ven 13 décembre 2024 - 13:12

Assumer la responsabilité de notre vie

Texte de Ajahn Jayasaro

La qualité de notre vie est conditionnée par la qualité de nos actions. Le bouddhisme nous enseigne à avoir une ferme croyance dans le potentiel de l’être humain. Il dit que nous sommes des créatures qui possèdent la capacité merveilleuse de pouvoir assumer la responsabilité de ce qu’elles pensent, font ou disent, et qui peuvent faire de leur vie l’expression de la sagesse et de la compassion, plutôt que de l’égoïsme, de la peur et de l’avidité.

Nous pouvons développer notre force et notre capacité à réfréner les actions, les paroles et les pensées qui pourraient être source de souffrance pour nous-mêmes et pour autrui. Nous pouvons apprendre à avoir des gestes, des paroles et des pensées qui génèrent bonheur et paix. Nous pouvons purifier notre esprit. Le bouddhisme se soucie de la nature de notre existence et des moyens par lesquels nous pouvons éradiquer l’insatisfaction et le vide qui l’affligent. De ce fait, l’enseignement du bouddhisme ne doit pas être perçu comme un dogme auquel il faudrait adhérer, mais comme un outil que nous pouvons utiliser pour développer le potentiel qui est en chacun de nous.

Le bouddhisme est une religion qui place la sagesse, plutôt que la foi, comme vertu première. Le Bouddha a dit que si nous nous observons de manière attentive et honnête, tels que nous sommes, nous trouverons, en nous, un puits de mal-être et de conflit. Il a dit que la racine sous-jacente de cette souffrance est l’ignorance, la vision fondamentalement erronée de ce que nous pensons être la vraie nature de notre existence. La voie qui mène au bonheur véritable consiste donc à remédier aux idées fausses que nous avons sur la manière dont les choses sont. Pour cette tâche, nous avons besoin d’une sagesse fondée sur la générosité et la morale, renforcée par une paisible clarté de l’esprit. Dans la perspective bouddhiste, notre existence acquiert du sens et de la dignité dans la mesure où elle est orientée vers la vérité et qu’elle en témoigne.

Le don

Au niveau le plus élémentaire, notre compréhension erronée de l’existence, caractérisée par notre attachement tenace aux notions de « moi » et de « mien », se manifeste extérieurement par notre égoïsme et notre possessivité. Le premier niveau de la pratique bouddhiste implique de lutter contre ces tendances erronées en contrant leurs manifestations. Nous devons donc développer la générosité du cœur. Le Bouddha nous a encouragés à donner, à bon escient et de manière désintéressée, sans attendre une quelconque récompense en retour.

Il a évoqué trois sortes de dons : le don de choses matérielles à ceux qui le méritent — par exemple, les offrandes faites aux moines et l’aumône aux pauvres ; le fait de pardonner à ceux qui nous ont causé du tort; enfin, et le plus grand, le don de la vérité, le partage de toutes les connaissances sur ce monde ou la compréhension spirituelle que nous avons pu acquérir.

La générosité, outre de permettre la diminution des préoccupations égoïstes, procure joie et légèreté de l’esprit ; elle favorise aussi les liens amicaux au sein de la société. Moins nous sommes attachés aux choses, plus nous pouvons nous ouvrir au monde qui nous entoure et y contribuer en bien.

La conduite morale

La conduite morale, le deuxième aspect de la formation bouddhiste, est aussi profondément en lien avec les choses que nous faisons et que nous disons. Les actions et les paroles issues d’états mentaux négatifs nuisent aussi bien à nous-mêmes qu’aux autres. Dans le bouddhisme, la morale est définie comme la volonté de s’abstenir de tels actes et de telles paroles. En ne renforçant pas le pouvoir des émotions négatives — que ce soit en les réprimant ou en les exprimant — simplement en les observant et en attendant patiemment qu’elles passent, nous pouvons affaiblir l’emprise de ces afflictions sur nous-mêmes et commencer à nous en libérer.

Cet entraînement à la discipline morale est un engagement à respecter certains préceptes comme principes directeurs de notre vie quotidienne. Pour les bouddhistes laïcs, ces préceptes sont au nombre de cinq, soit :
    – s’abstenir de prendre la vie,
    – s’abstenir de prendre ce qui n’est pas donné,
    – s’abstenir d’inconduite sexuelle,
   – s’abstenir de paroles futiles ou mensongères
    – s’abstenir de consommer des substances intoxicantes.
Ces préceptes ne sont pas des commandements ou des ordres à suivre aveuglément, mais des outils qui doivent être employés habilement afin de mettre notre vie en harmonie avec les vérités spirituelles.

Bien qu’énoncés de manière négative, les préceptes engendrent naturellement les vertus de la bonté, de l’honnêteté, du contentement, de la sincérité et de l’attention. Ceux qui suivent ces préceptes de tout cœur, constateront que les sentiments de culpabilité et de remords sont supplantés par le bien-être et le respect de soi. L’esprit tend vers la paix et la clarté. La morale est ainsi une base solide pour tous nos efforts spirituels, de même que la fondation indispensable à une société intelligente et solidaire.

La méditation

Le troisième aspect du bouddhisme est la méditation, le développement du calme mental et de la vision pénétrante. Dans son état normal, l’esprit a tendance à se disperser et à échapper à notre contrôle. Nous constatons qu’il est difficile de l’arrêter de penser, ne serait-ce qu’un moment. La formidable énergie de l’esprit n’est ainsi jamais retenue pour être utilisée à bon escient. La méditation offre la possibilité de recentrer l’esprit, afin de lui permettre de se dégager de ses préoccupations habituelles et de pénétrer la vraie nature de notre existence.

La méditation n’est pas seulement un moyen de se détendre, pas plus qu’une technique pour échapper au stress de nos responsabilités en glissant dans une extase bienfaisante. Il s’agit plutôt d’un moyen efficace d’aiguiser, de fortifier et enfin de purifier nos facultés mentales. Au départ, on concentre son esprit sur un objet, tout comme on dompte un animal sauvage en l’attachant à un poteau. Il existe de nombreux objets sur lesquels méditer. Un de ceux qui sont le plus employés est la sensation du souffle passant par les narines mais, quel que soit l’objet choisi, l’important est de maintenir une attention pointue et soutenue en se concentrant dessus.

Au début, bien sûr, on n’y parvient pas. La concentration est difficile à maintenir. Elle va à l’encontre de nos habitudes. Mais avec de la patience, de la persévérance et de la bonne humeur, ce n’est pas impossible. Quand l’esprit s’égare loin de son objet, on le ramène à l’attention, gentiment mais fermement, encore et encore et encore…

Finalement, on arrive à maintenir la concentration quasiment sans effort et l’esprit devient stable et lumineux. Alors, abandonnant l’objet initial, on maintient une ferme attention pointée vers tout ce qui survient dans la conscience – que ce soit une sensation physique, un sentiment, une pensée, une perception… – et l’on s’attache à voir la nature changeante de tous les phénomènes plutôt que leur contenu.

Si l’esprit a été suffisamment calmé par la concentration, on est capable de maintenir un regard empreint d’équanimité sur la réalité présente et une vision directe et non-conceptuelle de la vraie nature de notre existence commence à croître en nous. Tandis que nous en venons à comprendre la nature changeante, incertaine et sans importance de tout ce qui constitue notre existence, les idées fausses et les a priori que nous avons sur nous-mêmes s’effondrent et notre attachement avide aux choses est complètement remis en cause. C’est là que la paix véritable et la Libération, l’objectif le plus noble de l’être humain et la finalité du bouddhisme, sont enfin atteints.

Ajahn Jayasaro est né sur l’Ile de Wight en Angleterre en 1958. C’est à la Retraite de la Saison des Pluies de 1978 qu’il rejoint, en tant qu’anagarika, la communauté d’Ajahn Sumedho. En novembre de la même année il part pour Wat Pa Pong, dans le Nord-Est de la Thaïlande, où il se fait ordonner novice l’année suivante, et bhikkhu en 1980, avec le Vénérable Ajahn Chah comme précepteur. De 1997 à 2002, Ajahn Jayasaro fut l’abbé de Wat Pah Nanachat. Il vit actuellement seul dans un ermitage au pied des montagnes Khao Yai, dans la province de Nakhon Ratchasima.

Ce texte a été publié dans LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.

La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son nom, prénom, tél, Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr

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Ida Radogowski
Ida Radogowskihttps://forms.gle/jqqZUgXG4LN6vv9aA
Pratiquante bouddhiste depuis plus d’une trentaine d’années, continue de suivre régulièrement des enseignements auprès de maîtres du bouddhisme Theravada-moines de la forêt (bouddhisme de l’Asie du sud-est) et pratique la méditation régulièrement. Ida a pratiqué pendant longtemps le hatha-yoga, s’est imprégnée d’une certaine philosophie hindouiste moderne (Swami Prajnanpad et Krischnamurti). Je guide depuis plusieurs années des séances de yoga-nidra (yoga relaxation) auprès de différents groupes. Ses thèmes de réflexion sont : l’éthique – le travail sur soi, la cohérence et rassembler ce qui est épars. Elle travaille dans le milieu du spectacle vivant depuis de nombreuses années en qualité d’administratrice de compagnies de théâtre et d’ensembles musicaux (gestion-administration). Ida a crée avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçons(nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme. La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr

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