ven 05 décembre 2025 - 06:12

EXCLUSIF – Interview de Thomas Denicourt : Grand Maître Général de l’OITAR

Bilan et perspectives après presque trois ans de mandat

Depuis son installation le 25 mars 2023, annoncée comme un tournant prometteur pour l’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal (OITAR), Thomas Denicourt a pris les rênes d’une obédience mixte à la fois jeune, mais pourtant riche d’histoire et tournée vers l’avenir.

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR

Ce jeune homme jovial et déterminé, dont l’accession à la fonction de Grand Maître Général a été saluée comme un symbole de dynamisme, s’est vu confier la lourde tâche de guider l’OITAR à travers les défis contemporains tout en préservant ses valeurs fondamentales.

Près de trois ans après son entrée en fonction, une interview exclusive accordée à 450.fm le 18 novembre 2025 offre une occasion unique de dresser un bilan de son mandat et d’explorer les perspectives qui s’ouvrent. Dans cet échange, Thomas Denicourt revient sur son parcours, partage ses accomplissements, ses luttes, et dévoile une vision audacieuse pour l’avenir de la Franc-maçonnerie mixte. Préparez-vous à découvrir un leader qui allie tradition et innovation dans un monde en mutation !

Le Saviez-vous ?

L’OITAR, fondé en 1974 par des maçons issus du Grand Orient de France, compte aujourd’hui près de 100 loges actives en France et à l’international. C’est l’une des rares familles maçonniques à pratiquer le Rite Opératif de Salomon, et ce, de manière exclusive. Dénué de hiérarchie pyramidale stricte et pratiquant ce seul rite, il constitue un « Ordre » et non une obédience de la Franc-maçonnerie.

Un Regard Rétrospectif

450.fm : Thomas, comment vous sentez-vous après presque trois ans de mandat ?

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR en conférence

Thomas Denicourt : Fort bien ! C’est une chance extraordinaire que j’ai eu de pouvoir tenir les rênes de notre belle famille maçonnique, pour ses degrés symboliques en tout cas. Je mesure tous les jours ce que cette fonction m’aura apporté de rencontres, de réflexions, d’énergie : c’est une belle expérience.

450.fm : Si vous deviez résumer cette période en un mot ou en une image, lequel choisiriez-vous ?

TD : Un mot : Incarnation.

Cela est peut-être le maître mot de mon mandat. Finalement, je m’aperçois que j’ai surtout essayé de rendre mon action palpable, présente, incarnée donc, sur l’ensemble des axes sur lesquels je m’estimais attendu en tant que Grand Maître Général.

450.fm : Que signifie, pour vous, porter la charge de Grand Maître Général de L’OITAR ?

OITAR

TD : Eh bien justement, cela rejoint la question de l’incarnation. Principalement, je conçois mon action autour de quatre grands axes :

  • Évidemment, être présent pour les soeurs et frères de l’Ordre, répondre présent aussi souvent que possible aux sollicitations des Loges et des Territoires qui composent l’OITAR, accompagner les Grands Maîtres Territoriaux dans leurs actions quotidiennes, et participer à insuffler des idées, du partage et de l’envie.
  • Être l’interlocuteur privilégié des relations inter-obédientielles. Cela a été pour moi un point très important. Poursuivre et développer encore les liens fraternels avec les autres familles maçonniques avec lesquels nous entretenons vraiment de belles relations. Je crois en la nécessité d’une interaction forte entre nos obédiences. Les obédiences plus sociales diraient que cela renforce notre pertinence sur la place publique, ce qui est vrai. Personnellement, étant ancré dans une tradition plus symbolique, j’ajouterais que cela participe aussi à une émulation stimulante et un enrichissement extraordinaire de nos membres respectifs. J’ai beaucoup aimé rencontrer, partager, monter des animations communes avec les autres Grands Maîtres.
  • Aller à la rencontre des non-maçons. J’ai par exemple multiplié les conférences publiques dans plusieurs villes de France, d’autres encore sont à venir. J’ai aussi accepté de participer à quelques vidéos qui tournent sur les réseaux. Cela peut sembler anecdotique pour beaucoup, mais en fait, ce n’est pas tellement dans les habitudes de l’OITAR qui a toujours privilégié les approches par cooptation directe.

Mais au fond, si j’ai pris ce virage, c’est surtout, et très sincèrement, pour témoigner de la chance extraordinaire que j’ai d’être maçon, d’avoir très tôt rencontré la maçonnerie sur mon chemin, et que je ne pouvais garder cela pour moi.

  • Enfin, en tant que Grand Maître Général, je suis aussi membre du Suprême Conseil, qui gère le rite. J’essaye là aussi d’apporter ma pierre dans cette instance et de porter certains sujets. Mais évidemment, cette aspect-là du boulot de GMG est nettement moins en lumière.

Les Réalisations Marquantes

450.fm : En 2023, au moment de votre installation, quels étaient vos objectifs prioritaires ?

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR

TD : J’ai peur d’être un peu décevant sur cette question… Mon discours d’installation portait principalement deux engagements. Le premier était d’aller à la rencontre des 12 territoires qui constituent l’OITAR, de croiser un maximum de soeurs et frères. L’autre engagement, plus difficilement palpable, a été de veiller que mes actions et décisions soient prises dans le respect de l’esprit du Rite Opératif de Salomon, ce qui n’est pas si simple. Mes anciens m’ont beaucoup aidé à y voir clair sur ce plan.

Mais en fait, je dois bien vous avouer que le jour de mon installation, je pense surtout que j’étais envahi de beaucoup d’appréhension et de crainte de ne pas être à la hauteur. Je me demandais si j’étais vraiment légitime, si j’allais réussir à assumer cette charge, à rentrer dans le costume, de surcroît en succédant à une soeur qui aura laissé une forte empreinte sur notre Ordre. J’étais un peu tétanisé à la perspective de devoir gravir une montagne immense.

450.fm : Lesquels considérez-vous avoir pleinement atteints ?

TD : Je suis allé voir tous les territoires, j’ai défendu une certaine idée du rite, et… je pense finalement avoir réussi à rentrer dans le costume, en tous les cas, d’avoir trouvé une coupe qui me convenait.

450.fm : Pouvez-vous citer un projet qui, selon vous, a profondément marqué l’ordre ces trois dernières années ?

Rencontre, Conférence, Auditoire
Salle avec public écoutant une conférence

TD : Je pense que le circuit de conférences publiques que j’ai animé un peu partout sera peut-être la grosse nouveauté apportée par mon mandat.

Une autre empreinte que j’ai pu laisser, en tous les cas c’est ce qu’on me remonte régulièrement, c’est d’amener un certain style, à la fois rigoureux mais détendu, et une incarnation simple voire avenante. Mais c’est difficile pour moi de le dire, il vaut mieux interroger nos membres !

450.fm : Y a-t-il eu une initiative imprévue qui s’est imposée au fil de votre mandat ?

Salle de réunion, une main levée

TD : Je peux rester là encore sur le thème des conférences. Cette réflexion vient de l’initiative d’une de nos loges, au Touquet, qui avait décidé d’organiser une réunion d’information publique et m’avait convié à être présent. J’y suis allé bien sûr, sans trop savoir à quoi m’attendre. Cela a été un succès. Et je me suis rendu compte que nous avions vraiment des choses à dire à un public curieux, sincère et qui avait envie d’entendre ; que nous avions une main à tendre, et aussi une image à casser… Je me suis emparé de cette expérience pour aller au-devant des soeurs, des frères et des non-maçons en proposant de venir sur les territoires.

Le Saviez-vous ?

Saviez-vous que l’OITAR est l’une des rares familles maçonniques à exiger l’unanimité pour toute décision, du niveau local de la loge au Suprême Conseil ? Ce principe, hérité des fondateurs, évite les clivages et renforce la fraternité – un rempart contre les hiérarchies rigides.

Les Défis et les Zones d’Ombre

450.fm : Quels ont été vos plus grands défis, sur le plan interne comme externe jusqu’alors ?

TD : Pour nourrir les actions sur un plan interne et externe, je pense que mon plus grand défi personnel a été de dégager du temps. Entre une vie familiale à Rennes, une vie professionnelle (fort occupée !) à Lille et une vie maçonnique un peu partout, le point le plus délicat a vraiment été la gestion de mon agenda qui cherchait à concilier des contraires. Le sentiment d’écartèlement a parfois été fort oppressant !

450.fm : Y a-t-il des projets que vous aimeriez concrétiser avant la fin de votre mandat ?

Thomas Denicourt Le Grand Maître Général de l’OITAR qui ne manque pas d’humour quand l’occasion se présente.

TD : Mon agenda jusqu’à ma descente de charge en mars prochain est déjà fort rempli. Parmi les rendez-vous à venir, deux tenues communes me tiennent à cœur, une avec la GLTSO autour du maître installé et une avec le DH. J’aime ces rencontres inter obédientielles où les soeurs et frères peuvent constater que les bonnes relations au niveau de nos loges ont aussi un écho puissant au niveau des Grands Maîtres, et réciproquement ! Chaque fois que ces rencontres ont eu lieu, cela a toujours été dans une ambiance du tonnerre, donnant envie aux soeurs et frères… de recommencer !

450.fm : Certaines démarches ne donnent-elles pas les résultats escomptés ? Quelle expérience en tirez-vous pour le moment ?

TD : J’ai la chance d’être épaulé par une équipe formidable, très compétente et très investie. Finalement, il y a toujours quelqu’un pour surveiller nos angles morts, pour savoir quand l’autre ne sait pas, pour faire quand l’autre ne peut pas… De fait, je n’ai pas tant que çà l’impression d’être frustré par des résultats d’actions décevants. En tous les cas, rien de vraiment important et qui me revient au moment où vous me posez la question.

L’Évolution de l’Ordre

450.fm : Comment L’OITAR évolue-t-il pendant votre mandat, en termes de vie rituelle, d’organisation et de rayonnement ?

TD : La vie rituelle n’est pas vraiment de mon ressort de Grand Maître Général, mais est plutôt la prérogative du Suprême Conseil. Pour ce qui est du rayonnement, et même si ce n’est pas vraiment mesurable, j’ai un peu le sentiment que notre visibilité, au moins dans le paysage maçonnique, s’est bien accrue. 

450.fm : Quelles avancées majeures observez-vous dans le dialogue inter-obédientiel et les relations avec la société civile ?

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR

TD : L’OITAR a un principe de non-intervention dans la société civile. Nous ne visons qu’à éveiller les consciences de nos membres via la pratique du rite, de façon à ce que chacun puisse se positionner en homme libre dans le monde profane.

 Mais concernant plus précisément le dialogue inter obédientiel, j’ai vraiment l’impression d’avoir pu contribuer au fait que l’OITAR échange facilement avec toutes les principales familles, de façon régulière et nourrie, que nous soyons parfaitement identifié tout en assumant notre place et nos spécificités.

450.fm : En quoi le caractère mixte de votre Ordre a-t-il guidé vos choix ?

TD : Je pense que la mixité chez nous n’a guidé aucun de mes choix. La mixité est une chose tellement naturelle et intégrée chez nous que je n’ai même jamais pensé à réfléchir une décision en intégrant cette dimension. D’ailleurs nos derniers éléments statistiques montrent une égalité de nombre de membres quasi parfaite entre hommes et femmes, même si cette égalité statistique au niveau de l’ordre cache des disparités locales plus nettes. Mais c’est là une autre question.

Le Saviez-vous ?

L’OITAR, unique en son genre, ne pratique qu’un seul rite : le Rite Opératif de Salomon, inspiré des tailleurs de pierre médiévaux. Pas de « menu à la carte » comme dans d’autres obédiences – c’est cette fidélité qui forge notre cohésion.

Les Moments Forts

450.fm : Quel moment reste actuellement gravé dans votre mémoire ?

TD : Il y en aurait beaucoup… Mais si je dois vous en livrer un, le moment le plus émouvant pour moi a eu lieu quelques temps avant mon installation. Ce jour-là, j’étais orateur dans ma loge bleue. Ma nomination n’avait pas encore été rendue publique et je n’avais laissé fuiter aucune information. Par contre, une fois que ce choix a été confirmé, j’ai voulu annoncer aux soeurs et frères de ma loge que j’avais été choisi, et que j’aurai besoin de ce creuset pour m’aider à me ressourcer…

J’ai la réputation d’être plutôt un bon orateur, je crois… eh bien je n’ai pas le souvenir dans toute ma vie d’avoir eu la voix aussi étranglée, tremblante, émue que ce jour-là.

450.fm : Une rencontre ou un échange particulièrement marquant ?

TD : Le groupe des Grands Maîtres.

Thomas Denicourt Grand Maître Général de l’OITAR

Les rencontres que nous organisons deux fois par an sont des espaces précieux pour partager des informations, bien sûr, mais également créer du lien entre obédiences. Ce sont toujours des moments assez forts et des échanges très riches, qui me manqueront après ma descente de charge.

450.fm : Une tenue ou un événement maçonnique inoubliable ?

TD : J’ai vécu plusieurs moments particuliers durant mon mandat, évidemment. J’ai pu animer des tenues assez spéciales, la dernière en date avec l’allumage d’un triangle sur l’île de la Réunion. Cet allumage a eu lieu dans un temple de verdure, sur les hauteurs : c’était unique.

Mais au fond, si je ne devais retenir qu’un moment de mon mandat, ce serait la journée à Marseille le 21 janvier 2024, durant laquelle on a pu fêter le point de départ du jubilé de nos 50 ans. Une tenue d’ordre au château St Antoine, où pendant une journée, nous avons pu fêter l’OITAR, son histoire, sa vie, et projeter demain… Cela a été l’occasion aussi de sortir un joli livre de réflexions symboliques intitulé « Que la parole circule ».

Regard Vers l’Avenir

450.fm : Que souhaitez-vous pour l’avenir de l’OITAR ?

TD : De rester fidèle à nos valeurs, de réussir à conserver l’esprit et le souffle de nos fondateurs, de rester fiers de nos spécificités qu’il faut défendre. Ce n’est pas si simple car quand on n’est pas une grosse écurie, on peut risquer d’être poreux aux pratiques des autres, il faut être vigilant.

450.fm : Quels probables conseils donnerez-vous à votre successeur l’an prochain ?

TD : Je lui ai dit d’abord que le temps passe vite, et qu’il ne faut pas attendre pour imprimer sa marque et faire ce qu’il envisage. Je lui ai dit aussi l’importance d’aller à la rencontre des soeurs et frères sur tous les territoires. Et enfin, comme je disais plus haut, si la montagne paraît immense, une fois qu’on est dessus on ne voit plus la hauteur du sommet, alors on avance plus sereinement.

450.fm : Quels chantiers prioritaires devraient, selon vous, être poursuivis immédiatement ?

TD : A mon sens, l’OITAR doit continuer dans sa démarche d’ouverture au monde profane. Nous avons une belle proposition de chemin à présenter, et dont je suis bien convaincu de la résonance avec les besoins d’une époque en perte de repères, en quête de sens, et qui a besoin de se réenchanter. La maçonnerie symbolique a vraiment quelque chose à dire en réponse à ces interrogations légitimes.

Vision sur la Franc-Maçonnerie

450.fm : Comment percevez-vous l’évolution générale de la Franc-maçonnerie en France et dans le monde ?

TD : Dans le monde je ne saurais vraiment pas le dire de façon objective. Concernant la maçonnerie française, je vais vous partager une remarque que l’on m’a faite l’an passé. Dans le groupe des dix « principales » obédiences, trois Grands Maîtres étaient encore des quadra (Nicolas Penin – GODF, Felix Natali – GLMF, et moi-même). Était-ce le signal faible d’un changement en marche ou simplement du pur hasard ? Je ne sais pas. Loin de moi l’idée de faire du jeunisme. Mais au fond, j’ai compris que ce constat cassait les clichés si nombreux qui gravitent autour de la Franc-maçonnerie.

450.fm : Quels défis attendent toutes les obédiences dans les prochaines années ?

TD : Je ne vais pas être original je pense, mais j’ai constaté comme beaucoup que le monde rentre dans une quête de spiritualité. Il n’y a qu’à constater l’engouement renouvelé pour les religions. Devant ces questionnements, la maçonnerie a une réponse à apporter. C’est peut-être bien une évolution que je sens confusément de plus en plus marquée dans notre approche maçonnique.

450.fm : La mixité de L’OITAR : atouts et défis ?

TD : Ce n’est pas un défi du tout. Une loge qui se créé au sein de l’OITAR peut choisir librement d’être masculine, féminine ou mixte. Et dans l’histoire de l’OITAR, on a tout eu. Aujourd’hui, toutes nos loges sont mixtes. Je ne mettrais pas non plus ce point sous l’angle d’un atout mais plutôt sous celui de la nécessité : en particulier quand on travaille le symbolisme, toutes les sensibilités sont précieuses.

Conclusion

450.fm : Si vous pouviez adresser un message fraternel à toutes les Sœurs et tous les Frères de l’OITAR…

TD : J’ai surtout envie de leur dire un grand merci !

Merci de m’avoir donné tant de prétextes de venir à leur rencontre, merci de leur enthousiasme contagieux, merci de contribuer à faire vivre l’OITAR, merci d’être ce qu’ils sont.

Et merci à 450 FM de me donner l’occasion de l’exprimer.

450.fm : … et un mot à la communauté maçonnique au sens large ?

TD : En travaillant une conférence, j’ai réalisé une chose toute simple : il faut que nous, maçons, ne perdons pas de vue la chance extraordinaire que nous avons de vivre ce que nous vivons. Être accueilli vraiment fraternellement quand on visite par des soeurs et frères qui ne nous connaissaient pas quelques minutes avant… c’est juste exceptionnel ! Prenons le temps d’un recul pour observer ce qui fait notre quotidien maçonnique et d’en apprécier toute la saveur !

450.fm : Enfin, l’an prochain, après ce mandat, quels sont vos projets, maçonniques ou profanes ?

TD : En effet en mars prochain je descends de charge. Je serai un soutien pour mon successeur, à la place qu’il souhaitera me voir tenir. J’ai aussi le souhait d’accompagner des projets de création de loges. Égoïstement, retrouver un peu de temps juste pour moi, ce sera déjà un beau programme.

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