sam 04 mai 2024 - 17:05

Après la guerre des princes, le royaume d’Araucanie s’est trouvé un régent venu de la franc-maçonnerie

De notre confrère sudouest.fr – Par Hélène Rietsch – h.rietsch@sudouest.fr

Ce royaume virtuel s’apprête à célébrer sa fête nationale, samedi 19 août à Tourtoirac, avec Pierre de Carelmapu comme régent provisoire,

alias Pierre Mollier, conservateur du musée de la Franc-Maçonnerie à Paris

« Je suis là pour assurer une sorte d’administration transitoire. J’ai hâte qu’ils élisent un prince après avoir rétabli la paix entre les tribus d’Araucanie », sourit Pierre Mollier, conservateur du musée de la Franc-Maçonnerie à Paris.

Drapeau du royaume d’Araucanie et de Patagonie.

Depuis fin avril, il a accepté la régence « avec plaisir » d’un royaume qui n’existe plus entre Dordogne et Patagonie, prolongation de l’œuvre folle d’Antoine de Tounens, devenu éphémère roi des peuples d’Araucanie et Patagonie entre 1860 et 1862, et lui aussi sorti d’une loge maçonnique.

Histoire abracadabrante

Une histoire abracadabrante qui aurait pu se terminer à la boucherie de Tourtoirac en 1870, lorsque le Périgordin est revenu chez son frère aîné, fatigué, malade, et sans le sou, après un quatrième périple chez les Mapuche, peuple premier de la Patagonie argentine et chilienne.

«J’ai hâte qu’ils élisent un prince après avoir rétabli la paix entre les tribus d’Araucanie »

Cent soixante ans après, Orélie-Antoine Ier (1825-1878), qui avait eu le temps de rédiger une Constitution, continue à vivre à travers une improbable royauté au folklore qui prête à sourire. (Suite pour les abonnés)

Du Bloc de Pierre Mollier (la suite)

Après ses aventures extraordinaires et son règne d’une petite année en Amérique du Sud, Orélie-Antoine 1er se réfugia puis séjourna régulièrement à Paris pour préparer son « retour ». On le trouve alors dans les milieux bohèmes et artistiques de la capitale. Le poète Paul Verlaine en témoigne dans un texte sur Charles Cros paru dans le magazine « Les hommes d’aujourd’hui » à la fin des années 1880. Il est aussi intéressant de noter que Verlaine précise qu’il s’agit du « roi d’Araucanie première manière »… ce qui veut dire qu’il sait fort bien qu’à l’époque où il écrit, vingt ans après, il y a un « roi d’Araucanie deuxième manière ». Il est d’ailleurs peu étonnant qu’il connaisse Achille 1er, le roi « deuxième manière » des années 1880, car celui-ci fréquentait le même milieu artistique et bohême dont le centre du monde était le cabaret « Le Chat Noir ». Enfin, Verlaine était très lié aux trois frères Cros… dont Antoine qui n’était pas encore « Antoine II » mais déjà duc de Niacalel et qui assurait les fonctions de chancelier du Royaume. Le fait que le poète ait connu les trois premiers rois d’Araucanie montre combien « le Royaume » était présent dans la vie littéraire et artistique du Paris « fin de siècle ».

Verlaine nous explique donc :

« Je connais Charles Cros de longue date. Si ma mémoire qui est bonne ne m’égare pas, je l’aurais vu pour la première fois rue Royale, chez son frère, l’éminent docteur Antoine Cros, auteur des Décoordinations et inventeur, je crois, de ce merveilleux plessimètre, de qui l’on a des vers très bien, des dessins fantastiques amusants au possible et, sans doute, philosophiques, c’est le cas de le dire, en diable, et aussi des aquarelles des plus remarquables.

A ces soirées où je fus introduit, ô qu’il y a belle lurette ! par François Coppée, on croisait bien du monde.

Un roi d’Araucanie première manière, des médecins très décorés, des hommes du monde diplomates, sportsmen des plus meublants… On y rencontrait aussi des artistes… »

(Les Hommes d’aujourd’hui, n°335, année 1885, Charles Cros par Paul Verlaine, p. 4.)

Un lecteur, anglophone de surcroît – Dan Morrison – nous fait remarquer un aspect que nous n’avions pas pris en compte. Quand, notant ses souvenirs, Verlaine écrit au fil de la plume « roi d’Araucanie première manière », il ne veut pas seulement exprimer l’idée qu’il y en a eu un autre depuis, un deuxième, Achille 1er. Il suggère aussi que leur façon d’être « roi d’Araucanie » était différente. Pour Verlaine, il y a eu une « première manière » d’être roi d’Araucanie, puis une autre. On sait en effet que Orélie-Antoine et Achille s’inscrivaient dans des registres fort différents.  Orélie-Antoine avait encore à l’esprit sa participation à des combats pour préserver l’identité et les droits d’un petit peuple sur lequel la colonisation occidentale allait s’abattre. Il avait été, une petite année, « une manière de vrai roi ». Pour Achille c’était surtout un engagement théâtral et un jeu sur les symboles. Des esprits critiques pourraient même avancer qu’Achille fut un « roi d’opérette ». Cela confirme un peu plus la bonne connaissance de l’Araucanie qu’avait Verlaine.

Médaille d’un ordre honorifique du royaume d’Araucanie et de Patagonie à l’effigie du roi Antoine II (docteur Antoine-Hippolyte Cros, 1833-1903).

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