mer 24 décembre 2025 - 14:12
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Mais qu’allait donc faire la Franc-maçonnerie dans les arcanes du caodaïsme vietnamien ?

(entre l’être suprême jeanne d’arc et Victor Hugo !)

« Tu frappes à la porte de la sagesse, une voix demande :
qui est là ?
Tu réponds : Moi. Et la porte ne s’ouvre pas.
Tu frappes à la porte de la sagesse, une voix demande :
qui est là ?
Et tu réponds encore : Moi. Ne soit pas étonné si la porte ne s’ouvre pas.
Tu frappes à la porte de la sagesse, une voix demande :
qui est là ?
Tu hésites mais tu réponds : Toi. Enfin, la porte s’ouvre et tu entres dans la sagesse
»
Message de Sagesse caodaïste

La Franc-Maçonnerie, du fait de sa naissance dans le contexte de la Réforme protestante (Anglicane et Calviniste à la recherche d’un modus vivendi, à l’exclusion des autres dénominations à ses débuts), sera toujours en porte-à-faux avec la question religieuse : soit un rationalisme et un anticléricalisme virulents, soit une orientation spirituelle qui ferait considérer l’Institution comme un groupe répondant à une orientation cléricale. Pour échapper à ce dilemme, la Maçonnerie se lancera dans plusieurs aventures de création et d’accompagnement de véritables nouvelles Eglises, ou sectes, qui disparaîtrons ou se poursuivrons jusqu’à nos jours.

Les deux exemples connus, sont la création des Théophilanthropes durant la Révolution Française de 1789 qui disparaîtra avec l’accession au pouvoir de Bonaparte et le soutien de la mise en place des caodaïstes, troisième religion au Vietnam durant le temps de la colonisation française et toujours vivante aujourd’hui, tant au Vietnam que dans les différentes diasporas vietnamiennes, avec une participation de membres européens, très souvent Maçons ou proches de la Maçonnerie. C’est à cette dernière création que nous allons nous intéresser.

I- D’UN BOUDDHISME RENOVE, DU SPIRITISME ET DE LA FRANC-MACONNERIE, LA NAISSANCE ET LE PASSAGE SUR LES FONDS BAPTISMAUX D’UNE NOUVELLE RELIGION.

Il est intéressant pour nous de constater qu’au Vietnam, dans les années 1920, la naissance d’un grand nombre de sectes, à partir du spiritisme, du nationalisme vietnamien et de la présence de plus en plus affirmée de courants marxistes. Par rapport au caodaïsme, sa naissance est due à une évolution sociologique importante : la création d’une classe moyenne indigène, scolarisée, occupant des fonctions administratives dans l’empire colonial et aspirant plus à une promotion égalitaire qu’à l’indépendance, avec une volonté d’une spiritualité unifiée et tolérante, tout en conservant les différences entre ces courants.

C’est sur la base du spiritisme que le caodaïsme va se constituer. A cela rien d’extraordinaire : existe depuis longtemps un spiritisme vietnamien extrêmement puissant, inter-religieux, qui va être renforcé par tout un courant spirite européen qui est l’un des résultats de la première guerre mondiale et son cortège de défunts avec lesquels se fait le désir de communiquer. Y compris dans la Maçonnerie où ce courant était représenté de façon forte, tant en France qu’au Vietnam. La relation entre les deux structures va très vite s’opérer à partir de l’appartenance laïque du milieu administratif commun et souvent par opposition aux colons qui bloquent toute évolution et sont les soutiens d’un catholicisme intransigeant, alors que l’immense majorité de la population est bouddhiste. Les loges militaires vont soutenir également l’Église naissante en comprenant qu’elle n’est pas hostile fondamentalement à la France, et par nature anti-communiste. Donc, une étrange naissance sous le patronage de la Maçonnerie, du spiritisme et des services de renseignements français !

Ce fut au début de l’année 1926 (« Binh Dân ») que fut fondé le caodaïsme, bien qu’existaient déjà des cercles médiumiques qui s’en rapprochaient auparavant. Mais, depuis 1919, un homme, Phu Ngô Van Khieu, se passionna pour le spiritisme lié au taoïsme. Avec de jeunes médiums, il évoquait les esprits supérieurs (« Cao-Tien »). Parmi les esprits contactés, s’en trouvait un qui se nommait Cao Daï. Cette évocation des esprits était quelque chose de courant dans le milieu des fonctionnaires annamites, comme l’était l’horoscope dans le peuple avec, pour les deux groupes sociaux, un enracinement dans le culte des ancêtres. Phu Ngô Van Chieu était délégué administratif, en 1919, au poste de Phu Quoc, île située dans le golfe de Siam. Fait très intéressant, il sera affecté ensuite au deuxième bureau du gouvernement de Cochinchine, ce qui ne sera pas sans conséquences sur la nouvelle religion durant l’histoire à venir du Vietnam.

Le nom de Cao Dai, découvert dans les séances de spiritisme, étonna les personnes présentes, mais Phu Ngô Van Chieu crut y reconnaître un surnom de Dieu qu’il convenait de représenter sous une forme tangible : Cao Daï lui donna l’ordre de le représenter par un œil symbolique au sein d’un triangle. Bien entendu, la copie du symbole du Grand Architecte de l’Univers est évidente ! Bientôt les fonctions administratives de Phu Ngô Van Chieu le rappelèrent à Saïgon où il fit des adhérents à la foi nouvelle, groupe recruté dans les milieux occultistes locaux. Le 24 décembre 1925, à l’occasion de noël, Cao Daï, l’ « Être Suprême », se révéla aux spirites, en langue annamite.

Phu Ngô Van Chieu, devenu médiateur entre les hommes et Cao Daï, était un produit typique du fonctionnaire indigène installé par l’administration coloniale française. Il était né le 28 février 1878 à Cholon-ville (« Binh Tay ») dans un milieu modeste et devient boursier au collège de Mytho. Au bout d’un travail forcené, il passe avec succès le concours de secrétaire du gouvernement, ce qui était alors le couronnement des études complémentaires franco-indigènes et la reconnaissance de la fidélité au gouvernement français. De 1899 à 1902, il est affecté au service de l’immigration. Passionné de religion et de spiritisme, il rejoint alors un groupe de jeunes bouddhistes qui avaient l’habitude de « faire tourner les tables ».

Après la révélation de Cao Daï, une autre conversion va avoir lieu : celle de Lê Van Trung, ancien mandarin cochinchinois, membre du conseil de gouvernement et spirite à l’occasion. Cao Daï, le « Grand Maître », par le truchement des médiums ; va le désigner pour devenir le Pape du caodaïsme, alors que Phu Ngô Van Chieu, habitué à la solitude, va se tenir à l’écart d’un mouvement qui, sortant de son cercle habituel, va devenir très rapidement une religion locale importante : les oratoires caodaïstes vont se répandre à Cholonville, Congtoc, Lôcgiang, Tândinh, Thuduc et Cântho. Deux médiums sont affectés à chaque oratoire pour recevoir les enseignements du Grand Maître.

Le 7 octobre 1926, vingt-huit dirigeants du caodaïsme, soucieux de se maintenir dans la stricte légalité, feront une déclaration officielle adressée au gouverneur de Cochinchine. A cette déclaration était jointe une liste d’adeptes comportant la signature de deux cent quarante-sept présents à la cérémonie ayant consacrée la naissance officielle du caodaïsme. Les autorités coloniales françaises verront favorablement la naissance de ce mouvement religieux issu des élites et cadres intermédiaires qu’ils sont en train de mettre en place et qui apportent leur soutien au régime colonial. De surcroît, la naissance de cette croyance et de son soutien est une manière de combattre l’influence de l’Église Catholique puissante dans le nord et le bouddhisme avec ses tendances nationalistes et, enfin, les groupes marxistes qui s’installent peu à peu dans les milieux universitaires en France ou sur place. Le renseignement français militaire va y voir un intérêt direct pour faire barrage aux influences anticoloniales et, les mouvements laïques, où la Franc-Maçonnerie joue un rôle capital, va apporter son soutien et ses conseils à la religion naissante, et ainsi en être l’un des éléments fondateurs dans l’esprit. Maçonnerie où est encore bien présente des courants spirites et un anticléricalisme virulent. Certains Maçons français vont s’y joindre et militer pour une plus grande ouverture des loges aux vietnamiens, surtout ceux qui sont membres du caodaïsme, constituant ainsi un pont entre les deux structures, allant pour certains Maçons jusqu’à considérer que le caodaïsme soit une sorte d’Eglise asiatique de la Maçonnerie qui met à l’honneur les religions mais aussi les hommes et les femmes célèbres, comme Victor Hugo, spirite, et Jeanne d’Arc !

Les dirigeants de la « Grande Voie » vont organiser trois missions de propagande à l’intérieur du pays : une pour les provinces de l’est, une pour celles du centre et une pour celles de l’ouest. En moins de deux mois, plus de vingt mille personnes, parmi lesquelles de nombreux notables, vont se convertirent. La fête de l’avènement du caodaïsme eut lieu les 14,15, et 16 du dixième mois de l’année Binh Dan (18,19 et 20 novembre 1926) dans la pagode Tu-Lam-Tu, située à Gô-Ken (Tây-Ninh). Le Gouverneur Général de l’Indochine ainsi que les grands fonctionnaires européens y furent invités. On y remarquait aussi la présence du capitaine Monet, connu comme spirite. Les loges maçonniques dans l’armée encouragèrent la naissance de cette nouvelle religion qui, d’une certaine façon, présentait un rempart contre les séditions possible. Le renseignement lui fut particulièrement favorable ! Ce fut durant la fête d’installation que furent promus le sacerdoce caodaïste et le nouveau code religieux. En mars 1927, le « Saint-Siège » du caodaïsme va être installé au village de Long-Thânh dans la province de Tây-Ninh, sur une surface de cent hectares. Le choix de ce lieu est, théoriquement, dicté par l’Esprit Supérieur, malgré l’opposition virulente de certains milieux, catholiques notamment. A cette époque, le caodaïsme compte un demi-millier d’adeptes et à qui il veut offrir le perfectionnement dans la « Grande Voie », en ayant en perspective le bien moral et spirituel de l’humanité.

II- EVOLUTIONS ET DERIVES.

Comme souvent dans l’évolution d’un mouvement religieux, la belle unité de départ va se fissurer et des scissions vont avoir lieu : « La religion de la Vraie Vérité », en 1930, et « L’Union de toutes les sectes caodaïstes », en 1934, par exemple. En fait, les statistiques, montreront qu’en 1948 existaient onze sectes de la communion caodaïste ! Les diverses sectes vont constituer des temples à leur tour et prendre des titres comme « Cardinal Législatif » ! Des troubles éclateront entre les différents groupes et c’est ainsi que, très vite, vont se mettre en place des services d’ordre qui, peu à peu, constitueront la future armée caodaïste. Les autorités françaises ne verront pas de façon négative la constitution de cet embryon d’armée, car elle assure l’ordre dans les régions qu’elle contrôle et n’a aucune velléité subversive. D’autre part, les gouvernements de gauche en France, radicaux et socialistes, faciliteront très largement la mise en place du caodaïsme par hostilité aux missions catholiques et par sympathie pour les idées religieuses, philosophiques et libérales proches de la Franc-Maçonnerie. Souvenons-nous qu’il s’est passé la même chose en Algérie où, paradoxalement, l’Islam sera encouragé par les administrateurs laïcs pour faire barrage à l’Église catholique. Ces sympathies laïques et maçonniques seront un handicap pour les caodaïstes quand, après la défaite de 1940 et le début de l’occupation japonaise de l’Indochine en accord avec Vichy et l’amiral Decoux, nommé par Pétain sans pouvoirs réels, va restaurer l’influence de l’Église catholique du nord, au détriment des bouddhistes majoritaires, des caodaïstes et autres sectes. Cela aura deux conséquences indirectes : soit une collaboration avec le Japon vers lequel il convient de se tourner pour être « plus asiatique », soit rejoindre les maquis communistes qui commencent à s’organiser sérieusement, soutenus par la Chine de Mao Tse Tung et de certains courants américains anti-colonialistes ou visant le remplacement des Français en Indochine. L’amiral Decoux fait fermer les sanctuaires de Tây-Ninh et des autres provinces et fait déporter aux Comores les dirigeants caodaïstes. Jusqu’en 1945, les Japonais vont encourager la levée de troupes chez les caodaïstes, sans grand succès d’ailleurs.

A la libération, les caodaïstes vont être rejetés provisoirement par le nouveaux gouverneur, Thierry d’Argenlieu (1), nommé par le général de Gaulle. Mais, devant l’amplitude des mouvements révolutionnaires, le rôle des caodaïstes va revenir à l’honneur : pour contrôler certaines régions, les Français vont s’appuyer sur eux, comme ils le feront avec les catholiques du nord ou les Hoà Haho (2). L’artisan de l’utilisation de courants minoritaires, et souvent violemment opposés, contre les communistes sera le général Raoul Salan. Dans ses mémoires (3) il écrit : « Je sais que les sectes ont tendance à exagérer et qu’il devient indispensable de réfréner leurs appétits.Les Hoà Hao tiennent les riches provinces de Chau Doc, Long Xuyen et Can Tho, au sud du Bassac, bras du Mékong, les caodaïstes assurent l’ordre dans les provinces de Tay Ninh et de Gia Dinh au nord-ouest de Saïgon, tandis que les Binh Xuyên (4) protègent Saïgon-Cholon et la route du cap Saint-Jacques. Les sectes nous aident et j’en ai encore besoin sur le plan militaire. Des accords ont été passés et je veille à ce qu’ils demeurent valables. C’est au militaire français que les sectes obéissent, car il les paie, les habille, les arme. Ce que réclame le président Huu (5), l’absorption pure et simple par ses services, et même l’élimination, ne saurait se concevoir en ce moment. Il faudra bien que le gouvernement vietnamien digère les sectes, mais les détruire serait une faute car elles sont farouchement anti Viet-Minh. Je m’oppose à toute intervention brutale et, en accord avec le gouverneur général Gautier, je décide d’accroître la surveillance dans le seul domaine militaire où j’ai des moyens de pression. Un plan d’action est mis au point avec mes grands subordonnés qui sera appliqué par ma mission de contrôle et de liaison »

Dans les zones contrôlées par les caodaïstes, le Viet-Minh n’aura qu’une influence négligeable. Après Diên Bien Phu, les caodaïstes, du fait de leur principale implantation géographique, vont jouer un grand rôle politique. Les Français vont mettre en place l’Empereur Bao Daï, qui tient à préserver l’unité de l’Indochine sera impuissant contre les personnages qui manifestent une hostilité très nette pour les caodaïstes et ce qu’ils représentent, en sachant qu’ils sont un atout pour l’équilibre de la situation. Leur ennemi mortel est Ngô Dinh Diêm (6), mandarin catholique, hostile aux Français et pro-américain. Le projet de liquidation des sectes, acte particulièrement aveugle, va amener à la défaite : elles représentaient près de deux millions de personnes farouchement anti Viêt-Minh et leur formation avait contribué à la pacification du sud. Les Américains, à partir de 1965, vont mettre en marche leur immense machine de guerre, mais vont laisser carte blanche à Diêm, totalement ignorants de la subtilité de la situation vietnamienne.

Les caodaïstes vont être persécutés avec violence. L’un des bras séculiers de cette lutte sera Nguyên Huu Tho, avocat, ex-ministre délégué à la présidence sous Diêm (1954-1957). Il fera exiler le pape caodaïste Pham Cong Tac qui mourra au Cambodge, mais il changera de camp et deviendra président du Front de Libération Nationale. Il échappera par miracle à un attentat perpétré dans la région de Chodoc. Des persécutions auront lieu aussi contre les Hoà Hao et les bouddhistes majoritaires dans le pays. L’une des conséquences, devant le danger qu’ils courraient, fut que de nombreux caodaïstes furent obligés soit de s’exiler soit de se joindre aux révolutionnaires, en apportant leurs compétences et. Nous pouvons constater que les sectes eurent, jusqu’à Diêm, une bonne efficacité. Ce qui amènera à tenter de poursuivre ces exemples indochinois par l’armée, dans la création des Harkis en Algérie. Mais ceci dans un contexte totalement différent, face à un peuple qui avait une culture religieuse globalement semblable.

III-ALORS LE CAODAÏSME ET LA FRANC- MACONNERIE ?

Très vite, dès la naissance de la nouvelle religion, les Maçons seront intéressés par sa philosophie. Un certain nombre y adhéreront, tandis que des vietnamiens vont rejoindre la Maçonnerie. Un délégué français, Gabriel Godron, sera même choisit comme représentant du caodaïsme en France et de nombreux lieux de culte vont s’ouvrir dans l’hexagone, là où vivent des communautés vietnamiennes. Le caodaïsme est présent également dans le monde entier, au gré des déplacements de populations indochinoises. Il est toléré dans sa pratique au Vietnam actuel par un gouvernement qui connaît les influences commerciales et politiques de ce groupe religieux à-travers le monde !

La doctrine caodaïste se veut concilier toutes les sensibilités religieuses, mais aussi à s’adapter à tous les degrés de l’évolution spirituelle :

1° Au point de vue moral, elle rappelle à l’homme ses devoirs envers lui-même, sa famille, la société qui est une famille élargie, puis envers l’humanité qui est la famille universelle. Cet aspect amenant, bien entendu, la pratique de la tolérance.

2° Au point de vue philosophique, elle prêche le mépris des honneurs, de la richesse, du luxe, pour chercher dans la spiritualité la pleine quiétude de l’âme. La liberté de conscience est aussi une croyance de base.

3° Au point de vue cultuel, elle demande la reconnaissance d’un Principe fédérateur, que le concept de G.A.D.L.U maçonnique peut le mieux à qui ressembler. Il est symbolisé par le triangle, symbole de la perfection et de la composition des énergies divines dans lequel figure « l’oeil ardent de l’Eternel ».

4° Au point de vue spirituel, elle confirme, d’accord avec d’autres religions et avec les systèmes de philosophie spiritualiste, l’existence de l’âme.

5° Au point de vue initiatique, elle communique à ceux de ses adeptes qui en sont dignes, les enseignements qui leur permettront d’accéder à une forme de sagesse intérieure et extérieure, qui se traduit par la fraternité humaine et le respect de la nature sous toutes ses formes.

Le rituel caodaïste est riche et complexe, laissant une place importante à la méditation et au silence. Gabriel Gobron, dans son ouvrage (7) résume les buts du caodaïsme en écrivant : « Sur ce terrain splendide de la fraternité humaine, les disciples du Christ et les fils d’Hiram, les adeptes du Bouddha, de Confucius, de Lao Tseu et les fervents de la théosophie, du spiritisme, de l’occultisme, se rencontrent unis dans leur volonté commune de construire le Temple de l’Humanité ». Noble perspective mais lourde tâche !

Nos Frères vietnamiens et quelques vieux nostalgiques de l’Indochine fréquentent toujours nos loges et le caodaïsme. Ils entretiennent la flamme de cette étrange rencontre…

NOTES

(1) L’amiral Georges Thierry d’Argenlieu (1889- 1964) : combattant de la France Libre, il sera nommé, par le général de Gaulle, Haut-Commissaire en Indochine Française (1945-1947). Catholique convaincu (il appartient à l’ordre des Carmes) il va mettre en œuvre un soutien très mal jugé par l’administration laïque du Vietnam et soutenu par les colons qui sont ralliés au catholicisme. Cette situation amènera les milieux laïcs et maçonniques au soutien du caodaïsme. De retour en France après son échec de réimplantation de la France et l’erreur politique grave du bombardement d’Haïphong, il se consacrera à sa vie religieuse monacale. Il avait réputation d’être dur pour les autres et pour lui-même : on le disait porteur d’un cilice !

(2) Hoà Hao : Secte basée sur le bouddhisme populaire, fondée en 1939 par Huynh Phu Sô (1919-1947). Le Viet Minh considérera le « bonze fou » comme un dangereux illuminé et il sera exécuté par eux. La secte continue à fonctionner dans le Vietnam actuel.

(3) Salan Raoul : Fin d’un Empire. Tome II. Le Viêt-Minh mon adversaire. Paris. Ed. France-Empire. 1971.

(4) Binh Xuyên : Secte fondée dans les années 1920, difficilement qualifiable : Confrérie, action politique, ou groupement semi-religieux ? Les membres s’appelaient « Frères » et respectaient un code d’honneur. Ils jouèrent un rôle politico-militaire durant les guerres vietnamiennes et l’Empereur Bao Dai confia à l’un des membres la direction de la Sureté. Bien entendu, Diêm va s’attaquer à eux pour les détruire et ce, avec l’appui de la CIA. Voulant jouer la division il proposera aux caodaïstes et Hoà Hao leur aide. Ce qu’ils refuseront par solidarité entre les sectes.

(5) Nguyên Huu Tho (1910-1996) : Ministre de la République du Vietnam (1969-1976), il deviendra Président de l’Assemblée Nationale de 1981 à 1987. Il est intéressant de noter que son ralliement au régime communiste après sa collaboration temporaire avec Diêm et sa persécution des sectes ne soit pas mentionnée par le gouvernement officiel actuel !

(6) Ngô Dinh Diêm (1901-1963) : Premier Ministre de la République du Vietnam de 1954 à 1955. Il deviendra Président de la République en 1955. Très largement soutenu par les Américains au départ, ces derniers seront obligés de l’évincer face à son comportement dictatoriale et sa volonté d’imposer le catholicisme contre les communistes, le bouddhisme et les sectes. Il sera assassiné le 2 novembre 1963 à Saïgon.

(7) Gobron Gabriel : Histoire et philosophie du caodaïsme. Paris.Ed. Dervy. 1949. (Page 1456)

BIBLIOGRAPHIE

  • Ouvrage collectif : Regards sur l’Indochine. Paris. Association des auditeurs du Centre des hautes-études sur l’Afrique et l’Asie modernes (ARRI). 2004.
  • Brocheux Pierre : Indochine, la colonisation ambigue. Paris. Ed. La Découverte. 2004.
  • D’Ainval Christiane : Les belles heures de l’Indochine française. Paris. Ed. Perrin. 2001.
  • Dalloz Jacques : Dictionnaire de la guerre d’Indochine. Paris. Ed. Armand Colin. 2006.
  • D’Argenlieu Georges Thierry : Chroniques d’Indochine : 1945-1947. Paris. Ed. Albin Michel. 1985
  • Goscha Christopher : Indochine ou Vietnam ? Paris. Ed Vendémiaire. 2015.
  • Greene Graham : Un Américain bien tranquille. Paris. Ed. 10/18. 2003.
  • Joyaux François : Nouvelle histoire de l’Indochine française. Paris. Ed. Perrin. 2022.
  • Meyer Charles : La guerre d’Indochine. Paris. Ed. Tallandier.1999.
  • Namba Chizuro : Français et Japonais en Indochine (1940-1945). Propagande et rivalité culturelle. Paris. Ed. Karthala. 2012.

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16/05/25 – Rencontre littéraire à la Librairie Detrad Cadet : « Plongée dans l’histoire et le mystère avec 3 auteurs d’exception »

Le jeudi 15 mai 2025, à partir de 16h30, la Librairie Detrad Cadet, nichée au cœur de Paris, ouvre ses portes pour un événement littéraire exceptionnel. Les Éditions Detrad aVs, reconnues pour leurs récits captivants mêlant histoire et ésotérisme, vous invitent à découvrir trois nouveaux romans à travers une séance de dédicaces en compagnie de leurs auteurs : Jean-Michel Roche, Michèle-Élisabeth Rochlin et Michel Viallefond.

Entre aventures historiques et enquêtes initiatiques, cette rencontre promet de séduire les amateurs de récits riches en intrigues et en mystères. Voici un aperçu des œuvres et des plumes talentueuses qui seront à l’honneur.

Jean-Michel Roche et les désillusions de la Révolution française

Jean-Michel Roche, guide-conférencier au musée de la Franc-maçonnerie et passionné par le XVIIIe siècle, nous transporte dans les tumultes de la Révolution française avec Face à la guillotine, paru en mai 2025 dans la collection EnQuête Historique. Ce roman de 212 pages, vendu 17 €, suit Guilhem Malbay, un héros fictif aux aventures palpitantes. Après avoir combattu aux Amériques aux côtés de Lafayette et Washington, et déjoué un complot contre Louis XVI, Guilhem assiste, impuissant, à l’exécution du roi et à la descente aux enfers de la jeune République. Sous la Terreur, dirigée par des figures comme Robespierre et Saint-Just, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » semble devenir une utopie face à un régime autoritaire où chaque citoyen peut être suspect. À travers ce récit, Roche interroge les idéaux révolutionnaires et leurs dérives, offrant une réflexion profonde sur les contradictions de cette période charnière. Les lecteurs amateurs d’histoire et d’intrigues politiques seront captivés par cette fresque sombre et réaliste.

Michèle-Élisabeth Rochlin et Mario Maiolo : une quête ésotérique dans le Paris contemporain

Malum et Bonum : Vapeurs mortelles, premier volume d’une trilogie signée à quatre mains par Mario Maiolo et Michèle-Élisabeth Rochlin, est un polar initiatique paru en mars 2025 dans la collection EnQuête Initiatique. Ce roman de 244 pages, au prix de 18 €, nous plonge dans un Paris mystérieux où Adeline Le Clèves, propriétaire d’un club de sport, découvre sa sœur assassinée dans un hammam, aux côtés de son amant. Après le meurtre non élucidé de son père sénateur, Adeline, suspectée par la police, mène sa propre enquête. Ses investigations la conduisent à une organisation dangereuse et à des révélations sur ses origines, teintées d’ésotérisme. Mario Maiolo, interprète italien et animateur d’ateliers d’écriture, et Michèle-Élisabeth Rochlin, ancienne professeure de Lettres Classiques, poétesse et membre de la Grande Loge Féminine de France, unissent leurs talents pour offrir un récit haletant. Leur collaboration mêle suspense et quête spirituelle, explorant des thématiques maçonniques qui séduiront les amateurs de mystères et de symbolisme.

Michel Viallefond et les secrets de la Corse

Michel Viallefond, originaire de Corse et passionné d’histoire et d’ésotérisme, signe Corsica Enigma, un roman de 248 pages publié en mai 2025 dans la collection EnQuête Initiatique, au prix de 18 €. L’histoire suit Pierre Renucci, un journaliste expert en symboles maçonniques, sur le point de percer un secret vieux de plusieurs siècles après une quête à travers la Corse, Rome, Paris et Marseille. Mais ses découvertes dérangent le Vatican, qui lance des tueurs à ses trousses. Aidé par ses amis corses et marseillais, Pierre tente de survivre tout en résolvant cette énigme. Viallefond, qui a lui-même enquêté dans plusieurs pays pour nourrir son récit, explore une facette méconnue de l’histoire corse, notamment ses relations complexes avec le Vatican. Ce roman, riche en rebondissements, est une invitation à plonger dans un univers où histoire, ésotérisme et aventure se mêlent avec brio.

Une rencontre à ne pas manquer

Ces trois auteurs, réunis par les Éditions Detrad aVs, partagent une passion pour l’histoire, les intrigues et les mystères ésotériques, souvent teintés de symbolisme maçonnique. La Librairie Detrad Cadet, lieu emblématique pour les amateurs de ce genre littéraire, offre une occasion unique de rencontrer ces plumes talentueuses et de découvrir leurs univers. Que vous soyez fasciné par les désillusions de la Révolution française avec Jean-Michel Roche, intrigué par les secrets ésotériques parisiens de Mario Maiolo et Michèle-Élisabeth Rochlin, ou captivé par les énigmes corses de Michel Viallefond, cette séance de dédicaces promet des échanges riches et des découvertes littéraires. Rendez-vous le 15 mai à partir de 16h30 pour une immersion dans des récits qui mêlent passé, mystère et quête de vérité. Ne manquez pas cette chance de repartir avec un exemplaire dédicacé et de plonger dans ces aventures captivantes !

Le cercle et sa quadrature

Le 5ème degré de Maître Parfait apporte la solution au problème de la quadrature du cercle ainsi posé :
Frère Inspecteur, êtes-vous Maître Parfait ?
J’ai vu les trois cercles enfermant le cube sur les deux colonnes :

« Je connais le cercle et sa quadrature ».

Rappelons-nous d’abord que notre réception sous le Laurier et l’olivier marque et symbolise une reconnaissance qui résonne dans l’éternité : en passant de l’équerre au compas, nous avons été invités à basculer dans la dimension métaphysique, ontologique de ce que nous sommes « en Vérité ».

Nous ne pouvons donc plus nous satisfaire de « Savoir » mais sommes résolus au plus profond de nous et dans le plus Grand secret à CONNAÎTRE ! A nous CONNAÎTRE !!! Nous nous en glorifions car nous réalisons enfin que tel est notre seul et vrai DEVOIR !

De même, nos larmes versées sur la perte de notre respectable Maître Hiram n’est pas une fin en soi, bien au contraire, la dramatisation de cette perte provoquée par l’égarement des trois mauvais compagnons nous exalte à activer la clé d’ivoire dans la serrure de ce que nous percevons tout au plus.

L’organisation funéraire du 5ème degré nous invite maintenant à tracer géométriquement les plans d’un champ de conscience qui nous était encore caché car bien au-delà de la simple raison, d’un simple savoir spéculatif, il ne s’agit pas d’une démarche intellectuelle, d’une maîtrise illusoire par des calculs mathématiques, de forger des dictats conceptuels théoriques, idéologiques ou dogmatiques.

« Tu pensais avoir compris ! Eh bien tu n’avais rien compris ! Voilà ton Devoir !

Voilà ce que tu dois chercher ! Ce que tu vois n’est pas ce qui est ! Ce qui est n’est pas ce que tu crois ! Ce qui est, est tel que tu es ! Connais-toi toi-même et suis ton Devoir !

Être en quête de la parole perdue et rassembler ce qui est épars nécessite d’opérer un travail sacré sur un cœur qui à ces raisons et que nos simples raisons ne peuvent qu’ignorer, le royaume de l’équerre n’étant en fait qu’un reflet du royaume du compas.

La mise en scène rituelle des funérailles d’Hiram consiste en un plan opératif interpelant notre conscience. Il s’agit ainsi de l’explorer et le méditer pour en saisir l’analogie spéculative qui pour moi est la suivante :

Le REAA nous appelle à nous extraire symboliquement du carré de notre enveloppe matérielle pour accéder au cercle de l’esprit.

Nous, Maitre Parfait, devons témoigner « en personne » de cette expérience, traduisant ainsi le cheminement de notre conscience en le reproduisant dans des tracés géométriques, qui d’étapes en étapes finissent par former un plan d’accès, et dont les dimensions retrouvent les justes mesures de notre ontologie.

« Que nul ne rentre ici si il n’est pas Géomètre ! » « A Seigneur mon Dieu ! » nous percevons bien que la Géométrie pythagoricienne nous invite, par la puissance de sa portée symbolique, bien au-delà du simple calcul rationnel, dans les cieux microcosmiques de notre propre temple intérieur, dans notre véritable Chair au combien sacrée.

« Connaître le cercle et sa quadrature » ne s’explique pas, ne se calcul pas mais implique de vivre un véritable processus alchimique dont le principe nous est la fois immanent et transcendant, et que la Géométrie matérialise. Spiritualiser la matière et matérialiser l’esprit pour retrouver en nous la perfection et la seule

Gloire de la chose UNE ! En pratiquant l’Art Royal, il s’agit de réaliser notre

Chef d’œuvre, c’est-à-dire accomplir l’œuvre alchimique par « excellence » !

Ré-immerger symboliquement dans le processus de création du GADLU lors de notre initiation, puis guidés par les Trois Grandes Lumières à la reconstruction de notre conscience, celle-ci nous a invités à passer du monde limité du tangible au vaste monde de la pensée et de l’action.

Invités à nous perfectionner dans cette autre dimension parce que nos yeux n’y étaient que partiellement décillés, Nous, Maitre Parfait, dans « l’Aujourd’hui de notre temps mythique », en retrouvant le mot qui est Jéhovah, en apprenant que l’accomplissement du Devoir est la réalisation du Principe élevé qui est en lui et non en dehors, Nous découvrons que la Clef de la connaissance est dans la participation directe et immédiate à ce principe qui est immanent en l’initié.

Nous en tirons cette conséquence métaphysique que nous sommes tous libres, tous frères, tous égaux.

En mourant à l’illusoire réalité que me projette le monde sensible et ses abusantes raisons, faite de droites et d’angles semblant définir un monde fini, en extrayant mon cœur de cette dépouille pour l’élever au sommet d’un obélisque, je me crée un nouveau repère, siège de mes intuitions les plus profondes et de l’imagination la plus « fertile », conduisant mon dépassement vers le haut sans m’exclure du bas.

En abordant ainsi les plans de mon temple en dehors de tout préalable, je me construis et me purifie degré par degré, convertissant mon regard et vivant de plus en plus profondément la réalité spirituelle au cœur du monde temporel.

Je ne cherche ainsi plus à expliquer, je part à la découverte de ce qui EST en partant de ce que je SUIS, j’isole et ouvre mon cœur en l’élevant pour éveiller mon être, et ainsi me colorer de l’évidence d’un « intelligible universel » rendant dérisoire tout mot et toute explication. En cela, je trace le cercle et aspire intuitivement à conjuguer vers son centre pour parvenir au cœur de ce qui est en moi-même et que j’ignore.

Son exploration tout aussi intuitive me conduit vers des archétypes, me trouvant ainsi à genoux au centre de moi-même. C’est en cela que je m’ouvre à la connaissance du cercle et à sa quadrature.

Plus je communie avec ce centre, plus je réalise que je n’ai plus rien sauf ce que je suis. Mon Devenir est dans ce que je suis, en y participant activement, tout mon DEVENIR s’ouvre à moi, je SUIS en DEVENIR.

Je réalise alors que l’intelligence est féminine, et ainsi nous est offerte non pour pénétrer les mystères de la vie, mais s’en pénétrer au plus profond de nous même pour en quelque sorte nous ré-enfanter. Cette intelligence inopinée ne nous fait-elle pas découvrir ou plutôt Redécouvrir le mot Jehova en s’en faisant le « miroir », toutes nos énergies furieuses et révoltés dans les errances de nos seuls intérêts extérieurs n’en sont-elles pas redirigées ?

Nos sensations et nos opinions ne sont ni vraies ni fausses, elles ne font que manifester les illusions de l’existence et de ses errances, bien éloignées des réalités des mystères de la vie.

Connaître le cercle et sa quadrature n’est plus la simple entrevue du monde spirituelle, il implique notre participation active au passage permanent du carré de la Terre au cercle du ciel, du cercle de l’infini au carré de la matérialité.

Plus encore, l’un n’étant que le reflet de l’autre dans le monde sensible, il s’agit non plus de s’échiner dans un labyrinthe (à l’instar de Dédale) mais de contempler le monde sensible avec les yeux de l’esprit pour monter progressivement vers la transcendance, vers la connaissance spirituelle, qui unit ce qui est en bas avec ce qui est en haut.

Planche représentant une version latine de la Table d’émeraude gravée sur un rocher dans une édition de l’Amphitheatrum Sapientiae Eternae (1610) de l’alchimiste allemand Heinrich Khunrath.

Ce n’est pas un hasard si le vert de la Table d’émeraude, celui de la connaissance cachée, profonde, est la couleur qui domine notre grade de Maitre Parfait. Connaître la quadrature du cercle, c’est vivre la relation intime entre les choses célestes et celle d’ici bas, c’est remettre en résonnance l’unité entre cette « petite étincelle » retrouvée au plus profond de nous et l’infiniment UN.

Pour retrouver cette relation avec l’Univers et les Dieux, il faut d’abord acquérir la connaissance profonde de soi car seul l’être encore endormi au fond de nous a le regard sur l’invisible permanent, immanent et transcendant. L’âme humaine est appelée à contempler ce monde originel et éternel des idées et non ce qui appartient au monde matériel d’ici bas.

« L’être et la connaissance sont tout UN ; Car ce qui n’est pas on ne le connaît pas non plus, mais ce qui est au plus haut point, on le connaît également au plus haut point »

(Maître Eckhart)
Libre,de,une vieille,serrure,avec,clé,sur,un,en bois, Porte
Pour fermer ou ouvrir ?

La clef que nous avons reçu à notre entrée en ateliers de perfection est donc bien celle du Saints des Saints, où tout est parole mais rien n’est prononçable, ce lieu sacré est en nous.

Ignorer que cette clé se tourne symboliquement dans la serrure métaphysique que nous sommes, c’est entrer dans les Dédales des savoirs nous emprisonnant dans l’illusion que la vie s’explique en demeurant dans le royaume du carré.

Le degré du Maitre Parfait, en nous guidant symboliquement à participer à la quadrature du cercle, nous invite à une véritable conversion du regard qui permet de voir la Permanence d’un monde spirituel derrière l’apparente matérialité de la vie.

Ayons courage, la race des Hommes est divine ! La nature sacrée leur révèle les plus secrets mystères…

Philippe de Villiers : le retour du vieux spectre de l’obscurantisme

En prenant pour cible la Grande Loge de France et, plus largement, la Franc-Maçonnerie, Philippe de Villiers ressuscite avec emphase une rhétorique d’un autre âge. Derrière un discours qui se veut érudit, baroque et empreint de fulgurances historiques, c’est en réalité le vieux fonds de l’antimaçonnisme français qui réapparaît, celui qui confond secret et conspiration, symbolisme et subversion, spiritualité et manipulation.

Tout commence par un amalgame confus, presque onirique, entre toupie kaléidoscopique, triangle maçonnique et tunique christique. Cette approche analogique, propre à la rhétorique villiériste, vise à décrédibiliser la cohérence du discours présidentiel en le renvoyant à une forme de double jeu, voire de duplicité mentale. Mais l’amalgame entre la Trinité chrétienne et le « triangle » maçonnique révèle surtout une incompréhension des registres : le symbole maçonnique du Delta lumineux n’est en rien un contre-symbole chrétien, mais une figure d’élévation intellectuelle et spirituelle – l’Œil qui voit en pleine lumière, non pour surveiller, mais pour éveiller.

Lorsque de Villiers évoque ensuite les Loges comme des lieux où « tous les tabliers sont réunis » pour célébrer une loi sur la fin de vie, il projette sur les Francs-Maçons un fantasme d’influence occulte. Rien ne permet d’affirmer que la Franc-Maçonnerie, dans sa diversité obédientielle, agit comme un pouvoir politique caché. Elle est un espace de débat, non un lobby dogmatique. La Grande Loge de France, fidèle au Rite Écossais Ancien et Accepté, invite ses membres à réfléchir librement sur les grandes questions humaines, dans le respect de la conscience de chacun.

Quant à l’accusation d’obscurantisme, elle est renversante. Car ce sont précisément les Lumières maçonniques qui, historiquement, ont combattu les obscurantismes de leur temps : ceux de l’intolérance, de la censure, de l’inquisition morale ou politique. L’obscurité ne se trouve pas là où l’on étudie, médite, transmet, mais bien dans les dogmatismes qui prétendent enfermer la vérité dans une unique lecture du monde.

Affiches propagande antimaçonnique
Affiches propagande antimaçonnique

Sur la laïcité enfin, Philippe de Villiers commet une faute intellectuelle grave. Dire que la loi de 1905 fut une entreprise d’éradication du christianisme, c’est méconnaître à la fois le texte et l’esprit de la loi. Cette loi ne nie pas le fait religieux ; elle le protège. Elle n’exclut pas les croyants ; elle les libère. Elle ne dépossède pas l’Église ; elle garantit à toutes les confessions une égale dignité. C’est pourquoi, depuis plus d’un siècle, des croyants de toutes confessions s’en réclament. La Franc-Maçonnerie elle-même ne promeut pas l’athéisme militant : elle appelle à la liberté absolue de conscience, ce qui inclut le droit de croire, comme celui de ne pas croire.

Dans un style empreint de lyrisme crépusculaire, Philippe de Villiers convoque enfin la cathédrale comme métonymie du peuple français. Mais qu’est-ce qu’une cathédrale, sinon un chef-d’œuvre collectif, œuvre de compagnons, d’architectes, d’ouvriers du trait et du geste ? Là encore, les Francs-Maçons reconnaîtront dans cette allégorie un symbole profond : le Temple intérieur se bâtit avec patience, fraternité et rigueur, loin des anathèmes et des jugements hâtifs.

Affiche de propagande nazie de lexposition antimaçonnique de Belgrade 1941-1942

La Franc-Maçonnerie, loin d’être un « goût de l’obscurité », est une voie vers la Lumière. Son travail est silencieux mais fécond, souterrain mais jamais soustractif. Ce n’est pas elle qui menace la République : c’est l’amnésie, l’amalgame et l’intolérance. L’initiation maçonnique, au contraire, appelle à la vigilance éclairée, au discernement constant, à la construction lente d’un homme libre et d’un citoyen éclairé.

Il ne s’agit pas de faire taire les critiques, mais de répondre par l’intelligence du symbole, par la rigueur de l’histoire et par l’engagement éthique. Comme le rappelait le président Macron dans un passage que de Villiers élude, la République laïque n’est pas l’ennemie des religions : elle est leur gardienne en ce qu’elle les libère de toute instrumentalisation.

Et si nous devions, nous aussi, citer l’Évangile, ce serait pour rappeler ces mots :

« La Vérité vous rendra libres. »

(Évangile selon saint Jean, chapitre 8, verset 32)

Encore faut-il l’approcher sans crainte, sans masque et sans haine.

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Spiritualité et Alchimie spirituelle

La Spiritualité ne se définit jamais précisément ; elle se vit et se ressent intérieurement comme un état d’être diffus mais très prégnant, qui infuse à la fois le corps et l’esprit. Elle n’est jamais prisonnière de concepts intellectuels, et semble jouer à échapper comme une ondine aux pensées des philosophes et des religieux qui tentent de l’appréhender, non pas pour les mettre en échec, mais dans le seul but de les surprendre et de développer en eux leur désir de s’en saisir.

Village des Métiers d’Antan

Pour y parvenir, les hommes et les femmes de tous les temps, partout sur la terre, ont développé des savoirs faire et des savoirs être différents les uns des autres mais qui se rejoignent en un point qui est la pratique. Il n’y a pas de désir de spiritualité sans un socle de pratiques régulières et efficaces dans tous les domaines telle la pratique du culte par les religieux, du yoga en orient et en occident, des Métiers par les Compagnons, des rituels et des rites par les Maçons.

La spiritualité, fruit du désir, fut tout de suite chassée du Paradis dès les premiers chapitres de la Bible, à l’instar d’Adam et Ève chassés de l’Éden pour avoir succombé au désir de croquer la pomme d’Amour. Tout est dit dès les premiers mots du dogme monothéiste, pour éviter que le désir informulé mais bien réel de l’Esprit incarné, lové au plus profond de soi-même comme un serpent, ne se fraie un chemin vers l’imaginaire et ne trouve le moyen de se faire entendre en dehors du discours dogmatique. C’est même paradoxalement ce discours castrateur qui révèle aux êtres qui lui résistent leur propre faculté de s’envoler au-delà de soi-même en une dimension inattendue échappant à la stricte rationalité. La religion peut être la révélatrice de cette dimension spirituelle insaisissable et indescriptible avec des mots, pour peu qu’on transforme ses interdits en révélateurs d’une spiritualité qui n’imprime pas sa marque en gros caractères dans la mémoire, mais infuse en prenant son temps chez tous les êtres prêts à l’intégrer en eux-mêmes.

peinture égyptienne
décoration égyptienne

La spiritualité n’est donc pas réservée à un groupe ou à une élite intellectuelle ou religieuse, séculière ou contemplative, mais infuse en quiconque aspire à transformer chaque instant de sa vie en une suite de moments précieux réchauffant le cœur et nimbant l’esprit d’une douce lumière. C’est cet état d’âme qu’avait décelé l’historien grec Hérodote chez les Anciens Égyptiens, « les plus religieux de tous les hommes » disait-il. S’ils étaient des polythéistes aux dieux multiples, ils étaient aussi au fond d’eux-mêmes omnithéistes et s’appliquaient à transformer chaque instant en source potentielle de vie divine, notamment en transformant des moments de vie ordinaire comme la toilette en rituels de purification par l’eau.

Dès que des suites de gestes ordinaires sont effectués régulièrement avec application et avec cœur, et se perpétuent en incitant les hommes et les femmes à donner le meilleur d’eux-mêmes, alors à la satisfaction d’être utile pour des raisons pratiques se superpose la joie diffuse de s’exprimer soi-même tout en offrant le meilleur de soi au service d’une cause plus grande que soi. La vertu des traditions est ainsi globalement, non seulement de perpétuer le meilleur des communautés par des coutumes au service du bien-être matériel individuel et collectif, mais aussi d’en révéler la dimension spirituelle par des éclats de joie collective ou d’intenses sentiments de joie intérieure, transformant ainsi les gestes de la vie courante effectués avec application en sésames ouvrant et éclairant l’esprit et le cœur.

Tailleurs de pierres
Tailleurs de pierres

Les Compagnons du Devoir se sont emparés de ce double pouvoir du geste de transformer la matière tout en se transformant eux-mêmes de l’intérieur, en évitant de disjoindre le geste extérieur de l’ouvrier et la Geste intérieure œuvrière, le Travail et l’Œuvre. Dans cette théodicée spirituelle, le corps et l’esprit ne sont jamais disjoints mais conjoints, et ne sont pas superposés dans un rapport hiérarchique subordonnant le matériel au spirituel, comme dans le dogme religieux monothéiste. Ils se font face et se dynamisent l’un l’autre en croisant leurs champs d’actions respectifs, la réalisation de l’être matériel et son accomplissement spirituel. La clé de cette dynamique est donnée aux Apprenti(e)s en Franc-Maçonnerie dès leur initiation au premier degré, par une suite de gestes effectués à l’équerre par la main et le bras, tout en se tenant verticalement dans l’axe reliant le nadir au zénith, la matière à l’esprit.

Peu à peu, leur Travail devient un ensemble d’innombrables variations de gestes rectifiés, mesurés comme la somme intégrale de leurs petites variations. L’esprit se nourrît en retour de ses innombrables ordres « rectifiant » donnés aux mains et au corps pour trans-former la matière, et tend à son tour à se perfectionner soi-même. La somme intégrale de ces variations de formes de la matière est ainsi reliée indéfectiblement à l’intégrale des sommations de l’esprit, et leur émulation réciproque dynamise à la fois la connaissance de la matière et la conscience de l’esprit. À tel point que la somme totale de ces petites variations, symbolisées par la lettre grecque δ (delta minuscule), génère un Δ (delta majuscule) devenu le symbole du dieu unique des religions monothéistes, son Δ trônant à l’orient des temples maçonniques et religieux en occident.

temple égyptien illuminé
temple des Ramsès à Louxor

Le corps et l’esprit qui s’expriment ainsi intégralement libèrent une énergie et une puissance insoupçonnée transformant de fond en comble toute la vie, jusqu’à redonner le goût de l’instinct naturel aux êtres rationnels et bornés. Seuls les animaux et les plantes agissent instinctivement et intégralement, et peuvent intégrer et restituer l’énergie naturelle qui les parcourt, une puissance toute naturelle bien supérieure à celle des hommes en raison de leur raison raisonnante et encadrée, bouclant sur elle-même et bridée par tous les dogmes idéologiques et religieux. Être puissant, c’est être plein de soi, ni plus, ni moins, une plénitude divinisée par les Anciens Égyptiens, qui transparaît sous les traits d’animaux, de végétaux, et dans tous les éléments naturels. C’est à la redécouverte de cette puissance intégrale de soi-même qu’ils étaient conviés en contemplant dans leurs temples les sculptures de plantes en efflorescence et les animaux en mouvement.

Si, dans le panthéon égyptien, tel ou tel animal est choisi pour être l’emblème d’une force à l’œuvre dans l’univers, c’est d’abord parce qu’elle se déploie en lui sans retenue, dans les seules limites de son espace vital et dans le temps de son existence. Tout animal quel qu’il soit est tout de suite plein de soi-même et survit dans les éléments naturels en déployant intégralement sa force, révélant ainsi aux hommes et aux femmes la force intérieure à déployer pour sur-vivre plein de soi-même matériellement et au-delà de soi-même spirituellement. Cette force absolue à l’œuvre partout dans la Nature, est magnifiée par les œuvres des grands artistes de la Renaissance.

La naissance de Vénus », de Botticelli

Le tableau « La naissance de Vénus », de Botticelli, célèbre cette force intégrale à l’œuvre qui se déploie aussi en beauté lors de la naissance et du développement d’une spiritualité accomplie. À l’origine, Zéphyr, dieu du vent, et Aura sa femme, déesse des fleurs et vent du printemps, soufflent et insufflent leur désir d’amour à la spiritualité naissante, et au terme de sa croissance, une déesse des Heures, filles de Zeus et portières de l’Olympe soulèvera le voile opaque qui la dissimulait. En cet instant, sa beauté naturelle éclaire le regard et réchauffe le cœur des femmes et des hommes qui contemplent sa beauté sans limite. L’intensité de ce moment suprême dans la vie spirituelle se mesure au chemin parcouru par l’être de désir durant sa quête intérieure, mais il ne se calcule pas rationnellement, et se décrète encore moins. La coquille Saint-Jacques symbolise toute cette croissance irrationnelle de l’être en soi-même, sa nacre sécrétée avec une infinie patience et sa perle magnifique n’étant à l’origine qu’un parasite contre lequel elle se défend en l’enrobant couche après couche de nacre et de beauté. Toute la spiritualité des Maçonnes et Maçons qui se subliment à mesure qu’ils/elles se rectifient est là, irradiant doucement en soi-même comme une perle de nacre aux reflets chatoyants.

L’Alchimie spirituelle

Carl Gustav Jung

L’Alchimie spirituelle est une forme de sagesse ou d’ascèse renouvelée et transformée par la pensée de Carl-Gustav Jung, pionnier de la psychologie des profondeurs. À l’opposé d’une vision binaire du monde et des êtres qui porte au conflit et à l’exclusion, la pensée jungienne invite à une vision complexe dans laquelle les pôles opposés ne doivent pas se combattre jusqu’à l’élimination de l’un d’eux, mais se combiner, car chacun de ces opposés a sa raison d’être. L’Alchimiste a l’art de transformer l’énergie de ces combats en une tension et une alliance à maintenir entre les combattants jusqu’à l’émergence d’un troisième terme dû à leur union, et la découverte avec lui de perspectives nouvelles de vie spirituelle.

Ces pratiques les mettent d’abord sur la voie du travail et du perfectionnement collectif, avant de leur faire goûter par instants à un sentiment plus diffus de plénitude et de joie intérieure, transformant le fil linéaire de l’existence en une corde de harpe aux sons mélodieux. Ainsi, tout en vivant une vie ordinaire où tout se maintient en soi-même dans un équilibre global tout relatif, chacune et chacun peut faire surgir du plus profond de soi-même des accords extraordinaires de contentement intérieur, quand les cordes de sa propre harpe vibrent ensemble et suscitent tout naturellement le désir de les rejouer et de s’en ré-jouir. Alors, sous le souffle du désir, la destinée des êtres spirituels prend un nouvel élan, et les êtres autrefois passifs et spectateurs de leur vie deviennent les compositeurs et les interprètes de leur musique et de leurs propres accords. Et soudain ce qui est désiré ardemment tend à se produire régulièrement comme par miracle, suspendant toute la vie à la devise de la Dame à la Licorne « À MON SEUL DÉSIR ».

« L’individu est d’une importance décisive car c’est lui le vecteur de la vie et de l’existence. Ni le groupe ni la masse ne peuvent le remplacer »

« Chaque vie est un déroulement psychique… la tâche la plus noble de l’individu est de devenir conscient de soi-même. » dit Jung. Cette alchimie intérieure développe ainsi l’individualité, et non l’individualisme, favorise l’ouverture à l’autre et la reconnaissance de son altérité. Elle permet aussi de se différencier d’un collectif d’êtres irresponsables dissimulés derrière leur anonymat. Pour y parvenir, il est essentiel de renoncer au matérialisme et de se rendre disponible aux horizons proposés par l’imaginaire et la poésie, et par tout ce qui dépasse la stricte compréhension rationnelle. Car une existence accomplie nécessite une nourriture spirituelle et des relations harmonieuses, sinon apaisées avec les mystères qui échappent à l’emprise de la raison. Ainsi, pour Jung, l’intuition est une « fonction non rationnelle de la psyché », et revêt une importance égale à celle de la pensée issue de la raison, de la sensation ou de l’émotion. Corps et esprit sont des aspects d’une réalité psychique globale, où le corps est aussi métaphysique que l’esprit.

Le but de la vie est d’évoluer du Je vers le Soi, grâce au processus d’individuation. Ce cheminement intérieur pousse à développer une connaissance plus profonde de soi-même, afin de s’auto engendrer en tant qu’individu unique au coeur de l’humanité et de l’univers, ce qui correspond à une renaissance et au sens profond de l’initiation maçonnique. Le Je est le résultat de 4 élements : l’ego, la persona, le soi et l’ombre. L’ego est le noyau de la conscience, des émotions et des sensations. Il permet de se percevoir et de se reconnaître soi-même à tout moment. La persona, dont le mot dérive du latin « masque », est la personnalité qui répond aux attentes des autres et permet de se faire accepter. Le soi peut être comparé à l’âme, la partie divine de soi-même. L’ombre englobe tous les éléments rejetés de la personnalité, s’ils entrent en conflit avec l’image que l’on souhaite projeter de soi-même et présenter à autrui.

Freud

Contrairement à la vision freudienne, Jung propose l’idée que la psyché humaine est composée de deux inconscients : un inconscient de nature individuelle où s’expriment les névroses et les conflits personnels et l’autre inconscient de nature collective où se tisse le récit universel de l’humanité. Il est peuplé de figures héroïques comme Œdipe, Icare ou encore la Belle au bois dormant, et aussi de symboles communs à l’ensemble de l’humanité. L’inconscient collectif, partagé et transmis de génération en génération, se présente comme une réalité psychique mais aussi biologique. Il abrite les réponses instinctives de l’Homme : la peur, l’intuition du danger, l’amour et l’angoisse face à la mort. Cette pensée s’oppose à la vision de l’intériorité humaine de Freud, notamment avec son exploration d’obsessions érotiques, scatologiques et inavouables.

Cette quête véritablement initiatique peut se présenter sous diverses formes : l’analyse des rêves, le travail sur soi, la méditation, la prière, l’écriture, la contemplation, pour finalement s’effectuer en permanence dans toutes les activités du quotidien qui auparavant n’étaient qu’utiles, partielles, et éphémères. À un vieil ami qui lui demandait comment vivre dignement sa vie, il répondit simplement « Vivre sa vie », c’est-à-dire vivre pleinement chaque instant.

Avec Jung le cherchant/chercheur sincère en quête de soi-même trouve nécessairement des signes et des débuts de pistes nourrissant son envie d’aller au-delà et de poursuivre son cheminement intérieur, car l’imaginaire jungien est traversé par un dynamisme spirituel inscrit dans la nature humaine. Ainsi chercher vraiment c’est trouver nécessairement, et se retrouver soi-même éclairant le noir de sa vie intérieure inconsciente… jusqu’à se réenchanter soi même et se ressentir comme plein de la conscience de ses propres expériences et connaissances… et plein de soi !

Ce qu’il en résulte est une capacité à remarquer des conjonctions ou des suites ordonnées de phénomènes dans le cours de la vie, a priori déconnectés les uns des autres et pourtant donnant ensemble un sens inattendu à sa vie, car ils se transforment alors en évènements marquant la mémoire et éclairant l’imaginaire de manière indélébile. Ces prises de conscience se produisent même à des moments clés de la quête, comme si le ciel avait attendu ces moments pour faire ses révélations. C’est la synchronicité définie ainsi par Jung :

« coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements possédant un sens identique ou analogue, qui ne peuvent être expliqués de façon causale, tout au moins à l’aide de nos moyens actuels. »

C’est en se produisant simultanément et en se reliant, comme les 5 points de l’étoile des Compagnons, qu’ils éclairent soudain le ciel de la conscience.

Dans le processus qui mène à l’individuation, avec le couple anima/animus, Jung conduit les femmes et les hommes à reconnaître et accepter en eux-mêmes la présence dans leur inconscient d’une marque féminine en l’homme et masculine chez la femme, afin de se délivrer des effets négatifs de leur reniement sur leur psyché, et à l’inverse de bénéficier du surcroît d’énergie généré par leur acceptation et leur intégration en conscience. « Avec l’archétype de l’anima, nous entrons dans le domaine des dieux. Tout ce qui touche à l’anima est numineux » (c’est-à-dire doté d’une puissance énergétique sans commune mesure avec les forces du conscient)… Tout ce qui touche à l’animus est également numineux, c’est pourquoi la confrontation avec les figures intérieures de l’anima ou de l’animus est un travail très exigeant. (CG Jung, Les racines de la conscience)

L’intégration de ces contenus de nature contradictoire conduit aussi à l’exploitation positive dynamique de leurs structures paradoxales, et à leur conversion en matériaux susceptibles de produire par croisements de pensées des étincelles dans l’esprit, non seulement en soi-même, mais aussi dans tous les domaines de connaissances. Il ne s’agit plus de chercher à neutraliser leurs effets psychiques a priori négatifs, mais d’exploiter comme une source puissante d’énergie les paradoxes et les contradictions de l’être mis en valeur par l’ombre, la persona, l’anima et l’animus. Pour y parvenir, la conscience doit réussir non seulement à s’accommoder de leur présence en gardant l’œil ouvert sur leurs manifestations, mais elle doit aussi mentalement prendre du recul tel un artiste en création en accommodant son regard pour contempler son œuvre avec plus ou moins de précision, ou un photographe modulant la focale de son appareil en s’attachant à ce que la vie lui offre à contempler dans l’instant.

Dans cette phase de l’Œuvre alchimique intérieure, la matière se renouvelle de manière cyclique en passant à maintes reprises du noir au blanc, processus symbolisé par l’Ouroboros. C’est ainsi que l’anima chez l’homme et l’animus chez la femme se dévoilent peu à peu en eux-mêmes et qu’ils sont intégrés véritablement en conscience, métamorphosant les hommes et les femmes qui l’acceptent en êtres doubles androgynes. Ils sont alors désormais aptes à jouir des prérogatives des êtres spirituels qui se laissent pousser des ailes et sont aspirés avec délice en leur propre dimension cosmique, une plénitude que leur avait confisqué et interdit de vivre spirituellement le dogme monothéiste d’inspiration masculine et patriarcale. Chaque Maçonne et Maçon sait pareillement que le bien-être est un état qui se travaille et se mérite, à condition d’oser se connaître soi-même, se commander à soi-même, et de convertir cette « discipline » de la connaissance alchimique en « Devoir ».

24/05/25 conférence à Marseille : « Franc-maçonnerie, un art du vivre ensemble » par l’OITAR

Samedi 24 mai 2025 à 14h30, les Archives départementales de Marseille (18-20 rue Mirès, 13003 Marseille) accueilleront une conférence publique exceptionnelle organisée par l’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal (OITAR). Sous le thème « Franc-Maçonnerie, un art du vivre ensemble », cet événement, animé par Thomas Denicourt, Grand Maître Général de l’OITAR, vise à ouvrir un dialogue avec le grand public pour démystifier la franc-maçonnerie et partager ses valeurs humanistes.

L’entrée est libre, mais une inscription est conseillée via le lien HelloAsso : https://www.helloasso.com/associations/oitar-provence-mistral/evenements/conference-24-mai-2025.

Une démarche d’ouverture et de dialogue

L’objectif de cette conférence est clair : aller à la rencontre des non-maçons pour leur expliquer la démarche de l’OITAR, faire connaître sa réalité au-delà des clichés souvent associés à la franc-maçonnerie, et informer sur ses orientations et engagements. Comme l’explique l’OITAR, cette démarche vise à permettre un progrès à la fois personnel et collectif, en encourageant ses membres à devenir des femmes et des hommes

« ouverts, lucides et responsables dans la cité ».

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR

Thomas Denicourt explorera comment la franc-maçonnerie, en particulier au sein de l’OITAR, propose un cheminement initiatique qui transforme le regard sur soi, sur les autres et sur le monde, adoptant une perspective humaniste. Ce « changement de regard » se traduit par une manière d’être et de vivre en harmonie, tant avec soi-même qu’avec ce qui nous dépasse.

Un temps d’échange avec les participants est prévu à l’issue de la conférence, offrant une occasion unique de poser des questions et d’approfondir les réflexions suscitées par les propos du Grand Maître Général. Cette interactivité reflète la volonté de l’OITAR de créer un véritable dialogue, dans un esprit de transparence et de partage.

L’OITAR : une tradition initiatique ancrée dans l’histoire et l’humanisme

L’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal, fondé sur des principes initiatiques et spirituels, regroupe environ 90 loges en France et à l’étranger, notamment à Madagascar, au Portugal, en Belgique et au Canada. S’inspirant de courants de pensée anciens – tels que les bâtisseurs de cathédrales, l’alchimie ou encore la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle – l’OITAR propose une réflexion analogique qui aide ses membres à mieux se découvrir et se construire. Cette approche permet également de retrouver dans l’histoire humaine des « invariants de la nature humaine », des valeurs intemporelles qui guident la quête de sens et d’harmonie.

L’OITAR se distingue par son engagement humaniste et son ouverture à la diversité des pensées, tout en restant fidèle à une tradition maçonnique rigoureuse. À travers cette conférence, l’Ordre souhaite démontrer comment la franc-maçonnerie peut être un « art du vivre ensemble », un outil pour bâtir des relations justes et harmonieuses dans un monde souvent marqué par les divisions.

Un contexte maçonnique riche en mai 2025

Cette conférence s’inscrit dans un mois de mai 2025 particulièrement dynamique pour la Franc-maçonnerie. Le 5 mai, Emmanuel Macron a marqué l’histoire en visitant la Grande Loge de France (GLDF) à Paris, où il a salué le rôle des francs-maçons dans la défense de la laïcité (Le Parisien). Le 10 mai, à Gémenos, la GLDF a proposé une journée de dialogue autour de l’histoire et de la spiritualité maçonnique (Destimed). Enfin, le 16 mai, une vente aux enchères dédiée à la franc-maçonnerie et au compagnonnage a eu lieu à Cannes, mettant en lumière des objets historiques et symboliques (Cannes Enchères). Ces événements témoignent d’une volonté croissante des obédiences maçonniques de s’ouvrir au public et de clarifier leur rôle dans la société contemporaine.

Un message universel dans un monde en quête de sens

La conférence de l’OITAR intervient également dans un contexte spirituel marqué par l’élection récente du pape Léon XIV (Robert Francis Prevost) le 8 mai 2025. Dans son discours inaugural, le nouveau pape a lancé un « appel de paix à tous les peuples » (Le Figaro), un message qui résonne avec les idéaux de fraternité et d’harmonie prônés par l’OITAR. Cependant, les relations entre l’Église catholique et la Franc-maçonnerie restent tendues, l’Église maintenant sa position d’incompatibilité doctrinale (Catholic Herald, 2023).

La conférence de Thomas Denicourt pourrait donc offrir une perspective alternative, montrant comment la Franc-maçonnerie peut contribuer à un vivre-ensemble apaisé, malgré ces divergences historiques.

Informations pratiques pour assister à la conférence

La conférence se tiendra aux Archives départementales de Marseille, un lieu facilement accessible par les transports en commun :

  • Métro : Ligne 2, station Désirée Clary
  • Tramway : T2 et T3, terminus Arenc Le Silo
  • Bus : Lignes 35 (arrêt Le Silo), 70 et 82 (arrêt Euromed Arenc)
  • Cars : Arrêt Arenc Le Silo, ligne 49 pour Aix-en-Provence
  • Parkings : Indigo Euroméditerranée Quai d’Arenc et Indigo Marseille Quai d’Arenc
  • Pour les cyclistes : Cycloparc Quai d’Arenc (97 emplacements, casiers, bornes de recharge) et station vélo n°3322 (32 rue de Chanterac, 13003 Marseille)

Pour toute question, l’OITAR peut être contacté à l’adresse pm@oitar.info.

Une invitation à la découverte et à la réflexion

Cette conférence publique est une occasion rare de découvrir la franc-maçonnerie sous un jour nouveau, loin des idées reçues. En présence de Thomas Denicourt, les participants pourront explorer les valeurs humanistes et initiatiques de l’OITAR, comprendre comment cette tradition tricentenaire peut répondre aux enjeux contemporains, et échanger directement avec le Grand Maître Général. Que vous soyez curieux, sceptique ou passionné, cet événement promet une réflexion profonde sur l’art du vivre ensemble et sur la place de l’humanisme dans notre société.

Rendez-vous le 24 mai à 14h30 à Marseille pour un après-midi d’échanges et de découverte.

Le Troisième Œil et la Franc-Maçonnerie – III : « La quête de l’éveil spirituel et de la liberté intérieure »

De notre confrère elnacional.com

Dans ce troisième et dernier volet de notre série sur le Troisième Œil et la Franc-Maçonnerie, nous approfondissons la connexion entre l’ouverture du troisième œil, l’éveil de la conscience et le chemin initiatique proposé par la franc-maçonnerie. Ce voyage spirituel, qui transcende les limites du monde matériel, nous invite à lever le voile des illusions pour accéder à une vérité universelle, un thème central tant dans les traditions spirituelles que dans les enseignements maçonniques.

Le Troisième Œil : une clé pour transcender la perception ordinaire

Le concept du troisième œil, profondément ancré dans de nombreuses traditions spirituelles, est un symbole puissant d’éveil spirituel. Situé symboliquement sur le front, entre les sourcils, il est considéré comme le centre de l’intuition, de la perception extrasensorielle et de la sagesse supérieure. Dans des religions comme l’hindouisme ou le bouddhisme, ouvrir le troisième œil signifie lever le voile qui obscurcit notre perception, nous empêchant de voir le « monde réel » – une réalité qui va au-delà du physique, des sens et de la raison.

Le troisième œil est intimement lié à l’ouverture de la conscience, car il permet une vision intérieure qui transcende les limites des yeux physiques. Contrairement à la perception sensorielle, qui se limite au toucher, à l’ouïe ou à la vue, cette vision intérieure offre une compréhension profonde du chemin initiatique, une connaissance intérieure qui échappe à l’intellect. Elle nous connecte à la Grande Énergie Universelle, une force universelle que les francs-maçons nomment souvent le Grand Architecte de l’Univers (GADU), et d’où émane une sagesse qui dépasse les capacités de l’esprit rationnel. Comme le souligne l’article, « une compréhension très profonde s’ouvre à nous, au-delà de l’intellectuel ».

L’éveil spirituel : un chemin vers l’unité et la transcendance

Une porte mystérieuse
Une porte mystérieuse – Escalier qui monte vers la porte de la Lumière

Ouvrir le troisième œil, c’est bien plus qu’accéder à une perception accrue : c’est un processus de croissance spirituelle qui conduit à une profonde connaissance de soi. « Me connaître », comme le dit l’article, signifie devenir pleinement conscient de ses pensées et de ses actions, un précepte qui résonne avec l’adage maçonnique « Connais-toi toi-même ». Cet éveil s’accompagne d’un sentiment d’unité avec le Tout, une connexion intime avec la Grande Énergie Universelle, qui transcende les divisions et les dualités du monde profane. C’est un état de transcendance, où l’individu se sent uni à l’Un, à la source de toute vie.

Cependant, ce chemin spirituel n’est pas sans écueils. L’article met en garde contre le danger de l’ego spirituel, une distorsion qui survient lorsque l’individu, faute d’un niveau de conscience suffisamment élevé, interprète les enseignements spirituels sans réelle compréhension. Cela peut conduire à un désir de domination, à une quête de pouvoir ou à un contrôle sur les autres – des dérives observées dans certaines pratiques religieuses mal comprises. Pour éviter ce piège, la pratique de la méditation ou du yoga est essentielle. Ces disciplines permettent d’équilibrer cette connaissance profonde, de cultiver l’humilité et de se prémunir contre les illusions de l’ego.

La Franc-Maçonnerie : un chemin initiatique vers la vérité

La franc-maçonnerie s’inscrit pleinement dans cette quête d’éveil spirituel. Comme le souligne l’article, les maçons sont des « bâtisseurs de l’édifice moral de la perfection humaine », cherchant à se libérer des limites de la matière pour atteindre un état de conscience supérieur. Les outils symboliques du maçon – le Niveau, le Fil à Plomb, le Compas et l’Équerre – sont des emblèmes de cette quête, représentant les vertus et les principes qui guident le franc-maçon sur le chemin de la lumière.

Le parcours maçonnique est structuré en 33 degrés, chacun apportant de nouveaux enseignements, symboles et connaissances. Ces étapes ne se mesurent pas en termes de temps, mais en fonction du niveau de conscience de l’individu. L’initiation, moment clé de l’entrée en franc-maçonnerie, est une mort symbolique au monde profane, suivie d’une résurgence sur le chemin spirituel. Ce processus symbolise la transformation et la transcendance de la conscience, un passage vers une nouvelle manière d’être et de percevoir le monde.

Les rituels maçonniques, riches en allégories et métaphores, invitent à une réflexion profonde. Le franc-maçon est encouragé à méditer sur ces symboles, à les interpréter selon son propre niveau de conscience, et à en extraire la sagesse qu’ils contiennent. Comme le précise l’article, « tous les enseignements symboliques conduisent le maçon à la recherche de la vérité, à la connaissance de lui-même et de l’Univers ». L’objectif ultime de ce cheminement est d’ouvrir le troisième œil, c’est-à-dire d’éveiller la conscience pour atteindre une transformation intérieure profonde.

Transcender la dualité : la liberté véritable

L’un des messages centraux de cet article est la nécessité de transcender la dualité, un concept qui domine le monde profane et qui est à l’origine de nombreuses souffrances. Comme le souligne la citation de Borja Vilaseca,

« paradoxalement, le désir et l’attachement sont les racines d’où naissent la peur, l’anxiété et la souffrance ».

Lune et Soleil
Lune et Soleil

La dualité – bien/mal, lumière/obscurité, moi/l’autre – nous enferme dans des illusions qui obscurcissent notre perception de la vérité. Le franc-maçon qui ne parvient pas à dépasser cette dualité reste prisonnier de l’ego, du dogmatisme et du fanatisme, et ne peut saisir la profondeur des enseignements maçonniques.

La franc-maçonnerie se présente ainsi comme un chemin vers la liberté véritable, une liberté qui s’obtient en se détachant des croyances profanes, des ambitions excessives et de l’hypocrisie. En ouvrant sa conscience, le franc-maçon réalise qu’il ne s’agit pas d’« aller vers » la Grande Énergie Universelle, mais de reconnaître que nous en faisons déjà partie. Comme le dit l’article, « nous et Lui sommes Un », un message qui résonne avec les paroles de Jésus dans l’Évangile de Jean (8:32) : « La vérité vous rendra libres ». Cette vérité, c’est la prise de conscience de notre unité avec le Tout, une réalité que le troisième œil nous permet de percevoir en levant le voile des illusions.

La méditation : une pratique essentielle pour l’éveil

La méditation joue un rôle crucial dans ce processus d’éveil. Elle permet de nous reconnecter à l’état primordial, de nous rappeler la nature divine de la vie, et de nous protéger des dangers de l’ego. En méditant, le franc-maçon apprend à écouter sa voix intérieure, à cultiver l’humilité et à se libérer des attaches matérielles qui obscurcissent la conscience. L’article insiste sur le fait que l’esprit est pur par nature : il ne s’agit pas d’« évoluer spirituellement », mais de lever le voile qui nous empêche de voir cette pureté originelle. Ce voile, tissé par l’ego, le dogmatisme et le fanatisme, est l’obstacle principal à l’éveil spirituel.

Un chemin vers la lumière et la liberté

Le troisième œil, en tant que symbole d’éveil spirituel, est une invitation à transcender la perception ordinaire pour accéder à une compréhension profonde de la réalité. En franc-maçonnerie, il incarne l’ouverture de la conscience, un processus initiatique qui conduit à la connaissance de soi, à la vérité et à la liberté. À travers ses rituels, ses symboles et ses enseignements, la franc-maçonnerie offre un chemin pour se libérer des illusions de la dualité, du dogmatisme et de l’ego, et pour se reconnecter à la Grande Énergie Universelle, dont nous faisons tous partie.

Dans un monde marqué par les divisions et les distractions matérielles, ce message est plus pertinent que jamais. Comme le rappelle l’article, « la vérité vous rendra libres » – une vérité qui ne s’atteint pas par la raison, mais par l’éveil de la conscience, par l’ouverture du troisième œil.

Que ce soit à travers la méditation, la réflexion sur les symboles ou le cheminement initiatique, la franc-maçonnerie nous guide vers cette lumière intérieure, nous invitant à devenir des êtres libres, lucides et en harmonie avec l’Univers.

Autres articles sur ce thème

Sous l’aile du phénix

Nous sommes en 1348. Une année de bascule. L’Histoire tangue sous la peste et la guerre, sous l’éclat noir d’une épidémie qui ronge les corps mais réveille les âmes. C’est là, dans cette fissure ouverte au cœur de la nuit médiévale, que Gilles Tourman inscrit son roman, Sous l’aile du phénix. Non pas une fresque historique, mais une traversée initiatique. Une œuvre en forme de miroir, dans lequel le lecteur – s’il accepte d’y plonger – découvre que l’effondrement n’est peut-être qu’une alchimie. Un feu secret qui, derrière l’ombre, prépare l’envol.

Il y a dans ce roman une tension palpable, mais ce n’est pas celle du suspens. C’est celle, plus rare, plus intérieure, d’un monde en transformation, d’une âme en transmutation. Gilles Tourman, ancien policier, connaît le prix du réel. Il n’écrit pas pour divertir, mais pour dévoiler. Dans cette fiction inspirée, où le merveilleux n’est jamais gratuit et le symbole jamais décoratif, il compose un chant dramatique dont les harmoniques sont ceux de l’ésotérisme juif, du compagnonnage, de la mystique chrétienne et d’une sagesse populaire venue du fond des âges. Il faudrait parler ici de conte initiatique, de roman de la ruine et de la lumière, de récit d’apprentissage choral où trois voix s’élèvent – celle de Myriam ben Mordekhaï, de Guibert Conchel, et d’Ancelin de Mortefoy –, pour mieux faire entendre le chant d’un monde en gestation.

Dès les premiers chapitres, nous sommes mis en ambiance. « Qui maîtrise la peur, domine le monde », gloussera la sorcière, sans cesser de touiller une mixture inquiétante. Une phrase tombée comme un oracle sur Myriam, la jeune fille aux yeux d’émeraude, à qui s’adresse cette figure mi-mythique mi-mystique, entre guérisseuse et prophétesse. La potion qu’elle prépare – peut-être à base de jusquiame, cette plante vénéneuse connue des anciens, contenant atropine, hyoscyamine et scopolamine – n’est pas anodine. Elle agit comme un symbole distillé : celui d’un monde où l’on se soigne autant qu’on s’empoisonne, où la frontière entre vérité et hallucination s’amincit, où la survie exige le pacte avec les forces obscures de la connaissance.

À Provins, cité de foire et de peste, la jeunesse de ces trois figures ne les empêche pas de traverser les épreuves les plus rudes. Mais si les épreuves sont nombreuses, elles ne sont pas gratuites. Elles sont autant de voyages initiatiques, à la manière des anciens grades maçonniques. Le lecteur éclairé y reconnaîtra les trois colonnes du Temple : Sagesse dans l’innocence inquiète de Myriam, Force dans la bonté laborieuse de Guibert, Beauté dans la quête douloureuse d’Ancelin, héritier brisé d’une lignée noble, frère d’un évêque aux ambitions papales.

Le roman se joue sur plusieurs plans. Il y a le plan historique – la peste noire, l’effondrement du système féodal, la guerre de Cent Ans. Il y a le plan symbolique – les signes, les visions, les présages, la parole cachée. Il y a surtout le plan intérieur, celui du réveil des consciences. Gilles Tourman excelle à lier les trois, à faire de l’Histoire une parabole, du quotidien une épreuve, de l’initiation une nécessité. Car il ne s’agit pas de survivre seulement, mais de s’éveiller. D’oser, dans les ruines du monde, chercher ce que Salomon ben Samuel, l’alchimiste, nomme avec douceur « le monde derrière le monde ».

Ce Salomon, figure d’un savoir ancien, transmet sans imposer. Il évoque les rabbins errants, les sages du Zohar, les alchimistes du midi. Il ne détient pas la vérité : il invite à la quête. Il est celui qui montre la porte, mais ne la pousse pas. À ses côtés, la jeune Myriam devient l’initiée. Elle reçoit la parole, la transmue, rit de l’absurde, voit clair dans la nuit. Avec elle, la figure du féminin sacré rayonne : ni soumise ni périphérique, mais pivot essentiel de la compréhension du monde. Comme souvent dans les récits initiatiques, c’est elle qui voit en premier, c’est elle qui rassemble les fils.

Ancelin, adolescent noble écartelé entre le monde ancien et ses illusions, et le monde nouveau encore informe, incarne cette humanité en balance. Par ses yeux, nous voyons vaciller les repères : chevalerie dévoyée, foi pervertie, savoirs oubliés. Guibert, le compagnon, est quant à lui l’homme du chantier : ancré, généreux, porteur de cette fraternité de métier qui fleure bon les anciens Devoirs. Il n’a pas lu les livres, mais il sait. Il construit sans le dire, il écoute sans juger, il avance.

L’écriture de Gilles Tourman est dense, mais jamais lourde. Elle serpente comme un fleuve souterrain, avec ses tourbillons, ses rumeurs, ses éclats. Elle est imprégnée de cette musicalité intérieure qui ne s’apprend pas : elle se reçoit, elle se respire. Les dialogues, souvent brefs, contiennent des aphorismes yiddish, des éclats d’humour, des vérités désarmantes. Ils rappellent que dans le chaos, il reste la parole – et que la parole peut être un viatique.

La trame narrative progresse comme une Loge se déploie : les épreuves s’enchaînent, les masques tombent, les vérités se dessinent. Chaque chapitre est un degré, une marche vers la compréhension. Et si l’intrigue elle-même, au fil des 28 chapitres, nous mène de l’automne au cœur de l’hiver, c’est que ce 25 décembre n’est pas anodin. Il n’est pas que la date d’un siège ou d’un solstice : il est, dans le silence de la nuit, l’annonce d’une naissance. Peut-être pas celle d’un enfant-roi, mais celle d’une conscience transfigurée.

Sous l’aile du phénix, ce n’est pas la mort qui triomphe, c’est la mutation. La cendre n’est pas un échec : elle est l’annonce d’une élévation. Et comme dans tout voyage initiatique, les protagonistes ne sont plus les mêmes à la fin qu’au commencement. Nous non plus. Gilles Tourman ne nous offre pas une simple lecture, mais un miroir : qu’y voyons-nous ? Des figures historiques ? Des archétypes ? Ou bien notre propre reflet, en quête d’un feu qui ne consume pas mais éclaire ?

Gilles Tourman, né en 1955, conjugue la rigueur de son passé de policier avec une sensibilité d’écrivain nourri de spiritualité et d’Histoire.  Avec Sous l’aile du phénix, il livre sans doute son texte le plus symbolique, où l’épreuve devient élan, et la ruine, promesse.

Ce livre, pour qui sait lire entre les lignes, est un rituel. Une invitation à renaître de ses cendres.

Sous l’aile du phénix

Gilles TourmanLes impliqués éditeur, 2025, 22 € – Livre numérique 16,99 €

Disponible dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre. Achetez dans votre zone, chez votre libraire préféré, pour qu’il continue à vous conseiller, à vous inspirer, à vous faire rêver et, surtout, à animer votre quartier !  

Rassembler ce qui est épars

Réunir ce qui est épars consiste à (re)former un tout à partir d’éléments composites, similaires ou distincts qui, pour une raison ou pour une autre, se trouvent divisés, éclatés, séparés les uns des autres. On pourrait dire que la manifestation universelle est formée par des lettres séparées correspondant à la multiplicité de ses éléments, et que, en les réunissant, on la ramène par là même au logos, à son principe.

François-Timoléon Bègue Clavel relate au XIXe siècle dans Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes anciennes et modernes : « Vers l’an 712 avant notre ère, Numa institua à Rome des collèges d’artisans (collegia arlificum), en tête desquels étaient les collèges d’architectes (collegia fabrorum). On désignait aussi ces agrégations sons les noms de sociétés, de fraternités (sodalilaies, fralernitales). De la même époque datait, à Rome, l’établissement des libérales, ou fêtes de Bacchus. Lorsque les corporations franches se constituèrent en une seule grande association ou confrérie, dans le but d’aller exercer leur industrie au-delà des Alpes, les papes secondèrent ce dessein : il leur convenait d’aider à la propagation de la foi par le majestueux spectacle des vastes basiliques et par tout le prestige des arts dont ils entouraient, le culte. Ils conférèrent donc à la nouvelle corporation, et à celles qui se formèrent par la suite avec le même objet, un monopole qui embrassait la chrétienté tout entière, et qu’ils appuyèrent de toutes les garanties et de toute l’inviolabilité que leur suprématie spirituelle leur permettait de lui imprimer. Les diplômes qu’ils délivrèrent à cet effet aux corporations leur accordaient protection et privilège exclusif de construire tous les édifices religieux ; ils leur concédaient le droit de relever directement et uniquement des papes. Les membres des corporations eurent le privilège de fixer eux-mêmes le taux de leurs salaires, de régler exclusivement, dans leurs chapitres généraux, tout ce qui appartenait à leur gouvernement intérieur.»

On consultera pour compléter cet aperçu le chapitre premier – Origine de la Franc-maçonnerie – du susdit ouvrage ainsi que le chapitre Histoire Critique de la Franc-Maçonnerie et sectes mystiques. À partir de la page 134 de l’ouvrage Histoire des religions et des mœurs de tous les peuples du monde. Tome 6, 1819

Si la signification ésotérique de l’expression, « rassembler ce qui est épars », apparaît surtout au 3e degré, dès les Constitutions d’Anderson de 1723, il est dit que « la Franc-Maçonnerie a été fondée pour réunir les hautes valeurs morales qui, sans elle, auraient continué de s’ignorer, et pour être le centre de l’Union.»
C’est la fraternité qui rend possible une telle démarche, le symbolisme en est son outil par excellence, elle est un but d’harmonisation du vivre ensemble. L’assemblage des pierres taillées pour l’édification du temple en est la métaphore des rites de constructeurs. Réunir ce qui est épars serait donc en premier lieu, de nouer une amitié fidèle entre les hommes de hautes valeurs morales et pour être le centre de l’union entre eux afin de les mettre en pratique.

En second lieu, la Franc-maçonnerie, par les influences subies à caractère chevaleresque, hermétique, alchimique, kabbalistique, compagnonnique, a conservé et rassemblé différentes traditions et ésotérismes. «Voilà trois siècles que nous nous enrichissons de toutes les traditions spirituelles du monde, pourvu qu’elles ne soient pas contraires à nos principes de tolérance et de libre-pensée», résume Marc Henry, passé Grand Maître de la Grande Loge de France. La Franc-Maçonnerie est un centre d’union rassemblant ce qui est épars.

La franc-maçonnerie, c’est donc un projet, une « intention » : réunir les êtres humains porteurs de hautes valeurs morales et enrichir la Tradition spirituelle.


Pour réussir ce challenge, trois conditions ont été proposées par les initiateurs :
– Une bienveillance mutuelle fondée sur le respect, l’écoute et la recherche personnelle,
– Un rituel permettant de structurer un temps de méditation,
– Un lieu la loge : c’est l’atelier de la rencontre et du partage pour le temps d’apprentissage de cet amour fraternel, en dehors des contraintes de la vie profane.

La Franc-Maçonnerie est une voie qui ne peut que proposer la lumière, lumière qui fera, ou pas, ensuite son chemin dans l’intériorité de chacun. Et c’est la somme des êtres ayant reçu la lumière qui fera évoluer l’humanité.

Dans la réalité, la multiculture idéale due aux migrations semble compromise avec les options des idéologies radicales d’un certain islam qui veut dominer, d’un catholicisme qui se veut universel, de l’intégration totale et rationaliste qui veut être une loi républicaine. Pour Régis Debray, les cultures fractionnent l’espèce humaine en forgeant des identités. La science et la technique ont un rôle de confluence, de rassemblement de ce qui est épars.

«Réunir ce qui est épars» signifie surtout se réconcilier avec son propre «en soi». «Rassembler ce qui est épars» semble aussi relever de l’individuel, de l’intériorité, et implique, par analogie, le retour au Un. Ce «Un» (aleph) s’est fragmenté dans le deux (Beth), inhérent à la Création. La maçonnerie appliquerait alors ce retour vers l’unité. L’union retrouvée n’est donc pas un pur retour à un état précédent, mais quelque chose de plus complexe où le répétitif s’allie à la prise de conscience d’une modification.

De nombreux articles parus sur le journal ont abordé peu ou prou ce sujet que l’on peut, sans être exhaustif, retrouver selon plusieurs approches.

Rassembler pour séparerLe Mot de passe  https://450.fm/2022/02/08/mots-de-passe-cles-de-passages/
Schibboleth   https://450.fm/2022/02/22/schibboleth-ou-la-guerre-fratricide/
Je ne sais ni lire ni écrire  https://450.fm/2022/05/17/je-ne-sais-ni-lire-ni-ecrire/
Le Centre   https://450.fm/2023/10/03/point-de-vue-sur-le-cercle-en-franc-maconnerie/
Rassembler dans la séparation apparenteLe Dualisme https://450.fm/2021/04/09/a-deux-et-a-dia/
La diagonalehttps://450.fm/2022/04/19/la-diagonale-symbole-de-la-franc-maconnerie/
Sagesse Force et Beautéhttps://450.fm/2025/03/08/sagesse-force-et-beaute/
Le Pavé mosaïque  https://450.fm/2021/12/28/le-pave-mosaique-chemin-spirituel/
Microcosme/macrocosme   https://450.fm/2022/10/11/microcosme-macrocosme/
Les deux colonneshttps://450.fm/2022/01/25/histoires-de-colonnes/
Le soleil et la lune  https://450.fm/2022/03/15/au-clair-de-la-lune-mon-ami-soleil-prete-moi-une-plume/
La devise Liberté, égalité, Fraternitéhttps://450.fm/2023/07/14/liberte-egalite-fraternite-de-lideal-au-reel-en-franc-maconnerie/
L’équerre et le compas   https://450.fm/2022/06/28/le-compas-et-lequerre-une-histoire-dunion/
L’Androgynie https://450.fm/2022/07/12/ladyboy-ou-landrogynie/
Masculin/féminin   https://450.fm/2021/07/10/masculin-feminin/
La Chaîne d’Unionhttps://450.fm/2023/06/13/la-chaine-dunion-maconnique-une-extase-fraternelle/
Rassembler pour faire revivreLe mythe d’Osirishttps://450.fm/2023/09/26/contes-legendes-et-mythes-des-analogies-dhiram/
La Parole perdue https://450.fm/2021/04/27/la-parole-substituee/
La Triple voix       https://450.fm/2021/12/14/vules-residences-de-larche/
Rassembler ce qui est épars dans la mystique chrétienneLa Trinitéhttps://450.fm/2025/05/06/a-linterieur-de-trois/
Le Tétramorphe https://450.fm/2023/05/16/le-tetramorphe-une-allegorie-spirituelle-maconnique/
Se Rassembler en soiTailler sa pierre pour se rassembler soi-même https://450.fm/2023/03/14/les-metamorphoses-de-la-pierre-du-franc-macon/

En somme « rassembler ce qui est épars » exprime des concepts fondamentaux et primordiaux sous-jacents à la symbolique maçonnique.

La raison et le sacré dans le monde moderne

J’ai choisi de traiter cette question pour combattre un préjugé assez largement répandu dans le monde profane et parfois aussi et paradoxalement dans la Maçonnerie, qu’il existerait un conflit absolu, insurmontable entre la raison et le sacré. Or je vais m’efforcer de démontrer qu’ils ont souvent été conciliés et qu’ils sont en fait complémentaires, en m’appuyant sur l’histoire des idées, sur le rapport de ces deux notions dans le rite écossais ancien et accepté, et enfin de parcours sur les nouvelles conciliations de la raison et du sacré dans ce qu’on est convenu d’appeler à tort ou à raison la « post- modernité »

Raison et sacré au début des Temps modernes

Ce qui a pu accréditer la légende d’un conflit essentiel entre raison et sacré ce sont les résistances de l ‘Eglise catholique aux premières manifestations de l’esprit scientifique.

Galileo Galilée

La persécution du physicien Galilée par l’Inquisition est devenu la figure emblématique des craintes de la religion à l’égard des premières découvertes de la science parce qu’elles étaient de nature à porter des coups très rudes à la représentation théologique du Cosmos et au géocentrisme. Mais l’esprit n’est qu’une modalité de la raison et il ne s’ensuit pas nécessairement que raison et religion soient antinomiques. De toute façon il lui a bien fallu s’accommoder de la vision scientifique du monde et même de se transformer en fonction de ce qui constitue l’esprit fondamental de la modernité.

Mon premier argument en faveur d’’une coopération de la foi et de la raison en matière de religion est que, même si la foi dans la révélation constitue le fondement de toute religion, il n’y a pas de religion sans interprétation des textes.

Dans le judaïsme, le travail de relecture perpétuelle de la Thora et de la quête du sens des récits et des symboles bibliques est une dimension capitale de la pensée religieuse: toute religion implique une connaissance aussi authentique que possible de la parole divine ou de la Parole de celui qui l’incarne. Un tel effort ne peut être que rationnel.

Dans ce cas, la raison s’exerce dans le cadre et dans les limites de la révélation. On observe exactement le même processus dans le christianisme et dans l’Islam avec les mêmes difficultés dans l’exercice d’interprétation les mêmes incertitudes sur le sens et les mêmes conflits qui peuvent surgir sur le plan théologique et moral à cause de l’ambivalence ou de la complexité de la Parole.

Aucune religion ne peut se dispenser d’accomplir ce travail rationnel d’interprétation du texte sacré qui est une dimension universelle de la religion. Il n’y a pas de religion à forte expansion sans docteurs de la Loi. Je ne vois que deux exceptions à ce principe, la tradition orale des sociétés primitives qui tend à figer l’interprétation dans un dogme intangible excluant tout examen de la raison.

L’autre exception c’est le choix de la mystique qui peut expliquer sinon une ignorance de la révélation, du moins une certaine distanciation par rapport à la connaissance rationnelle des textes, mais non par rapport aux rites de chaque culte qui peut toujours se prêter à des exercices visant une expérience intérieure de rencontre avec le divin. Mais cette alliance de la réflexion rationnelle et du sacré va se manifester sous une autre forme et à une autre échelle au cours de l’histoire religieuse du Moyen-âge.

Statut de Platon en marbre blanc
Statut de Platon assis en marbre blanc devant un chapiteau de Temple

On sait que les œuvres de Platon et d’Aristote ont été recopiées et conservées dans certains monastères, mais elles ont été transmises avec tout un patrimoine d’ouvrages provenant de l’Antiquité grecque, par le truchement de traductions en arabe et en hébreu réalisées dans l’Espagne des Khalifes musulmans. L’influence de ces traductions a été considérable dans l’histoire de l’Occident car elles ont permis plusieurs tentatives de démontrer certaines vérités de la religion en s’appuyant sur le rationalisme de ces deux philosophes.

On observe ce phénomène dans les trois religions du Livre.

Le premier à tenter cette réconciliation entre raison et sacré fut le philosophe juif Maïmonide.

Dans le « Guide des égarés » (ou « de ceux qui s ‘interrogent ») composé vers 1180, il essaya de démontrer des conceptions du judaïsme en s’appuyant sur le rationalisme aristotélicien mais tout en affirmant que dans le doute ou l’incertitude, il faut s’en remettre à la révélation qui dépasse toujours l’entendement humain.

Le grand philosophe- médecin musulman Averroès (Ibn Rouchd 1126-1198) s’engagea dans une voie rationaliste analogue: il tenta d’éclairer le sens du Coran à partir d’un commentaire d’Aristote. Son œuvre connut un immense succès, jusqu’à l’Université de Paris où elle finit par être condamnée par les autorités ecclésiastiques.

Mais le monument intellectuel le plus célèbre du catholicisme fut la Somme théologique de Saint Thomas d ‘Aquin, (1227-1274) élevé au rang de Docteur de l’Eglise. Son ambition fut de montrer qu’une philosophie largement nourrie de métaphysique aristotélicienne pouvait partiellement s’harmoniser avec les enseignements du christianisme.

Selon lui, Dieu a donné la raison à l’homme afin qu’il puisse le connaître et s’élever vers Lui parce qu’Il est un modèle de perfection. La foi et la philosophie ne peuvent se contredire car elles visent le même Dieu. Sa construction théologico- philosophique qui réconcilie raison foi, et révélation annonce par son souci de rationalité et de rigueur, son humanisme profond marqué par l’universalisme chrétien, l’esprit de la Renaissance et les premières expressions de la modernité. Il conçoit l’universalité de la raison comme un moyen de convaincre tous les hommes y compris les incroyants, en respectant leur liberté de pensée.

Raison et foi aux siècles classiques (16e et 17e siècle)

Si on jette un regard panoramique sur l’histoire idéologique du 16ème et 17ème siècle, on s’aperçoit que là encore la tendance dominante n ‘est pas la rupture mais la conciliation entre la raison scientifique naissante et la soumission à la foi. A l’époque de la Renaissance les penseurs du mouvement humaniste tirent de l’héritage culturel grec et latin l’idée de la valeur éminente de la raison comme outil de connaissance et dan cette logique celle du droit au libre examen des textes qui certes conduit à la Réforme du catholicisme, mais pas à l’irréligion. Les savants humanistes veulent bien rénover à la lumière de l’Antiquité la vision du monde et de l’homme mais ils refusent pour autant de rompre avec la religion chrétienne (ce sera la position d’Erasme de Rotterdam)

Au 17e la raison progresse dans l’ensemble de la culture et s’affirme à travers l’invention technique, le début d’industrialisation, la fondation des sciences. Les fondateurs de la science moderne, Galilée, Descartes et surtout Pascal demeurent à des degrés différents liés à la religion.

Descartes a le souci de séparer radicalement le domaine de la foi de celui de la raison, pour ne pas courir le risque de se trouver en contradiction avec la religion révélée. De plus l’existence d’un Dieu rationnel occupe une place centrale dans sa métaphysique puisqu’il garantit les capacités de la raison à découvrir la vérité. Je signale au passage qu’un récent article consacré à Descartes nous signale que « les documents disponibles montrent l’influence décisive de Descartes dans l’élaboration du Rite écossais ». Selon une rumeur reprise par les Maçons, il aurait appartenu à l’Ordre initiatique de la Rose-Croix.

Sa vision de Dieu est très proche le l’idée du Grand Architecte et de la conception maçonnique des rapports entre la raison humaine et le Grand Architecte.

Un cartésien comme Malebranche pense que « la raison qui éclaire l’homme est la Sagesse même de Dieu », ce qui signifie que la raison est d’essence divine et qu’elle peut nous conduire à la Connaissance et à la Sagesse.

Blaise Pascal

Le témoignage le plus étonnant de la conciliation de la science et du sacré nous est fourni par Pascal qui fut peut-être le plus puissant génie scientifique que la France ait connu et fut un chrétien fervent et rigoureux inclinant même vers la mystique à la fin de sa vie. Il ira jusqu’à utiliser les dernières découvertes de la physique sur l’infiniment grand et l’infiniment petit comme signes et preuves de l’existence de Dieu.

En résumé au moment où sont jetées les bases de la science moderne et de la philosophie de la raison, la plupart des savants et des philosophes ne voient pas de contradiction entre la rationalité scientifique et la croyance au sacré. C’est l’Eglise catholique qui s’alarme des progrès de la science où elle voit un péril pour l’avenir de la foi et qui agite l’idée d’une incompatibilité radicale entre les exigences de la raison et le respect du sacré.

Elle redoute que le développement de la pensée critique ne donne des arguments à l’incroyance et au matérialisme.

Or il est certain qu’on voit apparaître au 17è siècle un courant de pensée très minoritaire, souterrain parce que persécuté, mal connu, qui affiche une liberté de pensée plus ou moins affirmée à l’égard du religieux : c’est le courant libertin, mot qui a pris un sens péjoratif parce que les libertins, disciples du penseur grec Epicure affichaient parfois une liberté de mœurs parallèles à leur scepticisme et qu’il y eut quelques aristocrates libertins passablement, débauchés et cyniques. Mais ce courant compta plusieurs philosophes radicaux dans le rationalisme et la critique de la religion dont le représentant le plus célèbre est sans doute le poète non-conformiste et baroque Cyrano de Bergerac dont le théâtre a fait une légende.

Il est vrai que ce type d’incroyance préfigure celle qui se déploie à notre époque mais au 17e ce phénomène reste très réduit par rapport au rationalisme dominant qui intègre le sacré.

Les interactions entre la philosophie des Lumières et la Franc-maçonnerie. On va retrouver la même configuration au Siècle des Lumières qui est aussi l’avènement de la Maçonnerie moderne. Il est difficile de penser que le terme même de « Lumières » n’ait pas trouvé sa source dans les loges maçonniques. On observe une montée en puissance continue du rationalisme avec une tendance à la radicalisation des divers courants de pensée que nous avions observés au siècle précédent.

Denis Diderot, rédacteur en chef de l’Encyclopédie

Par l’entremise de l ‘Ordre des Jésuites, ordre monastique très engagé dans la politique, l’Eglise sur la lancée de la Contre-réforme va déclencher une lutte idéologique acharnée contre les courants rationalistes et l’esprit critique de ceux qu’on va nommer les philosophes ou encore les Encyclopédistes, ceux qui ont peu ou prou collaboré à la première Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. L ‘Encyclopédie fut à cette époque le monument du rationalisme libéral, à la fois tableau des connaissances acquises dans tous les domaines par la science et dans les techniques de production et manifeste de l’esprit philosophique à travers sa critique de la religion et du pouvoir clérical, des traditions dépassées et paralysantes, des préjugés de toutes sortes qui maintiennent les peuples dans l’arriération et la barbarie.

C’est indiscutablement une entreprise révolutionnaire, émancipatrice sur le plan de la pensée qui mobilise les meilleurs esprits et les spécialistes de l’époque. Contre elle les jésuites vont mener au nom du catholicisme, un combat virulent afin de sauvegarder l’ordre social et politique de l’Ancien régime qui commence à se lézarder sérieusement.

C’est ce climat de polémique violente et permanente entre les Jésuites agents de la papauté et ce qu’on a appelé le parti philosophique, dont bien des idées furent élaborées dans les Loges maçonniques, qui a entretenu l’idée en grande partie fausse que le camp de la raison et de la liberté de pensée était radicalement opposé à la religion et au sacré en général.

Largillierre, Nicolas de (1656-10-10 – 1746-03-20), Portrait de Voltaire (1694-1778) en 1718, 1718. Huile sur toile. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.

En réalité, ce qui domine la pensée progressiste des Lumières, ce sont les principes même de la Franc-maçonnerie Andersonienne dont Voltaire, considéré comme la figure de proue du parti philosophique sera le porte-parole littéraire et politique.

Cette Maçonnerie du 18ème siècle affirmant un principe de tolérance ignoré jusque là, transcende tous les clivages religieux et politiques au nom du respect dû à toutes les croyances, pour ne prendre en considération que les vertus morales des individus à qui on demande seulement

« D’être libres et de bonnes mœurs ». En même temps il est dit dans nos Constitutions fondatrices « Le Maçon ne saurait être un athée stupide » ce qui signifie qu’il doit croire en une transcendance quelle que soit l’image que chacun peut s’en faire. C’est le déisme maçonnique repris et diffusé par les Lumières dont nous continuons à nous réclamer au premier chef

Nous reconnaissons ainsi le sacré par une voie rationnelle à travers le symbole universel du « Grand Architecte » qui définit le principe commun à toute religion et qui au lieu d’être un facteur de division et de haine devient au contraire un facteur d’union et de compréhension de tous les croyants sans exclure les incroyants qui peuvent lui donner le sens d ‘un principe de vie à l’œuvre dans la création naturelle.

Autre fondement de la tolérance maçonnique adoptée par les Lumières: en matière de théologie ou de métaphysique, nulle raison ne peut prétendre à une intelligence totale ou absolue de ce qui peut rendre compte de l’expérience humaine mais de toute façon la dépasse infiniment.

C’est une raison supplémentaire pour accepter la diversité des approches d’une réalité secrète qui ne sera jamais appréhendée comme vérité absolue par la pensée.

Le 18è siècle met l’accent sur le pluralisme des croyances induisant de ce fait la part de relativité qu’elles comportent et justifiant par là la pluralité extrême des voies qui sont susceptibles de mener l’esprit au divin ou simplement au sacré. Car la notion de sacré, comme nous le verrons, dépasse de beaucoup celle du sacré religieux.

Or le 18è siècle est un moment novateur et critique de la modernité où l’on va assister à un déplacement du sacré religieux vers la sphère de la vie sociale, de la morale de l’ordre politique, du civisme. Pour les Lumières, les valeurs de l’éthique, la loi morale commune à tous les cultes est un autre principe d’universalité propre à concilier toutes les croyances et les philosophies même irréligieuses. Nous retrouvons là une caractéristique de la Maçonnerie: rassembler les hommes de bonne volonté de toute opinion, de toute origine autour de la foi en l’homme et des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de justice.

Un « tableau emblématique » décoré de symboles maçonniques, avec des espaces vides pour le nom du candidat, les dates de divers résultats et les signatures des dirigeants, 1877.

La primauté de l’éthique, la sacralisation de la Loi morale, que ce soit au nom de la transcendance de Dieu ou de la sacralité de l’Homme, est la voie qui conduit au respect mutuel, de l’harmonie entre les hommes et de la paix civile.

Ainsi la Maçonnerie moderne a transmis à la philosophie des Lumières une idée majeure qu’elle emprunte à la tradition chrétienne: la sacralité de la personne, mais en donnant en fait à cette sacralité un fondement qui n’est plus religieux mais initiatique: la nature rationnelle et spirituelle d’un homme formé à la semblance du Grand Architecte.

Dans sa version à la fois rousseauiste et voltairienne, la philosophie des Lumières proclame l’unité de la nature humaine définie par la rationalité et l’identité biologique, la fraternité de tous les hommes, la valeur universelle de l’être humain.

Rousseau

Tous les philosophes y compris des matérialistes comme Diderot, refusent l’idée chrétienne du péché originel et s’accordent pour proclamer la perfectibilité de l’espèce qui peut être améliorée par l’éducation. La question de la bonté de la nature humaine est plus controversée: pour Rousseau c’est une vérité religieuse, Voltaire, plutôt dualiste, se désole souvent de la barbarie de l’homme et croit plutôt aux vertus d’une élite capable de faire progresser l’homme par la civilisation. Mais la confiance dans les potentialités de I ‘espèce et dans ses capacités évolutives est générale. Elle est tout à fait accordée au message de l’humanisme maçonnique.

L’universalité de valeur reconnue à l’homme constitue un principe commun de la pensée des Lumières. Cet universalisme largement semé par la Franc-maçonnerie aboutira à la fameuse Déclaration des droits de l’Homme de I 789 qui est aujourd’hui la charte juridique et politique de la nation française.

L’humanisme est dans la logique du déisme voltairien puisque l’Etre suprême des philosophes est l’auteur de la nature humaine dotée de la raison et de la conscience du sacré.

Ce déisme est le courant central et dominant des Lumières. Certes les héritiers du courant libertin du I 7è siècle à la fois matérialiste et athée, animé par Diderot, D’Holbach, Helvétius, radicalisent volontiers leur rejet de la croyance face à la violence de la contre-offensive jésuitique et conservatrice. Il faut ajouter également le discrédit jeté par l’esprit rationnel sur la théologie et la métaphysique qui alimente comme aujourd’hui un certain scepticisme et l’agnosticisme. Mais le déisme que nous partageons avec les Lumières, s’emploie à sauvegarder ce qui dans la foi et la sacré ne vient pas contredire les exigences de la raison. C’est sa caractéristique la plus moderne. Il récuse tous les dogmes au nom de la liberté de la conscience et des droits de l’esprit critique.

Mais il réduit les mythes au rang de fables, de pures inventions destinées à impressionner et à manipuler les esprits. A la différence de la Maçonnerie, cette religion raisonnable et démythifiée méconnaît sa valeur symbolique et la profondeur des contenus initiatiques dont les mythes sont les vecteurs. C’est là une faiblesse des Lumières et de Voltaire si proche par ailleurs de la Maçonnerie. Il faut dire pour tempérer ce jugement que beaucoup de ceux qui se passionnent pour les sciences nouvelles s’intéressent aussi aux sciences sacrées et à l’occultisme.

« Le bonheur est une idée neuve en Europe » a proclamé Saint-Just pendant la Révolution. C’est que reprenant la théorie des Anciens, les Lumières considéraient que la raison philosophique ne pouvait avoir pour finalité que le bonheur de l’individu et que la finalité de l’ordre politique ne pouvait être que le bonheur des peuples. Cet aspect des Lumières me paraît très intéressant parce que nous allons les retrouver à l’époque contemporaine où l’on voit le sacré se déplacer de la même manière vers l’humain, les principes éthiques servant de références universelles bien loin devant le religieux et même vers certaines valeurs politiques, comme celles de notre triptyque: liberté, égalité, fraternité.

Pour illustrer mon propos sur la dominance du déisme au 18è et sur les mutations qu’il a opérées sur les objets du sacré, je rappelle qu’en 1793 sous le gouvernement de la Terreur, Robespierre organise sous l’inspiration de Jean- Jacques Rousseau dont il est un ardent disciple, la Fête de l’Etre suprême et de la déesse Raison annonçant la naissance d’une nouvelle religion civile.

« La sagesse des Modernes »

Je voudrais en conclusion revenir sur le rapport de la raison et du sacré dans la Maçonnerie en général et dans notre Rite écossais en particulier. Nous avons vu comment s’est constitué au cours du I8è siècle un « air du temps » nouveau qui a marqué définitivement la conscience publique. On peut dire qu’il a été largement inspiré par les traditions redécouvertes et renouvelées des bâtisseurs de cathédrales.

Notre tradition doit beaucoup à la religion puisque notre symbolisme et notre enseignement puise aux sources spirituelles des récits bibliques et évangéliques.

Mais en même temps elle a toujours dépassé les enseignements de la religion en ce sens qu’elle a toujours cherché à percevoir le sens caché, initiatique de tous les mythes et symboles religieux, persuadée que la religion véhiculait sous une forme exotérique beaucoup de messages ésotériques dont elle ne livrait pas le sens et dont elle interdisait même la recherche.

On sait quelle est dans la religion l’importance du mystère qui est un interdit imposé à l’esprit dans sa volonté de comprendre les significations secrètes des récits et des symboles.

En Maçonnerie il n’y a pas de limites à la recherche de la vérité, et toute la tradition révélée peut-être sous certaines conditions soumise à une libre interprétation personnelle.

La voie initiatique exclut le mystère inviolable et le dogme imposé et c’est dans ce premier sens qu’elle est rationnelle. Le désir de Connaissance n’a d ‘autres limitations que celles de la raison elle-même.

La voie initiatique est aussi rationnelle parce que c’est à l’aide de la raison et de l’intuition qui n ‘est qu’une globalisation rapide de la pensée que nous interrogeons le symboles, que nous les relions et ajustons les uns aux autres pour construire des représentations cohérentes des réalités ésotériques.

Le sacré est plus difficile à définir. C’est d’abord le sentiment de la valeur infinie de l’Etre qui nous domine parce que nous lui attribuons la création du monde et de l’homme. Il nous dépasse aussi par son infinitude et demeure pour cela en grande partie inaccessible aux efforts d’intelligence de la raison. Il existe toujours pour l’initié une disproportion entre la raison qui est toujours de l’ordre du fini et le sentiment du sacré qui tend à s’élever jusqu’à la dimension de l’illimité qui est l’essence du Grand Architecte. Notre seule certitude d’initié se trouve dans son existence, dans l’idée qu’il est Raison, Esprit absolus, source de l’amour qui nous pousse dans la voie du perfectionnement et de l’élévation intérieure.

La Maçonnerie a toujours affirmé que la raison et le sacré sont complémentaires, à condition de ne pas se détourner, comme le font les athées, de tous les signes de sa Présence dans l’expérience sensible et surtout dans la connaissance de soi et de la nature véritable de notre esprit. La voie qui mène à la découverte de la vérité de I ‘Ordre divin fait partie intégrante du sacré. Il habite partout où se manifeste la création de l’esprit et la volonté d’aller toujours plus avant vers le Bien. C’est l’enseignement de Platon repris et conservé dans notre Rite et c’est ce que nous avons en commun avec le religieux.

Il est tout à fait étonnant de constater que notre conception maçonnique d’un sacré dérivant des interrogations et de la quête de la raison se trouve aujourd’hui en convergence avec une nouvelle approche du sacré dans notre société. Le déplacement de sens que nous avions repéré et défini au 18ème siècle vers l’homme et les œuvres de la spiritualité humaine se retrouve présentement sous une forme approfondie. Dans un monde où la partie dominante de l’humanité, enivrée de sa propre puissance scientifique, technique, économique, tend à tout réduire à l’état de marchandise, à mépriser les valeurs de l’esprit comme les droits élémentaires des individus, l’esprit résiste et avec lui l’amour du sacré.

Mais la modernité rationaliste ayant dévalorisé mythes et dogmes religieux, rendu inacceptables les morales imposées par les institutions et la société, dans un univers où l’individu revendique plus que jamais I ‘autonomie de la volonté, les hommes de bonne volonté ne reconnaissent plus que les transcendances qu’ils se sont données : la Nature et la vie, Dieu, l ‘Homme, les valeurs spirituelles dont la finalité est de protéger l’homme, de le grandir, le conduire vers la paix intérieure, le sentiment d ‘accomplissement que les Anciens appelaient le bonheur.

C’est ce que les philosophes Luc Ferry et André Comte- Sponville nomment « la sagesse des Modernes ». Elle ne change pas la nature des valeurs et du sacré. Elle affirme seulement qu’elle a changé de source, que c’est désormais l’homme spirituel qui en est le porteur et qui devient de ce fait la référence suprême de l’homme.

Cette spiritualité radicalement humaniste est-elle tellement différente de la nôtre et d’une démarche initiatique qui à partir de la connaissance de soi, des pouvoirs de la réflexion, des besoins et des valeurs de l’esprit, part à la découverte d’une vérité métaphysique, d’un art de vivre et d’une sagesse? C’est sur cette interrogation que j ‘achève ce travail de réflexion..