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Pythagore (580–500 av. J.-C.) et l’art de faire entendre les nombres.
Les nombres font partie des réflexions qui animent l’esprit des Maçons, comme des penseurs de tous temps, car ils ont une forte teneur symbolique. Notre TCF Gérard Lefèvre nous propose sa vision ou plus exactement sa sensation. Il écrit:
Par cette réflexion et ce qui en découle, j’ai voulu retranscrire ma propre sensation sur les nombres. Certains points se dégagent des œuvres maçonniques car ils correspondent à ma propre sensibilité, mon sentiment.
Comme le dit l’Écriture, Dieu a tout créer par le poids, le nombre et la mesure, dans le plan matériel comme dans le plan astral.
Les lois qui s’appliquent, en réalité, à toute création, est là un mystère.
La loi des nombres en métaphysique : qu’est-ce que c’est ? En quoi les nombres régissent-ils le monde et la nature ? Quel rapport entre mathématiques et philosophie ?
Au-delà de leur aspect pratique, les nombres permettent en effet d’approcher la structure de l’univers : ils portent une valeur symbolique profonde et véhiculent la force logique.
Les nombres soutiennent le raisonnement : les mathématiques, à travers l’arithmétique et la géométrie, sont la science de l’ordre.
Les nombres ont donc une valeur concrète (ils décrivent la matière) aussi bien qu’abstraite (ils fondent l’argumentation et soutiennent les idées).
Pour Platon, les nombres régissent le monde des idées, le seul qui puisse permettre d’accéder à la réalité et à la vérité. L’idéalisme de Platon est une invitation à nous écarter de nos perceptions sensibles, sources d’erreur et d’illusion, pour entrer dans le domaine des « idées vraies ».
Les nombres seraient donc un moyen d’accéder au plus haut degré de la Connaissance : ils donneraient la clé de l’ordre intérieur et de l’harmonie cosmique. C’est en particulier la vision de Pythagore à travers sa célèbre Tétraktys, véritable religion des nombres.
TETRAKTYS, Pythagore
Considérés du point de vue de leur constitution, les nombres sont masculins ou féminins, ce qui, dans leur langage, se traduit par la question de pair et impairs ; les nombres pairs étant féminins et les nombres impairs masculins (cette notion a été appliqué à la poésie en transposant le sexe des nombres dans la terminaison des rimes).
Outre cette constitution, le nombre peut être considéré aussi lorsqu’il atteint deux chiffres dans sa situation naturelle et dans son reflet, comme 13 et 31 ou comme 26 et 62.
Un nombre peut encore être considéré dans un plan d’action, puisqu’il est d’autant plus spirituel qu’il se rapproche davantage de l’unité. Ainsi le nombre 3 agit dans un plan spirituel ; le nombre 3 au carré, ou 6, agit comme un 3 dans le plan astral (plan des mesures planes).
Le nombre 3 au cube, ou 9, agit dans le plan de la matière et des formes matérialisées.
Cette matérialisation devient d’autant plus intense que la puissance attachée au nombre primitif augmente.
Ainsi 3 à la 6e puissance est deux fois plus matérialisé que 3 au cube.
Inversement, on ramène un nombre de la matière vers l’esprit en extrayant sa racine, c’est à dire en rejetant dans le plan matériel toutes les puissances matérialisantes pour extraire le nombre spirituel ou l’esprit qui anime le nombre matérialisé.
Si nous plaçons l’infini spirituel en tête des nombres c’est le nombre 1 qui se rapprochera le plus de cet infini et qui sera plus grand que tout. Au contraire, plus un nombre s’éloignera de l’unité et contiendra des chiffres, plus il se rapprochera de l’infiniment petit ; plus un nombre a de zéro ou de chiffres, plus il est matériel dans l’échelle des nombres.
Les opérations qui se font sur les nombres ont aussi une grande importance ; ces opérations se réduisent à deux :
L’addition, simple dans laquelle les nombres s’unissent les uns dans les autres pour se matérialiser de plus en plus en un nombre total. Il faut souligner que la multiplication est une addition fonctionnant très vite par des artifices de calcul ;
La soustraction dans laquelle les nombres s’extraient les uns des autres pour remonter lentement vers l’unité et par suite, pour se spiritualiser, dans le cas de la division ou d’extraction de racine, la soustraction est considérablement activée par des artifices de calcul.
Je vais vous donner un aperçu de chaque chiffre qui est non seulement une lettre, mais encore un symbole complet d’une langue particulière, il est évident qu’une analyse complète de chaque nombre demanderait de très long s développement.
Le nombre 1 :
Est la représentation de l’unité, il constitue la synthèse et le point de départ de tous les nombres, c’est en s’ajoutant à lui-même et en se retranchant de lui-même que se déterminent les opérations.
Il peut évoquer le Principe, à la fois créateur et création, manifesté et non manifesté, fini et infini, limité et illimité : l’Un est le principe actif de l’univers et l’univers lui-même, c’est-à-dire le cosmos. Il ne peut rien y avoir avant le 1, et rien après. Le 1 contient tout, y compris le Créateur. C’est donc l’essence de toute chose.
Pour les Pythagoriciens, l’1 est la Monade, c’est-à-dire l’unité parfaite, principe et cause active de toutes les choses. De la Monade dérive la Dyade, qui joue le rôle de matière sous-jacente à la Monade.
Le nombre 2 :
Correspond au premier nombre féminin, complémentaire du « 1 » et figurant la réflexion du « 1 » sur lui-même, la projection du créateur dans le plan astral la constitution du premier complémentarisme.
Le chiffre 2 s’oppose à l’unité du 1. Il introduit la négation, l’opposition, certains diront le « mal » ou le démon.
Le mythe du péché originel illustre bien cela. Adam et Ève se sont écartés de l’Arbre de vie (symbole de l’unité) pour croquer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, symbole du dualisme, de la souffrance et de la mort.
Le chiffre 2 représente donc la condition humaine pécheresse : l’homme est condamné à expérimenter tous les jours cette division intérieure, cause de souffrance intime, chemin de mort.
Les outils maçonniques regroupés par deux (maillet et ciseau, compas et équerre, règle et levier, perpendiculaire et niveau) et le pavé mosaïque, le Soleil et la Lune sont aussi les représentants de cette dualité.
Le nombre 3 :
Le 3 est la première créature résultant de l’union du « 1 » et du « 2 », c’est la première figure fermée constituant un plan, et comme forme, il correspond au triangle.
C’est aussi la Sainte Trinité :
Le Père (Si le Père est le principe de la Trinité en raison de sa paternité, il convient également de le nommer l’architecte de la création et du salut.),
Le Fils (aspect masculin, solaire, le Feu)
L’Esprit Saint (aspect féminin, lunaire, l’Eau).
L’Un inconnaissable contient potentiellement en lui les Deux. Les Deux exprimés par le Un, c’est-à-dire issus du Un, L’Un et les Deux sont ainsi consubstantiels.
Le nombre 4 :
A titre de premier chiffre du plan astral, le « 4 » est représenté par le carré.
Avec le Quatre nous pénétrons encore davantage dans la Création. Nous retrouvons les quatre éléments constituant la base de la matière et connus de tous les alchimistes :
FeuEauAirTerre
Selon Lao-Tseu dans le Tao Te King, « le Tao engendre Un, Un engendre Deux, Deux engendre Trois, et Trois engendre toute chose ».
Le 4 serait donc « toute chose » : c’est le chiffre qui nous permet d’approcher la plénitude de la réalité.
Le 4 est donc le chiffre du monde manifesté, déployé dans toute sa perfection. Il est la décomposition aboutie du Principe à travers la matière, l’espace et le temps.
Les cycles sont intimement liés au chiffre 4. En effet, tout cycle comporte un début et une fin, un point haut et un point bas, soit 4 étapes :
Le cycle du soleil comporte deux solstices et deux équinoxes, c’est-à-dire deux opposés et deux équivalents, de même pour les quatre phases de la lune, etc.
Le nombre 5 :
Il est le seul nombre masculin du second plan, il a comme une forme personnelle, l’étoile à cinq branches ou pentagramme, représentant en astral l’image de l’homme comme la croix y représente l’image de dieu.
Selon la Kabbale, c’est le chiffre de l’Homme parfait – débarrassé du côté animal. Selon la Bible, il est le symbole de l’Homme-Dieu de par les cinq plaies du Christ en croix – à ce titre, il est aussi considéré comme le nombre de la grâce.
Ce nombre est le milieu des 9 nombres. Il caractérise l’équilibre et l’harmonie. Il est la somme du 1er nombre pair et du 1er nombre impair. Il symbolise la force et les limites de l’homme dans sa maitrise de l’univers. C’est alors que l’on dit que la matière s’équilibre avec l’esprit d’où l’entrecroisement de l’équerre et du compas. D’ailleurs, le graphisme du 5 pourrait se faire avec ces 2 outils. Un angle droit et un demi-cercle. Pour aller plus loin il s’agirait plus d’un demi-carré et d’un demi-cercle. Le demi carré suggère l’homme et son côté cartésien tronqué de sa moitié, c’est à dire qu’il peut accéder à la connaissance par la raison mais non manifesté. Le demi-cercle représente la matrice prête à être fécondée.
Le nombre 6 :
A, comme représentation personnelle, l’image de la nature, avec deux courants de forces évolutives et involutives, courants figurés par deux triangles entrelacés appelés « étoile de Salomon », ou hexagramme. Avec ce chiffre se termine le plan astral.
Par son équilibre, le 6 évoque la stabilité, la symétrie et l’harmonie. Nous allons voir que ce chiffre structure l’espace et le temps.
Cependant, si le 6 est perfection, il n’est pas achèvement, cette qualité étant réservée au 7.
Le temps, les cycles et le cercle.
Les divisions du temps se font encore aujourd’hui sur la base du chiffre 6, selon l’héritage babylonien. D’autre part, le chiffre 6 peut représenter la roue, image d’un cycle parfait.
A noter que le cercle se laisse facilement diviser en 6 : un compas ouvert à la mesure du rayon permet de définir 6 points parfaits sur le cercle.
Le chrisme et les six directions de l’espace.
Le chrisme est une croix chrétienne formée des initiales de Jésus Christ en grec (I et X : iota et khi). C’est une croix à six branches. Une vision en trois dimensions permet d’imaginer les 4 directions cardinales (horizontales) coupées par un axe vertical :
Ainsi le 6 représente toutes les directions spatiales. Il fait naître la sphère.
Le nombre 7 :
Est le premier masculin du plan matériel, il caractérise l’influence divine dans le plan matériel représenté dans le ciel par les sept plans astraux, les sept luminaires de l’Apocalypse, dont la forme géométrique est l’étoile à sept branches ou heptagramme qui indique la position astrologique des astres dans le ciel et l’origine des de la semaine chez les peuples latins.
Le « 7 » est supposé porter bonheur car c’est un chiffre sacré dans de nombreuses religions. Dans la Bible, Dieu a créé le monde en sept jours. Les pèlerins musulmans tournent sept fois autour de la Kaaba, le grand cube noir de La Mecque. Et selon les hindous, le corps a sept sources d’énergie appelées les chakras
Autrement vu, le chiffre 7 peut symboliser l’union des contraires. C’est la rencontre de deux éléments de valeur différente, en l’occurrence le 3 et le 4. L’un peut symboliser l’homme, l’autre la femme, ou encore le soleil et la Lune.
Le 7, comme le 3, résout la question de la dualité par la fécondité de l’union, rendue possible par la différence qui existe entre les deux parties. C’est par conséquent le chiffre de l’homme nouveau, complet, à la fois actif et passif, homme et femme (androgyne), corps et esprit.
Le nombre 8 :
A comme figure personnelle le cube, c’est véritablement l »’image de la première matérialisation complète, mais fixe. Comme représentation des autres plans, ce nombre peut être figurés par deux carrés entrelacés ou par une double croix donnant dans les deux cas, le nombre 4+4 ; sous forme de la double croix, il indique la première notion de la matière en mouvement.
– Le nombre 8 symbolise le pouvoir, la justice et l’expansion. À travers une personnalité, il donne une grande force d’accomplissement et une énergie impressionnante. Le 8 est un bélier lancé à pleine vitesse, il brise les obstacles sans chercher à les contourner.
– Le chiffre 8 est avant tout celui de l’espace et de la matière.
Il est l’image du multiple et de la totalité : il représente le cosmos tout entier. Le 8 ne crée pas lui-même mais contient tout ce qui a été créé.
Il évoque aussi l’équilibre, la justice et la perfection : c’est l’univers organisé, ordonné selon le plan de Dieu.
En musicologie, le chiffre 8 rappelle l’octave, soit l’intervalle parfait qui sépare deux notes de même nom.
Le nombre 9 :
– Sa représentation personnelle, un cercle et comme symbole, le serpent qui se mord la queue (l’ouroboros des Grecs), il symbolise la nature matérialisée, comme le « 8 » indique l’homme matérialisé et le »7 » la divinité réfléchie dans la matière.
– Le « 9 » est donc la matière en mouvement, c’est pourquoi toutes les multiplications de ce nombre le reproduisent toujours : deux fois 9=18, 1+8=9, quatre fois 9=36 etc.
– Le 9 donne la vie. Il annonce la fin d’un cycle et le recommencement d’un nouveau. La boucle se prolonge sous la forme d’une spirale, traduisant une transposition sur un plan différent. 9 muses, 9 attributs de la puissance divine, le chiffre 9 harmonise les énergies.
– Il évoque les 9 mois de la grossesse, au terme desquels naît un homme nouveau : c’est le chiffre des initiés.
– Le chiffre 9 est central dans beaucoup de civilisations :
– Chez les Égyptiens, l’ennéade est le groupe de 9 dieux qui rassemble toutes les forces de l’univers (Atoum, Tefnout, Shou, Geb, Nout, Osiris, Isis, Seth et Nephthys),
– Chez les Grecs, les neuf muses représentent les sciences et les arts ; Léto, maîtresse de Zeus, enfante en neuf jours de souffrance,
– Dans la Chine ancienne, le 9 symbolise le yang, la plénitude du pouvoir masculin et impérial,
– Chez les Aztèques, on parle des neuf cieux et des neuf plaines de l’enfer.
Le nombre 10 :
– Est la synthèse des trois plans précédant, il ramène la diversité à l’unité, il indique la reprise de l’unité synthétisante ‘’1’’ sur l’infini multiplicité ‘’0’’ ; il est figuré par le point au centre du cercle, image du soleil et de l’œil humain, il peut être aussi représenté par la croix au centre de l’hexagramme.
– Le chiffre 10 : l’homme initié.
– La secte pythagoricienne était fondée sur la science cachée des nombres. Pour accéder aux mystères, il fallait être initié et prêter serment sur le chiffre 10 : Par Pythagore, qui a trouvé la Tétraktys de notre sagesse, Source qui contient en elle les racines de la nature éternelle.
– Être initié au chiffre 10, c’est accéder à l’ultime Connaissance. C’est prendre conscience de la perfection de l’univers, mais aussi de la perfection en soi.
– L’initié est celui qui réussit à trouver sa place dans le cosmos, brisant l’illusion de la séparation. Il devient un être de lumière en parvenant à réconcilier son universalité et son individualité.
– C’est bien ce que Pythagore décrit dans ses Vers d’or : « Ces quatre nombres qui, réunis par l’addition, produisent le nombre dix, constituent l’Être, tant universel que particulier. »
– Le chiffre 10 est aussi 5×2. Or 5 est le chiffre de l’initié à travers le symbolisme de pentagramme. La valeur 5×2 peut donc représenter l’homme doublement initié : pleinement conscient, il a spiritualisé son corps ; pleinement vivant, il a matérialisé son esprit.
– Le 5×2 évoque aussi les doigts des deux mains. La main est l’outil de la pensée en action, elle est le reflet de l’intelligence humaine, elle relie Esprit et matière.
Pour conclure : Pascal combattait ses maux de tête avec des problèmes de mathématique … Moi, je combats les nombres en feignant d’avoir des maux de tête …
Gérard Edelinck (1640–1707)
Crédit : Musée Clermont Auvergne Métropole,
Bibliothèque du patrimoine, GRA 6025
GL 04/2023 inspiré de l’œuvre de Papus ‘‘l’occultisme’’
Finalement, un travail éducatif et stimulant destiné à faciliter l’apprentissage des nombres. Comme un retour à la célèbre planche à nombres pour enfants – de 3 ans ! – aidant ainsi à cultiver nos compétences mathématiques…