mer 24 décembre 2025 - 18:12
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Da Vinci Napoléon

Les histoires à travers le prisme de Napoléon nous transportent dans des fictions fantasmatiques sous couvert de romans policiers historiques. L’intrigue mêle, ici des événements et personnages réels et des personnages fictifs. Des uchronies remontant au Premier Empire aboutissant à des enquêtes policières du XXIe siècle. Quel est ce secret familial transmis depuis si longtemps qui attire encore de nos jours des hiérarques des services secrets de Russie. Que cache donc la cassette de l’empereur recherchée par tant de politiques depuis 212 ans ? Richesse nationale ? Secrets d’état réactualisés en 2025 aux conflits économiques récents ? Le suspense sera-t-il à la hauteur d’un nouveau Da Vinci Code ?

L’AUTEUR Bernard Denis-Laroque, polytechnicien, spécialiste de l’audio-visuel a construit son thriller historique comme un scénario de film. Il a consacré une partie de sa carrière au ministère des Affaires étrangères, en charge des échanges culturels de la France. Il est l’auteur de plusieurs romans, d’un recueil de fables et d’un recueil de nouvelles. Après SHAVAS ouvrage lié à l’Alchimie et aux mystères des glyphes de Nazca, Son précédent ouvrage : LA CONJURATION DE SYRACUSE a traité des complots autour du combustible du futur lié aux éruptions électromagnétiques décelées sur la lune. Imagination et sciences sont-elles les sources permanentes et innovantes de son écriture ?

La Logia Masónica de Mazatlán célèbre 104 ans d’engagement philanthropique et moral

De notre confrère mexicain debate.com.mx

La Logia Simbólica Mazatlán 37, une institution maçonnique emblématique de Mazatlán, dans l’État de Sinaloa au Mexique, a célébré son 104e anniversaire lors d’une conférence de presse organisée dans un restaurant reconnu de la ville. Cet événement, relayé par El Debate, marque plus d’un siècle de contribution à la formation d’hommes libres, de bonnes mœurs et dédiés à la philanthropie, selon les valeurs fondamentales de la Franc-maçonnerie.

Un héritage centenaire au service de la société

Fondée le 5 mai 1921, la Logia Simbólica Mazatlán 37 est l’une des plus anciennes loges maçonniques de Sinaloa, avec une histoire qui remonte à la fin de la Révolution mexicaine. Lors de sa célébration du centenaire en 2021, rapportée par El Debate, le chef de la loge, Alfonso Aguilar Calderón, avait souligné l’objectif de l’organisation : être un exemple moral pour les familles et la société. Quatre ans plus tard, cet engagement reste au cœur de la mission de la loge, qui continue de promouvoir des valeurs de solidarité et de perfectionnement personnel à travers le savoir.

Avec seulement 27 membres actifs, la loge est une communauté restreinte mais influente, qui se définit comme une école de philosophie et de morale. Elle s’appuie sur les enseignements maçonniques pour encourager ses membres à devenir de meilleurs citoyens, maris et pères, tout en s’engageant dans des actions philanthropiques, notamment en faveur des enfants et des familles vulnérables de Mazatlán. Comme l’avait rappelé Aguilar Calderón en 2021, la loge cherche à « se rapprocher de la perfection » grâce à la connaissance, une aspiration qui guide ses initiatives depuis plus d’un siècle.

Une célébration empreinte d’histoire et de mémoire

La célébration des 104 ans s’inscrit dans la continuité des traditions établies lors des anniversaires précédents. En 2021, pour son centenaire, la loge avait organisé une série d’événements, incluant une offrende florale déposée sur la tombe de son fondateur, Manuel Bonilla, au Panteón numéro 2 Ángela Peralta, ainsi qu’une exposition photographique et digitale à la Casa Haas, dans le centre historique de Mazatlán. Ces activités, suivies d’une réunion virtuelle, avaient permis de rendre hommage à Bonilla, une figure majeure de l’histoire maçonnique mexicaine, connu pour avoir été un proche collaborateur du président Francisco I. Madero.

Bien que les détails précis de la célébration de 2025 n’aient pas été entièrement divulgués, la conférence de presse tenue dans un restaurant reconnu de Mazatlán, comme mentionné par un post sur X de

@mazinterac, suggère une volonté de maintenir une visibilité publique et de renforcer les liens avec la communauté locale. Cette démarche fait écho à l’évolution de la franc-maçonnerie au Mexique, qui, après avoir été une organisation secrète jusqu’à l’Indépendance de 1821, est devenue plus discrète mais toujours active dans la société, comme le souligne Noroeste.

Un engagement philanthropique constant

La philanthropie est au cœur des activités de la Logia Simbólica Mazatlán 37. Depuis ses débuts, elle s’est engagée à soutenir les plus démunis, en particulier les enfants. En 2019, lors de la célébration de ses 98 ans, El Sol de Mazatlán rapportait que la loge collaborait avec le Shriners Hospital aux États-Unis, permettant à des enfants de familles à faibles revenus d’accéder à des soins médicaux gratuits. Cette initiative illustre l’engagement de la loge envers les plus vulnérables, une mission qui reste d’actualité en 2025.

De plus, la loge participe à des campagnes locales pour apporter joie et soutien aux communautés marginalisées. En 2019, selon Noroeste, elle s’était jointe à l’initiative « Se Busca Rey Mago » du Grupo Editorial Noroeste, en faisant don de jouets (muñecas, pelotas, figurines, jeux de société) pour les enfants des quartiers défavorisés de Mazatlán à l’occasion de l’Épiphanie. Ces actions témoignent de la volonté de la loge de concrétiser ses idéaux de fraternité et de solidarité dans des gestes tangibles.

Une institution sélective aux valeurs intemporelles

La Logia Simbólica Mazatlán 37 se distingue par son caractère élitiste et sélectif, une tradition maçonnique qui perdure. Comme l’expliquait Aguilar Calderón en 2021, pour rejoindre la loge, un candidat doit répondre à des critères stricts : être majeur de 18 ans, faire preuve de bonnes mœurs, croire en un Grand Architecte de l’Univers, être financièrement indépendant, et remplir ses devoirs envers son pays. Ces exigences reflètent l’idéal maçonnique de former des hommes responsables et moralement irréprochables, capables de contribuer à la société sans jamais compromettre leurs valeurs familiales ou patriotiques.

Cependant, cette sélectivité n’est pas exempte de critiques. Lors de la célébration du centenaire, Mazatlán Interactivo notait une absence notable de femmes dans les instances dirigeantes de la loge, soulevant des questions sur l’inclusion de genre au sein de la franc-maçonnerie traditionnelle. Bien que des loges féminines, comme la Logia Mujeres Libres de México, aient été créées à Sinaloa en 2019 sous l’égide de María Teresa Lizárraga Ochoa, la Logia Mazatlán 37 reste une organisation exclusivement masculine, un choix qui peut sembler anachronique face aux revendications contemporaines d’égalité.

Un regard critique sur l’impact et la perception publique

Malgré ses contributions philanthropiques, la loge n’échappe pas à certaines critiques. En 2021, Mazatlán Interactivo observait une certaine distance émotionnelle lors des célébrations du centenaire : les membres, bien que disciplinés et élégants, semblaient manquer de chaleur ou d’empathie envers les non-maçons, qualifiés de « profanes ». Cette perception d’élitisme, voire d’austérité, pourrait limiter l’impact de la loge sur la société au sens large, malgré ses actions altruistes. De plus, l’absence de transparence sur certaines activités alimente parfois les malentendus autour de la franc-maçonnerie, souvent entourée d’un halo de mystère dans l’imaginaire collectif.

Néanmoins, la Logia Simbólica Mazatlán 37 continue de jouer un rôle important dans la communauté de Sinaloa. Sa longévité témoigne de sa capacité à s’adapter tout en restant fidèle à ses principes fondateurs. Comme le soulignait Ismael Gutiérrez Loera, dirigeant des logias mexicaines, en 2021, Mazatlán a contribué de manière significative à la franc-maçonnerie dans la juridiction de Sinaloa, un héritage que la loge perpétue avec constance et loyauté.

Une célébration dans un contexte culturel riche

La date du 5 mai 2025 coïncide avec d’autres événements maçonniques d’importance en France, comme la visite historique d’Emmanuel Macron à la Grande Loge de France (GLDF) à Paris, où il a prononcé un discours sur la laïcité. Bien que les contextes soient différents, ces deux événements soulignent l’actualité et la pertinence des valeurs maçonniques dans le monde contemporain, qu’il s’agisse de laïcité en France ou de philanthropie au Mexique. De plus, à Deauville, le Cercle Condorcet-Voltaire-d’Holbach de Normandie organise un dîner-débat le 21 mai 2025 avec Jean-Charles Stasi, illustrant la richesse des initiatives culturelles et philosophiques en ce mois de mai.

En célébrant ses 104 ans, la Logia Simbólica Mazatlán 37 réaffirme son engagement à former des hommes libres et de bonnes mœurs, tout en contribuant au bien-être des communautés vulnérables de Mazatlán. Malgré les critiques sur son élitisme et son manque d’inclusion, la loge demeure un pilier de la franc-maçonnerie à Sinaloa, portée par un héritage de philanthropie et de réflexion morale. Cette célébration, sobre mais significative, rappelle que la franc-maçonnerie, loin d’être une relique du passé, continue d’inspirer des valeurs universelles dans un monde en quête de sens et de solidarité.

10/05/25 à Gémenos : les Francs-maçons s’ouvrent au dialogue lors d’une journée exceptionnelle

De notre confrère destimed.fr

Samedi 10 mai 2025, la commune de Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône, accueillera un événement inédit organisé par la GLTSO : une journée portes ouvertes intitulée « Les Francs-Maçons s’ouvrent au dialogue ». Prévue de 10h à 17h à la Maison de l’Ordre, située au 380, avenue du Garlaban, 13420 Gémenos, cette manifestation vise à faire découvrir au grand public la richesse de la parole maçonnique et à démystifier une institution souvent perçue comme secrète.

Comme le souligne Destimed, cet événement s’adresse aux citoyens curieux, maçons ou non, désireux d’explorer les fondements historiques et spirituels de la franc-maçonnerie.

Un programme riche pour éclairer les valeurs maçonniques

La journée débutera à 10h par une cérémonie au 1er degré, dirigée par le Vénérable Maître de la loge Les Chemins de la Sagesse. Cette cérémonie, bien que symbolique et adaptée pour un public profane, offrira un aperçu des rituels maçonniques, souvent méconnus, qui s’appuient sur des symboles comme l’équerre, le compas ou la lumière, représentant la quête de perfection morale et intellectuelle.

À la suite de cette cérémonie, une conférence intitulée « Les Francs-Maçons, histoire et spiritualité » sera animée par Loïc Montanella, un spécialiste de la franc-maçonnerie. Cette intervention se concentrera sur le Rite Écossais Rectifié, un rite initiatique introduit au XVIIIe siècle sous l’influence de Jean-Baptiste Willermoz, un franc-maçon lyonnais qui s’inspira des idéaux chevaleresques et des enseignements de Louis Claude de Saint-Martin, surnommé le « Philosophe inconnu ». Ce dernier, figure majeure de l’illuminisme, a marqué des écrivains comme Balzac, Chateaubriand, Lamartine et Sainte-Beuve par sa pensée mystique et universaliste. Les participants pourront ainsi plonger dans les origines de ce rite, qui mêle spiritualité chrétienne et quête de vérité intérieure, tout en explorant son rôle dans l’histoire maçonnique.

Jean-Claude Sitbon, auteur de Hiram – Exégèses bibliques et maçonniques du mythe fondateur de la Franc-Maçonnerie, apportera un éclairage complémentaire sur les aspects symboliques et historiques du Rite Écossais Rectifié. Son intervention mettra en lumière le mythe de Hiram, architecte légendaire du Temple de Salomon, figure centrale de la mythologie maçonnique symbolisant la mort et la renaissance spirituelle. Cette conférence permettra d’aborder les racines bibliques et ésotériques de la franc-maçonnerie, souvent mal comprises par le public.

Un dialogue entre tradition et modernité

L’événement ne se limitera pas à des exposés théoriques. Des artisans d’art, spécialisés dans des métiers traditionnels comme la création de vitraux, seront présents pour illustrer le lien entre la franc-maçonnerie et les savoir-faire ancestraux. Ce clin d’œil aux origines des maçons opératifs, ces bâtisseurs de cathédrales du Moyen Âge dont les francs-maçons modernes se revendiquent les héritiers spirituels, rappellera la dimension concrète et historique de cette tradition.

Les invités, qu’ils soient maçons ou non, refléteront la diversité des expressions intellectuelles, conformément à l’esprit de la GLTSO, une obédience maçonnique qui se définit comme traditionaliste et spiritualiste, selon son site officiel. Ouverte à tous, cette journée vise à établir un véritable dialogue entre les francs-maçons et la société, dans un contexte où les préjugés sur la franc-maçonnerie persistent. Comme le soulignait Victor Hugo, cité par Destimed, « la Franc-Maçonnerie est une école de liberté et de fraternité, un rempart de la République contre l’obscurantisme ». Cet événement ambitionne d’incarner cette vision, en montrant comment la franc-maçonnerie peut contribuer aux enjeux contemporains, tels que la défense de la laïcité et la promotion de la fraternité.

Un mois de mai marqué par l’actualité maçonnique

Cette initiative à Gémenos s’inscrit dans une série d’événements maçonniques en mai 2025, témoignant d’un regain d’intérêt pour cette institution séculaire.

Ces initiatives, bien que différentes dans leurs contextes, partagent un objectif commun : briser les barrières entre la franc-maçonnerie et le public, souvent marquées par des malentendus. À Gémenos, l’accent mis sur le dialogue et la diversité des intervenants reflète cette volonté de transparence, tout en valorisant l’héritage spirituel et philosophique de l’obédience.

Une invitation à la découverte et à la réflexion

La journée du 10 mai à Gémenos promet d’être une occasion unique de découvrir la franc-maçonnerie sous un jour nouveau, loin des clichés d’élitisme ou de secret. En mêlant cérémonies, conférences et échanges avec des artisans, l’événement offrira un panorama complet de cette tradition tricentenaire, tout en soulignant son actualité dans un monde en quête de sens et de fraternité. Que vous soyez curieux de l’histoire, attiré par la spiritualité ou simplement désireux de mieux comprendre cette institution, cette journée portes ouvertes est une invitation à explorer les « chemins de la sagesse » dans un cadre convivial et ouvert à tous.

Informations pratiques :

  • Date et horaire : Samedi 10 mai 2025, de 10h à 17h
  • Lieu : Maison de l’Ordre, 380, avenue du Garlaban, 13420 Gémenos
  • Entrée : Gratuite et ouverte à tous

Ne manquez pas cette opportunité de dialoguer avec les francs-maçons et de découvrir une tradition.

Gnose et Franc-maçonnerie

La gnose désigne une littérature à contenu à la fois métaphysique et initiatique d’une grande diversité qui a connu son apogée entre le 2ème et le 3ème siècle où elle s’éteint parce qu’elle est

vigoureusement combattue comme hérésie par l’Eglise catholique.

Le terme de gnose recouvre deux significations sensiblement différentes; il désigne d’abord toutes les recherches et spéculations sur les enseignements ésotériques véhiculées par les religions judaïque, chrétienne mais aussi par la philosophie grecque, principalement le platonisme. Les écrits gnostiques le plus souvent rédigés en langue grecque sont fortement imprégnés par Phellénisme.

L’idée de ce type de connaissance est apparue très probablement dans le judaïsme, à l’époque et dans le milieu même où est né le christianisme et elle est restée vivante à la fois au sein du christianisme orthodoxe ou hérétique et dans les mouvements religieux apparentés au judéo- christianisme. Mais dans le sillage de cette gnose religieuse à caractère initiatique ont proliféré de nombreuses sectes et écoles qui ont élaboré des théogonies et des cosmogonies radicalement dualistes séparant le monde divin et le monde matériel et opposant le Dieu de l’esprit à une divinité du mal maîtresse du monde terrestre. Cette métaphysique dualiste qui s’oppose totalement à la conception judaïque et chrétienne du divin est désignée par le terme général de « gnosticisme » qui serait le versant subversif et antireligieux de la gnose.

C’est la raison pour laquelle elle a été combattue par les pères de l’Eglise. Seuls ceux qui sont capables d’accéder à la connaissance de cette gnose dualiste sont assurés de trouver la voie du salut. Nous marquerons fortement les différences entre ces deux traditions gnostiques, d’autant que si notre Maçonnerie hérite de l’esprit et de la méthode de la gnose religieuse, elle est très éloignée ou radicalement étrangère à notre pensée.

Avant d’aller plus loin dans l’approfondissement des thèses gnostiques, je voudrais souligner que la gnose est une idéologie de synthèse née au confluent de la philosophie platonicienne, de l’ésotérisme judaïque, du christianisme évangélique et apocalyptique, dans une cité méditerranéenne illustre : Alexandrie. Elle fut au cours du second et du troisième siècle de l’Empire romain un véritable carrefour des religions et des cultures d’Orient et d’Occident, agité par un grand nombre de mouvements prophétiques et apocalyptiques liés à l’émergence du christianisme qui a exercé sur elle une très forte influence, même si les sectes dualistes ont rompu avec lui.

Mais si Alexandrie est un lieu d’élection de la gnose, elle est sans doute née ailleurs, sur les mêmes terres que le judaïsme et le christianisme naissant : la Palestine, Syrie, Samarie, Anatolie. C’est là dans ce creuset de tous les messianismes, sur ces terres enfiévrées par la quête de Dieu, qu’apparaissent les premiers penseurs de la gnose.

Partie d’un syncrétisme entre les religions du Livre et la pensée grecque, la gnose s’est transformée en une métaphysique singulière et opposée aux dogmes religieux.

Les genres de la littérature gnostique sont très variés. Il y a tout d’abord un certain nombre d’évangiles apocryphes où le Christ est censé révéler à un personnage privilégié (apôtre, disciple ou sainte femme) un enseignement secret. C’est le cas de l’Evangile de Thomas, de Marie des « livres de secrets » attribués à Jean et à Jacques, l’Evangile de Vérité sans doute composé pas Valentin, un des maîtres de la pensée gnostique. Mais on cite bien d’autres textes comme « le livre du grand traité initiatique » et aussi plusieurs Apocalypses attribuées à Paul et à Jacques.

De récentes découvertes faites récemment en Egypte ont mis à jour plusieurs traités dogmatiques qui ont permis de préciser et même de renouveler la connaissance des gnostiques. Dans le cadre de ce travail, il m’est impossible de présenter séparément les doctrines des maîtres de la gnose comme Simon le mage, Basilide ou Valentin.

Je me bornerai à exposer les thèmes et les thèses majeurs des gnostiques et de les comparer aux conceptions initiatiques qui sont les nôtres

Caractéristiques communes de la gnose religieuse

En apparence la gnose pose les mêmes questions existentielles que la philosophie:

« D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que devons-nous faire ? »

En réalité les questions qu’elle soulève implique une interrogation sur les plus grands mystères de la destinée humaine et de la création, ceux auxquels les religions s’efforcent de donner une réponse.

 »Qui étions-nous ? Que sommes- nous devenus ? Où avons-nous été jetés ? Par quelles voies pouvons-nous nous délivrer et assurer notre salut ? » A ces questions tous les gnostiques tentent de répondre par une représentation initiatique du monde, de l’homme et de sa destinée, y compris des chrétiens orthodoxes comme Clément d’Alexandrie et Origène qui tentent justement d’éclairer le message initiatique du Christ.

Leur souci est d’éclairer à la fois l’origine divine de l’âme humaine, la nature du monde matériel dans lequel elle a été condamnée à vivre, celle du corps qui sert de médiateur entre l’âme et le monde. La gnose est une connaissance de la destinée de l’âme, révélée seulement à quelques initiés capables de la recevoir et qui leur permet de connaître les secrets du monde céleste, la topographie et l’histoire de l’univers divin.

Elle prétend puiser cette connaissance dans des traditions secrètes confiées par le Christ à Paul et aux Apôtres dont les gnostiques sont les héritiers. Ces traditions enseignent comment interpréter rituellement les textes de l’Ancien Testament ou les paroles du Christ et ses paraboles. La gnose dans son ensemble apparaît comme une méthode d’exégèse qui découvre des secrets initiatiques dans les textes sacrés, tout spécialement dans le récit de la Création.

L’origine de la méthode serait à rechercher dans les spéculations judaïques et judéo-chrétiennes sur le sens ésotérique de la Bible et la configuration du monde invisible.

Il est évident que l’approche maçonnique des Ecritures doit énormément à cette herméneutique ésotérique et symbolique de la Bible que nous appelons Volume de la Loi sacrée en raison des révélations initiatiques dont il est porteur.

Si on examine les idées directrices de cette gnose religieuse, on peut considérer qu’elle est un commentaire de l’idée biblique de la Chute mais dans une vision profondément transformée puisqu’il ne s’agit plus de la transgression d’Adam et d’Eve et de la malédiction divine qui en a été la conséquence, mais de la chute de l’âme humaine dans le monde naturel du fait de l’incarnation d’Adam.

C’est un axe central et général de la gnose parce qu’il est le vecteur des spéculations sur la nature et l’origine de l’âme et l’incompréhensible incarnation dans un corps animal et un monde matériel qui, au regard de la gnose, lui sont radicalement étranger. On retrouve là le thème platonicien de la patrie céleste, de l’homme en exil dans le monde de l’imperfection.

De l’idée de la chute et de l’incompatibilité radicale de l’âme spirituelle et de la vie naturelle, résulte la recherche d’une délivrance de l’âme par la purification intérieure et de l’ascèse, et surtout l’idée de la mort comme retour dans la substance et la lumière divine, qui occupe également une place essentielle dans la théologie chrétienne.

Certes la Maçonnerie ne partage pas la métaphysique de la chute et ne considère pas comme une malédiction l’incarnation de l’homme dans l’ordre naturel, mais elle reste proche de la pensée gnostique par une certaine défiance à l’égard d’une nature biologique, source de passions qui aliènent l’homme au monde sensible et le détourne de sa vocation spirituelle.

 Que signifieraient les constantes mises en garde à l’égard des pulsions et impulsions de l’ego si nous ne considérions pas qu’il existe des dispositions immorales ou perverses inscrite dans une nature si dépendante de la matière. La valorisation de la maîtrise de soi et de l’ascèse intérieure comme résistance à la nature en constitue une preuve supplémentaire.

L’opposition centrale de notre Rite entre la Lumière et les Ténèbres de l’âme me paraît tout à fait accordé à la vision gnostique.

L’idée que l’âme est une émanation du divin, donc d’essence spirituelle est commune à la fois aux théories initiatiques de Pythagore et Platon comme à la pensée judaïque et chrétienne.

Mais la chute de l’âme spirituelle dans un corps matériel qui l`enferme et l’asservit par l’entremise du corps est pour toutes les gnoses une contradiction incompréhensible, un mystère sinon un scandale. Selon elles l’explication ne peut se trouver que dans le jeu de forces sataniques. Elles ne cessent d’opposer le monde divin non matériel d’où émanent un certain nombre d’entités dotées de pouvoirs et de vertus spirituels et la naissance d’un univers matériel qui leur serait radicalement étranger en raison de ses imperfections et de ses limites. C’est la contradiction du fini et de l’infini, de l’immanence et de la transcendance, de la source du mal et de celle du Bien absolu. On trouve déjà chez Platon l’idée d’origine initiatique que la matière ne peut être qu’une dégradation de l’ordre céleste gouvernée par une pensée divine où réside le Bien absolu et l’idée de Perfection.

L’idée que le monde matériel est inférieur au monde divin, qu’il est pour l’homme un lieu d’exil, voire une prison est un corollaire de la notion de chute. Mais si la divinité du Logos et de l’Esprit est la seule créatrice de la matière, il devient logique de 1’attribuer à une dégradation de l’ordre divin, autre thème propre à la gnose religieuse.

La naissance d’une forme inférieure de la Création ne peut être attribuée qu’à une perte de pouvoir de la divinité, trahie par la liberté et la perversion de ses propres créatures.

Les raisons de cette défaillance divine dans les récits gnostiques sont aussi obscures que sophistiquées. Ils évoquent des émanations de la puissance suprême dénommées éons ou archontes, possédant la connaissance et dotés d’un pouvoir de création, qui à l’insu de Dieu, auraient généré un Démiurge initiateur du monde matériel.

Le Démiurge, terme d’origine grecque signifiant « architecte », est Lui être qui ne cherche qu’à manifester sa puissance à travers sa création et ne crée un univers séparé du Dieu spirituel que pour étendre sur lui sa complète domination.

La gnose met l’accent sur son action hostile, désagrégatrice à l’égard de la Création du Dieu de Lumière. De là découle l’idée que le but de l’âme éclairée par la conscience de sa vraie nature, le sentiment de son inadéquation au monde matériel, et surtout par la connaissance initiatique est de chercher sa délivrance en remontant vers les sources divines de son être. Il faut se préparer dès cette vie au « voyage céleste » par l’ascèse, la purification exigeant une certaine mise à distance du monde sensible.

Il y a dans cette vision de la vocation de l’âme à se libérer des servitudes de la vie matérielle, à s’élever spirituellement par la maîtrise des passions et un détachement à l’égard des biens désirables, une démarche assez proche de la conception maçonnique de l’initiation bien que nous n’ayons pas un regard aussi négatif et dévalorisant du monde naturel qui est aussi pour nous celui du plein accomplissement de l’humain par Faction et le travail.

Notre recherche du perfectionnement n’est pas seulement, comme chez les gnostiques une préparation à la mort, mais une volonté de maîtriser la vie en la soumettant au devoir.

Il est également évident que la conception maçonnique du Grand Architecte n’a rien de commun avec la théorie gnostique du Démiurge travaillant à la dégradation de l’œuvre de Dieu. Dans la Maçonnerie écossaise il n’y a que deux symbolisations du mal moral : les Ténèbres et les trois mauvais Compagnons assassins d’Hiram qui représentent le mal présent dans l’homme.

Pour nous le Grand Architecte, principe créateur de la Lumière spirituelle comme du monde matériel, symbole du Verbe et de l’Esprit ne peut être qu’un Etre transcendant incarnant l’amour de la Perfection, de l’Harmonie et du Bien moral.

Une gnose « extrémiste » : le gnosticisme

La raison d’être de la gnose est peut-être d’apporter une réponse satisfaisante pour la raison au problème du mal. Elle est sans doute née de l’incohérence profonde entre la divinité de l’Esprit toute puissante et moralement parfaite, et la réalité du mal.

L’attribuer au monde matériel, à sa pesanteur, à toutes les servitudes et aux souffrances qu’il impose à l’homme, en rendre responsable un Démiurge perverti et séparé de Dieu constituait un commencement d’éclairage de ce mystère. Mais la finalité de la gnose n’est pas seulement d’expliquer la misère de l’homme dans un monde que la religion représente comme la création d’un Dieu de perfection. Son souci majeur sera d’innocenter totalement ce Dieu des maux inscrits dans le désordre du monde et générés par l’homme. C’est en poussant cette logique que des gnostiques vont inventer le dualisme absolu inspiré de ce grand prédicateur gnostique que fut Mani ou Manès, dont la doctrine se nomma manichéisme. Elle s’inspire du dualisme de Zoroastre qui, sept siècles avant Jésus, opposa deux divinités co-éternelles : le Dieu de Lumière Ormuzd ou Mazda et le dieu des Ténèbres Hariman.

Il ne vous échappera pas que ce conflit Lumière-Ténèbres occupe une place centrale dans notre Rite, sans doute parce qu’il figure dans le Prologue de l’Evangile de Jean.

C’est donc Mani héritier du dualisme iranien, et par ailleurs adepte du christianisme bien que celui-ci le tienne pour hérétique, qui va inspirer aux gnostiques radicaux l’idée que le monde a été créé par la divinité des Ténèbres. Il est vrai que la thèse d’une émanation de Dieu qui se pervertit au point de créer un monde où triomphe le mal était une explication compliquée, obscure, peu convaincante, qui laissait planer un doute sur l’innocence du Créateur.

Avec la théologie du mal métaphysique, on avait une théorie carrée, radicale qui avait le mérite d’innocenter totalement le Dieu spirituel de la création du monde. Mais les gnostiques radicaux ne se contenteront pas de reprendre à leur compte la version de Mani qui inclut un dieu du mal dans sa cosmogonie. Ils vont prétendre qu’ils ont identifié le véritable dieu mauvais dans le texte même de la Genèse et selon eux ce dieu ne peut être que Yaveh, si souvent présenté comme un Dieu guerrier qui se dit jaloux, implacable dans ses châtiments et peut se montrer injuste comme au moment de la destruction de Sodome malgré le plaidoyer d’Abraham en faveur des justes qui pourraient s’y trouver.

Cette fois le gnosticisme devient une véritable déclaration de guerre contre le judaïsme et le christianisme, d’où les condamnations réitérées des Pères de l’Eglise à son égard. Ils pensent avoir élaboré une théologie cohérente du mal qui rend compte de l’absence du Dieu de l’Esprit dans l’Empire des Ténèbres qui selon eux, domine souverainement le monde terrestre. Les imperfections de la nature et les perversions de l’homme deviennent les produits d’une divinité maléfique, ce qui présente l’avantage d’innocenter le Dieu de Lumière de la totalité du mal.

Le mal c’est 1’existence de la matière elle-même en tant que parodie de la Création, subversion du dessein de Dieu. Elle est responsable du sommeil de l’âme qui nous porte à confondre le réel avec l’univers des songes. D’où le caractère fondamentalement vicié de toutes les entreprises et institutions humaines: histoire, pouvoirs Etats, religions, tous ces systèmes inventés par l’homme sont entachés de cette tare première et portent l’empreinte d’une nature pervertie par l’empire du mal.

Les termes par lesquels ces gnostiques stigmatisent le monde d’ici-bas se résument à quelques termes de mépris qui reviennent à tout instant: prison hermétiquement close, cloaque, bourbier, désert ». De même le corps humain est un « tombeau », un « vêtement grossier » une « Chaîne », un « intrus », un « vampire ». C’est que l’homme est comme l’univers, une création manquée. La première conséquence d’un anathème si absolu sur le monde et par conséquent sur notre condition et notre existence d’êtres incarnés, c’est d’éviter le plus possible la participation à la vie naturelle, perçue comme une sorte de collaboration à l’œuvre du principe maléfique. « Le gnostique est au monde mais il n’est pas de ce monde »

Ils admettent que le simple fait de vivre, de se nourrir et surtout de procréer implique un accroissement du mal. Toutefois les gnostiques ne prônent pas pour autant le suicide. Ils avent seulement qu’ils sont étrangers à vie dans un corps, prison de l’âme. Mais ils s’astreignent en général à une ascèse rigoureuse qu’aggrave leur volonté de séparation du monde détesté.

Delta lumineux
Delta lumineux

Certains comme Basilide prônaient un silence méthodique, mais la plupart s’enferment dans une vie spirituelle vouée à la recherche de la connaissance initiatique, préparation à la vie dans l’hyper monde et condition absolue du salut. Cet idée de l’initiation comme libératrice de l’esprit et transformatrice de notre être se retrouve en Maçonnerie où le premier devoir est de rechercher la Parole perdue et le décryptage des mystères, même si nous ne partageons pas l’anathème gnostique sur le monde

Le gnostique radical sait qu’ il existe dans l’homme quelque chose qui échappe à la malédiction du monde comme un feu, une étincelle léguée à chaque homme par le Dieu qui règne bien au delà du bruit et de la fureur de la vie terrestre, dans le Ciel inaccessible de la Plénitude et de la Perfection.

Ce feu de l’esprit l’aide à vaincre la pesanteur aliénante de la matière, de son corps et même sa psyché alourdie des mêmes servitudes que le corps.

Se considérant victime d’une tragédie cosmique dont il n’est pas responsable, le gnostique dualiste se juge à la fois déresponsabilisé du mal du monde mais aussi du mal qu’il porte en lui puisqu’ il est le fruit de son incarnation dans un corps de chair par la divinité du mal, soumis à tous les désirs inhérents à sa nature physique comme aux lois implacables du monde matériel.

Il regarde le Ciel comme le signe d’une présence divine et le lieu où s’accomplit l’unique espérance, où l’âme retrouve à la fois sa fin et son bonheur originel. Ce rayonnement céleste qu’ il nomme le Plérôme, il l’imagine comme une succession de cercles concentriques de plus en plus lumineux au fur et à mesure qu’on s’éloigne de notre planète, tels que Dante les décrira bien plus tard dans le poème mystique de la « Divine Comédie ». Le dernier cercle est la source suprême de l’Univers secret de l’Harmonie et de la Paix, l’origine de l’âme et de toute vie spirituelle.

Les gnostiques dualistes ressentent donc la condition humaine issue de la chute comme une immense injustice. D’où un sentiment de révolte qui va générer d’une part des critiques radicales de l’ordre établi, des revendications égalitaires d’une étonnante modernité, mais aussi un certain amoralisme qui s’explique par le rejet de toutes lois et institutions émanant de la société ainsi que par leur croyance en l’irresponsabilité de l’homme en vertu de leur théologie particulière.

Contestataires fanatiques du désordre établi par une divinité de la puissance favorable aux puissants, potentats, monarques, personnages fortunés régnant sur la matière, ils vont invoqué le Dieu d’amour et de justice qui a institué l’égale dignité de tous les êtres humains.

Sur ce point, le gnosticisme ne semble pas très éloigné du christianisme évangélique qui osa proclamer l’égale dignité devant Dieu du patricien et de l’esclave.

A partir de ce principe, les maîtres de la pensée gnosticisme, Simon le Mage, Basilide, Valentin s’insurgent contre les inégalités et les lois qui les instituent. C’est ainsi qu’un de leurs prédicateurs les plus réputés, Carpocrate prêche contre le droit de propriété qui installe la division au sein de la société dans des termes assez proches de ceux de Rousseau sur les origines de l’inégalité. Et il développe une sorte d’utopie anarchiste qui nie l’autorité des pouvoirs politiques et des églises et propose une mise en commun de tous les biens.

Le côté très subversif au point de vue social, parfois provocateur à l’encontre des interdits de la morale religieuse explique l’hostilité générale des Pères de l’Eglise. Mais il existe une autre raison de l’hostilité des chrétiens et aussi des Juifs au gnosticisme, c’est la manière dont les gnostiques extrémistes traitent le texte biblique. J’ai déjà donné l’exemple du renversement absolu du rôle et de l’image du Dieu de l’Ancien Testament.

Je vais prendre un autre exemple, celui du Serpent tentateur dans le récit de la Genèse, qui pousse Eve à commettre la transgression fatale à l’espèce. Ici le Serpent incarne de toute évidence une puissance de perversion et l’attrait de la connaissance qu’il propose à la créature humaine se trouve dévalorisé par le récit de ses effets postérieurs: la Chute et la malédiction de Dieu sur l’espèce humaine. Sur ce point les gnosticistes vont procéder à une véritable inversion de sens puisqu’ ils vont d’abord affirmer que le Serpent représente la divinité véritable, créatrice du monde de la Lumière, vision qui trouve peut-être son origine dans des croyances venues de l’Inde où la religion représente l’œuf originel reposant sur un serpent enroulé sur lui-même

La justification de cet hommage rendu au Serpent, c’est qu’il a voulu transmettre à l’homme la conscience avec la connaissance du bien et du mal. Les gnosticistes en tirent la conclusion qu’il est le véritable initiateur de la gnose. C’est pourquoi il a existé plusieurs sectes appelées « Ophites » qui furent adoratrices du Serpent qu’ils confondent d’ailleurs avec la Déesse- Mère de la Nature adorée des Grecs et des Romains.

Analogies et oppositions entre la Maçonnerie et la gnose

Je terminerai ce survol de la pensée gnostique par une comparaison avec les enseignements du Rite écossais. J *ai déjà eu l’occasion de signaler au passage quelques analogies entre gnose et Maçonnerie ainsi que plusieurs divergences essentielles. En quoi sommes-nous les héritiers de la gnose prise dans sa totalité ?

D’abord par le binaire Lumière-Ténèbres dans son sens ésotérique (différence et complémentarité du sensible et de l’intelligible, du masculin et du féminin) et dans son sens moral (conflit entre l’é1an spirituel et les pulsions égoïstes de la nature physique)

Dans notre rite il est évident que le mal existe dans l’homme, l’assassinat d’Hiram par les trois mauvais compagnons en est la figure symbolique. Depuis l’initiation au 1er degré, nos rituels nous invitent à résister aux Ténèbres de notre nature, ce qui se traduit par une incitation à nous défier des désirs et des passions de l’ego, des mirages du monde sensible, à nous détourner des séductions de la puissance pour nous engager dans la quête de la maîtrise de soi et de la sagesse. Notre sagesse, nous la concevons non comme une rupture avec le monde comme la gnose le préconise, mais comme un effort de détachement à l’égard des choses profanes qui est le corollaire de l’amour du sacré.

Pour nous aussi l’ascèse est une ascension vers les hautes régions de la Connaissance des mystères, un éveil et une délivrance de l’esprit, une préparation ininterrompue à 1’initiation finale. Sur tous ces points nous sommes proches des gnostiques.

Par contre, je le répète nous ne partageons pas la radicalité de leur dualisme, nous refusons l’anathème sur le monde matériel et sur la nature qui ont procuré tant de bienfaits et de pouvoirs à l’humanité dans la mesure où les hommes ont su en faire un usage utile et favorable à la vie. Nous ne croyons pas que ce monde soit l’œuvre d’une divinité des Ténèbres car il comporte plus d’ordre et d’harmonie que de chaos et de violence.

L’incarnation de l’homme que la gnose nous présente comme une malédiction absolue nous a permis de maîtriser la matière et d’y trouver les outils nécessaires à l’édification de toutes les cultures. Je crois que l’existence terrestre est le lieu où la raison et l’esprit de l’homme ont reçu mission de s’accomplir en humanisant le monde, ce que nous symbolisons à travers

1° Idéal du Temple de l’humanité.

A l’inverse des gnosticismes nous répudions toute forme de révolte anarchique contre les lois, les institutions, les morales de la société. A l’instar de Socrate nous préconisons de leur obéir tout en travaillant à les améliorer.

Comme nos ancêtres de l’époque des Lumières, nous croyons en la perfectibilité de l’homme et notre idéal de l’initiation est totalement fondé sur cette confiance.

En ce qui concerne le Grand architecte la représentation que nous en exprimons est proche des définitions et des images que nous ont léguées le judaïsme et le christianisme, mais à la différence de la gnose et des religions nous récusons toute forme de théologie dogmatique.

 Le Rite écossais nous impose seulement de le considérer comme un Principe créateur et un symbole du Bien absolu puisque sa compréhension et l’amour de ce qu’il incarne sont la finalité de l’initiation.

Je voudrais en guise de conclusion faire part d’une interrogation personnelle.

Que signifie pour nous ce qui est la figuration symbolique du mal et de la négativité : les Ténèbres ? Le chaos opposé à l’Ordre, tout désorganise le Grand Œuvre divin, les métaux passionnels qui font obstacle au perfectionnement de l’esprit.

Y a-t-il une parenté entre nos Ténèbres et Satan, interlocuteur de Dieu, notamment dans le livre de Job ou avec le Prince des Ténèbres des Evangiles qui tente plusieurs fois de faire tomber Jésus lui-même dans les filets de ses ruses et de ses pièges ?

Dans le Volume de la Loi sacrée la présence du mal est symbolisée par des entités personnelles dotées d’une pensée et d’une volonté maléfique alors que les Ténèbres en Maçonnerie sont bien une puissance mais impersonnelle et indéfinie.

Je ferai observer que des expressions symboliques des forces du mal sont présentes dans toutes les religions comme dans les systèmes mythologiques, parfois sous la forme d’un dualisme qui n’est pas propre à la gnose

C’est sur ce questionnement susceptible d’amorcer la discussion que j’’arrête cette réflexion si riche d’enseignements et parfois si troublante sur ce grand bouillonnement métaphysique et moral que fut la pensée gnostique, si chargée d’ambivalence comme toutes les histoires humaines.

Pour une autre lecture de l’initiation maçonnique

Classiquement l’initiation maçonnique a pour but de conduire l’initié près de la Lumière, c’est-à-dire près du Grand Architecte de l’Univers ! Cette conception primordiale ne concerne naturellement que les hommes car les autres êtres humains ont théoriquement une autre voie pour y arriver !


Comme cet objectif est bien difficile à atteindre, et qu’il faut bien vivre, d’autres objectifs ont été inventés : être un bon républicain, recevoir des cordons, recevoir des éloges, pouvoir vendre quelque chose, etc. ; ils ont tous en commun de générer parfois des profits et c’est peut-être aussi pour cette espérance que ça marche !


Et pourtant, dans ce monde si féroce, où les embûches ne manquent, ne pourrait-on pas comprendre que l’initiation maçonnique et le vécu en loge pourrait avoir un autre intérêt ?

Fondamentalement !es êtres humains sont rongés par l’inquiétude ! Ils ont besoin de protection. Sensibles aux discours des apprentis sorciers, les peuples papillonnent vers les plus séducteurs.

La loge pourrait être ce lieu magique où le rituel aidant on pourrait apprendre à se rassurer au contact de compagnons et de compagnes ayant le même besoin et pratiquant une même approche de l’absence de perversion !

Tout cela serait très possible mais la Vérité m’oblige à préciser que des conditions seraient à remplir pour y arriver !

Je vous en propose huit !

  • Bannir le clanisme : Sous prétexte d’entre-soi, le clanisme cultive la division. Prébendes, retours d’ascenseur, petits arrangements entre amis, c’est vraiment nul !
  • Refuser la polémique : Chacun a le droit d’avoir une opinion et chacun a le droit à l’erreur ! No comment !
  • Cultiver la bienveillance : C’est un réflexe empathique qui permet d’éviter les interprétations capables de créer des conflits !
  • Jouer collectif : Le premier droit de l’être humain n’est il pas d’abord de préserver l’intérêt du Bien commun ?
  • Arrêter la brosse à reluire : C’est pourtant une de nos règles de conduite mais manifestement cette hypocrisie qui ne leurre personne sauf les affidés continue à être pratiquée !
  • S’engager au service de celles et de ceux qui souffrent ! Ce devrait être la marque des dirigeants sincères soucieux de s’investir auprès des plus faibles. Faire la tournée des popotes pour serrer des pognes, cela ne sert à rien !
  • Rejeter les ors ! Le clinquant n’apporte rien, la simplicité doit prévaloir !
  • Retrouver l’authenticité : Notre idéal le réclame, les rituels en ont besoin !

Une neuvième condition semble incontournable :

Arrêter de se détruire !

Il suffit de regarder vivre nos concitoyens pour s’apercevoir que ce qu’ils disent ne correspond pas à ce qu’ils font ! De belles paroles mais un art de vivre autodestructeur au plus haut degré du raffinement ! Pauvres individus malheureux qui utilisent le Verbe pour faire croire qu’ils existent alors qu’ils ou elles sont déjà morts !

Courage et persévérance, la vie peut aussi être belle !

Le mot du mois : « Justesse »

L’absurdité contemporaine ramène inévitablement sur le devant de la scène la réflexion sur ce qui constitue la notion de juste. Des conflits tous azimuts sont orchestrés par des tyrans au grand ou petit pied, sinistres « Ubu » des temps modernes dont l’exemple contribue à légitimer tout affrontement, minuscule au niveau des individus, majuscule à celui des États.

Le droit est bafoué, remis en cause ou dévoyé, parlements et cours de justice ne suffisent plus à la tâche.

On aura toujours besoin d’un tiers équilibrant entre deux plateaux…

La racine indo-européenne *ye-yous- désigne l’état de régularité, de normalité, et seul le latin en a formé un champ sémantique, fondamental dans l’organisation et le maintien de la société.

Le *jus romain, loin d’être un concept abstrait, énonce une décision d’autorité, un corpus de textes figés, de formules établies, au strict usage de quelques individus issus de certaines familles, de certaines corporations. Avec la légitimité du *justus.
Le *judex, le juge a pour rôle de *jus dicere, prononcer la formule de normalité, en prescrivant ce à quoi il faut se conformer, par son jugement.
Au coeur de toute société organisée, cet abondant champ lexical détermine le droit, ses acteurs, ses lieux de mise en oeuvre. Justicier, justifier, juridiction, jurisconsulte, jurisprudence.

La justice, initialement religieuse à Rome, en se « laïcisant », permet ensuite de retrouver la paix sans avoir recours à la vengeance individuelle ou étatique, à la mort.
*Jurare, en latin, suppose de toucher l’objet sacré et le parjure est fauteur de malédiction individuelle et collective. La conjuration, en tant que pacte solennel, est synonyme de mort pour tous. Dans l’enceinte moderne de la justice, avec ses jurés et son jury, l’acception demeure. On y jure de dire la vérité, on ne peut pas abjurer, nier avec un faux serment.
L’injure est d’abord une entorse à la loi, avant de devenir l’invective grossière voire violente, avec force jurons de charretier ou de garnement.

Or, toute société équilibrée requiert des cohabitations apaisées. Difficile de s’approcher,*ad-, de ce qui est juste, en pesant la valeur et les sacrifices à consentir, ajuster voire rajuster gestes et propos pour que tout soit dans l’ordre. Le maillet du commissaire-priseur est signifiant, lorsque par adjudication il fixe un prix, en principe loyal. Adjugé, vendu ! Il sanctionne ainsi moins la justice que la justesse. Pour préserver l’équilibre entre les individus, en actes et en paroles, pour détourner toute velléité de contestation et de conflit. Le vaste champ clos des préjugés et des préjudices…
La juste disance est à ce prix de vigilance.

Justesse, justice, nous y voilà ! Et l’abus de langage attise une confusion entre les deux termes, d’où l’ambiguïté dans l’acception de l’adjectif juste.

La justesse d’un calcul se mesure à son exactitude, la justice d’une décision prouve son caractère équitable, pour un respect équivalent de la parole de chacune des parties en regard de ses droits et de ses devoirs.

Le militant s’autoproclame soldat de Dieu ou de quelque cause qu’il défende, et s’arroge le droit moral de justifier, « faire justes » toutes ses actions, jusqu’à contredire la juste harmonie de la société dans laquelle il vit, sa justesse. Meurtres, attentats, terreur organisée, tout devient « juste » et bon, au nom d’une justice supérieure et incontestable, et nie toute autre justice, qui ne serait qu’un avatar humain et illégitime.
« C’est pas juste ! », « j’ai le droit de… » … J’ai le droit de mes caprices, trépigne l’enfant ou l’adulte dévoyé dans ses exigences, même au sommet de l’État. Et surtout pas le devoir qui l’assortit.

Il revient à la société de fixer les règles d’une juste distance entre les individus, de la juste appréciation de leur cohabitation pacifique. Enjeux d’une tension permanente entre la justesse d’une harmonie en constante évolution, et la justice, sévère gardienne de la stabilité de ses décisions et de ses lois. Une quadrature bien circulaire…
Nos sociétés contemporaines n’ont hélas plus rien de jovial, c’est-à-dire heureux « né sous l’influence de Jupiter », jus pater, père du droit.

Peut-être ne nous reste-t-il qu’à lire ou relire la Conjuration des imbéciles (A Confederacy of Dunces, 1981) de John Kennedy Toole ? Sardonique et jubilatoire…

Annick DROGOU


De justesse, d’extrême justesse, “tout juste“ avec ce “tout“ qui résonne comme un oxymore, comme un équilibre à peine atteint, comme un écho à l’adage delphique “Rien de trop“. La justesse ne connaît pas l’excès. La recherche de la justesse est une mécanique de précision, une appréciation, un contact avec le réel qui oblige à une nuance millimétrée pour tomber juste. Un effort de la pensée et de l’action qui nous permettra peut-être d’être repêché, de justesse, dans notre exigence morale de justice.

La justesse comme une fragilité d’action pourtant portée par la force de ses fondements, qui permet d’agir avec justesse. C’est l’effort de justesse du traducteur qui recherche le mot juste mais sait que, toujours, il adapte et peut trahir. C’est la justesse au moment des choix essentiels, celle qui allie vulnérabilité et force d’âme. Mais qui peut se vanter d’être un juste ?

La justesse enfin comme une harmonie, comme on chante juste, un état où tout est juste et parfait. Accomplissement de cette justesse dans un chant secret sur un air de paix, d’amour et de joie. Entrer dans cette justesse comme dans une contemplation pour laquelle il suffit d’ajuster la vue. En reconnaissance et confiance.

Jean DUMONTEIL

La Spiritualité Chrétienne s’oppose à la « Religion Woke »

Inspiré par l’article de notre confrère Causeur

Dans un article publié récemment sur Causeur .fr, Wilfried Kloepfer, un essayiste et chroniqueur français, propose une réflexion audacieuse sur les tensions entre la spiritualité chrétienne traditionnelle et ce qu’il appelle la « religion woke », une idéologie qu’il perçoit comme une nouvelle forme de dogmatisme moral. Kloepfer soutient que le christianisme, avec ses racines millénaires, offre une alternative profonde et universelle aux dérives d’une modernité marquée par des injonctions morales souvent perçues comme oppressives.

Cet article revisite son propos, le documente avec des sources rigoureuses et approfondit l’analyse pour mieux comprendre les enjeux spirituels, culturels et sociétaux qui opposent ces deux visions du monde.

Le Contexte : Une Modernité en Quête de Sens

Depuis les années 2010, le terme « woke » (initialement un concept afro-américain signifiant « éveillé » aux injustices sociales) s’est transformé en un mouvement global, souvent associé à des combats pour la justice sociale, l’égalité des genres, la lutte contre le racisme et la reconnaissance des minorités. Cependant, ce mouvement a aussi été critiqué pour ses excès, notamment son recours à la « cancel culture » (culture de l’annulation), ses accusations de « privilège » systématique et son moralisme jugé rigide. Selon une étude de l’IFOP (2023), 62 % des Français estiment que le mouvement woke a « trop d’influence » dans le débat public, et 45 % le perçoivent comme une menace pour la liberté d’expression.

Wilfried Kloepfer, dans son article, s’inscrit dans cette critique. Il décrit le « wokisme » comme une « religion séculière » qui, sous couvert de justice sociale, impose un nouveau dogme moral, remplaçant les anciennes structures religieuses par une idéologie tout aussi normative. Pour Kloepfer, cette « religion woke » s’appuie sur des concepts comme la culpabilité collective (notamment celle des « privilégiés ») et une vision binaire du monde (oppresseurs vs opprimés), ce qui, selon lui, s’oppose à la richesse spirituelle et universaliste du christianisme.

La Spiritualité Chrétienne : Une Alternative Profonde

Saint François basilique
Saint François basilique

Kloepfer commence par rappeler les fondements de la spiritualité chrétienne, qu’il oppose aux principes du wokisme. Le christianisme, avec ses 2,4 milliards de fidèles dans le monde (selon le Pew Research Center, 2020), repose sur des valeurs universelles telles que l’amour du prochain, le pardon, la rédemption et la quête d’une vérité transcendante. Kloepfer cite les Évangiles, notamment le Sermon sur la Montagne (Matthieu 5-7), où Jésus prône l’amour inconditionnel et l’humilité : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5:44). Pour Kloepfer, cette vision contraste avec l’approche woke, qu’il accuse de diviser les individus en catégories rigides et de promouvoir une forme de vengeance morale plutôt que la réconciliation.

Le christianisme, selon Kloepfer, offre une spiritualité qui transcende les clivages sociaux et culturels. Il s’appuie sur des penseurs chrétiens comme saint Augustin, qui dans ses Confessions (397-400 ap. J.-C.) explore la quête intérieure de Dieu, et sur des figures contemporaines comme le théologien français Jean-Luc Marion, qui dans Dieu sans l’être (1982) défend une approche mystique et non dogmatique de la foi. Kloepfer argue que cette spiritualité, centrée sur l’intériorité et la relation personnelle avec le divin, permet de dépasser les jugements moraux et les divisions imposées par le wokisme.

Le Wokisme comme Nouvelle Religion Sécularisée

Marcia Fudge, représentante au Congrès, avec un t-shirt « Stay Woke: Vote » en 2018 (« restez en éveil : votez »). (Source Wikipedia)

Kloepfer s’appuie sur des analyses sociologiques pour étayer son idée d’une « religion woke ». Le sociologue américain John McWhorter, dans son livre Woke Racism: How a New Religion Has Betrayed Black America (2021), décrit le wokisme comme une idéologie ayant ses propres dogmes, rituels et excommunications (via la cancel culture). McWhorter note que les « péchés » woke, comme le privilège blanc ou l’appropriation culturelle, sont traités avec une ferveur quasi religieuse, où la repentance publique (souvent sous forme d’excuses médiatisées) devient une condition de rédemption.

En France, des intellectuels comme Pascal Bruckner ont également critiqué cette tendance. Dans Un coupable presque parfait (2020), Bruckner dénonce une « tyrannie de la culpabilité » où les individus sont jugés non pour leurs actions, mais pour leur appartenance à un groupe social. Kloepfer reprend cette idée, affirmant que le wokisme remplace la notion chrétienne de péché individuel par une culpabilité collective, ce qui, selon lui, est contraire à l’esprit du christianisme. Par exemple, dans le christianisme, le péché est personnel et peut être pardonné par la grâce divine (Jean 8:11, « Va, et ne pèche plus »), alors que le wokisme impose une condamnation permanente basée sur des identités fixes.

Kloepfer cite également des exemples concrets pour illustrer les dérives du wokisme. En 2023, l’Université de Bordeaux a annulé une conférence sur l’histoire coloniale après des accusations de « racisme systémique » contre l’intervenant, un historien reconnu. En 2024, une exposition sur l’art religieux médiéval au Louvre a été critiquée pour son « eurocentrisme », malgré son caractère historique. Pour Kloepfer, ces cas montrent comment le wokisme impose une grille de lecture morale qui étouffe le débat et la richesse culturelle.

Les Points de Frottement : Culpabilité, Universalisme et Liberté

Kloepfer identifie trois points de friction majeurs entre la spiritualité chrétienne et le wokisme :

  1. La Culpabilité et le Pardon
    Dans le christianisme, la culpabilité est individuelle et peut être transcendée par le pardon divin. Kloepfer cite l’exemple de la parabole du fils prodigue (Luc 15:11-32), où un père pardonne à son fils malgré ses erreurs, illustrant la miséricorde divine. À l’inverse, le wokisme impose une culpabilité collective – par exemple, le « privilège blanc » – qui ne peut être expiée que par une soumission publique aux normes woke. Selon une étude de l’Université de Yale (2022), 58 % des Américains blancs interrogés se sentent « culpabilisés » par les discours sur le privilège, mais seulement 12 % estiment que cette culpabilité mène à des changements concrets.
  2. L’Universalisme contre l’Identitarisme
    Le christianisme prône un universalisme spirituel : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3:28). Kloepfer oppose cela à l’identitarisme woke, qui, selon lui, divise les individus en groupes opposés (hommes vs femmes, blancs vs minorités, etc.). Le sociologue français Mathieu Bock-Côté, dans L’Empire du politiquement correct (2019), soutient que cet identitarisme fragmente la société et remplace le dialogue par des revendications communautaires.
  3. La Liberté Spirituelle contre la Tyrannie Morale
    Kloepfer argue que la spiritualité chrétienne offre une liberté intérieure, centrée sur la relation personnelle avec Dieu, tandis que le wokisme impose une tyrannie morale où chaque parole et chaque acte sont scrutés à travers le prisme de la justice sociale. Il cite le cas de J.K. Rowling, qui, depuis 2020, est régulièrement attaquée pour ses positions sur la question transgenre, malgré son soutien historique aux droits des minorités. Selon un sondage YouGov (2023), 67 % des Britanniques estiment que la cancel culture a un impact négatif sur la liberté d’expression.

Une Défense de la Spiritualité Chrétienne comme Voie de Résistance

Rod Dreher – L’option Benoît XVI : une stratégie pour les chrétiens dans une nation post-chrétienne. 9 mars 2018, Institut du Danube, Budapest, Europe centrale.

Kloepfer propose la spiritualité chrétienne comme une voie de résistance face au wokisme. Il s’appuie sur des figures contemporaines comme Rod Dreher, auteur de The Benedict Option (2017), qui appelle les chrétiens à se retirer des structures culturelles dominantes pour préserver leurs valeurs. Dreher, un Américain orthodoxe, prône un retour à des communautés spirituelles locales, inspirées des monastères bénédictins, pour contrer l’influence des idéologies modernes comme le wokisme.

En France, des intellectuels comme Chantal Delsol partagent cette vision. Dans La Haine du monde (2016), Delsol critique la montée d’un « totalitarisme doux » qui impose des normes morales uniformes sous couvert de progrès. Kloepfer s’inscrit dans cette lignée, affirmant que le christianisme, avec son message d’amour et de rédemption, offre une alternative humaniste et libératrice aux diktats du wokisme.

Kloepfer évoque également le renouveau spirituel chrétien en Europe. Selon une étude du Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII, 2024), 38 % des Français se disent « intéressés par une quête spirituelle » en 2025, contre 29 % en 2015. Ce regain d’intérêt, notamment chez les jeunes générations, pourrait, selon Kloepfer, être une réponse à la rigidité morale du wokisme. Des initiatives comme les retraites spirituelles dans des abbayes (comme celle de Solesmes, qui a vu une augmentation de 15 % des inscriptions en 2024) témoignent de cet engouement.

Critiques et Limites de l’Analyse de Kloepfer

L’analyse de Kloepfer, bien que stimulante, n’est pas exempte de critiques. D’abord, son portrait du wokisme peut sembler caricatural. Le mouvement woke, bien qu’il puisse être dogmatique dans certains cas, a aussi permis des avancées sociales, comme la reconnaissance des discriminations systémiques. Par exemple, le mouvement #MeToo, souvent associé au wokisme, a conduit à une prise de conscience mondiale des violences sexuelles, avec une augmentation de 30 % des signalements en France entre 2017 et 2023 (Ministère de l’Intérieur, 2023).

Ensuite, Kloepfer minimise les dérives historiques du christianisme, comme l’Inquisition ou les croisades, qui ont elles aussi imposé des dogmes oppressifs. L’historien français Michel Winock, dans Le Siècle des intellectuels (1997), rappelle que l’Église catholique a souvent été un outil de pouvoir politique, ce qui nuance l’idée d’une spiritualité chrétienne toujours libératrice.

Enfin, Kloepfer ne propose pas de dialogue entre les deux visions. Certains penseurs, comme le théologien américain Richard Rohr, dans The Universal Christ (2019), estiment que le christianisme et les mouvements progressistes peuvent coexister, en combinant l’amour universel du Christ avec une justice sociale active. Kloepfer, lui, préfère une opposition frontale, ce qui limite la portée de son analyse.

Une Tension Révélatrice des Enjeux de Notre Temps

L’article de Wilfried Kloepfer met en lumière une tension profonde entre deux visions du monde : d’un côté, la spiritualité chrétienne, avec son universalisme et sa quête de transcendance ; de l’autre, le wokisme, perçu comme une nouvelle religion séculière imposant des normes morales strictes. En s’appuyant sur des références théologiques, sociologiques et culturelles, Kloepfer défend la richesse du christianisme comme une alternative aux dérives du wokisme, tout en dénonçant les divisions et la culpabilité imposées par cette idéologie.

Cependant, son analyse gagnerait à intégrer une perspective plus nuancée, qui reconnaîtrait les apports du wokisme tout en proposant un dialogue avec la spiritualité chrétienne.

Dans une société française marquée par la quête de sens et les tensions identitaires – 54 % des Français se disent « préoccupés par les divisions culturelles » selon un sondage Odoxa (2024)

cette réflexion est plus pertinente que jamais. Entre tradition et modernité, entre universalisme et identitarisme, le débat initié par Kloepfer invite à repenser les fondements spirituels et moraux de notre époque.

Vente aux « enchères maçonniques » exceptionnelle chez Aïbo Art Auction

Samedi 17 mai 2025, Aïbo Art Auction organise une vente aux enchères en ligne exclusive dédiée à la Franc-Maçonnerie, accessible en direct via la plateforme Drouot.com. Cette deuxième édition, intitulée « Franc-Maçonnerie #2 – Exclusivement en direct sur Internet », promet d’être un événement incontournable pour les collectionneurs, historiens et passionnés d’objets maçonniques.

Avec des lots d’une rareté, d’une originalité et d’une qualité remarquables, cette vente s’annonce comme une opportunité unique de découvrir des pièces chargées d’histoire. Voici un aperçu de ce qui attend les enchérisseurs.

Une collection d’objets maçonniques rares et authentiques

La vente « Franc-Maçonnerie #2 » met en lumière une sélection soigneusement curatée d’objets issus d’anciennes collections maçonniques. Chaque lot, authentifié et expertisé par Aïbo Art Auction, témoigne de l’héritage riche et symbolique de la Franc-Maçonnerie. Parmi les pièces proposées, on trouve des objets rituels, des documents historiques, des bijoux maçonniques, des gravures, ainsi que des ouvrages rares sur l’histoire et la symbolique de cet ordre initiatique.

Quelques exemples de lots qui pourraient captiver l’attention des enchérisseurs incluent des tabliers maçonniques finement brodés, des médailles et décorations de loges historiques, ou encore des manuscrits illustrant les rituels des XVIIIe et XIXe siècles. Ces objets, souvent uniques, se distinguent par leur valeur historique et leur esthétique raffinée, offrant un voyage dans le temps au cœur des traditions maçonniques.

Originalité et diversité des lots

Ce qui rend cette vente particulièrement exceptionnelle, c’est la diversité des pièces proposées. Aïbo Art Auction a su réunir des objets provenant de différentes époques et régions, reflétant l’influence mondiale de la Franc-Maçonnerie. Des artefacts français, comme ceux liés aux premières loges portuaires de Nantes ou Brest dans les années 1730-1740, côtoient des pièces internationales, témoignant de l’expansion de l’ordre à travers le globe.

L’originalité des lots réside également dans leur caractère souvent unique. Par exemple, des assiettes commémoratives, telles que celle de la loge du Mercure datée du 29 mars 5975 (calendrier maçonnique), signée DIOTALL FW, illustrent l’artisanat d’exception propre à cet univers. De même, des ouvrages rares, comme Histoire des Francs-Maçons dans le département des Deux-Sèvres (1738-1945) de J.-C. Faugher, tiré à seulement 800 exemplaires, séduiront les bibliophiles et chercheurs.

Une qualité garantie par l’expertise d’Aïbo Art Auction

Aïbo Art Auction, opérateur de ventes aux enchères déclaré auprès du Conseil des Ventes volontaires, s’engage à offrir une expérience d’enchères irréprochable. Chaque lot est accompagné d’une description détaillée, et les objets mécaniques ou électriques, s’ils sont présents, sont proposés à titre décoratif, garantissant ainsi une transparence totale. Les enchérisseurs peuvent participer en toute confiance, sachant que les paiements en ligne sont sécurisés par Ingenico et que les transactions sont cryptées.

La vente se déroulera exclusivement en ligne, avec des options d’enchères flexibles : ordres d’achat préalables (à soumettre avant 18h le dernier jour ouvré avant la vente) ou enchères en direct via les plateformes live. Les frais facturés par ces plateformes sont à la charge de l’acquéreur, mais l’accessibilité de l’événement permet à un public international de participer.

Pourquoi ne pas manquer cette vente ?

La vente « Franc-Maçonnerie #2 » est bien plus qu’une simple enchère : c’est une plongée dans un univers fascinant où l’histoire, l’art et la symbolique se rencontrent. Les collectionneurs y trouveront des pièces introuvables ailleurs, tandis que les amateurs d’histoire pourront acquérir des objets qui racontent les grandes étapes de la Franc-Maçonnerie, de ses origines portuaires aux figures emblématiques comme le vice-amiral Pierre André de Suffren.

Pour participer, il suffit de s’inscrire sur la plateforme Drouot.com et de consulter le catalogue complet de la vente à l’adresse suivante : https://drouot.com/fr/v/161666-franc-maconnerie-2-exclusivement-en-direct-sur-internet. Ne manquez pas cette occasion unique de posséder un fragment d’histoire maçonnique !

Informations pratiques :

  • Date : Samedi 17 mai 2025
  • Lieu : En direct live sur Aïbo Art Auction via Drouot.com
  • Inscription et catalogue : Disponibles sur le site de Drouot
  • Contact : Pour toute question, écrire à [email protected]

Que vous soyez collectionneur aguerri ou simple curieux, cette vente est une invitation à découvrir des trésors rares et à célébrer l’héritage intemporel de la Franc-Maçonnerie. Préparez vos enchères et plongez dans cet univers captivant !

Photo 1) et Photo 1bis
Dague Franc maçonne. Fusée en corne brune torsadée. Début XIXème siècle (Très rare).
Laiton, acier, cuir, corne
Long. T : 32,5 cm ; Long. lame : 23 cm. Bon état.
Garde constituée de quatre fémurs et crânes en laiton.
Lame à double tranchant et arrête médiane, signée : « George E. ST Clair ». Fourreau en cuir bouilli à deux garnitures en laiton ciselé. George Edward Morland St Clair était un fabricant de coutellerie actif à Sheffield, en Angleterre, à la fin du XIXᵉ siècle. Né en 1861 à Bootle, près de Liverpool, il s’installe à Masbrough, près de Rotherham, où il travaille comme assistant de prêteur sur gages. En 1887, il est répertorié comme fabricant de coutellerie aux Charles Street Works à Sheffield. Cependant, en 1888, il fait faillite, et sa trace se perd par la suite.

Il est donc possible que la lame de dague signée “George E. ST Clair” provienne de cet artisan, actif durant une période relativement courte à Sheffield. Est. 600/800 €

Photo 2)
Une rare bannière (Encadrée) de loge des Odd Fellows en soie de couleur bleue avec l’imagerie de la main et le cœur, la planète terre, l’épée, la hache et l’arche royale. Bon état. Est. 200/300 €

Photo 3) et Photo 3 Bis
Un tablier des Odd Fellows encadré de couleur marron avec une bordure doré représentant la ruche des abeilles et l’œil omniscient Longueur 32 cm et largeur 37 cm. Très rare. Vers 1900. Bon état. Est. 200/300 €

Photo 4) et Photo 4 bis
Lot de deux ferrures de porte en laiton richement décorés provenant d’un temple maçonnique. La première représentant une couronne avec une croix, les colonnes du temple de Salomon et les globes terrestres, l’inscription Anno Domini 1733, le livre sacré (Holy Bible) avec en son centre l’équerre et le compas entrelacés, l’étoile flamboyante avec un G au centre, avec au verso la référence S4111, longueur 31,50 cm et largeur 7 cm., et l’autre avec une étoile, le triangle flamboyant, l’aigle bicéphale tenant une épée et la couronne au dessus de sa tête et l’équerre sur sa poitrine. Conseil suprême du REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté).avec au verso la référence S4241 Longueur 33 cm et largeur 6,50 cm. Très rare. Bon état. Est. 200/500 €

Photo 5)
Dague ou long poignard en acier d’Elu ou de Chevalier Kadosh (30ème degré du R.E.A.A.) 1er ou 5ème ordre du Rite Français. Première moitié du XX siècle. Lame gravée « Toye & Co London. Poignée en corne noir. Fourreau en cuir noir avec deux passants en forme d’annneaux en acier. Longeur: 35,50 cm et 39 cm dans son fourreau. Très rare. Bon état (légères traces d’oxydation sur la lame). Est. 500/1000 €

Photo 6)
Une bouteille en porcelaine de couleur noire avec les vanités (deux crânes) et l’inscription VITRIOL (rare). La formule « VITRIOL », Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultam Lapidem ( « Visite l’Intérieur de la Terre et en Rectifiant tu Trouveras la Pierre Cachée » ). Empruntée aux alchimistes par les maçons, est devenue plus tard un mot-clé du cabinet de réflexion dans lequel séjourne le candidat à l’initiation. Fin 19ème siècle. Hauteur: 30 cm. Bon état. Est. 300/350 €

Photo 7)
Système de serrure de porte en laiton démontée d’un temple maçonnique Américain (très rare). Vers 1900. Les poignées ont un triangle gravé. Marquages sur l’intérieur de la serrure (US Patent). Bon état. Est. 300/600 €

Photo 9)
Echantillon ou modèle de cheminée pour Franc-Maçons en fonte de couleur noire comprenant de nombreux symboles de l’ordre gravée: L’échelle de Jacob, l’équerre et le compas entrelacés, le livre sacré, les colonnes du temple de Salomon, le maillet, la truelle, l’œil omniscient, la couronne…Hauteur: 29 cm et largeur: 16 cm. Epaisseur: 4 cm. Fin XIXème siècle. Bon état. Est. 300/500 €

Photo 10)
Chauffe fer à repasser en acier noirci avec les symboles des Franc-Maçons: Porche du temple du roi Salomon avec à l’intérieur L’équerre et le compas entrelacés avec le G au centre et l’étoile. Gravure d’un cœur sur le manche avec l’inscription CHF. Longueur: 21 cm et largeur: 10,70 cm. Début XXIème siècle. Bon état. 50/80 €

Photo 11)
Pendentif en forme de poignard d’élu au REAA (Rite Rite Ecossais Ancien & Accepté) en plaqué or avec sa boite d’origine de couleur rouge. Vers 1900. Longeur 9 cm. Rare. Bon état. Est. 400/600 €

Photo 12) et Photo 12bis
Grande dague de chasse maçonnique avec la poignée en argent massif (Tête de mort et les tibias entrelacés) et en bois au grade de Chevalier Kadosch. Longueur 54 cm. Fabrication Contemporaine. Bon état.
Est. 300/600 €
Photo 13)
Un grand bijou du 32 degrés du REAA en métal argenté et en Strass de couleur blanc et vert. Longueur 9 cm et largeur 6 cm. Très rare. Vers 1900. Bon état. Est. 30/60 €

Emmanuel Macron à la Grande Loge de France : un discours historique sur la laïcité, une visite aux enjeux politiques multiples

Lundi 5 mai 2025, le Président de la République française, Emmanuel Macron, a marqué l’histoire en devenant le premier président en exercice à se rendre au siège de la Grande Loge de France (GLDF), situé rue Louis-Puteaux, dans le XVIIe arrondissement de Paris. Cette visite, relayée par des médias, s’est accompagnée d’un discours majeur sur la laïcité, à quelques mois des commémorations du 120e anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État, adoptée le 9 décembre 1905. Accompagné de la ministre de la Culture, Rachida Dati, Emmanuel Macron a choisi ce cadre symbolique pour réaffirmer l’importance de la laïcité comme valeur républicaine et pour s’inscrire dans une démarche de rassemblement national.

Nous allons vous proposer une analyse approfondie des discours prononcés, d’abord, par le Grand Maître de la GLDF, Thierry Zaveroni, puissance invitante, puis par le Président Macron, des motivations politiques sous-jacentes, des raisons du choix de la GLDF plutôt que du Grand Orient de France (GODF) et du rôle de Rachida Dati lors de cette visite.

Le contexte de la visite : une première historique

Arrivée du Président Emmanuel Macron dans le Temple de la GLDF

La visite d’Emmanuel Macron à la GLDF constitue un événement sans précédent. Si le Président s’était déjà rendu au Grand Orient de France (GODF) en novembre 2023 pour célébrer son 250e anniversaire, reconnaissant ainsi le rôle de la franc-maçonnerie dans l’histoire républicaine, aucun chef d’État en exercice n’avait jusqu’alors franchi les portes de l’hôtel de la GLDF à Paris. Avec environ 32 000 membres, la GLDF est la deuxième obédience maçonnique de France, après le GODF (50 000 membres). Fondée en 1894, mais héritière d’une tradition remontant au XVIIIe siècle, la GLDF se distingue par son approche spirituelle et symbolique, centrée sur le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), qui met l’accent sur la quête intérieure et la fraternité universelle, sans aucune croyance religieuse requise ni préférence politique privilégiée.

De gauche à droite le Président de la République Emmanuel Macron, Thierry Zaveroni, la Ministre de la Culture Rachida Dati et Jacques Rozen Grand Commandeur du Suprême Conseil de France.

Cette visite intervient dans un contexte général tendu. En 2025, la France fait face à des défis internes, tels que la montée des extrêmes (le Rassemblement national est crédité de 35 % d’intentions de vote selon un sondage IFOP de mars 2025) et la crise politique post-dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, ainsi qu’à des tensions internationales, notamment la guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient. Les débats sur la laïcité, l’antisémitisme, le racisme et l’intolérance religieuse traversent la société, rendant le choix de ce discours particulièrement significatif.

Le discours de Thierry Zaveroni : la GLDF, gardienne de la laïcité et de la fraternité

Le Grand Maître de la GLDF, Thierry Zaveroni, a ouvert la cérémonie par un discours solennel, marquant l’importance historique de la visite d’un président de la République. Cet événement constitue un indéniable succès pour Thierry Zaveroni, qui couronne ainsi sa fin de mandat, la marquant d’un jalon inédit dans l’histoire de l’Obédience. Son intervention a mis en lumière le rôle de la GLDF comme espace de réflexion spirituelle et comme garante des valeurs républicaines.

Geoffroy Boulard Maire du 17e à Paris

Le Grand Maître Zaveroni a, d’emblée, souligné le caractère exceptionnel de cette visite, la présentant comme une reconnaissance des contributions de la GLDF à la société française depuis sa fondation. Il a souligné l’engagement de l’Obédience en faveur de la laïcité, consacrée par la loi de 1905, qu’il a décrite comme un principe permettant de conjuguer liberté de conscience et cohésion sociale. En écho à l’approche adogmatique de la GLDF, qui fait référence à un « Grand Architecte de l’Univers », dans le plein respect de la diversité des croyances et des convictions, Thierry Zaveroni a rappelé le rôle de paix de la laïcité dans la cité, aidant à fédérer les citoyens par-delà leurs différences voire leurs divergences.

Le Grand Maître a également mis en avant la fraternité, valeur centrale de la franc-maçonnerie, comme antidote aux fractures sociales contemporaines. Il a évoqué la capacité de la GLDF à réunir des individus d’horizons variés pour réfléchir collectivement à l’amélioration de la société, faisant des loges autant de « laboratoires de la République », selon une formule souvent associée à la franc-maçonnerie. Il a fait référence à des figures historiques de la GLDF, comme Hubert Germain (Compagnon de la Libération) ou Arnaud Beltrame (initié à la GLDF et catholique pratiquant – NDLR), personnalités qui ont illustré l’engagement patriotique et humaniste de l’obédience.


De gauche à droite : Emmanuel Macron, Président de la République ; Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France ; Rachida Dati , Ministre de la Culture, et Jacques Rozen, Grand Commandeur du Suprême Conseil de France.

Enfin, Thierry Zaveroni n’a pas manqué d’exprimer sa gratitude envers le Président Macron pour avoir choisi la GLDF comme plateforme de dialogue, dont il mesure implicitement combien cette visite renforce la voix de la GLDF dans le paysage maçonnique français comme dans l’opinion publique. Son discours, agréablement rythmé et prononcé avec clarté, dans le Temple Pierre-Brossolette, est resté empreint d’une fierté d’appartenance unissant l’Obédience à la République entière dans un même appel à l’universalisme, à l’écart de toutes prises de positions partisanes, dans cette fidélité à un humanisme et à une spiritualité sans dogme, selon la tradition propre à la GLDF.

Le discours d’Emmanuel Macron : la laïcité, un pilier intemporel de la République

Le discours d’Emmanuel Macron, prononcé le 5 mai 2025, s’est articulé autour de la laïcité, présentée comme un pilier intemporel de la République et une « loi de liberté ». Selon l’Élysée, le président a cherché à s’inscrire dans la lignée des pères fondateurs de la loi de 1905, tel Aristide Briand, en insistant sur l’esprit de liberté et de cohésion nationale qu’elle incarne. Dans un contexte où la laïcité est parfois instrumentalisée dans les débats politiques, Emmanuel Macron a réaffirmé son rôle comme outil d’unité, protégeant la liberté de conscience et la neutralité de l’État, tout en garantissant la pratique des cultes.

Emmanuel Macron a défini la laïcité comme une valeur ancienne, actuelle et future, ancrée dans la loi de 1905, qui repose sur le respect de l’autre dans la diversité de ses croyances et convictions.

« cette loi n’a pas 120 ans : elle est d’hier, elle est d’aujourd’hui, elle est plus que jamais de demain car elle est empreinte de cette force toujours vive, celle des hommes et des femmes de bonne volonté, sans autre distinction. »

Il y a donc une pérennité de la laïcité à laquelle il faut veiller, en mesure alors de répondre aux défis contemporains tout en s’enracinant dans l’histoire républicaine. Il a insisté sur sa fonction de garantie de la liberté de conscience et d’expression, permettant aux citoyens de croire ou de ne pas croire sans crainte de discrimination.

Le Président a également mis en garde contre les luttes fratricides que pourrait engendrer l’imposition de croyances particulières. Il a appelé les citoyens à cohabiter dans leurs différences, une cohabitation qui, loin de nier les divergences, les transcende pour donner un « élan supplémentaire à la fraternité ». Cette idée de fraternité, valeur maçonnique par excellence, a été au cœur de son discours. Emmanuel Macron a souligné que la fraternité implique la neutralité de l’État, mais pas celle des citoyens, qui conservent leurs visions propres. Cette distinction est cruciale : elle répond aux critiques de ceux qui accusent la laïcité d’être un outil d’uniformisation et affirme qu’elle protège la diversité des convictions, tout en assurant l’impartialité des institutions publiques.

Emmanuel Macron a notamment relevé « une raison de [sa] présence ici, dans cette Grande Loge qui se trouve aussi, je le crois, par rapport aux autres obédiences, dans une place particulière, peut-être pétrie dans cet esprit de liberté que j’évoquais… » Puis, il a élargi son propos à la Franc-Maçonnerie toute entière, rappelant que :

« Le dialogue entre la république et la franc-maçonnerie est une conversation, si je puis dire, polie par des siècles de combats, par la communion de pensée et par une connivence qui n’a rien d’un complot. »

Une assemblée nombreuse de maçons et de profanes

Cette image de « laboratoire de la République » à laquelle renvoie la Loge fait écho à son discours de 2023 au GODF, où il avait qualifié la franc-maçonnerie d’espace de dialogue démocratique. À la GLDF, il a adapté son propos à l’approche spirituelle de l’Obédience, louant sa capacité à réunir des individus aux croyances variées pour travailler à des idéaux communs, comme la justice sociale et l’humanisme.

Ensemble vocal Vox hominis de la GLDF

Le Président a également abordé les défis contemporains, notamment la montée de l’antisémitisme et de l’intolérance religieuse. Comme le rapportent des posts sur les réseaux sociaux, il a réitéré que « s’en prendre à un juif, c’est toujours chercher à atteindre la République », un message fort dans un contexte de recrudescence des actes antisémites. Il a appelé les Francs-maçons à être des « vigies » de la laïcité, les invitant à défendre ce principe contre les dérives extrémistes, qu’elles viennent de la droite identitaire ou de mouvements religieux radicaux. Cette injonction s’inscrit dans une volonté de mobiliser les réseaux maçonniques, influents mais discrets, pour contrer les discours de division.

Enfin, Emmanuel Macron a contextualisé son discours dans la préparation des commémorations du 120e anniversaire de la loi de 1905, prévues en décembre 2025. En choisissant la GLDF, il a posé un jalon symbolique pour ces célébrations, ancrant son action dans une institution qui a historiquement soutenu les idéaux républicains.

Motivations politiques : rassembler et réaffirmer l’unité républicaine

Les motivations politiques de cette visite sont multiples et s’inscrivent dans une stratégie globale visant à consolider l’image de «rassembleur» du Président, à un moment critique de son second mandat. Voici quelques éclairages sur des enjeux sous-jacents :

  1. Réaffirmer la laïcité face aux tensions sociales : En 2025, la France est confrontée à une montée des extrêmes, notamment du Rassemblement national (RN). Macron, critiqué par la gauche pour son discours de 2018 devant la Conférence des évêques, où il évoquait la nécessité de « réparer » le lien entre l’Église et l’État, cherche à clarifier sa vision d’une laïcité « apaisée » et inclusive. La GLDF, par son approche non dogmatique et spirituelle, offre un cadre idéal pour ce message, évitant les connotations plus politiques du GODF, souvent perçu comme engagé à gauche.
  2. Dialoguer avec une institution influente : La Franc-maçonnerie, avec environ 180 000 membres en France, reste une force discrète mais influente, regroupant en partie des élites intellectuelles, politiques et économiques. Macron, qui s’était exprimé au GODF en 2016 comme ministre de l’Économie, cherche à maintenir un dialogue avec ces réseaux. Cette visite renforce son image de Président ouvert à tous les courants de pensée, tout en reconnaissant la contribution historique de la Franc-maçonnerie à la République.
  3. Préparer les commémorations de 1905 : Cette visite s’inscrit dans la préparation des commémorations du 120e anniversaire de la loi de 1905. En choisissant la GLDF, Macron pose un jalon symbolique pour ces célébrations, enracinant son discours dans une institution qui a soutenu les idéaux républicains et la laïcité, depuis des décennies.
  4. Consolider son image de « rassembleur » : Après une année 2024 marquée par la dissolution de l’Assemblée nationale et la perte de sa majorité, Macron a appelé, dans ses vœux du 31 décembre 2024, à un « ressaisissement collectif » pour 2025. Sa tournée dans l’océan Indien (Mayotte, La Réunion) et cette visite à la GLDF s’inscrivent dans une logique de reconnexion avec les territoires et les institutions qui incarnent les valeurs républicaines. En dialoguant avec la GLDF, il cherche à transcender les clivages politiques et à renforcer son rôle de garant de l’unité nationale.

Pourquoi la GLDF plutôt que le GODF ?

Le choix de la GLDF plutôt que du GODF, où Macron s’était rendu en 2023, est significatif et reflète des considérations stratégiques :

  1. Une approche spirituelle et moins politisée : La GLDF se distingue du GODF par son caractère plus introspectif et spirituel. Contrairement au GODF, qui s’engage publiquement sur des questions sociétales (fin de vie, laïcité, égalité) et est perçu comme un courant de gauche, la GLDF privilégie le travail symbolique et initiatique, centré sur la quête de sens et la réflexion philosophique. Ce positionnement adogmatique correspond à la volonté de Macron de promouvoir une laïcité « apaisée », à l’écart des débats partisans.
  2. Un geste d’ouverture à une obédience influente mais discrète : La GLDF, bien que moins médiatisée que le GODF, jouit d’une influence notable grâce à ses 32 000 membres et à son ancrage dans les élites. En visitant la GLDF, Macron reconnaît son rôle historique dans la défense des idéaux républicains, tout en diversifiant ses interlocuteurs maçonniques.
  3. Éviter les tensions avec le GODF : Le GODF a parfois exprimé des critiques à l’égard de Macron, notamment en 2021, lorsque son Grand Maître, Georges Sérignac, a déploré l’absence de commémoration des 150 ans de la Commune de Paris. La visite de 2023 avait servi à apaiser ces tensions, mais choisir la GLDF en 2025 permet à Macron d’éviter de raviver d’éventuels différends, tout en s’adressant à une obédience perçue comme plus neutre politiquement.
  4. Un symbole inédit : La GLDF n’ayant jamais accueilli de Président de la République en exercice, cette visite marque un moment historique et renforce l’impact symbolique du discours de Macron. Elle contraste avec les visites plus fréquentes au GODF (Émile Loubet en 1899-1906, François Hollande en 2017, Macron en 2023), l’obédience de la rue Cadet n’apparaissant plus comme le leader de la franc-maçonnerie française, la maçonnerie française étant constituée d’offres indépendantes.

Pourquoi Rachida Dati était-elle présente ?

La présence de Rachida Dati, ministre de la Culture, n’est pas anodine et peut être analysée sous plusieurs angles :

  1. Un rôle institutionnel lié à la Culture : En tant que ministre de la Culture, Rachida Dati a une place légitime lors d’événements liés au patrimoine et aux institutions historiques comme la franc-maçonnerie. Sa présence aux côtés de Macron, notamment à l’occasion de manifestations culturels comme le Festival du Livre de Paris en avril 2025, montre son implication dans les initiatives présidentielles visant à promouvoir les valeurs républicaines.
  2. Un signal politique à la droite : Figure des Républicains et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati incarne un pont entre le macronisme et la droite républicaine. Sa présence à la GLDF, perçue comme marquée ni à droite ni à gauche à l’instar du GODF, peut être interprétée comme un geste d’ouverture envers ce type d’électorat, dans un contexte où Macron cherche à élargir sa base politique face à la montée du RN.
  3. Une alliée fidèle dans un moment clé : Maire du VIIe arrondissement de Paris et personnalité médiatique, Rachida Dati est une alliée stratégique pour Macron. Sa présence renforce l’image d’un exécutif uni autour des valeurs républicaines, tout en donnant une visibilité supplémentaire à l’événement. Elle incarne également une forme de diversité (femme issue de l’immigration), alignée avec le discours de Macron sur une laïcité inclusive.

Décodage politique : un acte symbolique aux multiples facettes

La visite d’Emmanuel Macron à la GLDF est bien plus qu’un simple discours sur la laïcité. Elle s’inscrit dans une stratégie politique complexe, visant à répondre aux défis de 2025 tout en préparant l’héritage de son mandat :

  1. Réponse aux critiques sur la laïcité : Critiqué par la gauche pour ses propos de 2018 sur le lien entre l’Église et l’État, Macron cherche à réaffirmer son attachement à une laïcité « de liberté », tout en évitant les controverses associées au GODF, plus engagé sur les questions sociétales.
  2. Contrebalancer la montée des extrêmes : Face à la popularité croissante du RN, Macron utilise la laïcité comme un rempart contre les discours identitaires et xénophobes. En choisissant la GLDF, il s’adresse à une audience plus large, incluant des cercles libéraux et conservateurs, tout en promouvant une vision universaliste de la République.
  3. Préparer l’après-2027 : À deux ans de la fin de son mandat, Macron cherche à consolider son image de président réformateur et unificateur. Cette visite, couplée aux commémorations de 1905, vise à ancrer son action dans une continuité historique, en le positionnant comme un garant des valeurs républicaines face aux crises futures.
  4. Dialogue avec les élites maçonniques : La franc-maçonnerie reste un espace d’influence. En dialoguant avec la GLDF, Macron renforce ses liens avec ces réseaux, tout en envoyant un message de reconnaissance à une institution qui a façonné la République.

Conclusion

La visite d’Emmanuel Macron à la Grande Loge de France le 5 mai 2025, accompagné de Rachida Dati, est un moment historique aux implications politiques profondes. Les discours de Thierry Zaveroni et d’Emmanuel Macron ont célébré la laïcité comme une « loi de liberté », capable de fédérer les citoyens dans leurs différences. Thierry Zaveroni a mis en avant le rôle de la GLDF comme gardienne des valeurs républicaines, tandis que le Président de la République a appelé à une laïcité apaisée, incarnée par la fraternité et le dialogue, face aux défis de l’antisémitisme et des extrémismes.

Le choix de la GLDF, par son caractère spirituel et moins politisé que le GODF, reflète une volonté d’élargir le dialogue et d’éviter les controverses partisanes. La présence de Rachida Dati renforce l’impact de cette visite, envoyant un signal d’ouverture à la droite républicaine.

Cette initiative, saluée par la GLDF comme un symbole de dialogue entre l’État et la Franc-maçonnerie, s’inscrit dans une stratégie globale d’Emmanuel Macron pour atténuer les tensions qui continuent de miner le pays en 2025, dans la volonté de consolider son héritage.

Comme l’a résumé un post des réseaux sociaux, « la rue Louis-Puteaux sera le théâtre d’un moment historique », non seulement pour la Franc-maçonnerie, mais pour la République toute entière.

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Patrick Carré nous parle de sa vision de « l’Alchimie »

Lors de l’initiation maçonnique au degré d’Apprenti, (1) trois principes clés du Grand Œuvre alchimique, le « mercure« , le « soufre« , et le « sel » figurent parmi les premiers symboles découverts par les récipiendaires dans le Cabinet de réflexion, appelés à réapparaître sous différentes formes lors du Grand Œuvre. On les rencontre dans les ouvrages des « Enfants d’Hermès » (les alchimistes) où est conté le combat des « deux natures », (2) dont l’une est appelée le « fixe« , l’autre le « volatil« .

Maison dite de Nicolas Flamel
Maison dite de Nicolas Flamel

Ce combat est pour Nicolas Flamel celui d’un dragon ailé et d’un dragon sans aile, qu’il appelle le « mâle » et la « femelle« , pour Avicenne celui de la chienne de Corassène et du chien d’Arménie, et pour Cyrano de Bergerac celui de la Salamandre et de la Remore. Plus couramment, ces deux protagonistes sont connus sous les noms du « mercure » et du « soufre« , quoique le premier n’ait pas plus de rapport avec le métal des thermomètres que le second n’en a avec le soufre des allumettes.

Le nom même de l’Art d’Hermès montre que la primauté a toujours été accordée au « mercure« , qui est censé se présenter le premier dans le déroulement du processus opératoire où son rôle de femelle et de mère l’a fait considérer comme la vraie matière et le « vase » de l’œuvre. Le « mercure » correspond aussi au chemin et au voyageur qui chemine, et le soufre au moteur qui anime le voyageur et au but du voyage.

« Le soufre philosophique considéré comme le dieu et l’animateur du Grand Œuvre révèle par ses actions une énergie formatrice comparable à celle de l’Esprit divin« 

(Fulcanelli, Les Demeures Philosophales)

Tandis que le symbolisme du mercure évoque souvent la volatilité de l’air et la passivité des eaux, le soufre entraîne parmi son cortège d’images celles où dominent la fixité de la semence, de la terre, et de l’activité du feu.

Le troisième élément, le sel, est le substrat des deux premiers. « Un certain sel central, principe radical de toutes les choses, est le premier corps dont se revêt l’esprit universel et contient en soi les autres principes. Il est appelé sel hermétique à cause d’Hermès qui en a, dit-on, parlé le premier, mais on peut légitimement l’appeler sel hermaphrodite, parce qu’il participe de toutes les natures. » (Nicolas Lémery, Cours de chymie) Ce principe essentiel de toutes choses, visible et pondérable, constitue la manifestation sensible de l’assemblage des deux natures, que les chimistes nomment fixe et volatile mais qu’à aucun moment on ne saurait trouver dans la réalité séparées l’une de l’autre. René Alleau souligne que « le sel n’est pas un principe mais une conséquence de l’union du soufre et du mercure … le rôle du sel consiste à maintenir entre l’action sulfureuse et la passion mercurielle un constant équilibre comparable à celui que réalisent les mouvements de la marche humaine où alternent et se succèdent les appuis et les phases de suspension. »

La première chose à rechercher par les alchimistes au commencement de leur Grand Œuvre est la « matière première« , leur « sujet » auquel ils ont donné quantité de noms tels mercure, arsenic, or, antimoine, plomb, y compris celui sous lequel il est désigné par les minéralogistes, la « stibine » sous sa forme brute, le « stibium » du Chevalier du Soleil, 28è degré du REAA. Mais cette matière doit aussi être éligible, c’est-à-dire recevoir l’empreinte de l’esprit. René Alleau a beaucoup insisté sur cette prédisposition de l’esprit sans laquelle aucun résultat d’ordre opératif ne saurait être obtenu. Quoique dure et sèche, la matière première doit être susceptible de s’amollir pour accepter cette empreinte spirituelle transmise par l’alchimiste et devenir à la fois matière et esprit.

Ces conditions étant réunies,

« La matière première du Grand Œuvre, noire mais belle, commune, sans valeur, peut être trouvée en tout temps et en tout lieu chez toutes les personnes (alchimistes d’esprit), contient tout ce qu’il faut pour accomplir l’ouvrage. Le Chaos métallique produit des mains de la Nature contient en soi tous les métaux et n’est point métal. » (Le Psautier d’Hermophile à Philalèthe, Pierre Jean Joubert de la Salette) « Ainsi Ce chaos devenu corps contient confusément la plus pure semence et la plus proche substance qu’il y ait des minéraux et des métaux. »

(Fulcanelli, Les Demeures Philosophales)

(3) On voit souvent, dans l’iconographie alchimique, cette substance indiquée sous l’image d’un dragon noir couvert d’écailles et crachant des flammes.

Cet antimoine, est un élément chimique semi-métallique souvent allié au plomb, présent dans de nombreux minéraux, sous forme d’oxydes ou de sulfures. (4) D’aspect blanc argenté et cassant, il présente des propriétés intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux. C’est Pline l’Ancien qui aurait désigné le sulfure d’antimoine du nom latin de « stibium« , (5) en opérant une distinction entre la forme mâle, la stibine, et la forme femelle, décrite comme supérieure, plus lourde, et moins friable, l’antimoine métallique trouvé à l’état naturel. Appelé « mesdemet » dans l’Égypte antique, l’antimoine était utilisé par les deux sexes et par toutes les classes sociales comme un fard à paupières pour protéger des rayons ardents et aveuglants du soleil et faire paraître les yeux plus larges.

L’Alchimie du maçon © Bibliothèque nationale de France

Une étymologie du terme « antimoine » propose le terme grec « antimonos« , littéralement « contre un« , se référant au fait que l’antimoine ne se trouve à l’état naturel qu’en tant qu’alliage, en particulier ici aux sept métaux entourant le soleil du Tableau de Loge du Chevalier du Soleil. La préposition « anti » signifiant également « en face de » induit ici le sens de « en face de l’un« , « en face du soleil« , le Soleil représentant l’unité de l’Être Suprême, l’unique et seule matière du Grand Œuvre de philosophie. Les Égyptiens illustraient le regard fixant le soleil par l’oudja, l’œil solaire, l’un des emblèmes maçonniques représenté dès le premier degré au centre d’un triangle à l’Orient des Temples, et figurant sur le bijou du Chevalier du Soleil dans un triangle radieux en or. C’est aussi l’œil de l’Aigle, car lui seul peut fixer sans crainte le soleil et déclencher (c’est-à-dire lever la clenche, le petit levier substitué à la clé) sous l’effet du feu la volatilisation progressive de cette « materia prima« , cet antimoine, dit le rituel du degré, principal élément de toute chose d’où l’on tire l’Alkaes, l’Œuvre des philosophes.

C’est dans cet état d’esprit que les Maçonnes et Maçons en quête de lumière travaillent à la gloire du Grand Architecte de l’univers. La gloire qui est un halo de lumière apparaissant dans un nuage de gouttelettes d’eau, symbole dans la cabale juive d’un voile dissimulant en son sein la lumière de Dieu, est réduite en maçonnerie à une acclamation, presque à une invocation. Comme tous les symboles de lumière du temple maçonnique, la gloire éclaire régulièrement l’esprit et l’âme des Maçons au travail durant leurs voyages intérieurs, leurs paroles et leurs silences entre le Sud et le Nord, et entre l’Orient où rayonne le delta et l’Occident où s’élèvent les deux colonnes d’un H, Jakin et Boaz.

« La lettre H, ou du moins le caractère graphique qui lui est apparenté, a été choisi par les philosophes pour désigner l’esprit, âme universelle des choses, ou ce principe actif et tout-puissant que l’on reconnaît être, dans la nature, en perpétuel mouvement, en agissante vibration. (6) C’est sur la forme de la lettre H que les constructeurs du moyen âge ont édifié les façades des cathédrales, temples glorificateurs de l’esprit divin, magnifiques interprètes des aspirations de l’âme humaine dans son essor vers le Créateur. Ce caractère correspond à l’êta (H), septième lettre de l’alphabet grec, initiale du verbe solaire, demeure de l’esprit, astre dispensateur de la lumière : « Ἥλιος, soleil ». C’est aussi le chef du prophète Elie, en grec Ἠλἰας, solaire, que les Écritures disent être monté au ciel, tel un pur esprit, dans un char de lumière et de feu. C’est encore le centre et le cœur de l’un des monogrammes du Christ : IHS, abréviation de Iesus Hominum Salvator, Jésus Sauveur des Hommes » …

« C’est enfin l’indication du premier échelon de l’échelle des sages, « scala philosophorum », de la connaissance acquise de l’agent hermétique, promoteur mystérieux des transformations de la nature minérale, et celle du secret retrouvé de la « Parole perdue ». Cet agent était jadis désigné, entre les Adeptes, sous l’épithète d’aimant ou d’attractif. Le corps chargé de cet aimant s’appelait lui-même Magnésie, et c’est lui, ce corps, qui servait d’intermédiaire entre le ciel et la terre, se nourrissant des influences astrales, ou dynamisme céleste, qu’il transmettait à la substance passive, en les attirant à la manière d’un aimant véritable. » (Fulcanelli, Les Demeures Philosophales)

La Pierre, objet de la quête des alchimistes, est présente depuis le début et durant tout le déroulement des travaux du Grand Œuvre, dont le secret consiste à la faire passer de puissance en acte. Les alchimistes distinguent la « Pierre des philosophes » de la (7) « Pierre philosophale« , la première désignant la matière de l’Œuvre, la seconde l’Œuvre accomplie dans sa perfection. Cependant, la Pierre des philosophes et la Pierre philosophale sont de même nature et dans le même rapport entre elles qu’un fruit vert et un fruit mûr. C’est l’assidité agressive et pernicieuse du raisin vert qui doit être détruite et transformée, par l’action équilibrée des rayons solaires, en liqueur généreuse et sucrée dont se font les grands vins.

Un œil de type delta doré
Un œil en or, rayonnant . Œil de chat , soleil.

L’origine cosmique de ces rayons solaires est ce différencie la chimie de l’alchimie. Parti du centre de l’univers, ce rayonnement est proprement le Verbe du commencement des temps, la Parole créatrice dont l’activité créatrice n’a jamais cessé de s’exercer pour présider à l’origine de toute production naturelle. Là repose un secret dont la révélation fut appelée par les Adeptes le « Don de Dieu », véritable animateur de la matière inerte à laquelle il transmet force et vie en s’y incarnant. De là lui vient son nom de « osée », tiré directement du grec « rosis », force. Les travaux du premier œuvre consistent justement à fabriquer un « filet » ou un « aimant » capable d’attirer cet agent et de le retenir…

« Cet ingénieux artifice est figuré (8) sur la quatrième planche du Mutus Liber (Livre muet d’auteur inconnu) par cinq toiles tendues sur des piquets fichés en terre pour recevoir cet esprit ou cette eau dont elles se gorgent et dont nous voyons un homme et une femme effectuer, par torsion d’un linge, l’abondante récolte. Ces toiles occupent exactement la place du « pavé mosaïque » au centre de la « loge d’apprenti » au premier degré de la « Franc-Maçonnerie Écossaise ». Les premières recueillent la rosée de mai ou la fleur du ciel, l’agent et le moteur de l’Œuvre. Le second reçoit la lumière de l’Orient, et l’incarne dans le tissage de ses carreaux, dont les couleurs noir et blanc sont précisément celles du mercure des philosophes. Notons que la torsion du linge par laquelle l’homme et la femme extraient le précieux liquide n’est pas sans rappeler la tension crée entre les deux colonnes du temple. L’homme et la femme symbolisent ensemble l’égrégore de la loge, qui peut être défini comme un groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des indivividus qui le composent. L’égrégore le plus simple en Alchimie étant le Rebis, la chose double, le Mercure philosophique ou la Pierre, qui se réalise par l’union, sous l’influence d’une intense action énergétique, du mâle appelé soufre ou Soleil et de la femelle, mercure ou Lune. » (Eugène Canseliet, L’Alchimie et son livre muet)

Les alchimistes parlent de réductions successives pour illustrer les phases de transformations et transmutations régulières des métaux durant l’Œuvre au blanc, comme les Maçons géomètres parlent de leurs travaux réguliers, c’est-à-dire à la fois périodiques dans le temps et réguliers selon la règle, une régularité nécessaire à leur perfectionnement symbolique par degrés.

(9) Les Maçons se réfèrent à Tubalcaïn, l’ancêtre des forgerons du fer et de l’airain, pour travailler des métaux que les alchimistes transforment dans un ordre précis symbolisé par les planètes et les couleurs de l’œuvre : le plomb, Saturne et le noir, puis l’étain, Jupiter et le gris, puis l’argent, la Lune et le blanc, puis le cuivre, Vénus et le jaune-rougeâtre, puis le fer, mars et la rouille, et enfin l’or, le Soleil et le pourpre. La couleur pourpre culmine dans l’Œuvre au blanc et précède l’Œuvre au rouge, comme elle préfigure dans le R.E.A.A. et d’autres Rites le passage des degrés de Perfection à ceux du Chapitre.

Dom Pernety définit ainsi la réduction dans son Dictionnaire Mytho-Hermétique : rétrogradation(s) d’une chose parvenue à un certain degré de perfection, à un degré qui l’est moins, comme si avec du pain on faisait du grain de froment. Ainsi la réduction des métaux en leur première matière, si recommandée par les Philosophes (autre nom des alchimistes), est la rétrogradation des métaux philosophiques, et non vulgaires, en leur propre semence, c’est-à-dire en mercure hermétique. Cette réduction s’appelle aussi « réincrudation », et se fait par la dissolution du fixe par le volatil de sa propre nature, et duquel il a été fait… Volatil est dit de ce qui vole, qui s’élève en haut, qui se sublime au haut du vase dans la distillation, ou qui s’évapore par l’action du feu commun, ou du feu inné dans la matière, cause de la fermentation. On dit volatil par comparaison avec les oiseaux…

(10) « Les Philosophes ont pris assez ordinairement les oiseaux pour symboles des parties volatiles de la matière du grand œuvre, et ont donné divers noms d’oiseaux à leur mercure ; tantôt c’est un aigle, tantôt un corbeau, un cygne, un paon, un phénix, un pélican (symboles maçonniques des Rites à différents degrés, du R.E.A.A. en particulier) ; et tous ces noms conviennent à la matière de l’Art, suivant les différences de couleur ou d’état qu’elle éprouve dans le cours des opérations… Quand les Philosophes ont voulu désigner la volatilité et l’action du mercure dissolvant sur la partie fixe, ils l’ont appelé aigle, vautour, parce que ce sont des oiseaux forts et carnassiers … C’est l’aigle qui doit combattre le lion, suivant Basile Valentin et les autres Adeptes. La putréfaction est exprimée par ce combat, auquel succède la mort de ces deux adversaires. La noirceur étant une suite de la putréfaction, ils ont dit que des deux corps des deux combattants il naissait un corbeau ; tant parce que cet oiseau est noir, que parce qu’il se repaît des corps morts. A la noirceur succèdent les couleurs variées de l’arc-en-ciel. On a dit en conséquence que le corbeau était changé en un cygne, un paon, à cause des mêmes couleurs qui se font admirer sur la queue de cet animal. Vient ensuite la blancheur, qui ne pouvait être mieux exprimée que par le cygne. La rougeur de pavot qui succède, a donné lieu d’imaginer le phénix, qu’on dit être rouge, parce que son nom même exprime cette couleur (du grec ancien φοῖνιξ, phoînix, pourpre). » ( Dom Pernety en 1758 dans son Dictionnaire Mytho-Hermétique)

(11) De même, les natures volatile et fixe des Francs-Maçons alchimistes, symbolisées par deux triangles pointes en haut et pointe en bas, dissociées d’abord l’une et l’autre dans le chaos primitif de l’œuvre au noir, s’affrontent en combats réguliers dans l’œuvre au blanc avant de faire alliance et superposer symboliquement leurs deux triangles en formant un hexagramme aux noms divers : étoile de David, sceau de Salomon, talisman de Saturne. Cette étoile en deux dimensions est surtout le symbole d’un cristal en trois dimensions, composé de deux tétraèdres imbriqués parfaitement l’un dans l’autre, le « merkaba » des traditions égyptienne, juive et tibétaine. Avec le merkaba, c’est tout un état d’être, de connaissance et de conscience, qui investit l’initié(e) en lui conférant un degré de plénitude et de bien-être inégalé, embrassant et embrasant sa vie temporelle et spirituelle dans une perception et une aperception holistique.

L'Alchimie, Paracelse et Hippolyte Baraduc...
L’Alchimie, Paracelse et Hippolyte Baraduc…

Le chemin parcouru depuis le premier degré des Rites maçonniques peut ainsi s’éclairer d’un jour nouveau, et donner un sens renouvelé, non seulement aux symboles, mais à la méthode de transmission des connaissances par les questions-réponses des livrets remis aux Maçons durant leur parcours. Car les rayonnements de l’initié(e)-merkaba débordent largement du cercle du Maître, et ses rayons de conscience peuvent interroger toute la Nature qui lui répond, ses connaissances passant ainsi des jeux des questions-réponses symboliques et élémentaires, aux connaissances acquises méritées et aux prises de conscience d’un être responsable de sa destinée, s’interrogeant lui-même pour bien « se conduire » soi-même, aux sens physique, moral, mental et spirituel de ce verbe.

Le travail sur la Pierre des Maçons géomètres prépare ainsi la naissance de la Pierre des Maçons alchimistes et au succès de l’Œuvre Hermétique, tandis qu’à l’inverse le regard de l’alchimiste inspire aussi les tracés du géomètre. Dans les deux cas les Maçons travaillent également à se transformer eux-mêmes, à se perfectionner pour accompagner en conscience l’œuvre en cours, non seulement en donnant le meilleur d’eux-mêmes, mais en se projetant véritablement en esprit dans l’œuvre en cours. Ils donnent ensemble une saveur particulière à leur vie, un « parfum » subtil de joie à leur raison d’être, quand s’éclairent mutuellement les réalisations du géomètre et l’œuvre de l’alchimiste.