sam 23 novembre 2024 - 14:11

La raison : OK, elle est utile, on la garde !

La faculté du raisonnement est au service de nos désirs, mais cela n’entraîne pas que nous soyons dominés par nos instincts. Le raisonnement est pourtant un outil social essentiel, y compris en matière de progrès humain. Explications.

Dans un précédent papier nous signalions que la célèbre théorie de Kahneman ( système 1 intuitif / système 2 raisonnement ) colle avec nos souhaits de francs-maçons.  En effet l’équilibre cœur/raison est souvent mis en avant dans nos textes et chez de nombreux penseurs et philosophes. Mais nous signalions que la « théorie argumentative du raisonnement » de Hugo Mercier et Dan Sperber bouscule cet équilibre fantasmé.

En compactant l’idée, on retient que le cortex est un sous-traitant servile de nos désirs, et pond à la demande arguments et justifications.

Le désir serait donc le patron ?  Ben c’est en fait conforme à ce que Sigismond Freud a toujours affirmé. Serait-ce la fin du match cœur vs. raison ? Voilà qui serait trop simple ! C’est sûr pourtant, une dissymétrie fondamentale existe. Le désir est la pointe émergée de l’inconscient, qui ne révèle ses mécanismes qu’au cours d’interminables thérapies. Et encore, on ne trouve que des cas particuliers, les généralités restent discutables et discutées :  le surmoi existe-t-il vraiment ? Thanatos existe-t-il vraiment ? Et en face de cette masse obscure, nous avons les dialogues et interactions sociaux, dans la clarté et la transparence.

Jung disait : «  Nous mettons la moitié de notre vie à  nous construire un égo solide, puis l’autre moitié à nous en débarrasser. » En langage à la mode on dirait déconstruire. Remarquons toutefois que le point d’inflexion entre les deux périodes pourrait être l’entrée en franc-maçonnerie, l’initiation qui signe la volonté de se changer. Pour se construire, le jeune a besoin de trouver du sens à sa vie. Et le sens de la vie, le jeune l’obtient en se dotant d’un panorama du monde ( cosmogonie etc. ) dans lequel s’inscrit son récit personnel. Son récit personnel sera composé en cohérence avec les croyances qu’il s’est forgé au départ des injonctions reçues dans l’enfance puis des expériences de vie.

Le gardien efficace de l’ensemble est le biais de confirmation.

D’une part, il s’agit de renforcer l’assise de croyances et la force dynamique du récit en puisant dans les événements des faits qui vont dans le bon sens. D’autre part, il faut aussi filtrer ( ignorer, réfuter…) les faits qui vont à l’encontre de nos croyances.  

C’est là que le raisonnement fait son boulot :  émettre des arguments expliquant la justesse de nos vues, mais aussi des justifications a posteriori de nos actions . Dans les deux cas il s’agit de convaincre les autres : le raisonnement est d’abord un outil social. Cet outil est particulièrement utile chez l’humain, qui a une richesse de communication très supérieure à celle des autres animaux : langage, capitalisation des connaissances, capacité de conceptualiser. C’est ce qui explique probablement pourquoi le raisonnement s’est fort développé chez l’humain et bien moins chez l’animal.

Mais nous savons aussi que le raisonnement n’a pas une fiabilité très élevée. La première cause en est son usage subjectif au service des désirs : filtrer les éléments indésirables et pondre des arguments pour convaincre incite à faire peu de cas de la vérité. Zut alors, se disent les francs-maçons qui déclarent se consacrer à la recherche de la vérité. Nos esprits affûtés par le travail sur soi sont capables de prendre du recul, de se placer au second degré, certes, mais cette capacité dégringole bien vite dès que nos intérêts, ou nos croyances, sont en jeu.

Avez-vous remarqué que beaucoup d’entre nous manient brillamment les concepts philosophiques et moraux mais que, quand il s’agit d’appliquer, il y a beaucoup moins de monde ?

Par exemple, combien de chantres de la démocratie ne supportent aucune contradiction ? Entre nous, c’est pour cela que j’ai un peu lâché la philo.

Lors d’un dialogue, nous avons rapidement la réaction de notre interlocuteur, et nous corrigeons aisément l’argumentaire. Seuls devant notre feuille blanche ou notre ordi, emportés par notre biais de confirmation, il est bien plus difficile de détecter la grosse erreur que nous commettons. Et les idiots d’algorithmes internet ne nous mettent quasiment en rapport qu’avec des gens qui pensent comme nous ! Dire qu’on appelle ça de l’intelligence artificielle. Bref, il est clair que c’est de la confrontation des idées, puis des arguments qui les soutiennent, que la sélection des meilleures peut s’opérer. Pas de vérité trouvable sans travail collectif !

Faisons un petit détour par le « pessimiste vs. optimiste ». Comme nous l’avons vu, convaincre passe souvent par un argumentaire un peu ciselé pour emporter l’adhésion. Les différentes formes de sympathie ou séduction peuvent être convoquées pour atteindre l’objectif. Dans l’autre sens, pour accepter une proposition, il faut souvent un certain taux de confiance dans la personne avec  laquelle on dialogue.  Les pessimistes, méfiants, auront tendance à rejeter souvent les propositions. Ce faisant, ils peuvent passer à côté d’une opportunité excellente. Les optimistes, au prix de quelques déceptions, ne louperont pas la bonne idée ou occasion. Il y a un nom pour ça :  la bienveillance !

Conclusion : une riche vie est indissociable de l’utilisation sociale du raisonnement. Cette faculté humaine donne tous ses apports lorsqu’assise sur la bienveillance et l’ouverture d’esprit et le progrès en sont les beaux fruits.

PS :  arrêtons d’opposer le cœur et la raison, les deux sont indispensables !

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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