leurs adversaires. Des souverains arabes demandèrent aux Templiers de les appuyer contre leurs ennemis. Les Templiers aidèrent le souverain d’Egypte à vaincre les Turcs qui le menaçaient.
A d’autres moments, ils s’allièrent avec les Turcs contre certains chefs arabes. Il y eut donc beaucoup d’alliances et de pactes entre les Templiers et des chefs islamiques, ce qui leur permit d’avoir des périodes de paix propices aux constructions.
Autre élément important : les Templiers sont respectueux des règles de la chevalerie chrétienne, ils tiennent leurs engagements, ils ne méprisent pas, leurs adversaires.
Et ils ont souvent en face d’eux, des guerriers qui respectent les mêmes valeurs, c’est pourquoi les Templiers sont dans l’ensemble respectés par les Arabes — ce qui n’est pas le cas des autres Croisés dont les comportements sont souvent détestables. Les Templiers ne considèrent pas les Arabes comme inférieurs parce qu’ils ont une religion et une culture différentes;
Enfin et surtout ils observent avec sympathie la tolérance dont jouissent dans les pays islamiques, des chrétiens appartenant à des églises très différentes parmi lesquelles eux – mêmes ont beaucoup de mal à se repérer. Dans la relation des Templiers avec le monde musulman, le fait le plus important est qu’ils sont entrés en communication suivie avec de multiples sectes islamiques à caractère initiatique.
Les ismaéliens qui sont une branche chiite de l’islam, et ont généré des sous- groupes du même type: les Karmates et les Assecines. La première secte donne naissance à un ample mouvement de réforme religieux et social qui ébranla du 9°” au 12° » siècle le monde musulman surtout l’Egypte.
Ils organisent les travailleurs en corporations liées à des confréries religieuses — ce que les Templiers vont réaliser plus tard en Occident. Les degrés hiérarchiques — apprentis, ouvrier, Maître– étaient de règle, de même que les obligations d’entraide et les serments initiatiques. Les secrets du métier étaient communiqués à chaque grade selon un coutumier transmis oralement.
Pratiques qui ressemblent d’une manière étonnante à celles de la Maçonnerie.
Le groupe des Assecines du mot « assas » (qui veut dire gardien) est un groupe mystique qui se considère comme gardien de la Terre- Sainte, perçue comme l’axe du monde spirituel. Son chef se nomme le « Vieux de la Montagne », le mot vieux devant être pris au sens de « maître ».
Les adeptes de la confrérie possèdent un centre où ils pratiquent la philosophie — ce qui va à l’encontre de la tradition islamique — et ils ont une bibliothèque immense et un observatoire astronomique!
Ce sont les mouvements initiatiques de l’islam qui semblent avoir marqué fortement les Templiers.
Cette influence n’a pas dû s’exercer dans le domaine des hautes spéculations métaphysiques car les Templiers étaient surtout des hommes de terrain, guerriers et constructeurs. De leurs rapports prolongés avec les sectes ismaéliennes et les corporations arabes, les Templiers connurent et adoptèrent largement les formes d’organisation, les rites et les symboles, les pratiques et les secrets de métier. Beaucoup de frères servants spécialisés dans la construction avaient déjà été initiés, dans leur vie Laïque à des rites opératifs analogues. Ils étaient particulièrement aptes à recevoir cet apport nouveau et à le transplanter en Occident.
Dépassant le simple enseignement architectural, l’influence des lsméliens et des Assécines marqua aussi le cérémonial des Templiers comme maintes de leurs coutumes, notamment en ce qui concerne la hiérarchie, l’obéissance au Grand- Maître et aux commandeurs sur lequel l’Ordre a établi fortement sa discipline. Cette hiérarchie reproduisait en fait celle des Pythagoriciens de la Grèce du 6ème siècle av. J.C. ou des mystères d’ Egypte. ll faut en dire autant d’autres coutumes et de symboles communs aux uns et aux autres (ex. le manteau blanc). Templiers et initiés musulmans arrivaient à se rapprocher *dans le partage d’un même-idéal de tolérance, de fraternité, de spiritualité capable de transcender les différences religieuses et culturelles. Les Templiers rejoignirent les Fatimites du Caire dans leur volonté d’établir des relations de coopération entre orientaux et occidentaux en vue d’une paix universelle.
Si on fait abstraction de ces liens profonds de l’ordre du Temple et les sociétés initiatiques islamiques, elles- mêmes influencées par les philosophies grecques transmises par Byzance et diverses traditions ésotériques, originaires du Moyen- Orient, on ne peut pas expliquer la présence évidente de toutes ces traditions amalgamées dans le R.E.A.A. qui est celui de la Grande Loge.
Car les Templiers ont véhiculé certainement œs traditions initiatiques vers |’Occident quand ils sont rentrés de Palestine. De plus on connaît I’immense réseau de commanderies installées sur toute l’étendue de l’Europe occidentale et notamment sur les routes des Croisades et des pèlerinages vers la Terre sainte.
Comme ils l’ont fait dans le royaume franc, les Templiers ont partout utilisé les services de confréries laïques de constructeurs pour l’édification de châteaux forts, de sanctuaires et d’abbayes. Plus que les Bénédictins, ils sont les commanditaires d’innombrables monuments et sont de ce fait en constantes relations avec des confréries organisées sur le modèle des anciens collèges et surtout des confréries monastiques composées de moines et de laïques qui en furent les héritières.
Sur le territoire du Temple, tous les métiers organisés en corporations, étaient des « francs métiers », c’est à dire qu’ils étaient affranchis de tout impôt, de toute redevance seigneuriale ou municipale, des corvées, des services du guet, etc. C’est dans œ contexte et au moment où les grandes villes entrent en compétition pour la construction des églises et des cathédrales qu’on voit apparaître le nom de Franc-maçons en France, puis en Angleterre. L’étymologie du mot est française et il semble qu’il ait été utilisé dans la première moitié du 13ème siècle, même s’il figure pour la première fois en 1376 dans la patente de franchise de la compagnie des « Masons » de Londres pour désigner ses membres.
En raison de cet ensemble de faits historiquement établis, on peut en conclure que les rites des Templiers issus de traditions initiatiques islamiques ou chrétiennes importées du Moyen – Orient ont pénétré dans les confréries maçonniques du Moyen- Age et se sont ajoutés aux traditions de métier et aux rites en usage depuis l’Antiquité dans les sociétés de constructeurs.
Ajoutons qu’il est également établi qu’après la destruction de l’Ordre du Temple par le pape Clément V sous la pression du roi de France Philippe le Bel, de nombreux Templiers persécutés se sont cachés, déguisés en travailleurs manuels, à l’intérieur des confréries maçonniques. Il est établi également que beaucoup de Templiers persécutés se réfugièrent en Ecosse où régnait un roi favorable aux chevaliers du Temple. ll avait attiré des artisans flamands, en particulier des maçons et des charpentiers auxquels il avait accordé de multiples faveurs et privilèges.
On a recueilli plusieurs histoires de hauts dignitaires du Temple qui se seraient enfui en Ecosse, tout ceci pour expliquer cette particularité du rite écossais ancien qui a si fortement marqué la tradition maçonnique. Mais les historiens considèrent cette thèse comme pure hypothèse.
Disons simplement qu’il a existé peut- être en Ecosse des conditions plus favorables qu’ailleurs à la conservation d’une tradition où se mêlaient l’initiation des bâtisseurs et des conceptions ésotériques venues de l’Orient par l’entremise de la chevalerie templière.
Déclin et renaissance de la Maçonnerie
Les 13è et 14è siècle furent certainement l’âge d’or de la Franc-maçonnerie. Elle déclina progressivement au 15ème et au 16è siècle avec la fin du grand élan de foi populaire qui présida à l’édification des cathédrales, la crise du catholicisme liée à la Renaissance, à la remise en honneur de l’art et de la pensée de la Grèce et de Rome, à |’émergence de la Réforme, bref aux premiers soubresauts de la modernité. La pratique des métiers de la construction disparut peu à peu.
On fit entrer dans les Loges, à côté des Maçons opératifs, des gens qui s’intéressaient à l’initiation maçonnique, à son symbolisme, à ses rites, à sa philosophie et surtout peut-être à ses principes de tolérance, et d’humanité: on appela « spéculatifs » ces hommes qui ne travaillaient pas de leurs mains, qui ne connaissaient pas les problèmes d’architecture, mais qui voulaient s’initier au symbolisme, à la recherche spirituelle des Maçons et trouver un lieu de fraternité authentique. _
Cette mutation de la Maçonnerie s’est opérée progressivement au cours des 16e et 17è siècle, et il est légitime de penser qu’ils ont continué de travailler sur la matière symbolique et rituelle léguée par une vieille tradition. Ces Loges se nommaient « loges de réception » parce qu’elles initiaient aux secrets et devoirs du métier ses nouveaux membres, professionnels ou non.
De là vient sans doute qu’en Angleterre les frères étrangers au bâtiment prirent le nom de » Maçons acceptés » et qu’à l’époque d’Anderson, le pasteur protestant rédacteur des premières constitutions modernes, la pratique des Maçons acceptés londoniens était un amalgame de traditions très anciennes des loges anglaises (les Devoirs), de certains usages des confréries de bâtisseurs du Moyen- Age, mais surtout des rites initiatiques venus d’Ecosse.
Dès sa naissance, la Freemasonry non opérative mettait en pratique une vertu alors méconnue en Europe: la tolérance entre hommes divisés par leurs convictions religieuses et politiques
On peut y voir la principale raison de son succès, et de la foudroyante expansion qu’elle devait connaître au siècle des Lumières. Les premiers Maçons acceptés furent des hommes résolus à fraterniser en dépit de tout ce qui pouvait les diviser.
L’intolérance régnante les vouait à la clandestinité. L’ancienne confrérie, avec ses mots de passe et ses secrets religieusement conservés, leur offrit une structure d’accueil toute trouvée.
En retour, le secret dont ils s’entouraient attira vers leurs loges des hommes versés dans l’Alchimie, l’Hermétisme et la Kabbale, qui espérait y recueillir l’héritage des druides ou celui des anciens mystères. En fait, c’est eux qui enrichirent la maçonnerie de rites et de symboles empruntés aux traditions qui leur étaient chères.
A la Saint- Jean d’été 1717, les membres de quatre Loges londoniennes de maçons acceptés prirent une initiative dont ils ne soupçonnaient guère la portée. Réunis dans une taverne à l’enseigne de L’ oie et le Gril « ils avaient élu un Grand Maître et convenu de s’assembler chaque trimestre.
La première Grande Loge était née.
En France, la première loge des « frimaçons » dûment attestée fut établie en juin 1726 par des frères britanniques. Elle fut » constituée » par la Grande Loge de Londres en 1732. Et dès avant 1735 les quelques Loges du royaume érigeaient librement à Paris la première Grande Loge de France régie par les Constitutions d’Anderson.
L’esprit de la Maçonnerie de Rite écossais ancien et accepté
Qu’est ce que la Franc-maçonnerie telle qu’elle nous a été léguée par des siècles d’histoire et par la Tradition ? D’abord une communauté fraternelle qui unit des hommes de bonne volonté, désireux de se connaître, de se perfectionner, de donner sens à leur vie grâce à cette connaissance des mystères de la création, de l’homme et de l’existence que nous nommons « initiation » et de parvenir par une meilleure compréhension des choses à une certaine sagesse, une façon de mieux assumer sa vie, sa destinée et sa relation avec les autres.
De cette alliance des Franc-maçons, sans distinction d’obédience, nous disons qu’elle est universelle, ce qui signifie qu’elle transcende toutes les différences ethniques, religieuses, nationales, sociales et politiques, que la Franc-maçonnerie reçoit des hommes de toute origine, de toute opinion, le cadre et le sans- grade, l’opératif et l’intellectuel, bref la Franc-maçonnerie ne prend en compte aucune de ces distinctions qui séparent les hommes dans l’ordre profane et parfois les dresse les uns contre les autres ;
La Franc-maçonnerie ne connaît que des êtres humains, des individus– pas n’importe quels individus, seulement des hommes qui veulent sortir des faux clivages, des ambitions factices, des illusions du monde profane, qui ne se contentent pas de ce qu’il leur propose comme idéal suprême: la réussite sociale, le pouvoir et la puissance, le bonheur attaché à la jouissance de biens matériels ou à des satisfactions d’amour – propre.
Elle assure la promotion d’individus qui cherchent d’autres raisons d’être, d’autres voies de dépassement, le moyen d’accroître leur richesse intérieure, leurs capacités de compréhension, par une réflexion sur soi et sur l’existence à travers une réflexion sur l’univers des symboles, des mythes et des rites. Les Maçons sont des hommes qui aspirent à devenir plus humains.
Dans le langage des Maçons; cela se résume en deux mots: » Qu’avons- nous demandé lors de notre entrée dans le Temple? — La Lumière.
— Que cette Lumière nous éclaire! » C’est ce que dit le rituel. Dans le Temple, nous sommes quêteurs de Lumière, de clarté spirituelle, nous sommes à la recherche d’un autre sens de la vie et d’un ordre de perfection accordé à la connaissance d’un ordre sacré différent de celui des grandes religions et susceptibles de les englober toutes.
Les initiés sont des hommes partis à l’instar des Rois mages à l’appel d’une étoile inconnue dont ils ignorent la nature et le nom véritable. Parce qu’un jour l’esprit, las de ses servitudes, angoissé par l’absurdité et la violence de la vie a rompu ses amarres, invinciblement attiré par l’horizon d’une mer sans rivages. C’est déjà être sorti de l’ombre de la caverne que de soupçonner l’existence de cette lumière illimitée, d’en éprouver le besoin, de ne plus supporter de rester englué dans les ténèbres de la matérialité et l’enfermement des désirs.
Voilà ce qui nous a rassemblés, voilà l’espérance, la volonté qui nous fait vivre et qui fait de la Franc-maçonnerie une communauté sans équivalent dans le monde profane: une société initiatique où les seules distinctions sont celles qui résultent du degré d’avancement vers la Lumière du degré de purification et de maîtrise des métaux passionnels.
La Franc-maçonnerie ne connaît que les individus et pourtant elle enseigne aux individus à dépasser leur individualité, à se détacher de leur ego pour découvrir ce qu’ils portent en eux d’universel, d’éternel et d’absolu. Elle les invite à découvrir ce qui les fait être et ce qui est infiniment plus grand que soi et toutes les déterminations, tous les désirs qui composent notre individualité.
C’est ce qu’on appelle l’Art royal qui était traditionnellement celui de l’Architecture. Mais pour nous Maçons spéculatifs, il s’agit d’un autre genre de construction, ce que nous nommons le Temple intérieur et exige constamment le travail de soi sur soi qui nous conduit, à l’aide de nos outils symboliques, à transformer la pierre brute, le matériau naturel fait d’instinct et de passion en une pierre polie, symbole de Maîtrise et d’Harmonie, capable de s’ajuster à d’autres pierres polies pour devenir les pierres vivantes de la grande cathédrale humaine.
Nous sommes unis en loge pour travailler à la reconstruction de l’être individuel et collectif et nous ne cessons d’honorer et glorifier ce travail si différent du travail ordinaire. Les symboles majeurs de la Maçonnerie sont des outils de recherche, de mesure et de travail, notre langage y fait sans cesse allusion. Car l’initiation est un effort permanent pour dépouiller l’homme profane et assurer la maîtrise de l’ego, s’ouvrir aux autres et au monde, s’enrichir non seulement de savoir mais aussi et surtout de sagesse, de respect d’autrui, de fraternité, d’équité, réaliser l’idéal suprême de l‘harmonie intérieure, cet accord profond avec les lois de l’univers et de l’existence, qui nous aide à harmoniser nos rapports avec nos semblables.
Nous nous donnons comme finalité de reconstruire un être nouveau selon une architecture calquée sur l’ordre cosmique dont les plans viennent d’ailleurs, de ce grand Etre indéfinissable que nous nommons « Grand Architecte de l’Univers ». Ces plans secrets du grand Etre résident dans les sciences sacrées, les grands mythes de l’humanité, les rites et les traditions initiatiques.
Il faut beaucoup de temps et de peine pour faire tomber à l’aide du ciseau, du maillet, de la perpendiculaire et du niveau toutes les aspérités, les irrégularités de la pierre brute. Comme il faut beaucoup de temps et de peine pour faire grandir en nous cette lumière intérieure que nous sommes venus chercher dans le Temple et qui pourtant habite déjà en nous, sans que nous en reconnaissions la nature, les pouvoirs et les limites. C’est pourquoi il nous est difficile de dire que nous sommes initiés et même que nous sommes véritablement des Franc-maçons : tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous avons la volonté de le devenir. Nous avons adopté comme principe de vie le perfectionnement mais nous savons que resterons toujours plus ou moins loin de la perfection, comme de la plénitude de la Lumière absolue qui pourtant nous éclaire et nous guide comme un soleil inaccessible.
Heureusement, pour accomplir œ Grand Œuvre nous ne sommes pas seuls. Nous travaillons ensemble dans la société de l’Atelier, lieu d’échange, de réflexion commune mais aussi de correction mutuelle où chacun progresse en s’enrichissant de toutes les différences, de la diversité des comportements, de l’expérience et du savoir de tous. La Loge crée un égrégore dynamique où chaque Maçon trouve sa source d’énergie et son aliment spirituel. Elle est une Indispensable école initiatique, comme elle est le lieu où doivent s’exercer et s’épanouir en priorité toutes les vertus conformes à l’idéal maçonnique.
Voilà le sens premier que nous donnons ici dans cette Loge à la formule « travailler au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité » qui figure dans nos Constitutions. Pour nous l’humanité, c’est d’abord la pierre brute individuelle sur laquelle l’initié effectue le travail de polissage de la pierre qui conduit à l’illumination intérieure et spirituelle de chaque initié.
Mais l’initiation nous crée un devoir précisément parce qu’elle renforce en nous le sentiment de la fraternité, l’idée que tous les êtres humains portent en eux des potentialités universelles, une même essence spirituelle. Ces frères humains du monde profane, allons- nous les abandonner _ dans les ténèbres de la Caverne, alors que nous avons réussi à trouver l’issue vers la Lumière et que nous cheminons vers elle à travers le Labyrinthe de I’ initiation.
Toutes les traditions initiatiques nous enseignent ainsi que la philosophie de Platon, ce devoir de retour à la cité terrestre, l’obligation de pratiquer et de faire rayonner la sagesse au sein de la communauté des hommes.
Réaliser dans la mesure de nos faibles moyens, le partage de la Lumière, « achever au dehors l’œuvre commencée dans le Temple » selon les termes du rituel. Tâche difficile car le savoir initiatique n’est pas de même nature que ces idéologies religieuses et politiques que les hommes de la cité profane considèrent et propagent comme des vérités absolues, allant même parfois jusqu’à les imposer par la violence et la terreur.
Ici nous n’avons pas de dogme à enseigner, pas de doctrine à transmettre, mais nous avons en commun certaines valeurs dont la première est la reconnaissance de la dignité de tout être humain et le respect de cette dignité ce qui fonde les idées de fraternité, de tolérance et de justice.
Voilà notre pain de vie, et ce pain là il est toujours possible de le partager avec beaucoup de nos semblables. Les valeurs d’humanité et de sagesse peuvent être reçues partout parce qu’elles sont universelles, qu’elles sont à la base de la morale commune. Il n’en va pas de même du langage symbolique et du message initiatique qui restent obscurs à qui n’en ressent pas le besoin, à qui est incapable d’en voir la beauté et n’est pas habité par l’exigence de Lumière.
Alors ce que nous nous contentons d’apporter à la cité profane, c’est notre sens de l’humain et du sacré, valeurs que nous lions ensemble et qui se raréfient dangereusement dans notre monde, et que nous nous efforçons d’incarner dans notre environnement social et dans la vie de tous les jours. A l’intérieur de notre ordre comme dans nos vies publiques, nous nous réclamons des mêmes valeurs que la République dont nous avons toujours été dans l’histoire les ardents et fidèles promoteurs. Des valeurs qui viennent de loin, qui ont révolutionné le monde il y a deux siècles, façonné le visage de la civilisation occidentale et qui n’en finissent pas de produire leurs effets bénéfiques et transformateurs d’un bout à l’autre de la planète.
ll y a des gens qui nous haïssent précisément parce que nous portons en nous ces idéaux libérateurs qui finissent, comme l’atteste l’histoire du dernier siècle, par désintégrer les pires tyrannies. La loi d’humanité et d’égalité chère aux Franc-maçons est toujours comme la démocratie un idéal d’avenir.
J’ose ajouter aujourd’hui au vu des bouleversements de l’Europe et des verdicts de I’ histoire, que c’est le seul qui en ait un.
Dans un jugement très attendu, le tribunal judiciaire de Grasse a rendu, le 10 avril 2025, une ordonnance en référé qui met un terme – pour l’instant – à la bataille judiciaire opposant sept obédiences maçonniques à l’association CLIPSAS (Centre de Liaison et d’Information des Puissances Maçonniques Signataires de l’Appel de Strasbourg). Ces obédiences contestaient l’élection de Louis Daly à la présidence du CLIPSAS lors de l’assemblée générale de mai 2024 en Albanie, un scrutin qu’elles jugeaient illégal.
Le juge des référés a cependant débouté les demanderesses de leur requête, estimant que les conditions pour une intervention judiciaire d’urgence n’étaient pas réunies. Retour sur un dossier complexe qui secoue le monde maçonnique international.
Les origines d’un conflit maçonnique sans précédent
Louis Daly
Le CLIPSAS, créé en 1961 à Strasbourg, est une association internationale regroupant 91 obédiences maçonniques de divers pays, unie par des valeurs de liberté absolue de conscience et de tolérance mutuelle. Mais depuis plusieurs années, l’organisation traverse des turbulences internes, exacerbées lors de l’assemblée générale de mai 2024 à Durrës, en Albanie. Cette réunion, marquée par des dysfonctionnements organisationnels majeurs – pannes de courant, problèmes d’accès à Internet, et une logistique chaotique dénoncée comme la « pire de l’histoire » par certains membres – a culminé avec l’élection controversée de Louis Daly à la présidence.
Louis Daly, qui avait déjà occupé ce poste entre 2014 et 2016, a remporté le scrutin avec 32,06 % des voix, devançant Franco Huard (27,48 %). Mais sa candidature a immédiatement suscité une levée de boucliers. Sept obédiences – la Grande Loge Féminine de France, la Serenísima Gran Logia de Lengua Española, la Grande Loge Ani du Canada, la Grande Loge Française de Memphis Misraïm, la George Washington Union of Freemasons of North America, la Grande Loge Symbolique Rite Écossais Primitif, et la Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité – ont dénoncé une violation des statuts de l’association. Selon elles, l’article 14 du règlement général, qui stipule que « les mandats au Bureau sont de trois ans non renouvelables », interdirait à Louis Daly de se représenter, même après une interruption.
Une action judiciaire inédite dans l’histoire du CLIPSAS
Cliquez sur l’image pour revisiter l’article du 4 novembre 2024
Le 31 juillet 2024, ces sept obédiences ont déposé une assignation en référé devant le tribunal judiciaire de Grasse, où le siège du CLIPSAS est établi depuis 2020. Leur demande était claire : obtenir la nomination d’un administrateur provisoire pour une durée de six mois, avec pour mission de diriger l’association, inventorier ses actifs, et organiser une nouvelle élection présidentielle respectant les dispositions statutaires. Elles invoquaient l’urgence et un « péril imminent » pour le bon fonctionnement du CLIPSAS, fragilisé par des irrégularités présumées et un manque de transparence.
Les demanderesses ont pointé plusieurs griefs. Outre la prétendue illégalité de la candidature de Louis Daly, elles ont dénoncé des dysfonctionnements dans la gestion de l’association depuis son élection : entraves à leur droit de communication et d’information, dépenses irrégulières signalées par le trésorier, et paiements en espèces exigés pour des frais de participation lors de l’assemblée en Albanie. Elles ont également critiqué l’attitude autoritaire de Louis Daly, qui, dans une communication du 28 septembre 2024, s’en est pris au journal 450.fm, accusé d’attiser les divisions internes, et a appelé les membres à « parler d’une seule voix » contre les médias.
Le CLIPSAS, représenté par ses avocats, a vigoureusement contesté ces accusations. L’association a argué que l’article 14 n’interdisait pas les mandats non consécutifs, une interprétation confirmée par la pratique : un ancien président avait déjà exercé trois mandats espacés dans le temps. Elle a également souligné que la candidature de Louis Daly n’avait soulevé aucune objection avant le vote, que ce dernier avait été élu à la majorité des voix simples et pondérées, et qu’une motion de confiance votée à 78 % avait suivi son élection. Pour le CLIPSAS, cette action judiciaire n’était qu’une tentative de déstabilisation motivée par une « déception électorale ».
Une assemblée générale sous tension en Albanie
Pour comprendre l’ampleur de la crise, il faut remonter à l’assemblée générale de mai 2024, organisée par la Grande Loge d’Illyria d’Albanie à Durrës. Environ 350 participants s’y sont réunis, logés dans deux hôtels quatre étoiles, le Bleart et le Leonardo, en bord de mer. Mais l’événement a été entaché de nombreux dysfonctionnements : des délégués ont été mal informés sur leur lieu d’hébergement, certains ont dû marcher de longues minutes pour rejoindre les lieux de réunion, et des pannes techniques ont perturbé les débats. Le thème du colloque, « Franc-maçonnerie et intelligence artificielle : le monde à venir », a peiné à mobiliser l’attention face à ces problèmes logistiques.
Les tensions ont atteint leur paroxysme lors de l’élection. Outre la candidature de Louis Daly, d’autres candidats, comme Cüneyt Kalpakoglu de la Grande Loge Libérale de Turquie, ont suscité des controverses. Kalpakoglu, dirigeant de l’entreprise Endpoint-labs, avait fourni le logiciel de vote utilisé par le CLIPSAS, soulevant des soupçons de conflit d’intérêts. Lorsque les résultats ont été annoncés, plusieurs obédiences et membres du bureau ont quitté la salle en signe de protestation, refusant de participer à la suite de l’assemblée. Plus de 15 obédiences auraient boycotté les débats restants, dénonçant un scrutin illégal.
Le jugement du tribunal : Une défaite pour les obédiences contestataires
Après un renvoi de l’audience initiale du 20 novembre 2024, l’affaire a été examinée le 15 janvier 2025, avec une décision rendue le 10 avril 2025. Le juge des référés a tranché en faveur du CLIPSAS, estimant que les conditions pour une intervention d’urgence n’étaient pas remplies. Analysons les points clés de cette ordonnance.
Tout d’abord, sur la question centrale de l’élection de Louis Daly, le tribunal a jugé que l’article 14 du règlement général du CLIPSAS n’interdisait pas clairement les mandats non consécutifs. Le texte stipule que « les mandats au Bureau sont de trois ans non renouvelables », ce qui, selon le juge, prohibe uniquement les mandats consécutifs. Aucune ambiguïté dans cet article n’a été retenue avec l’évidence requise en référé pour justifier une intervention. Le juge a précisé que, si une interprétation plus approfondie était nécessaire, elle relèverait du juge du fond, et non d’une procédure d’urgence.
Ensuite, les dysfonctionnements allégués par les obédiences – entraves au droit de communication, irrégularités financières – n’ont pas été jugés suffisamment étayés. Les pièces fournies, comme une réclamation de certaines obédiences et un courriel du trésorier daté du 6 novembre 2024, n’ont pas démontré un « péril imminent » ou un « trouble manifestement illicite » rendant impossible le fonctionnement régulier de l’association. Le juge a donc conclu qu’il n’y avait pas lieu à référé pour nommer un administrateur provisoire, rejetant également les demandes subséquentes d’annexion de la décision au Registre du Commerce et des Sociétés et de mise à la charge du CLIPSAS des frais d’un mandataire.
Sur la demande reconventionnelle du CLIPSAS, qui réclamait 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, le tribunal a également débouté l’association. Le juge a estimé que les obédiences n’avaient pas agi avec une intention de nuire évidente, et que le préjudice subi par le CLIPSAS se limitait aux frais de défense, pris en compte via l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, les obédiences, en tant que partie perdante, ont été condamnées in solidum aux dépens de l’instance et à verser 3 000 € au CLIPSAS pour ses frais irrépétibles.
Une crise qui révèle les fractures profondes du CLIPSAS
Ce jugement, bien que défavorable aux obédiences contestataires, ne met pas fin aux tensions au sein du CLIPSAS. Depuis plusieurs années, l’association est en proie à des dissensions internes, aggravées par des accusations de manque de transparence et de gouvernance autoritaire. Louis Daly, dans ses communications des 28 septembre et 13 octobre 2024, a adopté une posture défensive, qualifiant certains d’« ennemis » du CLIPSAS et regrettant cette action en justice qui allait nuire à la réputation de la Franc-maçonnerie.
Ces tensions ont déjà eu des répercussions concrètes. En juin 2024, la Grande Loge Féminine de France a voté son départ du CLIPSAS, effectif au 31 décembre 2024, avec une majorité écrasante (360 voix pour, 9 contre). D’autres obédiences, notamment d’Amérique latine et du Liban, ont quant à elles réaffirmé leur soutien à Louis Daly, estimant que les différends maçonniques ne devraient pas être portés devant des tribunaux profanes – une position qui reflète une vision traditionnelle de la résolution des conflits au sein de la franc-maçonnerie.
Le CLIPSAS fait également face à des critiques plus larges sur sa gouvernance. Des observateurs notent un fossé grandissant entre les « grandes » et les « petites » obédiences, ces dernières se sentant marginalisées. La centralisation du pouvoir, illustrée par les décisions unilatérales d’Iván Herrera Michel, président sortant, et de Louis Daly, a alimenté des rumeurs de scission. Certains vont jusqu’à prédire la fin du CLIPSAS tel qu’il existe aujourd’hui, proposant une refondation sous un nouveau nom pour revenir aux valeurs fondatrices de l’Appel de Strasbourg de 1961.
Quelles perspectives pour l’avenir du CLIPSAS ?
Un panneau à Los Angeles, ‘Hollywood Boulevard’
Si ce jugement met un coup d’arrêt à la contestation judiciaire, il ne résout pas les problèmes structurels du CLIPSAS. L’association doit désormais faire face à des défis majeurs : restaurer la confiance entre ses membres, améliorer sa gouvernance, et clarifier ses règles électorales pour éviter de nouveaux litiges. La nomination d’un administrateur provisoire aurait pu offrir une solution temporaire, mais le tribunal a jugé que les conditions n’étaient pas réunies pour une telle mesure exceptionnelle.
Pour les obédiences déboutées, la voie reste ouverte pour une action au fond, qui permettrait une analyse plus approfondie de l’interprétation de l’article 14 et des dysfonctionnements allégués. Mais une telle procédure, plus longue et complexe, risque d’aggraver les divisions. En attendant, le CLIPSAS prépare sa prochaine assemblée générale, potentiellement en Californie en 2025, bien qu’aucune ville candidate n’ait été confirmée lors de la réunion de Durrës.
Ce conflit, au-delà de ses aspects juridiques, interroge le rôle du CLIPSAS dans un monde maçonnique en mutation. Alors que des enjeux comme l’intelligence artificielle ou les crises humanitaires – à l’image de l’appel lancé par le CLIPSAS en 2022 face à la guerre en Ukraine – mobilisent les énergies, l’association doit retrouver une unité autour de ses valeurs fondamentales. Sans cela, elle risque de s’effriter, au détriment de sa mission de promouvoir une franc-maçonnerie humaniste et universelle.
Dans quelques semaines, les membres du CLIPSAS se retrouveront en Roumanie du 28 mai au 6 juin pour la prochaine Assemblée générale. Nous souhaitons à cette organisation de trouver la paix et l’harmonie. (accéder au site officiel)
De notre confrère russe wsem.ru – Par Oleg Berezovoy
Ce jour-là, lors de la préparation active de la destruction de l’URSS, l’interdiction des activités des francs-maçons sur le territoire de l’Union soviétique a été levée, ce qui a conduit à la création de loges maçonniques et au recrutement de toutes sortes d’aventuriers en leur sein.
Pour créer la première loge maçonnique de l’Union, le 27 avril 1991, des organisateurs sont arrivés en URSS depuis la France, et le lendemain, dans l’une des datchas de la région de Moscou, ils ont procédé à l’initiation de nouveaux candidats.
Georgy Dergachev, devenu le premier citoyen soviétique à intégrer les rangs des francs-maçons le 9 mars 1990, a marqué un tournant dans l’histoire de la franc-maçonnerie en Russie. Ce philosophe autodidacte, qui se présentait comme un académicien de « l’Académie russe des sciences naturelles » – une organisation publique – dissimulait en réalité son parcours académique. Bien qu’il ait soutenu une thèse de doctorat en esthétique, avec une spécialisation en psychologie générale et transpersonnelle, Dergachev cultivait une image de penseur libre et indépendant.
C’est à l’initiative de Dergachev que la franc-maçonnerie a repris vie en Russie. Dès le début de 1989, il a pris contact avec des francs-maçons français pour proposer son adhésion à l’ordre. Lorsqu’il fonda la loge maçonnique russe, il avait déjà recruté six citoyens, dont les identités restent largement méconnues. On sait seulement que l’un d’eux était son ami, un artiste de profession. Cette loge, nommée « Étoile du Nord » en hommage à la dernière loge de l’Empire russe, fermée 73 ans plus tôt, fut naturellement dirigée par Dergachev lui-même.
Bien que la branche française de la franc-maçonnerie soit connue pour son orientation libérale, la loge « Étoile du Nord » choisit de ne pas adopter une direction politique marquée. Elle se concentra sur une franc-maçonnerie dite régulière, centrée sur son aspect religieux. Les membres, tout en rejetant l’étiquette d’organisation religieuse, se définissaient comme une confrérie initiatique fondée sur la croyance en Dieu, le Grand Architecte de l’Univers. Cependant, leur structure de gestion, très hiérarchisée, évoquait davantage une secte. Ce groupe, d’inspiration anglo-américaine, fut perçu comme introduisant des valeurs jugées nuisibles en URSS, qualifiées d’« enseignements occultes ». Cette perception explique pourquoi, dès le 13 août 1822, l’empereur Alexandre Ier signa un rescrit interdisant les sociétés secrètes et les loges maçonniques.
Aujourd’hui, la loge « Étoile du Nord » est inactive, ses membres survivants ayant rejoint une autre entité, la Loge maçonnique « Moscou », à l’instar de nombreuses loges réactivées après le renouvellement de leurs licences. Ce mouvement de consolidation aboutit à la création de la Grande Loge de Russie, orchestrée par Dergachev, qui en devint le Grand Maître. Malgré son nom prestigieux, cette organisation ne rassembla que quelques centaines de membres à travers le pays, limitant son influence réelle.
Dergachev a depuis été remplacé à la tête de la Grande Loge par Andrei Bogdanov, décrit comme un aventurier politique. Sous sa direction, les activités de la loge se sont orientées vers des pratiques controversées, notamment la création et l’enregistrement de partis politiques « morts » pour leur revente, ainsi que des rachats stratégiques de partis concurrents. Bogdanov dirige actuellement le PCUS – Parti communiste de la justice sociale –, une structure qui illustre cette dérive opportuniste.
Cependant, l’influence des francs-maçons en Russie ne doit pas être sous-estimée. De nombreuses figures politiques russes, impliquées dans la structuration de l’État, sont liées à la franc-maçonnerie. Les principes libéraux qu’ils ont introduits continuent d’imprégner la loi fondamentale de la Fédération de Russie. Oleg Platonov, membre de l’Union des écrivains, dans son ouvrage La Russie sous la domination des francs-maçons, soutient que Mikhaïl Gorbatchev, président de l’URSS, aurait initié des contacts avec des francs-maçons en Italie dès les années 1960 et 1970. À cette époque, des loges maçonniques, prétendument contrôlées par la CIA pour contrer le communisme, opéraient dans la péninsule. C’est là que Gorbatchev aurait rencontré George Soros, financier américain dont l’influence en Russie fut, selon Platonov, source de nombreux troubles.
A n’en pas douter, le château d’Arginy est un lieu propice aux « envolées » de l’imagination. Il suffit de se rendre sur les lieux pour sentir tout le potentiel que comporte ce domaine à la fois désolé et envoûtant. Rien ne semble avoir changé depuis l’époque des chevaliers du Temple. Lors de mes nombreuses visites au château, j’ai pu sentir combien Arginy génère de puissants courants de pensée (lumineux ou ténèbreux) qui peuvent alimenter bien des fictions littéraires. Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait pas plus de roman ayant pour cadre cette sombre et énigmatique demeure.
En ce qui me concerne j’ai écrit et publié un livre intitulé, « L’Ordre Inconnu des Choses : La Fin des Temps et l’Apocalypse » (2022). Voici un extrait du livre particulièrement intéressant pour notre propos : « Rappelons que les expériences menées à Arginy par le groupe de Jacques Breyer (qui prétendra par la suite être la réincarnation de Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers) sont étroitement liées à la résurgence de l’O.S.T.S (Ordre Souverain du Temple Solaire). Pour les affiliés à l’O.S.T.S, c’est à Arginy que se trouve le berceau de l’Ordre du Temple, c’est là que fut son grand quartier général occulte, le lieu de réunion de son Chapitre secret, le point de ralliement des adeptes et des alchimistes de l’Ordre. Pour les « initiés » de l’O.S.T.S, « les Temps étaient venus » (« Le Temps Revient » disent les Templiers modernes) et l’Ordre du Temple était sorti officiellement de son sommeil le 12 juin 1952 à 23 heures précises dans ce même château d’Arginy où il avait déjà vu le jour quelques siècles plus tôt. Par la suite la Résurgence Templière vécut des évènements surnaturels de nature à la conforter dans sa mission salvatrice. De l’O.S.T.S sortiront les hommes qui façonneront plus tard l’O.R.T (Ordre Rénové du Temple), et de l’O.R.T sortira le tristement célèbre O.T.S (Ordre du Temple Solaire) dont les membres furent sauvagement assassinés pour des raisons qui demeurent encore obscures aujourd’hui. Un ami, dont je tairai le nom pour des raisons de sécurité et qui connaît bien cette sinistre affaire de l’O.T.S, m’a cependant laissé entendre que l’ancien ministère de l’Intérieur sous la présidence de François Mitterrand, Charles Pasqua, serait responsable de la tuerie du « trou de l’enfer ». C’est encore un secret bien gardé, mais certaines personnes savent que l’O.T.S était une façade dissimulant une organisation criminelle d’envergure internationale. Il ne fait aucun doute, qu’un lien spécial existe entre ces trois organisations néo-templières – l’O.S.T.S, l’O.R.T, et l’O.T.S –mais ce lien, à l’évidence, n’a pas grand-chose à voir avec la spiritualité des templiers des Xlle et XIIIe siècles ».
Ci-dessus : Le diplomate américain, J.R Gorman, est l’auteur du remarquable et bouleversant livre intitulé The Order of things unknow (« L’Ordre inconnu des choses »), qui aurait pu déclencher dans l’opinion publique une véritable tempête. Mais J.R Gorman fut retrouvé pendu sous sa douche quelques mois après la sortie de son livre en librairie, et ce dernier fut brusquement retiré de la vente. La presse, à l’époque, avait conclu à un acte suicidaire. Une enquête policière bâclée avait, elle aussi, abouti à la même conclusion. J.R Gorman était aussi un passionné de livres anciens traitant d’ésotérisme et de sciences occultes. Ce fut d’ailleurs pour ses qualités d’expert et d’érudit en sciences secrètes qu’il fut engagé comme bibliothécaire au château d’Arginy. Il resta plusieurs mois au service d’un individu inquiétant et mystérieux qui se faisait appeler « M ». Cet énigmatique « M » possédait dans son château la plus étrange et la plus fabuleuse des bibliothèques ésotériques qu’on puisse imaginer. Peu de temps après son entrée en fonction auprès de « M », J.R Gorman s’aperçut que le château d’Arginy abritait un formidable secret.
Et c’est là que nous rencontrons l’étrange personnage qui est désigné par la lettre « M ». Plus loin dans le livre on apprend qu’Arginy est le repère de la « Bête sans Nom » que « M » décrit de la façon suivante : « L’entité/force est très intelligente et très subtile, ce qui lui permet d’élaborer des plans extrêmement sophistiqués dont les différentes phases de réalisation peuvent s’étaler sur des dizaines, voire même sur des centaines d’années. Si rien ne semble alarmant en apparence, ou si rien ne paraît se produire en surface, le plan élaboré par la Bête n’en continue pas moins de se dérouler avec une précision diabolique, et vous, pauvres humains, vous n’avez pas la moindre idée de ce qui se passe en réalité. L’entité/force a besoin de beaucoup d’énergie pour survivre et se développer. Soyez sûr qu’elle ne reculera devant rien pour accroître sa puissance et sa domination. L’énergie elle la trouve où elle peut, c’est-à-dire dans les êtres vivants, les animaux, les humains, ou dans des lieux chargés de fluides subtils. Arginy est précisément un de ces lieux. L’entité/force a choisi Arginy comme repère ou comme l’un de ses repères terrestres. Ce choix a été dicté par le fait que cet endroit est littéralement saturé de fluides subtils de nature psychique ».
Il existe dans le monde des lieux étranges qui portent l’empreinte d’événements inexpliqués, et parfois, de circonstances dramatiques. Ce sont des lieux où jadis l’Esprit souffla, dit-on. Mais l’Esprit ayant abandonné depuis longtemps ces endroits réputés sacrés, nous nous demandons avec inquiétude quel genre de « souffle » peut bien aujourd’hui y éteindre les chandelles ? Le château d’Arginy serait-il l’un de ces 1ieux prédestinés, et aurait-il eu une relative importance dans l’économie du sacré de notre territoire ? Nous avons de bonnes raisons d’en douter. En tout cas, il est certain que cette forteresse fut le théâtre de manifestations inquiétantes, horribles même.
Les secrets qui entourent Arginy sont d’une extrême gravité. Ils concernent l’avenir de notre monde. Qui voudrait les aborder sans une solide préparation, à la fois physique et intellectuelle, se verrait aussitôt précipiter avec la plus extrême violence dans quelque gouffre infernal dont il ne pourrait plus s’évader. Les « trésors », qu’ils soient sacrés ou maudits, sont protégés par des forces d’une redoutable puissance.
Parmi toutes les histoires fabuleuses qui courent au sujet du château d’Arginy, il en existe une, très tenace, qui prétend que le trésor des Templiers serait enfoui quelque part dans des souterrains secrets. Comme pour de nombreuses légendes qui circulent en marge de l’histoire officielle, celle-ci repose peut-être sur un fond véridique de faits anciens, déformés, transformés avec le temps, et aujourd’hui méconnaissables. Pour décrypter correctement une légende il faut en posséder la clé. Or, dans le cas d’Arginy, il semblerait que cette clef soit perdue. L’énigme reste donc entière et irrésolue. Seuls quelques « illuminés », le cerveau sans doute « gâté » par de trop longues nuits d’études des divagations occultistes, pourront prétendre apporter des révélations fracassantes sur l’emplacement présumé du fameux trésor des Templiers. Malgré tout, nous sommes bien obligés d’admettre que, trésor Templier ou non, il se passe, et il s’est passé des événements pour le moins étranges, à Arginy.
Le domaine devint la propriété de la famille Chambrun d’Uxeloup de Rosemont. Vers les années 1900, le comte Pierre de Rosemont entreprit des fouilles dans l’espoir de retrouver le fabuleux trésor des Templiers. Après d’épuisants travaux, il parvint à dégager une galerie verticale dans laquelle un de ses ouvriers descendit au bout d’un câble. Là encore, l’implacable fatalité ou plus sûrement le « Gardien du Seuil », fit son œuvre et la descente de l’ouvrier s’acheva par un accident aussi tragique qu’énigmatique. Pour une raison inconnue, l’ouvrier engagea le pied dans une espèce de meule articulée qui se trouvait-là. S’agissait-il d’un piège qui attendait sa victime depuis des siècles ? Bloquée, et incapable de se mouvoir, la machine infernale lui broya affreusement le pied. Toujours à l’époque où le château fut fouillé par le comte Pierre de Rosemont, deux autres accidents auraient également eut lieu à Arginy.
Comme tous ceux qui se produiront sur le domaine, ou dans les souterrains, ces deux accidents restent jusqu’à ce jour totalement inexpliqués. Le premier arriva à un étranger qui se présenta au château en affirmant qu’il pouvait découvrir l’endroit où était dissimulé le trésor des Templiers. Toujours est-il qu’après des recherches qui se révélèrent vite infructueuses, il fut retrouvé trois jours plus tard gisant sur le bord de la route qui mène au château, le crâne fracassé, la langue coupée et les yeux crevés. Qui avait intérêt à tuer un homme qui ignorait l’endroit où était caché le trésor ? Le second accident arriva à un fermier des environs d’Arginy qui avait entreprit des fouilles clandestines sous le château. Une fois de plus, et pour une raison que tout le monde ignore, le fermier fut retrouvé la tête écrasé par la lourde roue de sa charrette chargée de foin.
En 1950, Jacques de Rosemont, le fils de Pierre de Rosemont se lança avec fougue dans la quête du présumé trésor. Pour être sûr d’être plus efficace dans cette recherche, il utilisa un bulldozer pour retourner le sol et le sous-sol d’Arginy. Malgré ce déploiement de puissance mécanique moderne, il semble que Jacques de Rosemont n’ait pas réussi à mettre la main sur la moindre pièce d’or. Toujours en 1950, un mystérieux officier Anglais, se disant représentant d’une société secrète britannique à la recherche de vestiges Templiers, proposa une grosse somme d’argent pour acquérir la totalité du domaine d’Arginy. Malgré l’offre alléchante, le comte Jacques de Rosemont refusa de vendre. Nombreux furent, par la suite, ceux qui cherchèrent à devenir propriétaire du château. Après tant d’événements tragiques, il paraissait évident que le château d’Arginy était protégé par une force redoutable et meurtrière, le « Gardien du Seuil ». Mais la présence hypothétique d’une telle force, apparemment bien décidé à défendre son territoire, ne semblait pas décourager les amateurs d’énigmes et les chercheurs de trésors.
Pour ceux qui avaient quelques connaissances dans les sciences occultes, il ne faisait aucun doute que l’introuvable dépôt Templier était sous la garde d’une entité surnaturelle particulièrement cruelle ou simplement fidèle à sa mission de « gardien ». Cette entité, ou cette force occulte était impitoyable vis-à-vis de ceux qui tentaient de s’approcher un peu trop près du « magot ». Malheur aux curieux, car le cruel « Gardien du Seuil » était sans pitié et faisait son devoir sans aucune hésitation. Il accomplissait avec rigueur la mission qui était la sienne sans aucun état d’âme.
Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, les gouvernements européens tentent de reconstituer leurs maigres forces armées pour faire face à une hypothétique attaque de la Russie. Mais, il faut se demander si, une fois encore, ils ne se trompent pas de guerre et si, une fois de plus, ils ne préparent pas celle d’avant-hier ?
Si, plutôt qu’un ennemi extérieur, il ne faut pas admettre que la menace réelle se trouve à l’intérieur. Le récent conflit israélien ouvre de sérieuses pistes de réflexion pour le stratège : ce pays n’est pas confronté aux États voisins et à leurs armées régulières, mais à des groupes armés installés dans les marges dissidentes qu’il a lui-même créées à sa porte. Une situation d’ores et déjà bien connue en Europe occidentale.
L’auteur :Bernard Wicht est privat-docent à l’Université de Lausanne où il enseigne la stratégie. Il intervient régulièrement dans des institutions militaires dont l’École de Guerre, et des think tanks à l’étranger. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment Vers l’autodéfense (2021), Citoyen-soldat 2.0 (2017, avec A. Baeriswyl) ; Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne (2013) ; Une nouvelle Guerre de Trente Ans : réflexion et hypothèse sur la crise actuelle (2012).
Neuilly-sur-Seine, 28 avril 2025 – Le Prix littéraire des Rencontres Écossaises, créé en 2022 en partenariat avec le site littéraire La Griffe (www.lagriffe. info), dévoile les douze finalistes de son édition 2025. Ce prix distingue un ouvrage publié entre le 1er avril de l’année précédente et le 31 mars de l’année en cours, qu’il s’agisse d’un roman, d’un essai, d’un document ou d’une biographie explorant l’ésotérisme, la spiritualité ou la philosophie. Les œuvres numériques ou auto-éditées ne sont pas éligibles. En 2024, Antoine Sénanque a été récompensé pour son roman Croix de Cendre (Grasset), marquant un jalon pour cette nouvelle édition.
La remise du prix aura lieu le samedi 11 octobre 2025, dans le cadre des 41e Rencontres Écossaises, organisées au Centre de Congrès Jean Monnier à Angers. Cet événement, qui réunira près de 800 congressistes, est un rendez-vous incontournable pour les amateurs de réflexion profonde.
Les finalistes 2025
La sélection des ouvrages, réalisée par l’équipe de La Griffe, a été transmise au jury pour une délibération prévue début septembre 2025. Les douze œuvres en lice sont :
Alice au pays des idées de Roger-Pol Droit (Albin Michel)
Comme l’espérance est violente de Haïm Korsia (Flammarion)
Descartes de Robert Redeker (Cerf)
Forger le faux de Paul Bertrand (Seuil)
J’écris l’Iliade de Pierre Michon (Gallimard)
La Gnose antique d’André Paul (Cerf)
La Splendeur du monde de Laurence Devillairs (Stock)
La vie meilleure d’Etienne Kern (Gallimard)
Le médiocre et le génie de Patrice Guillamaud (Cerf)
Lire entre les lignes de Heinz Wismann (Albin Michel)
Si Einstein avait su d’Alain Aspect (Odile Jacob)
Spinoza code de Mériam Korichi (Grasset)
Ces œuvres, mêlant réflexion philosophique, exploration spirituelle et analyse historique, promettent un débat riche au sein du jury.
Le jury et les Rencontres Écossaises
Le jury, composé de responsables d’associations culturelles françaises et internationales partenaires des Rencontres Écossaises, est présidé cette année par Antoine Sénanque, lauréat 2024. Il compte également Françoise Schwab, primée en 2023 pour son ouvrage sur Vladimir Jonkélévitch (Albin Michel). Leur expertise garantit une évaluation rigoureuse et éclairée.
Les Rencontres Écossaises, qui se tiendront les 11 et 12 octobre 2025 à Angers, sont un événement de deux jours dédié à la spiritualité, l’ésotérisme, la philosophie et les traditions. Pour cette édition 2025, le thème choisi est « le Réel ». Parrainé par l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, l’événement accueillera des intervenants de renom tels que le philosophe Bertrand Vergely et Patrick Peter, ancien directeur de l’Institut d’Astrophysique de Paris.
La Griffe : Une passion littéraire
Partenaire du Prix, La Griffe est un site dédié aux passionnés de littérature ésotérique, spirituelle et philosophique. Sa mission : guider les lecteurs vers des « livres rares » qui éclairent ou font rêver, loin des titres surcotés ou décevants. Avec des centaines de contributions annuelles, les animateurs bénévoles de La Griffe partagent des avis sincères, sans complaisance ni critiques gratuites. Comme ils le revendiquent, ils « sortent leurs griffes » pour dénicher des pépites littéraires.
Vers l’annonce du lauréat
L’annonce du lauréat 2025 sera un temps fort des Rencontres Écossaises, célébrant une littérature qui interroge et inspire. Pour plus d’informations, consultez les sites des Rencontres Écossaises ou de La Griffe. Pour toute demande, contactez Claude Guichard (0681136270) ou Stéphane Demazure (0642476169) à l’adresse contact@rencontres-ecossaises.com. www.lagriffe.info
(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
D’année en année, nous avons presque tout dit, dans ces « colonnes », de la célébration du travail au 1ermai[1], de la commémoration de la Commune au Père Lachaise à l’initiative du Grand Orient de France[2], du symbole du muguet[3], que sais-je encore ? Mais, ce marronnier fera-t-il longtemps sens à l’avenir ? Non seulement la notion de travail se dilue dans nos sociétés mais elle est appelée à se recomposer dans des proportions spectaculaires et encore aujourd’hui indiscernables.
Ancienne usine désafectée
Nous avons commencé à en percevoir des contours flous, à mesure que l’emploi industriel régressait gravement dans nos contrées. En parallèle, s’affaiblissaient les traditions ouvrières et le militantisme syndical, historiquement au cœur de ce jour de fête à la fois chômé et férié. La pandémie de Covid-19 aidant, le télétravail se répandit plus vite et rendit mouvante la définition habituelle des espaces de travail, tandis que la réduction du temps de travail (RTT), en permettant aux salariés de bénéficier de journées de repos supplémentaires, contribuait à éroder un peu plus, cette fois-ci dans le temps, le prix et la conscience du travail dans la vie des hommes.
Les jeunes générations, très asservies à toutes sortes de consommations (licites ou illicites) mais en partie moins attachées que les précédentes à la progression hiérarchique, semblent se démobiliser face à l’idée de carrière, celle-ci se déroulant au demeurant de moins en moins dans un seul métier et au sein d’un même cadre. De plus, face à l’accroissement du nombre de candidats diplômés et expérimentés, les perspectives d’évolution se sont bouchées pour un très grand nombre, sans compter qu’au-delà des lourds prélèvements dont elles sont grevées, les entreprises se sont pour la plupart affranchies des responsabilités sociales qu’elles exerçaient localement et que, tout aussi regardées de travers, les administrations ont de plus en plus souffert d’un taux exorbitant d’absentéisme et d’une aggravation continue de leur inefficacité relative, le tout dans une sorte de passivité générale.
Au-delà des miroirs aux alouettes que constituent des influenceurs passablement incultes et formatés et des « people » extravagants mais prévisibles dans leurs excès – tous modèles non conventionnels qui incitent plus ou moins formellement à ne plus travailler –, ce qui, a contrario, devient attractif, ce sont des activités émergentes, certes dans de nombreux domaines, mais globalement marginales à l’échelle de la population – et d’une population qui, majoritairement, n’est guère encline ni même souvent apte à s’y adapter.
Observons, d’ailleurs, que la plupart des évolutions que nous avons connues ces dernières décennies sont liées à l’expansion des outils informatiques et des réseaux sociaux mais ce n’est rien encore au regard des gigantesques bouleversements qu’est en train d’introduire dans tous nos univers et à une vitesse fulgurante l’intelligence artificielle (IA). Elle se substitue à de nombreuses tâches et remplace des employés de toute qualification et des prestataires de tout niveau dont les fonctions se réduisent comme peau de chagrin ou doivent se réorganiser incessamment. Le long apprentissage des langues étrangères ou des mathématiques, par exemple, sera-t-il « rentable » à un terme proche ? Que voudra dire « apprendre », alors que les connaissances classiques qui se sont déjà effondrées chez nos contemporains sont au mieux remplacées par des savoirs techniques fragmentaires, dès l’origine obsolescents ?
Travail maçonnique
Pour en venir enfin, dans nos loges, à notre acclamation : « Gloire au travail ! », n’en appellera-t-elle plus qu’à une vigilance accrue et à une action radicale sur soi ? Nos planches bientôt rédigées par des agents conversationnels utilisant des modèles de langage producteurs de textes ne reflèteront plus notre engagement intime envers des sujets précis[4]. Mais le faisait-on déjà pertinemment, quand, après s’être « inspiré » de grands auteurs de la spécialité, on « aspirait » tout également des pans entiers des encyclopédies en ligne ? Si l’on n’a plus d’autre issue que de rester honnête, on n’aura peut-être plus guère d’autre ressource, sauf à sombrer dans l’imposture généralisée, que d’en revenir au témoignage personnel direct, essentiellement oral, comme à l’origine des travaux anciens. Le passage des degrés prendra une autre allure, tout comme les séances d’instruction. On pourra solliciter l’IA pour élaborer une documentation collective répondant à des angles et à des axes de recherche précis, socle commun ouvrant d’autres pistes[5].
Alors, comme francs-maçons, ou nous auronS gagné ou nous auronS disparu : si notre Voie subsiste, « Gloire au travail ! » résumera plus que jamais une injonction décisive, constamment renouvelée à la mesure des défis que nous devrons affronter : « Travaille sur toi-même ! »
[1] V., par exemple, mon édito du 1er mai 2022. Pour y accéder, cliquer ici.
[2] Comme, par exemple, en 2023. Pour accéder à l’article en cause, cliquer ici. Pour l’hommage rendu, chaque 1er mai, par la Grande Loge Féminine de France (GLFF) à Louise Michel, cliquer ici.
[3] V., à ce sujet, l’article de Yonnel Ghernaouti, le 1er mai 2022. Pour y accéder, cliquer ici.
[4] J’avais déjà abordé ce point dans mon édito du 15 mai 2024. Pour y accéder, cliquer ici.
L’éditeur présente ainsi, en 4e de couverture, l’argument de cet essai pour la rédaction duquel l’auteur a eu lui-même recours à ChatGPT :
« Si l’arrivée de l’Internet, à la fin du siècle dernier, n’a pas changé la face des Loges, la déferlante de l’IA risque de provoquer un tsunami au cours des 10 prochaines années. Nous avons demandé à ChatGPT de nous décrire le futur, les risques, les moyens à mettre en œuvre. Fort de ses prévisions et de l’anticipation de sa croissance, nous pouvons prévoir d’ores et déjà une mutation anthropologique qui impactera l’Art Royal et toutes ses structures. La seule question à poser est : Comment accompagner cette mutation ? C’est justement le thème de cet ouvrage. »