ven 20 septembre 2024 - 01:09

L’énigme dévoilée : voyage maçonnique au cœur des hauts grades écossais

L’ouvrage Les premiers hauts grades écossais – L’énigme des origines (1730-1800) est une contribution majeure à l’historiographie maçonnique, s’inscrivant dans une tradition d’enquêtes rigoureuses sur l’émergence et le développement des hauts grades maçonniques. Roger Dachez1 et John Belton2, deux grands auteurs, conjuguent leurs expertises pour éclairer l’obscure genèse des hauts grades écossais au XVIIIe siècle, offrant ainsi une vue d’ensemble des mutations maçonniques en Europe.

Cet ouvrage a d’abord été publié en anglais sous le titre Exploring the Vault: Masonic Higher Degrees 1730–1800 (Westphalia Press), avant d’être traduit en français par Roger Dachez lui-même.

Le livre, divisé en vingt-neuf chapitres, traverse des périodes charnières de l’histoire maçonnique, allant des premières difficultés de la Grande Loge d’Angleterre après 1730 à l’apparition et à la propagation des grades écossais en France, en Angleterre, et en Europe continentale. Le contexte de chaque développement est minutieusement exploré, s’appuyant sur des sources anciennes et récentes, certaines déjà connues mais réinterprétées, et d’autres méconnues, dévoilant ainsi des aspects inédits de l’histoire maçonnique.

Pierre-Yves Beaurepaire

La préface de Pierre-Yves Beaurepaire3 joue un rôle fondamental servant non seulement d’introduction contextuelle mais aussi d’éclairage critique sur l’importance de l’étude entreprise par Roger Dachez et John Belton. Historien émérite et spécialiste des Lumières, Pierre-Yves Beaurepaire inscrit cette recherche dans une perspective historiographique plus large, en soulignant à quel point l’histoire des hauts grades écossais constitue un chaînon manquant dans la compréhension globale de la franc-maçonnerie européenne.

Dès les premières lignes, Pierre-Yves Beaurepaire met en exergue la complexité et la richesse des sources exploitées dans cet ouvrage. Il insiste sur le fait que Roger Dachez et John Belton ne se contentent pas de rassembler des documents historiques, mais qu’ils réinterprètent ces sources à la lumière des découvertes récentes, tout en intégrant des éléments inédits. Selon Beaurepaire, cette méthode historiographique rigoureuse, qui associe le dépouillement d’archives à une réflexion critique sur les interprétations antérieures, permet de renouveler notre compréhension des origines des hauts grades écossais.

L’ouvrage commence par une introduction posant les fondements de la jeune franc-maçonnerie spéculative et l’apparition du grade de Maître vers 1725, lequel ouvre la voie à une série de grades dits écossais, malgré leur manque de lien direct avec l’Écosse. Le grade de Scots Master, apparu vers 1730, est exploré en profondeur, révélant sa nature complexe et son rôle de précurseur dans l’évolution des grades écossais.

L’analyse de Roger Dachez et John Belton est ici d’une rare profondeur, mettant en lumière les raisons pour lesquelles ce grade, longtemps entouré de mystère, est essentiel pour comprendre la genèse des hauts grades maçonniques. Les auteurs décryptent le symbolisme et les légendes associées à ces grades, en particulier la légende d’Hiram, qui transcende son rôle initial pour devenir le pilier fondateur d’une nouvelle dynamique maçonnique.

Seal of the Moderns Grand Lodge

Les chapitres suivants se concentrent sur l’évolution des grades de maître et de Scots Master, en particulier dans le contexte de la Grande Loge d’Angleterre. Les deux auteurs  documentent avec une précision historique remarquable la diffusion des hauts grades, leurs modifications et adaptations, d’abord en Angleterre, puis en France, en Allemagne, et au-delà.

Ils retracent le parcours des francs-maçons pionniers qui ont propagé ces grades à travers l’Europe, avec une attention particulière aux interactions entre les loges de Londres, Paris, et Berlin entre 1730 et 1750. Le rôle des rituels, tant en anglais qu’en français, est examiné, révélant comment ces textes ont façonné la maçonnerie continentale.

Le chapitre dédié à « Les « autres grades » entre Paris et Bordeaux », ainsi que la naissance du Royal Arch – Arc Royal et son introduction en France (1760-1765) – et des Templiers, apporte un éclairage nouveau sur la diversité des pratiques maçonniques et la complexité croissante de l’organisation maçonnique au XVIIIe siècle. Les auteurs montrent comment ces grades, malgré leur diversité apparente, partagent un socle symbolique commun qui a contribué à la création d’une maçonnerie véritablement européenne.

La conclusion de l’ouvrage synthétise les découvertes des auteurs, réaffirmant l’importance des hauts grades écossais dans l’évolution de la franc-maçonnerie. Roger Dachez et Belton proposent une lecture transnationale de ces phénomènes, transcendant les frontières nationales pour offrir une vue d’ensemble des dynamiques maçonniques en Europe.

Le livre, par son érudition et sa profondeur d’analyse, marque une étape nouvelle dans l’historiographie maçonnique. Il ouvre des perspectives pour de futures recherches, notamment sur les interactions entre les différents courants maçonniques en Europe et l’influence des hauts grades écossais sur la maçonnerie moderne.

Cet ouvrage, en revisitant les énigmes historiques des hauts grades écossais, ne se contente pas d’apporter de nouvelles réponses; il ouvre également la voie à une compréhension plus nuancée et complexe de la franc-maçonnerie au siècle des Lumières. Par la richesse des sources exploitées et l’acuité des analyses proposées, Les premiers hauts grades écossais – L’énigme des origines (1730-1800) s’impose comme une lecture indispensable pour quiconque souhaite comprendre les racines et les développements de cette institution énigmatique qu’est la franc-maçonnerie.

Roger Dachez

1Roger Dachez, médecin et universitaire, est un historien de renom de la franc-maçonnerie. Chargé d’enseignement à l’Université Paris 7-Denis Diderot, il est également président de l’Institut Maçonnique de France depuis 2002 et membre du Comité scientifique du Musée de la franc-maçonnerie à Paris. Il dirige depuis 1992 la revue d’études maçonniques Renaissance Traditionnelle et a publié plus de vingt ouvrages sur l’histoire et les origines de la franc-maçonnerie, consolidant sa réputation d’historien majeur dans ce domaine.

John Belton

2John Belton est un membre éminent de la loge de recherche Quatuor Coronati à Londres, la plus ancienne et prestigieuse loge de recherche maçonnique. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages de recherche sur la maçonnerie, publiés en Angleterre et aux États-Unis, et est considéré comme une autorité dans l’étude des origines et des rituels maçonniques.

3Pierre-Yves Beaurepaire, historien moderne, est professeur d’histoire à l’Université Côte d’Azur et membre de l’Institut universitaire de France. Il est un spécialiste reconnu des Lumières, de l’histoire des échanges culturels et intellectuels en Europe au XVIIIe siècle, ainsi que de l’histoire de la franc-maçonnerie.

Les premiers hauts grades écossais – L’énigme des origines (1730-1800)

Roger Dachez, John Belton – Préface de Pierre-Yves Beaurepaire

Éditions Dervy, 2024, 512 pages, 26 €

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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