sam 23 novembre 2024 - 17:11

La Révolution française est-elle un complot franc-maçon ? …ou les théories du complot maçonnique

Les théories du complot maçonnique dans la Révolution française prêtent à la franc-maçonnerie une influence déterminante dans le déclenchement du processus révolutionnaire.

Le Courrier des Stratèges : Dans ce numéro des chroniques de la royauté, Yves-Marie Adeline évoque le rôle de la franc-maçonnerie dans la déconstruction de la monarchie. Une interview salutaire pour la qualité du contexte qu’elle restitue.
Déclaration des droits de l'Homme
Déclaration des droits de l’Homme

En 1789, Jean-Pierre-Louis de Luchet, marquis de la Roche du Maine, dit aussi « marquis de Luchet », publie son Essai sur la secte des Illuminés où il dénonce les dirigeants des Illuminés de Bavière comme contrôlant l’espace maçonnique européen en général et français en particulier. Dès 1790-1791, l’eudiste Jacques-François Lefranc pose les bases de la thèse du complot maçonnique révolutionnaire direct et conscient organisé dans les loges. En 1797, un livre, Les Véritables Auteurs de la Révolution de France de 1789, publié sous le pseudonyme de Jourde, et attribué à Nicolas Sourdat, accuse les maçons d’avoir développé la révolution. Ils auraient procuré de l’argent et assuré la propagande des révolutionnaires.

Augustin Barruel

Après la révolution, cette théorie fut propagée principalement par deux auteurs: le jésuite français Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme, parus en quatre volumes entre 1797 et 1799, qui connaissent un vif succès et sont traduits en plusieurs langues. Il avait pour partenaire littéraire Jacques-François Lefranc, qui partageait son opinion dans ses propres livres. Les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme de l’abbé Barruel soutiennent une théorie du complot selon laquelle les Illuminés de Bavière, groupe fondé le 1er mai 1776 par Adam Weishaupt, ont infiltré la franc-maçonnerie afin de renverser les pouvoirs en place, aussi bien politiques que religieux, pour asservir l’humanité. Cette thèse, qui veut que la Révolution française résulte d’un complot fomenté contre l’Église et la royauté par les philosophes athées, les francs-maçons avec les illuminés et les jacobins, a connu une postérité considérable dans les milieux contre-révolutionnaires, d’autant plus qu’à la même époque, une thèse similaire avait été proposée par l’Écossais John Robison. Barruel déclare avoir été lui-même reçu en loge. Il signala que les bourreaux qui assassinaient leur prisonniers durant le règne de la Terreur pratiquaient entre eux le salut maçonnique.

Dans son acception radicale, sa thèse n’a été retenue que par un seul historien : Louis Blanc.

John Robison.

Toujours en 1797, l’érudit franc-maçon écossais John Robison publie Les Preuves d’une conspiration contre l’ensemble des religions et des gouvernements d’Europe. Robison accuse les francs-maçons, avant tout du rite français, de complot révolutionnaire. Tout comme Barruel, il indique que les Illuminés de Bavière ont influencé les loges françaises, les incitant à comploter contre l’État et leur soufflant l’idée de la Révolution française.

Ces deux auteurs tentèrent de démontrer, indépendamment l’un de l’autre, qu’au-dessus de facteurs tels que la répression du Tiers état, la famine ou la mauvaise gestion de crises politiques par Louis XVI, le facteur prédominant qui aurait déclenché la Révolution française serait une préparation méthodique du processus révolutionnaire dont le plan fut tracé de manière détaillée des années avant son déclenchement et au cours duquel la franc-maçonnerie et les Illuminés de Bavière (organisation assimilée à la franc-maçonnerie ou de type maçonnique par ses 2 auteurs) auraient joué un rôle central de décision et d’organisation.

Augustin Cochin.

Au début du xxe siècle, les livres de l’historien français Augustin Cochin, écrits d’un point de vue sociologique, désignèrent la franc-maçonnerie comme l’une des sociétés de pensées qui préparèrent la Révolution. Il en assigne plus particulièrement la responsabilité à la maçonnerie bretonne. Ses travaux sur ce sujet, découverts après sa mort, sont encensés par ses amis mais reçus avec un certain scepticisme, quand ce n’est pas une réprobation totale par ses pairs. Alphonse Aulard entre autres écrit

« Mais l’auteur raisonne en dehors des faits et n’en allègue aucun. […] A lire ces pages posthumes, on voit bien que ce qu’on appelait jadis la philosophie de l’histoire n’était pas dans les aptitudes intellectuelles de Cochin. »

Des analyses ultérieures parues en 1955 sous la plume de l’historien Jean Égret puis reprises et complétées en 1990 sont tout aussi critiques à l’égard des écrits de Cochin : « En faisant procéder d’une commune mystique la révolte nobiliaire de l’été 1788 et le soulèvement bourgeois de l’hiver suivant, en faisant sortir le second mouvement du premier par le jeu, déclaré normal, d’une épuration, Augustin Cochin a construit une thèse séduisante, qui ne résiste pas à l’examen attentif des faits » pour le premier, « rien ou presque rien de ce qu’affirme Cochin ne résiste à l’épreuve des faits » pour le second.

En 1926, l’historien maçon Gaston Martin publia La Franc-maçonnerie française et la Préparation de la Révolution où il nie une direction maçonnique à la révolution mais accepte l’idée d’un niveau d’influence important sur elle dans la diffusion des idées révolutionnaires. En 1933, l’historien Daniel Mornet, dans Les Origines intellectuelles de la Révolution française s’oppose à la thèse de la conspiration mais reconnait une influence maçonnique dans la diffusion des idées révolutionnaires.

Pierre-André Taguieff souligne que le recours au mythe sert à justifier, dans une période d’incertitude, celle d’un « ordre naturel » contrarié : « La mythologie conspirationniste moderne commence ainsi à prendre forme dans un discours prétendant conjurer le « complot maçonnique » dont l’objectif serait de détruire la civilisation chrétienne et de bouleverser l’ordre social jugé « naturel » ».

Faits historiques en relations avec ces théories

Incompréhensions quant à la nature de la franc-maçonnerie

Loges maçonniques en France en 1789.

Une étude menée à partir de plus de 200 textes maçonniques de l’époque, rédigés essentiellement par les orateurs des loges lors de l’installation de celles-ci ou par de simples frères à l’occasion de conflits ou de scissions survenus entre les maçons d’un même orient, montrent d’ailleurs qu’il est impossible d’approcher de manière monolithique ce qui se cache derrière le terme d’égalité pour un maçon ! Dans les ateliers huppés, les définitions données de celle-ci la réduisent à la capacité à réunir les plus distingués alors que les membres des ateliers démocratiques la considèrent, de leur côté, de manière très politique comme un moyen d’abattre les barrières sociales existantes.

Noblesse et franc maçonnerie

Les grands maîtres de la franc-maçonnerie française étaient de très haute noblesse. Y sont aussi particulièrement représentés la noblesse de robe et les militaires. De façon générale, elle ne concerne, au xviiie siècle que la noblesse et quelques bourgeois.

À partir de 1771, Louis Philippe d’Orléans (1747-1793) succède au comte de Clermont à la tête de la franc-maçonnerie française. Il joue un rôle peu clair dans la révolution. Il est notamment mis en cause pour les Journées des 5 et 6 octobre 1789.

Devenu « Philippe-Égalité », il renie publiquement la maçonnerie en 1793, peu de temps avant de finir sur l’échafaud.

Le Duc de Luxembourg, bras droit du grand maître et initiateur de la fondation du Grand Orient de France, émigre dès juillet 1789. Une loge aristocratique comme « La Concorde », de Dijon se saborde dès août 1789.

Dans l’Assemblée constituante de 1789 issue des États généraux, la noblesse est le groupe qui a la plus forte proportion de maçons, avec de 79 à 81 maçons (selon les sources) sur 285, soit environ 28 %, contre environ 6 % du clergé et 18 % du Tiers état.

La franc maçonnerie victime de la Révolution française

La franc-maçonnerie, société souvent liée à la noblesse est également victime de la révolution et de la terreur.

Alors qu’on dénombrait près de 1000 loges à la veille de la Révolution, 75 loges seulement seront en mesure de reprendre leurs travaux en 1800.

(Sources Youtube et Wikipedia)

3 Commentaires

  1. J’ai essayé de démontrer dans mon dernier ouvrage sur Louis XVI (Louis XVI, secrets, ombres et mystères)
    1° que Louis XVI n’était pas d’extrême droite, loin de là, ni hostile à la F.M.
    2° que les causes de la Révolution sont certes philosophiques, mais plus prosaïquement diplomatiques, politiques et économiques.
    3° que l’influence de la Franc-Maçonnerie est à chercher, non dans des pressions illusoires, mais dans le Club Breton , proche de Maurepas, formé de F.M. bretons qu’il utilisait à de fins de renseignement, et qui deviendra la Club des Jacobins.
    4°Que l’influence des Neuf Sœurs a été considérable dans la prise de position française dans la guerre d’indépendance des Etats Unis, et qu’ensuite, le salon de Mme Helvétius a servi à préparer des décisions lors de la Législative. Le déficit était presque exclusivement imputable au coût de la guerre d’indépendance et aux caprices de Louis XVI qui se voulait un roi moderne.
    5° que la folie de Louis XVI de s’entourer de 36 services secrets, dont ceux bancaires, dépendant de Necker, et ceux de la Compagnie des Indes qui étaient irlandais et écossais, a énormément compliqué sa politique étrangère. La plupart de ces gens s’étant retournés contre lui en 1792. Et je ne parle pas es Loges militaires et de ce foutriquet de Dumouriez.
    Bref, la FM n’a décidé ni de la mort du roi, ni de celle du roi de Suède. La création du G.O .a permis une réflexion commune dans tout le royaume à des gens de la moyenne bourgeoisie qui n’avaient jamais parlé auparavant de politique ensemble et qui se sont trouvés d’accord sur l’analyse de la situation.. Pour le reste, s’il y a eu complot, il faut aller chercher les comploteurs chez le comte de Provence qui a fait bien plus pour abattre son frère que tous les autres réunis.

  2. Je ne sais si notre Révolution fut conçue en un quelconque lieu ou cercle de pensée…
    Par contre, j’ai toujours été étonné de la rapidité de propagation des idées révolutionnaires à partir du Club des Jacobins, puis des Comités de salut public…. Comme si cette diffusion s’appuyait sur des réseaux préétablis…
    En un temps de faibles, et lents, moyens de communication, comment pouvaient se diffuser de telles idées ? Comment, localement, pouvaient-elles agglomérer (spontanément ?) des citoyens autour d’elles….?
    Cette question m’a toujours intrigué… Les réseaux de Loges F.M. seraient-ils une réponse…???
    Je serais très heureux de prendre connaissance des références de travaux sur ces points. Merci.
    Frat. ja.clergue@orange.fr

  3. Je me permets de vous rappeler mon ouvrage “D’une Révolution à l’autre – 1688-1789 – Essai sur le rôle de la Franc-maçonnerie dans la Révolution de 1789” paru en 2021 aux éditions Cépaduès dont je suis disposé à vous parler.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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