Nice a tenu parole. Deux jours durant, l’Espace Laure Ecard – lieu de culture du département des Alpes-Maritimes – s’est fait Temple à ciel ouvert, pavé mosaïque de voix et de regards où la parole circulait avec cette clarté méridienne qui aime la Méditerranée.

Hommage a été rendu au Département des Alpes-Maritimes pour son appui constant, ainsi qu’aux équipes de l’Espace Laure Ecard. Disponibilité, précision technique, bienveillance : accueil, régie, sécurité, médiation culturelle, sans oublier bénévoles et partenaires, ont donné à chaque moment sa juste mesure.
De l’avis général, ce soin discret a permis à Masonica Nice d’offrir cette respiration lumineuse où l’initié et le profane marchent d’un même pas.
La représentation inaugurale, les tables rondes, les signatures, la tenue souriante des stands par les libraires et les éditeurs, l’attention des équipes et la patience heureuse du public ont dessiné un chemin simple et juste. Ici, la culture maçonnique n’a pas été un entre-soi, mais une conversation féconde avec la cité. Les bénéfices des actions – spectacle et expositions – sont versés à un fonds de solidarité : la fraternité a choisi une destination claire, concrète, fraternelle.

« Les Colonnes sont muettes chez les Argonautes »
Spectacle écrit par François Morel et Philippe Benhamou, qui montent sur scène entourés de leurs amis, mêle humour et poésie pour offrir bien plus qu’une représentation : une allégorie fraternelle. Sous des dehors facétieux, la pièce déploie un miroir symbolique où mots, silences et gestes font écho aux mystères de l’initiation. Entre onirisme et dérision bienveillante, elle guide le spectateur dans un Temple imaginaire, peuplé de sœurs et de frères de théâtre, où le rituel s’invite comme une musique intérieure.
Tout y respire la justesse : les colonnes, trop souvent bavardes de nos certitudes, y retrouvent le silence pour mieux écouter la voix de l’humain. On y croise la Lune et le Soleil, le Candidat dépourvu de mot de passe, l’Oratrice parlant pour ne rien dire mais disant l’essentiel, et cette lente montée de la lumière qui ressemble à la connaissance. L’humour ne détruit rien, il transfigure ; chaque scène rappelle qu’une sagesse vive sait rire d’elle-même pour mieux se comprendre.

À Nice, l’œuvre a trouvé son plein souffle
Un univers onirique, entre rite et cabaret, où la beauté du texte, la complicité des acteurs et la délicatesse de la mise en scène s’accordent en un moment suspendu. Hommage aux colonnes, clin d’œil à nos lenteurs, invitation à retrouver dans le rire la noblesse du symbole, le Temple se fait théâtre et le théâtre, loge ouverte à toutes les consciences.
Quand le rideau est tombé, demeurait une évidence. Les colonnes n’étaient pas muettes mais murmuraient, à voix basse, la voix du cœur.

Au matin, l’accueil fut vif et plein de tact. Le hall bruissait d’une politesse active, de ces signes qui disent moins une organisation qu’un souci de l’autre. La ville laissait entrer sa lumière dans les allées ; les conversations faisaient des grappes légères, l’odeur des livres neufs donnait au lieu une saveur d’atelier.
Affluence record : environ 1500 personnes sur les deux jours, initiées et non-initiées mêlées.
On passait des stands aux conférences, des signatures aux pauses fraternelles, du feuilletage à la réflexion… et partout une même impression d’aisance, de juste mesure, de disponibilité. Nous avons vu des regards qui apprennent, des mains qui remercient, des carnets qui s’ouvrent, des livres qui voyagent et nous avons entendu des silences qui valent assentiment.
Le programme, tressé sans lourdeur, a proposé des thèmes puissants qui s’enchaînaient avec naturel. Il fut question du carrefour discret que Nice incarne dans l’histoire maçonnique méditerranéenne ; de ce que peut une spiritualité en liberté quand elle se défait des carcans et respire dans la durée ; du désir d’authenticité de la jeune génération pour qui l’amitié et le partage ne sont pas des slogans mais des façons d’habiter le monde ; de la modernité des rituels, non comme pièces de musée, mais comme gestes qui instruisent la conscience ; de l’eau enfin, miroir des traditions, mémoire liquide des passages, signe d’une unité qui n’écrase pas les différences.
Le dimanche, l’exigence éthique s’est condensée dans l’appel à se changer soi… pour changer le monde, avant que l’intelligence artificielle (IA) ne soit interrogée comme un miroir de l’humain, puis que le récit policier ne révèle sa part de sacré, que la Méditerranée ne se fasse passerelle entre Orient et Occident, et que la voie initiatique ne se dessine comme boussole pour notre temps.
Une ligne claire, sans jargon ; des échanges utiles, précis, fraternels ; la conviction, surtout, qu’on peut parler de profondeur avec simplicité.

La remise des Prix littéraires a tenu sa promesse d’exigence souriante, dans l’écrin de l’Espace Laure Ecard, sous la devise qui donne l’allure au Salon : « Découvrir les richesses de la culture maçonnique ». L’allocution d’ouverture posa le cadre avec des mots simples et justes : écrire, c’est bâtir, poser des pierres de clarté dans l’édifice intérieur de l’humanité ; à Nice, cité de lumière entre mer et collines, les livres sont à la fois ports d’attache et départs, et la culture maçonnique se donne comme une maison ouverte où la pensée respire et la transmission prend visage.
Avant l’annonce du palmarès, les nominés 2025 furent salués comme il se doit : ils avaient, par la qualité de leurs ouvrages, porté haut les couleurs de l’édition. Trois constellations dessinaient la carte du chantier : Transmission pour l’art de passer la flamme ; Symbolisme pour la profondeur des langages de l’âme ; Lumière (œuvre) pour une trajectoire entière qui éclaire durablement notre chemin.
Cette triade n’était pas décorative : elle traçait un itinéraire de lecture sûr pour la profane curieuse comme pour le frère aguerri.

Le palmarès fut donné sans emphase, au pas de la mesure.
– Le Prix « Transmission » distingue Alain Bauer et Roger Dachez pour Quand les francs-maçons font de la politique – Du XVIIIᵉ siècle à nos jours (Dervy).

– Le Prix « Symbolisme » revient à Dominique Segalen pour 1,2,3 symboles ! – Les valeurs maçonniques expliquées aux enfants (Numérilivre).

– Le Grand Prix « Lumière » – Œuvre couronne Lucien Millo, dont la constance a patiemment déplié le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) des loges symboliques aux hauts grades.

Masonica Nice a décerné un Prix spécial à Jean Dumonteil, fondateur des Cahiers de l’Alliance, revue à laquelle il continue de contribuer. Acteur engagé des travaux d’études et de recherche de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française, il en est Premier Grand Surveillant.
Passé Vénérable Maître de la Loge nationale de recherche, il intervient régulièrement comme conférencier dans de nombreux débats et colloques du paysage maçonnique français. Par ce prix, le Salon salue une œuvre patiente de transmission, au carrefour de l’érudition, du témoignage et du service de la cité.
Au cœur des allées, un autre visage du Salon s’est imposé : l’Art dans le Temple. Des créateurs et artisans, venus de divers horizons, ont donné à voir la vitalité d’un patrimoine vivant. Miniatures peintes à l’échelle du millimètre sur des supports inattendus, marqueterie de paille alliant tradition et invention, joaillerie de perles et créations symboliques sur mesure, reconstitution magistrale d’un Temple antique en milliers de pièces modulaires – véritable outil d’instruction –, jeu initiatique dédié à l’étude des trois grades du REAA pour apprendre en s’éprouvant, sculpture et taille de pierre qui rendent aux matières leur noblesse : autant d’ateliers où la main pense et où le symbole se fait œuvre. À travers eux, antiquités maçonniques, savoir-faire et imaginations contemporaines ont dialogué sans rivalité, rappelant que la beauté est une voie de connaissance et que l’Art Royal porte bien son nom lorsqu’il relie patience, précision et poésie.

Parmi les pièces les plus remarquées, Lionel Peyrot a recréé le Temple de Salomon en briques Lego : environ 12 000 éléments pour près de 9 kg. Plus qu’une prouesse ludique, c’est un véritable outil d’instruction maçonnique qui a retenu l’attention des plus jeunes – parfois très jeunes – comme des Anciens, rassemblés dans le même émerveillement opératif (le Temple fera l’objet de notre carte postale maçonnique du 16 novembre prochain).
Ce Salon a été un exercice de justesse. Justesse du rythme – la ponctualité comme marque d’attention –, justesse des temps de parole – assez pour dire, assez bref pour écouter –, justesse technique – son, lumière, circulation –, autant d’indices d’un chantier mené à la règle. Nous saluons la tenue des organisateurs, la constance des équipes et, au premier rang, l’engagement de Jean-René Dalle, président du Salon, et de Patrick Weslinck, dont la coordination précise et la bienveillance visible ont permis ce bel équilibre entre exigence et accessibilité. À mesure que les heures passaient, nous voyions les colonnes s’animer : les lecteurs devenaient passeurs, les curieuses et curieux trouvaient leur place, les profanes entraient avec naturel dans un monde qui ne s’est jamais voulu fermé. Ici, l’Art Royal s’est donné pour ce qu’il est aussi : une manière d’habiter le monde avec délicatesse, d’écouter avant de conclure, de poser des mots qui ne blessent pas.

Enfin, l’annonce faite par le Frère Pierre Lucet, Grand Maître de L’Alliance, réjouit tous les amateurs de traits vifs et de bulles inspirées : un rendez-vous Masonica BD/Humour sera proposé au premier semestre 2026, au siège de l’Obédience, Clichy (Hauts-de-Seine ; région Île-de-France). Une déclinaison joyeuse qui prolonge l’esprit de Nice et dit assez que la culture maçonnique sait rire d’elle-même sans se trahir.
450.fm, qui suit de très près cette dynamique, tiendra es lecteurs informés des suites et des modalités.
Masonica Nice 2025 aura été cela : une respiration.
La preuve par l’exemple qu’un Salon du Livre et de la Culture maçonnique peut conjuguer densité et douceur, rigueur et accueil, profondeur et sourires. La ville s’y est reconnue, la mer tout près a tenu lieu d’horizon, les fraternités se sont croisées sans se heurter. Les colonnes n’étaient pas muettes : elles murmuraient juste assez pour que la lumière circule, pour que l’amitié se dise, pour que la connaissance prenne figure de rencontre.

Rendez-vous en 2027 !
Photos © Yonnel Ghernaouti, YG
