William Morgan, un nom presque oublié dans l’histoire américaine, a pourtant laissé une empreinte indélébile en inspirant l’une des premières vagues d’anti-maçonnisme aux États-Unis. Né dans les années 1770, cet homme énigmatique, ancien capitaine pendant la guerre anglo-américaine de 1812, vivait modestement à Batavia, dans l’État de New York, avec sa femme et ses enfants.
Mais c’est sa relation tumultueuse avec la franc-maçonnerie et sa disparition en 1826 qui allaient provoquer une onde de choc nationale.
Morgan s’initia à la franc-maçonnerie, mais il y rencontra rapidement des différends. En 1826, il prétendit écrire un livre intitulé Illustrations of Masonry, dans lequel il menaçait de révéler les secrets et rituels des loges maçonniques. À une époque où les serments de silence étaient strictement respectés, cette décision fut perçue comme une trahison grave par la communauté maçonnique. Lorsqu’un groupe de francs-maçons apprit la publication imminente de ce livre, ils cherchèrent à intimider Morgan pour l’empêcher de révéler ce qu’ils considéraient comme des secrets sacrés.
Le 11 septembre 1826, Morgan fut arrêté sous un prétexte mineur de dettes impayées et incarcéré à la prison de Canandaigua. Quelques jours plus tard, des hommes qu’on soupçonne être des francs-maçons le firent libérer, officiellement pour régler ses dettes. C’est à ce moment que la situation prit un tournant tragique. Morgan fut emmené de force hors de la ville et disparut sans laisser de trace. Son corps ne fut jamais retrouvé, mais les rumeurs circulèrent rapidement qu’il avait été assassiné par des membres de la franc-maçonnerie pour le faire taire. Bien que certains témoins affirmèrent l’avoir vu se faire conduire vers les chutes du Niagara, aucun fait concret ne put étayer cette hypothèse.
L’affaire William Morgan provoqua une vague d’indignation, et la presse s’empara de cette mystérieuse disparition.
De nombreuses personnes se mirent à craindre le pouvoir occulte de la franc-maçonnerie, convaincues qu’elle exerçait une influence inquiétante sur la société. L’affaire devint un symbole du danger supposé des sociétés secrètes, et des mouvements anti-maçonniques naquirent à travers tout le pays. Ce climat donna naissance au premier parti politique basé sur l’opposition à la franc-maçonnerie : le Parti Anti-maçonnique, fondé en 1828. Ce parti connut un succès bref mais significatif, influençant la scène politique des États-Unis en soutenant des candidats qui s’opposaient ouvertement à la franc-maçonnerie.
Le mystère entourant la disparition de Morgan persiste jusqu’à aujourd’hui, alimentant des théories et des spéculations. Bien que des membres de la franc-maçonnerie aient été arrêtés et jugés pour l’enlèvement de Morgan, aucun ne fut directement accusé de meurtre, et l’emplacement de son corps demeure inconnu. Ce cas reste un exemple marquant de la tension entre les sociétés secrètes et le besoin de transparence dans une démocratie.
Ainsi, William Morgan, par sa disparition, devint une figure de l’anti-maçonnisme et poussa l’Amérique à remettre en question le pouvoir de ces sociétés secrètes.
Demain nous aborderons le volet des effets sur la Franc-maçonnerie américaine suite à cette dramatique affaire.
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