dim 24 novembre 2024 - 04:11

Médecine & Franc-maçonnerie

La raison d’être de la vocation médicale est de soigner et de protéger. Les connaissances médicales permettent aussi d’avoir une vision prospective sur les risques encourus par les êtres humains dans leurs activités. L’actualité montre, avec le « Pass Sanitaire », que l’état de santé peut être une condition pour pratiquer des activités sociales dans la mesure où le risque de propager une maladie peut mettre en danger des individus sains.  

Chacun sait que les travaux maçonniques n’ont pas pour but d’améliorer la santé des francs-maçons ; s’ils peuvent être bénéfiques sur la sociabilité et le mieux vivre ensemble et s’ils peuvent inciter ses pratiquants à modifier leurs modes de vie, le vécu maçonnique ne peut pas être une thérapeutique.

Cet article a pour but d’attirer l’attention sur deux questionnements :

  • Dans quelle mesure certaines pathologies sont-elles compatibles avec un investissement dans une démarche maçonnique ?
  • Les habitudes de fonctionnement du groupe maçonnique peuvent-elles entraîner des conséquences négatives sur la santé des francs-maçons ?

Dans les ateliers, il est évident que le travail maçonnique est exigeant ; cela suppose une excellente santé physique et morale.

Les loges sont souvent confrontées aux interférences des problèmes de santé de ses membres sur le fonctionnement de la loge. Elles doivent pouvoir prendre en charge les premiers soins.

Dans quelle mesure certaines pathologies sont-elles compatibles avec un investissement dans une démarche maçonnique ?

Cette question se pose au moment du recrutement de nouveaux membres. Dans le processus de demande d’adhésion à une loge maçonnique, il faut donner un certain nombre d’informations personnelles via un questionnaire ou à l’occasion de rencontres avec des membres de la loge concernée ou encore lors de ce qu’on appelle « le bandeau », c’est à dire la réception en loge où le candidat (la candidate) est interrogé « sous le bandeau » ce qui l’empêche de voir les visages des sœurs et/ou des frères présents qui l’interrogent.

Si sur le plan éthique, sachant que la franc-maçonnerie souhaite rassembler les personnes de hautes valeurs morales, les contre-indications à l’entrée en franc-maçonnerie concernent essentiellement les personnes soit immorales soit de moralité « douteuse », d’un point de vue médical, les situations sont plus nuancées. Généralement, les questions proprement médicales sont rarement posées ; pour une raison bien compréhensible car il s’agit de préserver l’intimité du postulant. Comment s’étonner que quelques mois plus tard des surprises apparaissent ?

Le présent article n’a pas la prétention de vouloir édicter des règles mais simplement de faire réfléchir car avec un peu d’expérience on se rend vite compte, pour peu qu’on soit attentif, car les francs-maçons sont souvent très « pudiques », de situations « difficiles » avec des vécus « troublés » !

La démarche maçonnique exige des dispositions physiques et une aptitude psychologique ; il faut aussi être attentif, savoir rester silencieux, supporter la station assise prolongée et ne pas se laisser perturber.

Par ailleurs, certaines personnalités peuvent avoir des troubles du comportement difficilement compatibles avec le calme et la sérénité des travaux maçonniques.

Tout cela n’est jamais systématique et cela dépend aussi de la capacité de la loge à s’adapter. Ces adaptations sont de la responsabilité des collèges d’officiers pour peu qu’ils s’en préoccupent.

C’est le cas en particulier de certaines formes d’autisme et en particulier de la maladie d’Asperger ; une loge particulièrement bienveillante et compréhensive pourra très bien accepter d’initier une personne atteinte de cette maladie ; les sujets qui en sont atteints ont généralement une sensibilité intellectuelle particulière qui peut très bien se plaire dans l’univers maçonnique sous réserve que la loge accepte un certain nombre de « désagréments » inhérent à leurs comportements.

D’une façon générale on pourrait dire que les contre-indications médicales sont inversement proportionnelles à l’attention qu’un collège d’officiers peut apporter à connaître le vécu réel de chacun. Mettre en place un système électronique audio pour les frères et les sœurs atteints de surdité peut éviter de les exclure (de fait) de la vie de la loge en ne voulant pas prendre en compte une réalité !  

Plusieurs pathologies (liste non exhaustive) peuvent sembler incompatibles avec une initiation maçonnique et ce que cela entraîne :

  • La surdité non appareillable ou non appareillée : ; dans une loge « habituelle » ce handicap apparaît difficilement compatible avec les travaux maçonniques, à moins, que la loge concernée dispose, parmi ses membres, des pratiquants de la langue des signes capables d’assurer une traduction en simultané. ;
  • La narcolepsie et les autres formes de somnolence diurne :
  • Les formes invalidantes des obésités morbides :
  • Certains troubles du comportement en particulier ceux qui comprennent un ou plusieurs éléments comme une agitation, la violence, les pulsions sexuelles, les délires, les troubles de l’humeur.
  • Les atteintes motrices importantes bien que l’usage du fauteuil roulant peut être possible ;
  • Les conduites addictives en particulier l’alcoolisme chronique et la consommation de drogues ;
  • Certains troubles de l’intelligence avec déficit intellectuel
  • Certaines maladies chroniques invalidantes comme la maladie de Parkinson ou les phobies.

Les habitudes de fonctionnement du groupe maçonnique peuvent-elles entraîner des conséquences négatives sur la santé des francs-maçons ?

Les travaux maçonniques et les habitudes des ateliers peuvent générer des répercussions sur l’état de santé des francs-maçons. Deux facteurs de risque mériteraient d’être pris en considération :

  • Le stress
  • Les agapes.

Le stress dans le vécu maçonnique :

On définit le stress comme une « agression » psychologique ; pour la plupart d’entre nous, cette « agression » peut être facilement gérable mais pour certaines personnalités cela peut être un facteur de déstabilisation non négligeable. Il est souvent sous-estimé et non exprimé publiquement ; c’est en petit comité ou dans des relations de confiance que les paroles se libèrent et qu’on peut en prendre conscience.

Le stress peut provoquer différents symptômes allant du simple mal de tête à la crise de tétanie en passant par le syndrome vagal (qui peut entraîner une perte de connaissance).

C’est un sujet qui pourrait être pris en compte par les collèges des officiers pour d’une part le prévenir et d’autre part le solutionner dans la bienveillance et l’écoute.

Les agapes

Chacun sait que l’alimentation est un facteur pathogène important dans la mesure où les tentations et les habitudes alimentaires favorisent une alimentation trop « riche » et souvent toxique. Le public maçonnique est généralement âgé et sujet aux maladies dites de civilisation avec des pathologies métaboliques qui justifient des restrictions alimentaires.

Les symptômes d’un excès alimentaire sont très variés allant de simple nausées à l’accident vasculaire cérébral en passant par la crise d’ébriété.

Comment concilier le bien-être des agapes et une alimentation diététique ?  C’est encore un sujet à prendre en compte par le collège des officiers des loges pour protéger les sœurs et les frères.

Les problèmes de santé dans le vécu maçonnique

L’épidémie de Covd-19 montre que le risque contagieux oblige de prendre des mesures de prévention. Aujourd’hui le fait d’être vacciné ou non conditionne la participation à des activités sociales. Il est possible que prochainement le « Pass Sanitaire » soit une condition d’assister aux réunions maçonniques.

La tentation peut être grande de reprendre le chemin de la loge après une période d’absence pour raisons de santé, mais est-ce toujours raisonnable de le faire trop rapidement ? C’est en particulier le cas pour :

  • Les suites proches d’un Accident Vasculaire Cérébral
  • Les cancers en phase de traitement,
  • Les dépressions sévères,
  • Les suites proches d’une crise cardiaque
  • Les personnes atteintes de maladie incurable.

Dans chaque cas l’évaluation du rapport avantages/risques doit être fait ainsi que l’adaptation parfois nécessaire du rituel pour permettre d’assister aux tenues.

En conclusion, tout n’a pas été dit et j’ai conscience que cette réflexion n’est pas facile à partager et pourrait paraître vexatoire pour certains de nos sœurs et frères à la santé fragile ou porteurs d’un handicap important.

Elle invite pourtant les collèges des officiers à assumer leurs responsabilités pour essayer de gommer certaines pratiques qui peuvent aggraver les problèmes de santé des sœurs et des frères. Se préoccuper de la santé, c’est aussi inciter à adapter notre pratique pour que certains handicaps ne soient pas incompatibles avec la participation aux travaux maçonniques.   

Par ailleurs, la vie maçonnique ne se résume pas à l’assistance aux tenues ; l’aspect médical n’est pas exclusif ; chacun sait que la vie en loge c’est aussi la mise en pratique d’une réelle fraternité où en dehors de la loge on peut manifester présence et réconfort auprès de celles et ceux qui souffrent !

Comme toujours, il y a un juste équilibre à trouver entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible ! Qu’en pensez-vous ?

6 Commentaires

  1. L’approche est condescendante. Elle suggère que les loges doivent être “particulièrement bienveillantes et compréhensives”, comme s’il s’agissait d’un acte de charité, plutôt que d’un droit fondamental à l’égalité de traitement.
    “Dans quelle mesure certaines pathologies sont-elles compatibles avec un investissement dans une démarche maçonnique ?”
    Remplaçons maçonnique par sportive, pour voir…
    Un club sportif, surtout après les jeux paralympiques, ne peut tenir un discours de ce genre, non ?

    • Merci Christophe pour cette contribution ! Loin de moi toute condescendance ! La comparaison avec la pratique sportive se veut polémique, ce qui n’est pas mon propos. Si la pratique sportive engage un ivestissement corporel dans un contexte compétif, la démarche maçonnique se veut essentiellement intellectuelle sans compétition dans le désir de participer à une démarche collective à l’abri du public ! Est-ce condescendant de reconnaître que des contraintes existent ? Fraternité ! Alain

    • Chère Nathalie

      Sauf erreur de ma part, je n’ai pas utilisé le terme de maladie pour désigner l’autisme mais l’expression ” troubles du comportement difficilement compatibles avec le calme et la sérénité des travaux maçonniques”.

      Par ailleurs loin de moi de ne pas respecter la personnalité des êtres humains quelles que soient les différences !

      Fraternité

      Alain

    • “[…] et en particulier de la maladie d’Asperger” ?
      Il s’agit d’une différence neurologique, et non une maladie mentale ou psychologique.

      • Merci pour cette précision ! Je comprends ce débat sur le mot “maladie” et c’est vrai qu’il puisse être connoté ! Mon propos était simplement d’exposer la problématique ! Il est clair que chaque loge est libre d’envisager des adaptations éventuelles ! Fraternité ! Alain

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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