(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
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Avant toute chose, bonne année à vous et aux vôtres ! On croit toujours que l’année qui vient sera meilleure que celle qui l’a précédée. Je n’ai pas tout à fait l’impression que c’ait été globalement le cas en 2024 par rapport à 2023. Alors, mettons le meilleur de nous-mêmes à déchiffrer et à promouvoir l’espoir, partout où il se trouve et, en toute hypothèse, santé et prospérité à vous, chère lectrice ou cher lecteur, que vous soyez ou non franc-maçonne ou franc-maçon, et nous le disons d’un cœur uni tant c’est l’humanité qui nous importe et, qu’en nous retrouvant toutes et tous autour de ce Journal, c’est bien elle que nous souhaitons servir. Veuillez ainsi recevoir, dans un même esprit, les meilleurs vœux de toute la Rédaction !
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On croit parfois devoir… ou pouvoir révéler l’appartenance à la franc-maçonnerie de personnalités publiques, j’aurais peut-être dû dire de personnages publics[1], sachant qu’on utilise le terme de personnages, pour désigner des personnes ne se distinguant point seulement par leur rang social ou par la notoriété qu’ils pourraient être censés occuper dans l’histoire, mais se distinguant malheureusement aussi de leur propre nature par le rôle qu’ils ont accepté d’incarner à la face du monde dans un souci de réussite et de carrière, à l’opposé de toute idée ou de tout sentiment sincères – alors que la notion même de personnalité renvoie à un caractère original se distinguant alors par des aptitudes singulières, jusqu’à faire autorité ou, du moins, à s’imposer par son influence. Vous me direz que le partage de l’un à l’autre est loin d’être évident car il n’est pas toujours facile de savoir pousser le curseur pour peser avec exactitude les individus.
Alors, qu’apporte la connaissance d’une appartenance maçonnique dans tout cela ? Eh, bien ! pas grand-chose, si ce n’est une supposée liberté de pensée, un supposé progressisme, au sens d’un idéal de changement qui viserait à une ascension intellectuelle et morale de l’homme en société, à son « émancipation » de tout carcan.
Or la diversité des hommes et des femmes qui se sont engagés en maçonnerie, en embrassant celle-ci dans toutes ses composantes, devrait inciter à tirer avec la plus grande prudence la moindre conséquence de telles généralités, tant elle donne une image floue voire brouillée de ces conceptions qui firent florès à une certaine époque, mais qui, sans être totalement révolues, surtout dans quelques obédiences bien connues, sont, désormais, largement écornées dans d’autres, si bien qu’il suffirait, par exemple, d’aiguiller chacun, sans même avoir beaucoup à l’aiguillonner, sur le terrain du « wokisme » – au sens de courants de pensée dénonçant au moindre signe, avec véhémence ou virulence, toute forme d’injustice et de discrimination subies par les minorités ethniques, sexuelles ou religieuses –, pour provoquer des divisions profondes entre les ateliers voire en leur sein. Bref, voyez-vous, mes Frères et mes Sœurs, la tolérance, d’un côté comme de l’autre, reste un combat !
Faut-il le regretter ou s’en indigner ? Si la maçonnerie se doit d’accueillir des hommes et des femmes de toute confession, de toute conviction et de toute condition désirant nourrir ensemble un foyer de réflexion pour leur perfectionnement propre comme, concomitamment, pour la compréhension et l’amélioration du sort commun, rien ne serait plus naturel que leurs différences se retrouvent dans leurs assemblées et qui s’en offusque réduit ipso facto les enjeux du pari « universel » qu’il prétend favoriser et dont il se rengorge à bon compte. Certes, cela se produit et, d’ailleurs, non chez ceux qui s’expriment le moins. Dès lors, vue sous cet angle, la franc-maçonnerie n’apparaît plus, malgré quelques contorsions, que sous l’espèce d’une coterie flasque au flanc d’opinions déterminées.
Le principe de la laïcité qui n’a d’autre ambition que d’affirmer et d’affermir la protection de toutes les croyances et des visions du monde les plus variées, dans le respect des lois, bien entendu, est, sinon tué dans l’œuf, du moins rétréci à peau de chagrin par ceux-là mêmeS qui, entre eux, prétendent en être les hérauts.
Et je n’ai même pas encore parlé de la notion « d’initiation », pour ceux qui, sur ce continent, s’inspirent des anciens mystères et qui entendent aller au-delà de la simple « réception ». Il s’agit alors d’emprunter le chemin initiatique que proposent plusieurs écoles maçonniques traditionnelles et qui vise, chez leurs adeptes, à exercer leur intelligence et leur sensibilité sur le sens caché des choses, dans un dévoilement paradoxal de ramifications intimes présidant à la recherche et à la découverte de l’unité fondamentale du monde et de la conscience de l’être. C’est un programme bien grandiloquent dans la formulation synthétique que j’ai essayé d’en donner mais c’est surtout un engagement long, patient et intérieur qui ne présente aucun intérêt à être revendiqué publiquement car il ne saurait rien évoquer à qui n’a pas mobilisé ses facultés dans cette voie.
Résultat des courses ? Rien. Et c’est si vrai que bien des personnages publics n’ont rien révélé de leur personnalité privée, que celle-ci est souvent obstruée chez ceux-là et que, pour le moins, ils manquent d’unité.
C’est, d’ailleurs, à leur souhaiter, dans un tel cas, car s’ils se limitaient aux apparences qu’ils donnent d’eux-mêmes, nous en serions navrés pour eux. Au reste, au fil du temps, bien des noms ont circulé dans la sphère politique, les rattachant à la franc-maçonnerie, à tel moment de leur vie voire de façon continue, et ils ne manquent pas de présenter des visages très différents, suscitant de surcroît, chez leurs supposés sœurs et frères, des réactions contradictoires. Si l’on s’en rapporte à mes longs commentaires d’aujourd’hui, il est manifeste que je ne puis m’en étonner, quelque regret que j’en aie, cependant, parfois, tant la radicalisation de certaines positions s’écarte de la tempérance de jugement que la franc-maçonnerie préconise depuis l’origine et tant le goût de l’intrigue chez d’autres voire chez les mêmes s’oppose à l’honnêteté de comportement qu’elle réclame aussi bien. Pour autant, fort tristement, nous n’avons souvent guère à chercher aussi loin pour trouver des exemples. Les loges, s’ils n’y fourmillent pas, n’en sont pas toutes exemptes.
Quant au journalisme, c’est bien connu : le journalisme est un art profane… qui profane !
[1] Je n’aurais pas choisi ce sujet si un article récent de ce Journal, intitulé : « Au moins deux Frères connus au sein du nouveau Gouvernement », n’avait fait débat, ainsi qu’en témoignent les commentaires s’y rapportant. Outre que 450.fm ne censure aucune information existante relative à la franc-maçonnerie et s’attache à relayer ce qui intéresse son lectorat – c’est sa mission d’origine : tendre un miroir aussi complet que possible sur « la franc-maçonnerie sous tous ses angles » –, j’ai souhaité m’interroger ici sur le sens que pouvaient avoir de telles « révélations »… qui, du reste, n’en sont pas, puisque les informations en cause ont largement circulé, depuis des années, et n’ont apparemment nui à personne. Au demeurant, comme l’indique le titre de l’article précité, ne sont évoqués que deux « Frères connus ». D’autres ministres peuvent, néanmoins, appartenir à telle ou telle Obédience, qui sait ?