sam 23 novembre 2024 - 00:11

Affaire Emmanuel Pierrat : suite… et fin ?

Dans l’affaire Emmanuel Pierrat, la Cour d’appel de Paris aggrave lourdement la sanction disciplinaire qui l’avait frappé pour « management toxique », en le condamnant, le 23 mars 2023, à dix-huit mois d’interdiction d’exercer dont six avec sursis (précédemment, deux mois effectifs), en raison de  son « comportement agressif, insultant et humiliant revêtant un caractère pérenne et systémique » au sein de son cabinet (Sources : le MondeLibérationLes ÉchosLe Point).

Elle regrette notamment « l’absence préoccupante de prise de conscience de la situation par M. Pierrat » et espère que, durant son année d’interdiction, il saura « retrouver un comportement professionnel plus conforme à ce qui est attendu d’un avocat », insistant sur le fait que le prévenu « ne s’est pas départi d’une posture de déni dont il doit impérativement sortir ».

Notons que son conseil, Me Jean-Didier Belot, a indiqué à l’AFP que son client formait un pourvoi en cassation. Ce recours n’étant pas suspensif, la décision d’appel sera sans doute exécutée dans l’intervalle.

Les agissements qui sont reprochés à l’écrivain avocat bien connu, à l’égard de pas moins d’une vingtaine de collaborateurs au cours de longues années (excusez du peu !), sont devenus, à ce stade, une vérité judiciaire qui interroge fortement sur la pratique des valeurs humanistes et sur l’application des principes de modération et de tempérance qu’aurait dû observer ce franc-maçon notoire.

En raison de la relative célébrité de l’intéressé – s’étendant au-delà des frémissements germanopratins de sa spécialité en droit d’auteur –, il va de soi qu’une telle affaire porte atteinte, dans le public, à notre image globale.

Nous osons encore espérer que, dans l’honneur, ce Frère, après un sérieux examen de conscience, démissionne de son Obédience, avant même que celle-ci ne se sente obligée de le traduire devant un jury fraternel, ne serait-ce qu’en raison du tort considérable que cause dans l’opinion sa conduite infâmante.

La bâtonnière, Julie Couturier, s’étant félicitée que la justice fasse ainsi œuvre utile, les instances maçonniques, d’ordinaire fort sourcilleuses quant au respect de la personne humaine, jugeront-elles excessive, par connivence ou par copinage, une politique de tolérance zéro en ces matières désormais inflammables de harcèlement et de discrimination ou sauront-elles se montrer intransigeantes, en cette circonstance comme en toute autre, à l’égard de comportements rigoureusement inacceptables ?

Il s’avère que nous nous étions étonnés, dans ces colonnes (article du 19/01/2023 – « Le Frère avocat Emmanuel Pierrat jugé aujourd’hui en appel pour des accusations de harcèlement »), des conditions de création, par les soins du même personnage en délicatesse avec ses institutions, de nouvelles sociétés d’exercice, après la liquidation de son propre cabinet. Le Frère Emmanuel Pierrat nous demande, sur ce plan, un droit de réponse que nous lui accordons, sans difficulté, même s’il y greffe un contentieux du travail qui, certes, concerne ses relations avec le barreau de Paris mais qui n’en appartient pas pour autant à la cause.

En toute hypothèse, il nous semble que la décision d’appel met un coup d’arrêt, si l’on peut dire, à ses ambitions de redéploiement et ce, pour une année entière.

Pour mémoire, il n’y a pas si longtemps, en octobre 2020, Me Pierrat avait été candidat au fauteuil 24 de l’Académie française, laissé vacant par le décès de l’historien Max Gallo, recueillant modestement 3 voix (c’était là sa seule modestie) contre 19 en faveur de son confrère François Sureau, qui fut élu. Il s’avère qu’un petit rituel du quai Conti veut qu’un mot du dictionnaire soit attribué au nouvel immortel, lors de son installation, et ce fut, en l’occurrence, le verbe voguer. Vogue la galère !

La Rédaction

Droit de réponse d’Emmanuel Pierrat :

Je tiens à réagir à l’article, paru le 21 janvier 2023, me concernant.Dans un effort de précision et d’impartialité, je me dois de reprendre les termes du rapport de l’administrateur judiciaire selon lequel les difficultés financières du cabinet Pierrat Avocats s’expliquaient notamment par l’épidémie de Covid-19, à l’instar de nombreux acteurs de la Culture. Le départ de la dernière associée en date du cabinet fut décidé par le Service de l’exercice professionnel de l’Ordre des avocats en raison d’un chiffre d’affaires insuffisant, et ce, en application des statuts du cabinet. Je suis heureux d’exercer au sein du nouveau cabinet que j’ai fondé le 6 janvier 2023.

Par ailleurs, j’ai eu, pendant huit ans, l’honneur d’être Conservateur du Musée du Barreau de Paris, malgré l’officieuse volonté de l’Ordre des avocats d’en fermer les portes définitivement. Des mémoires de mes confrères déportés et résistants, aux plus grands procès de notre Histoire, j’ai assuré mes fonctions avec sérieux et dévotion afin de faire rayonner et d’enrichir les collections du musée. Je demande aujourd’hui à ce que les multiples contrats précaires me liant à mon employeur, l’Ordre des avocats, soient requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée et que soit prononcée la nullité de ma suspension prise en violation de ma présomption d’innocence et pour des motifs étrangers à mon emploi de conservateur.

L’impartialité journalistique aurait exigé que l’écho des multiples classements sans suite prononcés à mon égard soit aussi fort que celui des accusations. C’est pour remédier à cela que j’écris ce droit de réponse.

3 Commentaires

  1. Et si on laissait la justice traiter de ce qui la concerne?
    Il serait sage d’attendre la décision de cassation avant de juger (ce qui n’est pas notre rôle) sans connaitre le dossier, non?

    • Vos observations appellent, de notre part, des précisions circonstanciées.

      Pourquoi cet article, tout d’abord ?

      Nous avions déjà évoqué “l’affaire Emmanuel Pierrat”, avant que l’arrêt d’appel n’ait été rendu, et nous n’avions pas l’intention d’y revenir : il y a beaucoup d’autres sujets, dans l’actualité ; mais un de ses avocats a cru devoir exiger de nous, par lettre recommandée reçue par nos soins la semaine dernière, un droit de réponse et, quoique le contenu qu’on nous demandait de diffuser ne concernât point la cause, sortît totalement du champ de notre article et appartînt à un autre contentieux qui oppose l’auteur au barreau de Paris, nous y avons fait droit. Nous aurions pu nous y refuser sur la base de ces mêmes considérations, comme nous l’a confirmé notre propre conseil, mais nous ne voulions pas être accusés de censure et nous engager dans une polémique attisée par ce qui, au regard des affaires que nous relations, nous apparaissait comme un rideau de fumée.

      Qu’avons-nous rappelé ?

      Dans ces circonstances, nous avons été contraints de restituer plus complètement les perspectives, en nous en rapportant à l’actualité judiciaire récente et donc d’informer sur la décision intervenue, depuis lors, ce qui, si nous ne l’avions pas fait à l’occasion d’une nouvelle évocation dans nos colonnes, nous eût également été reproché par nos lecteurs, qui y auraient vu, au moins, un déséquilibre, sinon un parti pris. Sur ce point, nous nous sommes contentés de reprendre, par extraits, le dispositif et la motivation de la décision d’appel. La Cour de cassation doit être saisie et seulement sur un moyen de droit. À la différence d’autres cours suprêmes étrangères, elle ne rejuge pas les faits mais, alors que la saisine en matière civile n’a pas d’effet suspensif, en matière pénale, si, de sorte que l’on comprend l’intérêt de cette “voie extraordinaire de recours” pour le demandeur, même si elle doit déboucher sur un rejet car elle lui permet, en toute hypothèse, de gagner du temps, de “sauver provisoirement les apparences”, sachant qu’un arrêt de cassation donne en général moins lieu à médiatisation qu’un arrêt d’appel, toujours “théâtralisé”.

      Quelles conséquences en avons-nous tirées ?

      L’affaire, en l’occurrence, n’est pas mince : il y a une vingtaine de plaignants, sur une longue période, pour des atteintes graves, convergentes et constantes à la dignité humaine, de surcroît dans un lien de subordination ! Cela fait quand même beaucoup. En raison du grand étalage que le Frère en cause a toujours publiquement fait de son appartenance maçonnique, nous en avons appelé à son honneur pour qu’il démissionne de son Obédience avant qu’il n’en soit radié pour des comportements inacceptables au regard des valeurs humanistes que nous défendons. Il arrive que certains Frères fassent l’objet de sanctions d’exclusion de la part de nos instances disciplinaires pour des raisons idéologiques voire à la suite de querelles saugrenues, qui ni les unes ni les autres ne sauraient justifier des poursuites judiciaires. Or, dans ces cas, aucun d’entre eux n’a jamais attenté à l’intégrité physique, psychique ou morale de personne ni a fortiori engendré de souffrance sociale. L’indifférence au sort des victimes relèverait-elle, en la matière, d’un des secrets de l’initiation ?

      Franck Fouqueray
      Directeur de la Publication

  2. Merci à vous pour votre introduction éclairante. Je dirai même lumineuse.
    Oui, on peut effectivement se demander fort justement ce que fera le Grand Orient de France concernant notre très cher frère Emmanuel…

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