Grand sujet de planches maçonniques, la conscience de soi et la question de son substrat : est-ce l’âme immatérielle ou le corps ? Les neurosciences commencent à éclairer les fondements biologiques de la conscience de soi et de son corps, mais des surprises sont au rendez-vous.
Nous sommes nombreux à nous être régalés de ce best-seller de Bruno Bettelheim, dans lequel il expliquait qu’en étant pleinement conscient de ses sentiments et de ceux de ses gardiens nazis de camp de concentration, il avait réussi à prendre leurs préjugés à contre-pied, et ainsi survivre.
Comme maçons, le phénomène de la conscience de soi nous passionne et nous intrigue. Beaucoup y ont vu, ou continuent d’y voir, et c’est tout à fait compréhensible, une espèce de preuve que nous possédons une anima, partie immatérielle de notre être, qui échappe à la matière et à ses contingences. Le point de vue opposé, celui qui revendique « moi, c’est mon cerveau, et c’est tout », manquait jusqu’ici de liens avérés entre la conscience et notre substrat biologique. La conscience, serait elle, comme tant de productions du cerveau, fabriquée en automatique par des processus opaques ? Eh bien, des preuves commencent à apparaître mais, ô surprise, le cerveau n’est pas le seul joueur dans le jeu…merci à Stéphane Debove ( alias homo fabulus sur Youtube ) de nous restituer cette science toute fraîche sous forme comestible pour nos comprenettes non spécialisées.
On le savait, on peut tromper le cerveau, mais c’est aussi possible dans le domaine de la conscience. Expérience : devant vous on dépose une fausse main en matière synthétique, on se met à la caresser, et dans le même temps, on caresse votre vraie main toutefois cachée . Que dit votre cerveau ? On caresse ma main, que j’ai devant moi. On donne un grand coup de marteau sur la fausse main : vous bondissez de peur.
Déduction : le cerveau se fabrique la conscience en amalgamant les perceptions reçues par ses 5 sens, et c’est ainsi qu’il fait son boulot, à savoir : procurer une perception unifiée de l’environnement et qui ait du sens. Mais il y a les perceptions en provenance de l’environnement, et celles en provenance de l’intérieur du corps, ces dernières portant le doux nom d’intéroceptions.
Notre intuition nous a depuis longtemps suggéré que le cœur est le siège des émotions, en lien avec le cerveau qui serait le siège de la raison. L’interaction des deux est un sujet de préoccupation récurrente dans l’Art Royal, d’où tant d’ateliers nommés « le cœur et l’esprit », « le cœur et la raison », etc. Les neurosciences ont un peu tiré la couverture vers le cerveau, qui abrite non seulement le cortex siège de la raison, mais aussi le cerveau ancien siège des émotions positives ( striatum ) ou négatives ( amygdale et insula ). Et pourtant, des émotions fortes se traduisent par des signaux envoyés du cerveau vers le cœur, et celui-ci accélère, se préparant à des actions comme la fuite, la défensive ou l’agression .
L’élément nouveau c’est qu’il y a aussi des signaux envoyés du cœur vers le cerveau, des intéroceptions donc. L’aorte est équipée de mécanorécepteurs, sensibles aux variations de pression dues aux battements du cœur, qui vont envoyer au cerveau des signaux utiles à la régulation des paramètres vitaux ( l’homéostasie ), mais pas que : la réponse du cerveau à ces signaux est un renforçateur du sentiment que notre corps nous appartient, et cette réponse du cerveau est plus vigoureuse si le stimulus vient de l’intérieur du corps. Il semblerait même que sans ces signaux d’intéroception la conscience de soi disparaîtrait…en caricaturant, on pourrait dire que l’âme se barre en l’absence de battements du cœur. En fait, la pensée associée à la conscience de son corps c’est « j’ai ressenti le stimulus », dans laquelle le « j’ai », en appui sur les intéroceptions, a autant d’importance que le stimulus et ses conséquences.
Pour corser tout ceci, il faut savoir que cet échange de signaux avec le cerveau ne concerne pas que le cœur, mais aussi l’estomac ( avec une constante de temps d’environ 20 secondes, proche de celle de la pensée, tiens tiens…), les muscles et d’autres viscères encore. Bref la conscience subjective de soi est une production du cerveau, mais dépendante de l’état des organes de notre corps !
Et, si plusieurs d’entre nous tiennent à « l’exception humaine » en matière de conscience de soi, des expériences similaires à celle évoquée ci-avant ont été tentées et réussies sur des souris : de là à décréter qu’elles ont une forme de conscience comparable à la nôtre, il n’y a qu’un pas, que les antispécistes franchiront allègrement.
Bon tout ceci ne constitue que le début de la compréhension du mécanisme de formation de la conscience de soi et de son corps…mais toujours pas d’âme immatérielle et immortelle à l’horizon . Restez connectés pour en apprendre plus dès que possible…