sam 13 septembre 2025 - 16:09

Le processus d’individuation en 6 étapes de Carl Gustav Jung

LE TRAUMA (1/6)

Les traumas parsèment de rides la peau des hommes et des femmes au fil des âges, et correspondent à des phénomènes et des évènements physiques et psychiques qui embellissent ou assombrissent leurs visages à mesure qu’ils marquent de leurs empreintes la mémoire et l’imaginaire. Leurs points et leurs traits reliés entre eux ressemblent à des charades et des dessins, pleins de sens pour qui sait jouer à les relier, et qui semblent même parfois évoquer et réécrire des mythes et des contes d’autrefois.

Carl Gustav Jung

Les mythes sont non seulement les révélateurs des mystères de la psyché humaine, mais aussi et surtout des accélérateurs de prises de conscience nécessaires à l’épanouissement de la conscience spirituelle. Ces niveaux progressifs d’initiation correspondent au processus d’individuation dans la psychologie analytique de C.G. Jung, durant lequel la psyché se régule, se développe, et se réorganise d’elle-même. Cette dynamique permet à la psyché de mieux s’adapter et s’intégrer à tout son environnement, et surtout d’atteindre et de révéler au plus profond de soi-même le Soi équivalent à l’Atman hindou.

Ce processus d’individuation se décline en six étapes qui correspondent sensiblement à six degrés de la Maçonnerie égyptienne : le trauma (51è Sublime Titan du Caucase), la découverte de la persona et sa différenciation (52è Sage du Labyrinthe), l’intégration des ombres (53è Chevalier ou Sage du Phénix), la rencontre des archétypes anima/animus (54è Sublime Scalde), l’expérience numineuse des archétypes (55è Sublime Docteur Orphique), et enfin la dialectique du Moi et de l’inconscient collectif ou archétypal (56è Pontife Sage de Cadmia). L’intégration en soi-même de ces différents états psychiques prédispose à vivre pleinement toute expérience spirituelle. (Méditations du Sphinx, Patrick Carré, Éditions GAMAYUN)

Le trauma, première étape vers l’individuation, sous-tend le mythe de Prométhée, figure centrale de ce 51è degré. Après la prise de pouvoir de Zeus au royaume des Dieux, contée par Hésiode dans sa Théogonie (VIIème siècle avant notre ère), les frères Prométhée et Épiméthée, deux Titans, sont chargés de créer les êtres vivants. Prométhée façonne le corps des hommes en mélangeant comme un potier sur son « tour » de la terre et de l’eau. Afin de parfaire sa création et la rendre définitive en durcissant ce mélange à la cuisson, il ne lui manque que le feu qui n’existe que sur le mont Olympe, domaine privé des Dieux.

Décidé plus que jamais à mener à bien sa mission, Prométhée prend le risque, avec la complicité d’Athéna, de pénétrer secrètement sur le mont sacré et de voler un tison de feu. Zeus s’aperçoit de la trahison du Titan en qui il avait toute confiance et le châtie en ordonnant à Héphaïstos, dieu du feu, d’enchaîner Prométhée sur un rocher dans les montagnes du Caucase. Un aigle vient chaque matin lui dévorer le foie, et son foie se reformant toutes les nuits, sa torture est infinie. Mais un jour, Hercule surgit et libère Prométhée de ses chaînes et abat l’aigle, exécutant ainsi l’un de ses douze travaux.

Vol du feu par Prométhée

Le conflit entre Zeus tout puissant et Prométhée le révolté apparaît dans la seconde partie de la Théogonie d’Hésiode, la première contant la cohabitation pacifique des hommes et des dieux, du visible et de l’invisible, comme chez les Anciens Égyptiens qui entretenaient avec leurs dieux un dialogue permanent ritualisé, à la fois en eux-mêmes et collectivement durant les cérémonies. À l’inverse, les dieux grecs se sont éloignés des hommes à mesure que les forces invisibles, qui sous-tendent et agitent l’imaginaire et le relient au réel, étaient découplées du monde visible par la « raison » omniprésente et omnipotente dans les pensées.

Le « coup d’état spirituel » de Zeus prenant le pouvoir sur l’Olympe symbolise cette prise de contrôle de la raison sur tous les types de pensées, en particulier sur les pensées intuitives les plus subtiles, et réduit la puissance des forces cosmiques activées par les dieux égyptiens à des jeux de rôles de dieux anthropomorphes. L’imaginaire y a perdu son rôle de courroie de transmission des forces à l’œuvre en soi-même et dans l’univers, mais y a gagné un rôle de miroir des jeux de forces exercées par la psyché, qui à défaut de pouvoir s’exprimer et s’extérioriser dans un monde purement rationnel, se transforme en nœuds de forces destinés à être dénoués, mais que paradoxalement la raison peine à comprendre et à dénouer.

Autrement dit, la raison dominatrice dans la psyché comme Zeus dans l’Olympe, tel un pompier pyromane, peine à éteindre l’incendie qu’elle a elle-même allumé. Zeus et la raison entendent priver les hommes du feu et s’en réserver l’usage, car l’homme s’en servirait pour faire « voler son esprit« , disent les alchimistes, et le libérer de sa gangue matérielle, et pour qu’il s’imprègne de « ce qui vient d’en haut », disent les Maçons à des degrés élevés d’initiation. En alchimie, l’esprit qui déploie ses ailes s’élève purifié par le feu intérieur maîtrisé et sublimé.

Prométhée et Epiméthée

Le rôle de Prométhée, dans ce processus alchimique, est écrit dans son nom même, car il dérive du substantif grec « προμηθής, promêtḗs, homme qui pense avant d’agir, le prévoyant » et du suffixe « εύς, eús, qui indique un agent, celui qui fait une action » indiquée par le verbe « prévoir« . Hésiode insiste sur cette valeur du mot en opposant Prométhée à son frère Épiméthée, « l’imprévoyant, celui qui réfléchit après coup« . Prométhée l’alchimiste prévoit ou pré-voit plus précisément de mettre en œuvre et d’entretenir l’action du feu durant les différentes phases de l’Œuvre de transmutation intérieure.

Il « projette » d’en réguler l’intensité pour que le feu corresponde aux différents degrés du feu philosophique, évitant ainsi aux initiés à l’œuvre qu’ils ne se brûlent à leur propre feu et ne tuent le germe qui est dans leur Materia Prima. Ce « régime du feu » correspond à une progression harmonique de degrés d’intensité, figuré en Égypte par les deux grandes plumes portées par Amon sur sa tête et par les « rémiges » (anagramme du mot « régime« ), les deux plus longues plumes du faucon Horus.

Etre magnétique

Prométhée dissimule le feu qu’il dérobe aux dieux dans la tige creuse d’une férule, une plante vivante reproduisant la structure naturelle des corps énergétiques des êtres vivants, des tubes creux de champs magnétiques générés par les courants électriques qui les parcourent, et des courants électriques induits en sens inverse par des champs magnétiques. Chez les Anciens Égyptiens, ils s’agit des ondes magnétiques du KHAT et des courants électriques du KHAIBIT, deux des neuf constituants de l’être égyptien.

Le KHAT constitue l’aura, un halo de lumière qui enveloppe le corps physique et reflète par ses couleurs et son intensité nos sentiments, nos pensées, nos états d’âme. Le KHAIBIT est constitué par le courant électrique qui circule dans des milliers de petits canaux d’énergie, de fins faisceaux lumineux appelés nadis dans la médecine ayurvédique, transportant l’énergie vitale, le « prana » en sanskrit. KHAT et KHAIBIT se régénèrent mutuellement et forment ensemble le corps éthérique, astral de l’être, décrit comme un double subtil du corps en occident, son aura de son vivant et son fantôme dans la mort.

Châtiment de Prométhée

Mais avant de s’élever tel un aigle à deux têtes au-delà de soi-même en conscience, Prométhée doit encore souffrir du châtiment ordonné par Zeus, le foie dévoré chaque jour par un aigle à une tête. Autrement dit, enchaîné à sa Pierre alchimique, il doit entretenir en lui-même un état mental cher aux grecs et aux artistes en création qui ont l’art, pour stimuler leur imaginaire, de souffrir du foie et d’entretenir en eux la mélancolie, mot transcrit du grec « μελαγχολία, melankholía » composé de « μέλας, mélas, noir » et de « χολή khōlé, la bile« . Les artistes de l’Art Royal ont ainsi l’art de faire couler en eux un filet de bile noire nécessaire à l’inspiration et au déclenchement de l’impulsion créatrice.

La mélancolie était considérée par les grecs comme une source de génie ou de folie permettant de faire le deuil d’un évènement, de renouveler le sens de la vie et de la réinitialiser, tout en se ré-initiant soi-même.

La bile salvatrice du trauma maintient actif le processus d’individuation dont la phase suivante est la découverte de la « persona » et de la « différenciation« .

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Patrick Carré
Patrick Carré
Patrick Carré est un poète, philosophe et franc-maçon français, connu pour son œuvre mêlant littérature, spiritualité et symbolisme maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, passé membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, il est à présent à l'OIAPMM (Ordre Initiatique Ancien et Primitif de Memphis Misraïm) membre de la Loge de recherche Imhotep à l'Orient de Nice, Souverain Grand Inspecteur Général (33è degré), et Sublime Prince de la Maçonnerie, Grand Régulateur Général de l'Ordre (87è degré).. Son travail explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle, notamment à travers des poèmes et textes philosophiques. En 2023, il publie L’épopée alchimique des Maçons et Maçonnes (LiberFaber, 228 pages, 25 €), un recueil de plus de 1000 vers qui retrace les degrés maçonniques du premier au dix-huitième, accompagné d’un CD de textes lus et mis en musique par Gérard Berliner. Patrick Carré a également écrit d’autres ouvrages maçonniques, comme Francs-Maçons Alchimistes et Nous sommes tous androgynes, enrichis de contenus multimédias sur le tarot (chaîne youtube Le Tarot de la Renaissance, 12h de vidéos et 800 illustrations). Son œuvre met en lumière les liens entre franc-maçonnerie et alchimie, célébrant la transformation personnelle et spirituelle. Il fut Itinérant en 1980 durant 6 mois à l'Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis, et Potier tourneur 5 ans dans une poterie artisanale et Artisan créateur indépendant.

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