(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent les 1er et 15 de chaque mois.)
Nous sommes les acteurs confus d’une histoire accélérée.
On a l’impression que chaque jour précipite sur la scène des tensions qui s’exacerbent et qui plongent dans des injustices et des contradictions entretenues de manière immémoriale dans l’histoire humaine. Tout cela, tout à coup, explose et se confronte violemment dans nos sociétés ou entre les États, qu’il s’agisse de mœurs, de religions, d’inégalités sociales, de pollution et d’environnement, de rémanences du colonialisme, de rivalités entre démocraties et dictatures…
À mesure que les échanges se sont intensifiés à l’échelle de la planète dans des proportions d’accaparement et de prédation jamais atteintes – il faut bien l’avouer –, les crispations se sont radicalisées. D’un côté, jamais, l’intelligence scientifique et technique n’a été aussi grande ; d’un autre, jamais, de si longtemps, les divisions idéologiques et politiques n’ont semblé aussi fortes. Sans doute cette impression est-elle due aux conditions nouvelles d’une communication universelle instantanée déferlant tous azimuts par les réseaux sociaux, de sorte que s’expriment sans nuance et sans précaution des oppositions violentes abolissant l’espoir d’un dialogue raisonné. Comme on l’observe chaque jour, des forces sauvages se mobilisent contre l’idée même d’une conquête partagée de civilisation.
Et c’est là que la franc-maçonnerie prend sa place : entre ces comportements endiablés qu’il s’agit de désamorcer et la construction d’une compréhension mutuelle où chacun reconnaît l’autre dans son humanité. Face à la tâche à accomplir, nos cénacles philosophiques ne sont, certes, pas dénués d’intérêt mais ils ne portent guère à conséquence. Avons-nous, cependant, d’autre moyen que d’accomplir[1] au-dehors l’œuvre commencée dans le temple ? Si l’on s’en tient au seul cadre maçonnique, probablement pas ; cependant, celui-ci constitue un encouragement non négligeable, un peu plus qu’un banc d’essai, une école d’intégration, qui nous incite à soutenir le même effort, dans tous les engagements et dans toutes les circonstances de notre vie. Ce souci constructif obéit aujourd’hui à une pleine et urgente nécessité.
[1] C’est le sens anglais de « to achieve ».