« Voici mis en lumière quarante ans de coups tordus dans la police… » C’est ainsi que l’ouvrage est mis en avant sur le site de Nouveau Monde Éditions. Et ce n’est pas une forfanterie, mais bien le fruit d’un travail très sérieux réalisé par le grand journaliste d’investigation Frédéric Ploquin, spécialisé dans les milieux de la police, du banditisme et du renseignement.
Précisons que ce champ disciplinaire n’a jamais été vraiment traité, donnant ainsi à l’ouvrage de Frédéric Ploquin beaucoup de pertinence avec une question centrale, celles des réseaux dans tous les domaines ou filières (loges, appartenance géographie, monde politique ou syndical, etc.
Le livre se fonde essentiellement sur des témoignages. Une méthode adoptée par l’auteur rendant ainsi vivant ses écrits Nous ne pouvons que souligner la diversité et la qualité des sources utilisées. Faits, reportages, théories, hypothèses, conclusions, l’énumération des titres de chapitres nous invitent à collaborer à une véritable enquête policière.
Avec un style d’écriture accessible au grand public, ne doutons-pas que les maçons de la métropole et ultramarins se passionneront pour le dernier opus de Frédéric Ploquin. Rigueur et profondeur caractérisent cette livraison qui fait du bien !
Nous verrons bien si les avocats des obédiences citées poursuivront toute personne qui serait à l’origine d’un préjudice pour lesdites associations, leurs membres ou leurs représentants ou si encore l’auteur sera mis en demeure de cesser immédiatement toute diffusion, publication, etc., de propos diffamatoires et calomnieux… Bref, le blabla habituel des baveux, vieille expression française d’argot remontant au XIXe siècle pour désigner un avocat qui utilise la parole comme arme (aujourd’hui, le numérique aussi).
Si « Les voies du Seigneur sont impénétrables ! » en sachant qu’il n’est pas donné à certains la pensée profonde et la sagesse infiniment variée de Dieu, nous allons entrer dans les voies qui, elles, sont pénétrables et qui nous sont tracées… C’est-à-dire dans le vif du sujet, avec un sondage express, sur les 100 premières pages d’un ouvrage qui en compte 368, concernant l’emploi des abréviations des noms des trois grandes obédiences françaises, à savoir la Grande Loge de France – nom composé de 17 lettres, abréviation GLF par l’auteur et non GLDF comme l’usage le veut –, la Grande Loge Nationale Française – nom composé de 28 lettres GLNF – et le Grand Orient de France – nom composé de 18 lettres dont l’abréviation utilisée par l’auteur est GO et non GODF.
Sauf erreur ou omission de notre part, nous avons comptabilisé, en termes d’occurrence, 33 GLNF – elle n’est pas belle la symbolique –, 3 GLF et 2 GO. Reconnaissons toutefois plus volontiers l’emploi du nom concernant ces deux dernières que l’abréviation.
Remercions aussi l’éditeur d’offrir au lecteur quelques bonnes feuilles à retrouver dans notre article du 19 courant « Frédéric Ploquin pour Le Parisien : ‘’La franc-maçonnerie est très implantée dans la police’’ » et notamment ce que nous pouvons considérer comme un scoop, dès la page 10, car Frédéric Ploquin nous apprend que le Président de la République Emmanuel Macron aurait été initié à Lyon par Gérard Collomb, ancien ministre d’État, ministre de l’Intérieur au sein des gouvernements Philippe I et II, alors franc-maçon du Grand Orient de France (GODF).
Avant de s’immerger dans cette remarquable enquête, en quête aussi, nous vous vous offrons quelques très belles perles :
Page 13 : «… La Grande Loge Nationale Française (GLNF) d’un côté, un vivier dans lequel a puisé plus d’un ministre de l’Intérieur de droite […] De l’autre, le Grand Orient, auquel était notamment relié les ministres socialistes… »
Concernant l’Inspecteur Général honoraire de la Police Nationale Raymond Sasia, le dernier officier de sécurité du Général de Gaulle, page 28 : « … Son ancrage au sein de la GLNF (Grande Loge nationale de France) [sic], lui ouvre des portes, lui qui sera l’année pilier d’une loge particulièrement influente et truffée de politique… », « Sasia a occupé les plus hautes fonctions au sein de la GLNF, où il a été très tôt initié ».
Page 40, chapitre sur Michel Baroin : « … non pas le GO de Michel Baroin, mais la GLNF de ses rivaux sur le sol africain et dans des alcôves de la République. Une obédience élitiste qui s’est longtemps contentée de quelque 3000 frères frottant un petit noyau très puissant que l’on ne rejoignait pas sans avoir un niveau financier élevé… » et, même page « « la GLNF est ensuite entrée dans une autre dimension, avec un nouveau management, sous la houlette du Très Respectable Grand Maître Jean-Charles Foellner. Un certain nombre d’anciens policiers liés au SAC [NDLR : Le service d’action civique (SAC) a été, de 1960 à 1981, une association au service du général de Gaulle puis de ses successeurs gaullistes. À l’origine, il constitue une « garde de fidèles » dévouée au service inconditionnel du général après son retour aux affaires en 1958 mais est souvent présenté comme une « police parallèle » du régime gaulliste] nous ont rejoints, et une partie d’entre eux étaient hors de contrôle ».
Mais le pompon ne serait-il pas, toujours page 40 « … En 1996, preuve que l’ancien patron des RG avait du nez, et signe de ce nouvel œcuménisme débridé, les responsables de la GLNF se seraient laissés convaincre de recevoir au siège parisien de l’obédience des membres de la loge P2 (Propaganda Due, en italien), qui avait défrayé la chronique en Italie pour abriter en son sein un mélange de membres des services de renseignement, d’intrigants en tous genres, de mafieux et de représentants de l’État. En catimini bien sûr, un samedi matin, quand les bâtiments sont déserts. Une rencontre à haut risque que certains ont interprété comme une tentation de s’allier aux puissances du moment. La loge P2 n’avait-elle, déjà, ouvert une succursale clandestine à Menton (Alpes-Maritimes), fief de la GLNF ?… »
Page 53, sur Alain Juillet : « … Alain juillet réponds par l’affirmative et rejoint une loge de la GLNF, où il passe trois ans en compagnie de ‘’gens de bonne qualité’’.
« On mangeait bien, mais on ne travaillait pas assez. » et plus loin, page 59 « Le Grand Maître de l’époque (de 2007 à 2012), François Stifani, d’origine italienne et avocat en droit des affaires à Antibes, plutôt sympathique et bon vivant, accepte dans un premier temps de modifier les règles de fonctionnement de l’obédience à la seule fin de freiner cet « affairisme » qui sévit tout particulièrement dans la région PACA… » ou encore « … La GLNF disposait donc d’un nombre conséquent de comptes, une « tuyauterie » susceptible d’être mise à la disposition de telle ou telle cause. Jean-Charles Foellner, patron de l’obédience, avait d’ailleurs clamé haut et fort ”nettoyer les écuries d’Augias” ».
Arrêtons là cette, oh combien, significative litanie. Et encore nous n’abordons pas les références faites à la Corse ou à l’Afrique. Que le lecteur fasse comme dans Matthieu 7,7 « … cherchez, et vous trouverez… ».
Effectivement, nous ne saurions trop recommander à votre attention la lecture de ce remarquable ouvrage, extrêmement bien documenté, car il ne peut guère se trouver de questions qui, concernant la police, ses réseaux secrets (loges, influences et corruptions), ne contiennent la solution.
Si, constitué en 2017, le ”réseau recherche” rassemble des points de contact pour la recherche dans toutes les directions et services centraux de la Police nationale, admettons, qu’ici, il s’agit plutôt de recherche de réseaux pour s’offrir, entre autres pour certains, un joli plan de carrière…
Dans ce contexte, bien sûr, qu’il existe une multitude de réseaux pour faire de l’entrisme : le syndicalisme, la politique, etc. Et l’auteur de traiter du sujet sensible de la fraternelle de la police.
Souvenons-nous, en 2002 déjà, le célèbre professeur de criminologie Alain Bauer, alors Grand Maître du GODF, avait lancé une réflexion sur ces organisations paramaçonniques à un moment où certaines faisaient parler d’elles à propos de scandales, notamment immobiliers. D’ailleurs, le 12 décembre 2002, dans son interview donnée au Nouvel Observateur, il parle de « l’éradication des Fraternelles […] Il y a eu des pourris, des corrompus et des salauds qui se sont servis de la maçonnerie. La question pour nous était de savoir où se situait le réseau. Et ce que nous avons découvert, c’est que cela ne se passait pas dans les loges, mais dans les fraternelles et dans des structures inventées pour permettre à des frères et à des sœurs de se rencontrer et de faire des affaires… »
Très discrète, mais toujours active, Frédéric Ploquin nous éclaire quant au Club La Reynie, la fraternelle de la police. Un nom que nous devons à Gabriel Nicolas de La Reynie, reconnu comme le premier chef de la police parisienne au XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV. Conforme à la tradition de discrétion qui est souvent associée à la maçonnerie, et les activités exactes et la qualité des membres ne transpire nulle part.
Frédéric Ploquin n’hésite pas non plus à traiter de la « bande à Pasqua », expression informelle utilisée par certains médias et commentateurs pour désigner un réseau de personnes gravitant autour de Charles Pasqua (1927-2015), grande figure influente de la politique française, membre du RPR (Rassemblement pour la République), et proche de Jacques Chirac. Comme beaucoup de politiciens de haut niveau, Pasqua avait constitué au fil des ans un réseau de fidèles, d’amis et de collaborateurs qui ont occupé des postes clés dans divers domaines, tels que les affaires, les médias et l’administration.
Enfin, le dernier chapitre « Les loges folles » ne manque d’évoquer le scandale de la respectable loge Athanor de L’Alliance, aussi surnommée « l’affaire des barbouzes de la DGSE » (Direction générale de la Sécurité extérieure) – Alain Bauer, en ironisant, la nomme la loge P3 -, impliquant des suspicions d’influences occultes, de conflits d’intérêts et de manipulations des services secrets. Une loge qui, pour les médias, abritait une véritable officine du crime.
Heureusement que nous avons des hommes tel Frédéric Ploquin pour nous apporter un éclairage sur tout ce qui se trame dans l’ombre. Dans sa postface, il appelle les lecteurs à plancher sur le terme « gardiens de la paix ». Au-delà du grade de « Gardien de la Paix », il porte une symbolique profonde dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui. Gardien évoque l’idée de protection et la paix est une condition de tranquillité et de non-violence à préserver comme un bien précieux et rare. Pour protéger et servir !
Nous devons aussi à Frédéric Ploquin, qui était le 14 octobre dernier à la Biennale Culturelle et Maçonnique de Bordeaux sur « Éthique et médias : Est-ce une utopie ?, trois tomes sur Parrains et caïds (Fayard), L’Abominable Docteur Schaefer-Une secte nazie et pédophile dans les Andes (Ring, 2016) coécrit avec Maria Poblete, La Peur a changé de camp: Les confessions incroyables des flics (Albin Michel, Coll. Sociétés, 2018), C’était la PJ-Le temps béni des flics (Fayard, 2019) et Les narcos français brisent l’omerta (Albin Michel, 2021).
Nouveau Monde Éditions
Comme nous en avons l’habitude, lors d’une première chronique d’un nouvel éditeur, nous avons à cœur de vous le présenter. Nouveau Monde Éditions est une maison d’édition multisupport (CD-ROM et DVD, livres, e-books) et indépendante française, située à Paris, spécialisée dans les ouvrages historiques. Elle est dirigée par Yannick Dehée qui, après un doctorat en histoire à Sciences Po et ses premières armes chez Fayard et Nathan, fonde Nouveau Monde Éditions en 2000, puis en 2012 Numérique premium (www.numeriquepremium.com) qui diffuse des collections d’e-books de sciences humaines en bibliothèques pour une quarantaine de maisons d’éditions francophones.
En 2016, il s’est associé avec le journaliste judiciaire Stéphane Damian-Tissot pour créer les éditions Sang-Froid. Il est directeur de la publication de la revue Sang-froid, une publication trimestrielle dédiée à la justice, à l’investigation et au polar, créée en mars 2016., ainsi qu’une publication trimestrielle dédiée à la justice, à l’investigation et au polar.
Nouveau Monde Éditions publie majoritairement des essais historiques, des ouvrages de référence et des corpus d’archives.
Les réseaux secrets de la police-Loges, influence & corruption
Frédéric Ploquin – Nouveau Monde Éditions, 2023, 368 pages, 21,90 €
Bonjour à tous,
Il est vrai, que comme vous je pensais que Frédéric Ploquin était un bon journaliste d’investigation. Mais maintenant j’en doute ! Comment peut on accorder “du crédit” à quelqu’un qui affirme, d’après votre article, qu’Emmanuel Macron aurait été initié à Lyon par Gérard Colomb ?
C’est tout bonnement impossible, pour plusieurs raisons : la principale étant que Gérard Colomb était en Loge à Paris, et donc jamais Vénérable à Lyon.
Bonne journée
JP un Maçon Lyonnais depuis 31 ans.
Cher JP,
C’est effectivement, en page 10, le scoop, dès les premières feuilles, annoncé Frédéric Ploquin, précisant que l’initiation du président Maçon a eu lieu « … dans une loge du Grand Orient… » Sans nous dire, toutefois, s’il s’agit de la loge de Gérard Collomb à l’orient de Paris – qui nous voulait pas maçonner chez lui.
Il est vrai que « Challenges » publiait dans un papier d’Airy Routier du 23 février 2019 « … Emmanuel Macron n’entend pas céder aux frères trois points, alors que ceux-ci ont beaucoup contribué à son arrivée au pouvoir, avec notamment le soutien de François Patriat, Gérard Collomb et Richard Ferrand… »
C’est dire ce qu’inspire l’art royal au président.
Alors, certains émettent l’hypothèse d’une « pseudo » initiation – avec juste la communication des mots, signes et attouchements -, dans le bureau du maire, lors d’un déplacement d’Emmanuel Macron dans la capitale des Gaules.
Mais, très bientôt, nous aurons la visite au GODF du Président de la République… Affaire à suivre !