mar 10 décembre 2024 - 10:12

Effets de l’antimaçonnisme américain sur la Fraternité… suite à l’assassinat de Morgan

De notre confrère universalfreemasonry.org – Par Erik McKinley Eriksson

Quel impact le Parti et le mouvement antimaçonniques ont-ils eu sur la franc-maçonnerie et la politique aux États-Unis ?

Il est inévitable que l’institution maçonnique ait été sérieusement affectée par la grande vague d’anti-maçonnerie qui a suivi la disparition de William Morgan (voir l’article d’hier à ce sujet). Cependant, au cours des années qui ont suivi, peu de choses ont été faites pour déterminer exactement ce qui est arrivé à la Fraternité, bien que l’on ait beaucoup généralisé. Les anti-maçons, même à l’heure actuelle, diffusent avec désinvolture l’information selon laquelle la Franc-Maçonnerie organisée a été exterminée et en font valoir la disparition de la Franc-Maçonnerie dans l’Illinois comme preuve.

Ils pourraient également souligner le fait que la Grande Loge du Michigan a cessé ses activités pendant un certain temps et que la Grande Loge du Vermont a été pratiquement suspendue pendant dix ans. Mais exposer de tels faits ne prouve pas leur affirmation, car il y avait vingt-trois autres Grandes Loges qui n’ont pas cessé leurs activités et qui n’ont pas été suspendues.

Les historiens maçonniques n’ont pas non plus jusqu’à présent étudié en profondeur les effets de l’anti-maçonnerie. Ils se sont contentés de généralisations telles que « [l’anti-maçonnerie] a été désastreuse pour la croissance et le progrès de l’institution ». Ce qui s’est apparemment produit dans quelques grandes juridictions a été accepté comme une preuve suffisante pour prouver que l’anti-maçonnerie a presque exterminé la Fraternité maçonnique aux États-Unis. Ils ont souligné la diminution du nombre de loges représentées aux communications annuelles comme une illustration de la dévastation causée par le mouvement anti-maçonnique. Mais, ce faisant, ils ont oublié de considérer que d’autres facteurs que l’anti-maçonnerie ont pu être à l’origine du déclin de la force maçonnique au cours de la période qui a suivi l’affaire Morgan.

Quand on étudie la situation dans chaque Grande Juridiction séparément, on se convainc que l’anti-maçonnerie, bien que facteur de grande importance, n’est en aucun cas la seule responsable de la décadence dans laquelle l’institution maçonnique est tombée au cours des années trente. Dans certaines juridictions, la franc-maçonnerie était dans un état déplorable avant 1826 en raison de troubles internes de diverses sortes. Dans le cas de la plupart des Grandes Loges, le pourcentage de loges représentées aux diverses communications avant 1826 n’était pas élevé. Le développement de l’anti-maçonnerie a bien sûr entraîné une nouvelle baisse de la fréquentation.

De plus, pour expliquer la situation, surtout dans les années trente, il y avait un facteur qui semble avoir complètement échappé aux historiens : c’était la prévalence du choléra dans le pays. Au cours de la période qui commença vers 1830, le monde occidental tout entier fut balayé par une épidémie de choléra qui fit de nombreuses victimes et créa une grande peur parmi la population. Il est impossible de déterminer dans quelle mesure cette épidémie a causé la mort de loges parce que les membres avaient peur de se rassembler. Il est également impossible de déterminer son influence sur la non-représentation aux réunions des Grandes Loges. Inversement, il est impossible de penser que le choléra n’a pas eu d’effet néfaste sur l’Institution, contribuant à créer des conditions qui ont jusqu’ici été attribuées à la seule antimaçonnerie.

Burn out, Dépression, Emotion, Souffrance
Dépression

Un autre facteur à prendre en considération est la dépression financière et la panique qui s’étaient produites pendant cette période. Qu’elles soient dues au « retrait des dépôts » de la Deuxième Banque des États-Unis ou à des manipulations de la Banque, il n’en demeure pas moins qu’à partir de la fin de 1833 et jusqu’au printemps de 1834, une dépression généralisée s’est produite. Puis ont suivi quelques années de « prospérité » caractérisées par une orgie de spéculation. En 1837, une panique s’est produite qui a saisi tout le pays. Dans certaines localités, ses effets se sont fait sentir bien après les années 40. La difficulté qui en a résulté pour obtenir de l’argent doit être reconnue comme un facteur qui a contribué au déclin de la franc-maçonnerie et a retardé sa reprise. Les membres ne pouvaient pas payer leurs cotisations aux loges locales, et ces dernières ne pouvaient pas s’acquitter de leurs obligations envers les Grandes Loges.

Kiosque à journaux
Kiosque à journaux

L’affaire Morgan ayant eu lieu dans l’ouest de l’Etat de New York, il est évident que les effets de l’agitation antimaçonnique qui s’ensuivit se firent sentir en premier lieu dans cette partie de l’Etat. A New York, le terrain était déjà bien préparé avant 1826 pour l’apparition de l’antimaçonnerie, comme on l’a déjà souligné 1 .  Comparer la faible représentation aux communications de la Grande Loge dans les années 30 avec celle de 1827 ne dit pas tout, car 1827 fut une année inhabituelle dans l’histoire maçonnique de New York. Une comparaison avec les années précédentes donne une vision plus précise.

Un examen des procès-verbaux de la Grande Loge dès 1817 révèle une situation malsaine qui existait à cette époque dans l’institution maçonnique de l’État. La liste comptait 293 loges, mais seules 30 d’entre elles étaient représentées à la communication annuelle du 4 juin 1817. Dix loges étaient répertoriées comme ayant « cessé de fonctionner » tandis que 16 étaient répertoriées comme ayant « rendu un mandat ». On comptait 47 suspensions pour non-paiement de cotisations et 5 expulsions pour conduite non maçonnique ou immorale. Au moins 17 mandats pour de nouvelles loges furent émis au cours de l’année, ce qui indique que même à ce stade précoce, une expansion trop rapide était en cours.

Bougies allumées dans la nuit

En 1818 seulement, 28 loges étaient représentées et il était évident qu’une action était nécessaire. C’est pourquoi, en 1819, les « bois morts » furent éliminés et les loges furent renumérotées. De nouvelles loges furent créées si rapidement qu’il en restait encore 323 sur la liste, dont 82 étaient représentées. En 1821, les loges étaient à nouveau en mauvaise posture. Alors que 79 étaient représentées, 179 autres étaient signalées comme ayant des arriérés de deux ans ou plus ! En 1822, 110 loges étaient représentées et en 1823, 112. Cette dernière année, les dissensions internes atteignirent leur paroxysme et la Grande Loge fut divisée. Le résultat fut la formation d’une Grande Loge de ville et d’une Grande Loge de campagne, dont la rivalité dans les années suivantes fut un facteur de première importance pour préparer le terrain à l’anti-maçonnerie.

illustration maçonnique

Chaque Grande Loge s’efforce de surpasser l’autre en créant de nouvelles loges, ce qui a pour résultat que dans certaines localités, trop de loges furent créées pour être correctement soutenues. De même, en conséquence, des candidats indignes furent admis, qui furent parmi les premiers à se séparer de la Fraternité après le début de l’agitation antimaçonnique. La Grande Loge de campagne, la plus forte des deux, lors de sa communication annuelle de 1824, accorda des autorisations pour 30 nouvelles loges. La même année, lors de sa communication annuelle, la Grande Loge de ville créa 11 nouvelles loges. Lors des communications de l’année suivante, la Grande Loge de campagne accorda 46 nouvelles autorisations, tandis que la Grande Loge de ville en accorda 12.

Entre-temps, des efforts furent faits pour réunir les Grandes Loges, ce qui aboutit à leur fusion le 7 juin 1827. L’intérêt suscité par cette fusion se traduisit par une représentation extraordinairement nombreuse, car lors de la réunion des Grandes Loges fusionnées, les représentants de 228 Loges étaient présents. Il est significatif que, lors de cette réunion, 14 demandes de brevet pour de nouvelles Loges aient été acceptées.

Vue aérienne de NYC, Etats-Unis

Il est évident que l’anti-maçonnerie n’avait pas encore touché l’institution maçonnique. Apparemment, la franc-maçonnerie de New York était, en 1827, au sommet de sa prospérité, mais il faut noter que 84 loges n’avaient pas fait de déclaration depuis 1822.

Les éléments présentés montrent clairement que l’anti-maçonnerie n’a pas à elle seule provoqué le déclin de la force maçonnique à New York. Il ne fait aucun doute que l’anti-maçonnerie, une fois organisée de manière à réunir des fanatiques religieux et des opportunistes politiques, tels que Thurlow Weed, William H. Seward et Millard Fillmore [Voir Image – Portrait du Président Fillmore], a eu un effet dévastateur sur la Fraternité, mais il est tout aussi certain que les francs-maçons de New York étaient, dans une certaine mesure, responsables de leurs propres problèmes.

Au début de 1828, il était évident que le mouvement antimaçonnique avait un effet sur l’institution maçonnique. En fait, depuis le début des enquêtes et des procès de Morgan, des membres de l’ouest de l’État de New York avaient publiquement renoncé à la franc-maçonnerie. Un groupe d’entre eux encouragea l’anti-maçonnerie politique en tenant des conventions à Le Roy les 19 février et 4 juillet 1828.

La participation à la Communication annuelle de 1828 ne fut que légèrement affectée, car 130 loges étaient représentées, contre 142 dans les deux Grandes Loges en 1825. Cependant, au cours de l’année 1828, seuls 3 mandats furent délivrés pour de nouvelles loges et ce furent les derniers avant quelques années. Il y eut 103 suspensions pour non-paiement de cotisations et 8 expulsions pour conduite non maçonnique, contre 38 suspensions et 9 expulsions dans les loges combinées en 1825.

Après 1828, les effets de l’anti-maçonnerie sur les francs-maçons individuels, sur les loges locales et sur la Grande Loge commencèrent à se faire sentir. Au début de 1829, eut lieu le premier mouvement organisé visant à la remise des chartes des loges locales. Le 20 février, une circulaire fut publiée par 76 francs-maçons du comté d’Ontario recommandant aux loges et chapitres de l’ouest de New York « l’opportunité de rendre leurs chartes ». Le 13 mars, six loges du comté de Monroe, dont celle de Rochester, rendirent leurs chartes à la Grande Loge en « acquiesçant à l’opinion publique ». Cependant, contrairement à une opinion plutôt générale, cet exemple ne fut pas largement suivi. Le 5 mai 1829, les délégués de 19 loges des comtés de Cayuga et d’Onondaga tinrent une réunion. Au lieu d’adopter la ligne de conduite suivie par les francs-maçons du comté de Monroe, ils rédigèrent une adresse niant toute connaissance de l’affaire Morgan avant la disparition de ce dernier et niant toutes les accusations portées contre la Fraternité. Ils ont déclaré :

Nous vénérons la franc-maçonnerie pour son antiquité, nous l’admirons pour ses principes moraux et nous l’aimons pour sa charité et sa bienveillance.

La résolution suivante a également été adoptée :

Il est résolu que, de l’avis de cette convention, il serait inopportun et inapproprié de prendre des mesures pour la remise des chartes maçonniques, et que nos frères soient respectueusement avisés de n’adopter aucune mesure à ce sujet.

Une action similaire fut entreprise par une convention de 114 délégués représentant 14 loges et 5 chapitres de Royal Arch des comtés de Chenango, Cortland et Madison, tenue le 2 septembre 1829. Les chiffres complets montrent que, pendant toute la période d’excitation antimaçonnique, seulement 76 loges, sur les 484 existantes en 1825, ont rendu leurs chartes.

Quarante-trois loges de moins étaient représentées à la Communication annuelle de 1829 que l’année précédente. Le fait que les cotisations de 23 loges aient été versées montre que de nombreux francs-maçons ne payaient pas leurs cotisations, même si seulement 22 personnes ont été signalées au cours de l’année comme suspendues pour cette raison. Il convient de noter en passant qu’en 1829, les anti-maçons ont tenté en vain d’obtenir l’adoption de lois par la législature de New York interdisant les « serments extrajudiciaires » et interdisant aux francs-maçons de faire partie de jurys lorsqu’une partie dans une affaire était franc-maçonne et l’autre non.

En 1830, la représentation de la Grande Loge connut un nouveau déclin. Lors de la réunion annuelle de cette année-là, un système de « visiteurs » de la Grande Loge fut instauré pour chaque comté, le devoir de chaque « visiteur » étant de visiter toutes les loges de son district, d’examiner leur état et de recevoir la remise de leurs chartes, bijoux et autres biens s’ils souhaitaient les abandonner. Des mesures furent également prises pour remettre les cotisations des loges en défaut sous certaines conditions prescrites qui devaient être respectées avant décembre 1830, afin d’éviter la confiscation de leurs chartes.

Lors de la session de 1831, la Grande Loge hésita à prendre des mesures draconiennes contre les loges en retard. Elle se contenta d’adopter une résolution déclarant que les loges qui ne s’étaient pas réunies depuis un an ou plus perdraient leur mandat si elles ne se réunissaient pas avant juin 1832. Une résolution fut également adoptée exigeant que les loges en retard de dix ans ou plus fassent rapport au moment de la prochaine communication annuelle, sous peine de perdre leur mandat.

En juin 1832, par une communication de la Grande Loge, la mesure draconienne qui avait été annoncée fut prise. Les mandats de cinq loges furent confisqués parce qu’une « citation » de la dernière communication annuelle n’avait pas reçu de réponse ; 84 loges qui n’avaient pas fait de rapport depuis 1822 eurent également leurs mandats confisqués. Le Grand Secrétaire fut également chargé d’exiger les mandats de 23 loges qui ne s’étaient pas réunies depuis plus d’un an. Cette forme de procédure fut également suivie dans les communications ultérieures, de sorte qu’en 1836, pas moins de 338 loges eurent vu leurs mandats confisqués par la Grande Loge ; 45 de ces confiscations ultérieures eurent lieu en 1833, 89 en 1834 et 92 en 1835. Bien que cette action drastique ait éliminé les loges mortes, elle ne fut pas sans complications, car, de tous les mandats ostensiblement rendus ou confisqués, seulement 54 avaient été récupérés par le Grand Secrétaire en 1836. La dispersion des anciens mandats présenta une excellente occasion pour le développement de la maçonnerie clandestine et constitua pendant un temps un sérieux problème.

En ce qui concerne l’anti-maçonnerie, l’année 1836 marqua un tournant pour la Fraternité maçonnique de New York. Lors de la réunion de juin de cette année-là, le Grand Secrétaire, James Herring, fit un rapport significatif dans lequel il passa en revue les événements des dix dernières années. Il attira l’attention sur le fait que l’anti-maçonnerie dans l’État était en train de disparaître rapidement et que « la renaissance des travaux et de l’utilité maçonniques commençait à se manifester ». Comme preuve concrète de cela, la requête de la Loge Ark, n° 160, demandant sa restauration fut présentée, requête qui fut acceptée. Plus tard dans l’année, deux autres loges furent rétablies.

En 1837, la franc-maçonnerie de New York était sur la voie de la guérison lorsque son progrès fut interrompu par une autre scission au sein de la Grande Loge, qui résultait d’une tentative de discipliner certains francs-maçons de la ville de New York pour avoir organisé une procession maçonnique le jour de la Saint-Jean (24 juin 1837) sans autorisation. À partir de ce moment, le manque de prospérité de la Grande Loge de New York ne peut être imputé à l’anti-maçonnerie, mais doit être attribué principalement aux conflits entre les francs-maçons eux-mêmes. Cependant, la panique de 1837 ne doit pas être négligée comme facteur entravant la guérison de la franc-maçonnerie à New York. Mais malgré ces facteurs, de nouvelles loges furent rétablies et en 1839, la première nouvelle loge depuis 1828 reçut un mandat. En 1843, il y avait 93 loges dans l’État et leur nombre augmentait rapidement.

En examinant la période antimaçonnique dans l’État de New York, plusieurs faits ressortent comme particulièrement intéressants. Sur les 53 comtés de l’État, les loges de 29 comtés étaient entièrement éteintes en 1836, soit par reddition, soit par confiscation de mandats. Même dans le comté de New York, où l’antimaçonnerie n’a guère progressé politiquement, seules 22 des 43 loges étaient encore vivantes en 1836. Au total, il ne restait à cette époque que 71 loges dans l’État, et 14 d’entre elles n’étaient pas en règle. En conséquence du déclin des loges, les ressources de la Grande Loge sont tombées de 5 301 $ en 1827-1828 à 1 631 $ en 1835-1836. Il est évident que des centaines de francs-maçons de l’État, s’ils n’ont pas ouvertement fait sécession, ont au moins laissé leur adhésion expirer. Mais beaucoup d’autres osèrent défier leurs persécuteurs et maintinrent en vie et en activité de nombreuses loges locales, ainsi que la Grande Loge, pendant cette période. On doit beaucoup au général Morgan Lewis, un vétéran de la Révolution, qui fut Grand Maître de 1830 à 1843, et à James Herring, Grand Secrétaire de 1829 à 1845. Le leadership de ces deux hommes pendant cette période fut d’une aide inestimable pour les francs-maçons de New York.

De New York, comme on l’a déjà signalé, l’antimaçonnerie se répandit dans les États voisins. Dans aucun État ses effets ne furent plus visibles que dans le Vermont. En 1828, l’agitation avait produit suffisamment d’effets pour réduire le nombre de membres de la Grande Loge de 52 en 1827 à 39 en 1828. Lorsque la communication annuelle eut lieu à Montpelier, en octobre 1829, 40 des 68 loges alors sous charte étaient représentées. Dans seulement 13 d’entre elles, il y eut des initiations au cours de l’année.

Lors de cette communication, deux choses importantes furent faites. L’une fut l’élection de Nathan B. Haswell de Burlington comme Grand Maître et de Philip C. Tucker de Vergennes comme Grand Maître adjoint. Le premier servit sans interruption jusqu’en 1847 avec Tucker comme adjoint, puis fut remplacé par le second. Ce furent ces deux hommes qui contribuèrent principalement à faire traverser à l’institution maçonnique du Vermont la période de persécution antimaçonnique. L’autre action importante fut de lancer le célèbre « Appel aux habitants du Vermont… »

Il s’agissait d’une brochure de douze pages, rédigée par Philip C. Tucker et signée par les personnes présentes à la communication. Deux mille exemplaires furent imprimés et distribués. L'”Appel” retraçait le développement du mouvement antimaçonnique, énumérait les accusations portées contre la Fraternité maçonnique, puis procédait à leur démenti total. Bien que la liste des signataires comprenait de nombreux hommes parmi les plus importants de l’État, dont le gouverneur Samuel C. Crafts et l’ancien gouverneur Martin Chittenden, sans parler de nombreux autres, elle n’apaisa pas l’esprit de persécution.

Avec le triomphe complet des anti-maçons politiques aux élections d’État de 1831, la situation de la franc-maçonnerie devint plus critique. Le 11 octobre de cette année-là, une résolution fut présentée à la Grande Loge pour la dissolution de la Grande Loge, mais après un débat houleux, la proposition fut rejetée par un vote de 99 contre 19. Cependant, une recommandation fut faite aux loges de ne tenir que deux réunions par an, « l’une pour le bon ordre, la discipline et l’instruction en maçonnerie, l’autre pour l’élection annuelle des officiers ». [Voir l’image – Tablier anti-maçonnique de l’exposition].

L’âpreté avec laquelle se déroula la campagne présidentielle de 1832 dans le Vermont fut probablement responsable de la diminution du nombre de représentants à la communication annuelle, de 39 en 1831 à 10 en 1832. On fit savoir qu’à la prochaine session de la Grande Loge en 1833, une autre tentative serait faite pour obtenir sa dissolution. Il en résulta que 34 loges étaient représentées. Le 9 octobre 1833, un préambule et une résolution demandant la remise des chartes locales et la dissolution de la Grande Loge furent présentés. De nouveau, le débat fut houleux, mais lors du vote, la résolution fut rejetée par 79 voix contre 42.

Après l’ajournement de la Grande Loge, les Grands Officiers publièrent, le 21 octobre 1833, une adresse au peuple de l’État. Ils passèrent en revue l’histoire de la franc-maçonnerie au Vermont et soulignèrent que sur les 73 chartes émises depuis 1794, 68 étaient encore en vigueur. Ils accusèrent ceux qui cherchaient à obtenir la remise des chartes d’être animés non pas par « une intention honnête de pacifier l’opinion publique », mais par « des motifs bien moins honorables ». Ils nièrent que l’institution maçonnique ait interféré dans la politique ou la religion, et terminèrent en avertissant le peuple du dangereux précédent qui serait établi par le succès du mouvement visant à exterminer la franc-maçonnerie.

En 1834, seules sept loges étaient représentées. La principale tâche consistait à rédiger et à adopter six résolutions, dont la réaffirmation d’une résolution adoptée lors de la précédente réunion, autorisant les loges à abandonner leurs chartes, « une mesure destinée à soulager [ceux] qui souhaitaient se retirer de la franc-maçonnerie ». Lors de cette session, la date des réunions annuelles fut reportée d’octobre à janvier, et, par conséquent, aucune réunion ne fut tenue en 1835.

Le 13 janvier 1836, la Grande Loge se réunit à Burlington, en présence de neuf grands officiers seulement. Ceux-ci procédèrent à l’élection des officiers et adoptèrent ensuite la résolution suivante :

Il est résolu que le Grand Maître, le Grand Trésorier et le Grand Secrétaire, ainsi que les membres de la Grande Loge qui le jugeront utile, soient et sont par la présente autorisés à se rendre dans la salle de ladite Loge le 2e mercredi de janvier, AL 5837 et à ajourner ladite Loge au 2e mercredi de janvier, AL 5838, et par la suite tous les deux ans.

Cette instruction fut respectée et la forme de l’organisation de la Grande Loge fut préservée jusqu’au 14 janvier 1846, date à laquelle une convention fut tenue à Burlington sur l’invitation du Grand Maître Haswell, envoyée en privé aux francs-maçons de confiance de l’État. Quarante-trois délégués assistèrent à la réunion à la date fixée. Après que la convention eut examiné la question de la renaissance de la Grande Loge, la réunion fut dissoute et la Grande Loge fut déclarée ouverte, avec dix loges représentées. Avec ce début, le rétablissement de l’institution maçonnique au Vermont s’est poursuivi lentement mais sûrement.

Jusqu’en 1829, l’antimaçonnerie n’avait guère fait sentir ses effets dans le New Hampshire. En fait, chaque année de 1826 à 1828 inclus, de nouvelles loges furent créées, de sorte que le nombre total passa de 40 en 1825 à 52 en 1828. Trois d’entre elles furent déclarées éteintes en 1826. Cependant, en 1829, aucune nouvelle charte ne fut émise. On rapporta à la Grande Loge que certaines loges avaient été sérieusement touchées par l’agitation antimaçonnique. Cela se reflétait dans la diminution de la représentation à la session annuelle de Concord les 9 et 10 juin. Par la suite, la participation diminua jusqu’en 1835, seules 13 loges étaient représentées. Aucune mesure ne fut prise à l’égard des loges délinquantes jusqu’en 1837. Lors de la session annuelle de cette année-là, il fut décidé que les loges devaient faire rapport et être représentées à la prochaine communication annuelle, sous peine de perdre leur charte.

Lorsque la Grande Loge se réunit en 1838, elle n’était pas prête à appliquer son décret à l’égard des loges délinquantes. Elle révoqua néanmoins une charte et en renonça une autre. En 1839, une autre charte fut restituée. Lors de la session annuelle de 1839, 26 loges n’avaient pas présenté de rapport pendant des périodes allant de six à onze ans. Mais il fallut attendre la session annuelle de 1840 pour prendre les mesures annoncées en 1837, car 26 loges furent déclarées déchues de leur charte. Après avoir élagué les branches mortes, la Grande Loge du New Hampshire s’engagea si rapidement sur la voie du redressement qu’en 1856 elle était devenue plus forte que jamais.

Jusqu’en 1829, il n’y avait aucune preuve tangible que la Franc-Maçonnerie du Maine ait été touchée par l’anti-Maçonnerie. Entre 1825 et 1829, dix nouvelles loges furent créées, ce qui fit passer le total de 48 la première année mentionnée à 58 en 1829. Lors de la communication annuelle de Portland, le 15 janvier 1829, il fut signalé que trois nouvelles chartes avaient été émises au cours de l’année écoulée. Cependant, lors de cette communication, la représentation de la Grande Loge n’était que de 23, contre 38 en 1828. Une autre preuve que l’anti-Maçonnerie se faisait sentir est le fait que 18 loges étaient signalées comme ayant des « comptes non réglés », contre une seule en 1827. Lors de la communication de 1830, l’anti-Maçonnerie fut officiellement signalée pour la première fois lorsqu’un rapport fut soumis par un comité sur « le sujet des devoirs particuliers des francs-maçons à l’heure actuelle ». Le comité a déconseillé la publication d’un discours public dans le but de défendre la franc-maçonnerie et a exhorté les francs-maçons à « laisser tranquillement la tempête suivre son cours » en s’efforçant « de défendre la sincérité de leur profession par une vie et une conversation bien ordonnées ».

En 1831, les statuts de la Grande Loge furent modifiés de manière à prévoir la tenue des réunions annuelles à Augusta, dans l’espoir de mettre un terme au déclin de la représentation. Dans cet espoir, les francs-maçons du Maine furent condamnés à la déception, car la représentation déclina jusqu’en 1837, où seuls les représentants d’une loge et les grands officiers étaient présents à la réunion annuelle du 19 janvier. Lors de cette session, la charte d’une loge fut déclarée caduque. Mais le point le plus bas de l’activité maçonnique dans le Maine n’avait pas encore été atteint.

Lorsque le moment de la communication annuelle arriva, le 20 janvier 1842, aucune loge n’était représentée. Le Grand Maître n’était pas non plus présent, de sorte que les divers grands offices, à l’exception de celui de Grand Secrétaire, furent occupés par des Grands officiers pro-tem.

Ce n’est qu’en 1844 que la franc-maçonnerie du Maine commença définitivement à se moderniser. Lors de la réunion annuelle d’Augusta, le 18 janvier, 19 loges étaient représentées. Parmi elles, l’une avait rendu sa charte en 1836 et l’autre, dont la charte avait été annulée en 1837. Comme les représentants des deux loges furent autorisés à voter, cela équivalait à une restauration virtuelle, bien que la restauration formelle n’ait eu lieu que plus tard. Il fut décidé de tenir à nouveau les réunions annuelles à Portland. Des mesures furent également prises pour rétablir les loges qui le souhaitaient. Par la suite, des progrès satisfaisants vers un rétablissement complet furent réalisés, bien que très lentement au début. Lorsque la Grande Loge, le 4 juillet 1845, posa les fondations de l’« Atlantic and St. Lawrence Railroad », il était évident que l’esprit de persécution dans le Maine s’était dissipé.


REMARQUES

1  J. Hugo Tatsch, LE BÂTISSEUR , août 1926.

2   Erik McKinley Eriksson, LE BÂTISSEUR , décembre 1926.

 Article publié à l’origine – « Effets de l’anti-maçonnerie sur la fraternité maçonnique, 1826-1856 » par Erik McKinley Eriksson,  THE BUILDER , février 1927, vol. 8. No. 2.

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Alice Dubois
Alice Dubois
Alice Dubois pratique depuis plus de 20 ans l’art royal en mixité. Elle est très engagée dans des œuvres philanthropiques et éducatives, promouvant les valeurs de fraternité, de charité et de recherche de la vérité. Elle participe activement aux activités de sa loge et contribue au dialogue et à l’échange d’idées sur des sujets philosophiques, éthiques et spirituels. En tant que membre d’une fraternité qui transcende les frontières culturelles et nationales, elle œuvre pour le progrès de l’humanité tout en poursuivant son propre développement personnel et spirituel.

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