mar 07 mai 2024 - 00:05

Francs-maçons célèbres… : Pierre Dac

André Isaac, dit Pierre Dac, officiellement André Pierre-Dac à partir de 1950, né le 15 août 1893 à Châlons-sur-Marne et mort le 9 février 1975 dans le 17e arrondissement de Paris, est un humoriste et comédien français. Il a également été, pendant la Seconde Guerre mondiale, une figure de la Résistance contre l’occupation de la France par l’Allemagne nazie grâce à ses interventions sur Radio Londres.

Créateur dans les années 1930 du journal humoristique L’Os à moelle, Pierre Dac est notamment l’inventeur du Schmilblick, un objet « rigoureusement intégral, qui ne sert absolument à rien et peut donc servir à tout ». Il popularise également l’expression « loufoque », formée à la façon du louchébem. Il est également inventeur du biglotron et de la célébrissime recette de la confiture de nouilles.

Après la guerre, il constitue un fameux duo humoristique avec Francis Blanche, et conçoit et anime les populaires séries radiophoniques Malheur aux barbus, puis Signé Furax et enfin, Bons baisers de partout.

A lire pour en savoir plus : « Pierre Dac. Le Parti d’en rire », un Franc-Maçon exposé au mahJ

Il est reçu apprenti à la loge « Les Compagnons ardents » de la Grande Loge de France le 18 mars 1946 puis élevé au grade de compagnon le 3 mars 1947. Il quitte sa loge le 26 septembre 1955 et rédigera une parodie de rite maçonnique devenue célèbre dans la franc-maçonnerie française, Grande Loge des Voyous, Rituel du Premier Degré Symbolique.

Biographie

Pierre Dac est issu d’une modeste famille juive d’Alsace, originaire de Niederbronn-les-Bains et installée après la défaite de 1870 à Châlons-sur-Marne, où le père Salomon Isaac est boucher et la mère, Berthe Kahn, femme au foyer. Il naît dans cette ville au 70, rue de la Marne. Le jeune André a trois ans lorsque la famille s’installe à Paris, où elle ouvre une boucherie dans le quartier de la Villette (la profession de son père aura une grande influence sur lui, car tout au long de sa carrière d’humoriste Pierre Dac s’inspirera du louchébem, l’argot des bouchers). André, bon élève et doué pour les farces, affiche des dons artistiques et ses parents l’inscrivent à des cours de violon tandis que son frère aîné, Marcel, se destine à reprendre la boucherie familiale. Le goût d’André pour les farces lui vaut d’être renvoyé du lycée en mai 1908 après qu’il a accroché un hareng saur à la queue de l’habit de son professeur de maths, ce qui marque en même temps la fin de ses études.

Selon Jacques Pessis, Pierre Dac serait un héros de la Première Guerre mondiale mobilisé au lendemain de ses vingt ans, au régiment d’infanterie de Toul,. Il revient du front quatre ans plus tard avec deux blessures, la première lui ôtant la possibilité de devenir violoniste puisque, le 10 mai 1915, un éclat d’obus lui raccourcit le bras gauche de douze centimètres. Tout juste remis, apprenant la mort de son frère, il décide de repartir au combat et, en 1916, il se retrouve nettoyeur de tranchées. Près de Verdun, un nouvel obus lui brise la cuisse. Cette fois, il entame une convalescence qui va se poursuivre jusqu’au lendemain de l’Armistice. Il est alors décoré et cité quatre fois à l’ordre de la nation.

Toutefois, Jacques Pessis lui-même produit aussi des documents qui vont à l’encontre de cette version : une carte écrite par le frère de Pierre Dac le 23 juin 1914 et transmise à l’hôpital militaire de Toul, une autre du 18 juillet 1914 adressée par son frère à l’hôpital militaire de Cosne (Nièvre), certificats de visite et de contre-visite le 25 août 1914 et certificat de convalescence d’un mois le 26 août avec prolongation jusqu’au 16 octobre (hospice mixte de Cosne). Les documents médicaux mentionnent une blessure par balle de fusil Lebel, arme française. Toutes les pièces produites sont tout à fait conformes à ce qui est écrit sur la fiche matricule de Pierre Dac qui liste une longue suite d’hospitalisations et de périodes de convalescence pendant presque toute la guerre, le point de départ étant un accident pendant un exercice de tir le 23 juin 1914 qui a été relaté dans la presse de l’époque. La partie réservée à cet effet sur sa fiche matricule n’indique aucune blessure de guerre, aucune citation ni aucune décoration.

Selon Pierre Dac, son frère Marcel aurait été tué à l’âge de 28 ans, le 8 octobre 1915, pendant la bataille de Champagne, fauché par un obus allemand. Toutefois, selon les documents officiels, Marcel Isaac n’a pas été tué par un obus, mais est mort d’une embolie, « maladie aggravée au service », et déposé à l’hôpital de Bussy-le-Château, et n’est donc pas considéré comme « mort pour la France », bien qu’il soit mort alors qu’il était toujours enregistré en tant que militaire en activité. Cependant, après vérification, l’inscription « Mort pour la France » est bien gravée sur la tombe et celle-ci, attestée par une photographie, était encore lisible en 2010.

Après la Première Guerre mondiale, Pierre Dac vit de petits métiers à Paris, coursier, chauffeur de taxi, homme-sandwich. Dans les années 1920, il est chansonnier dans divers cabarets, notamment La Muse rouge et La Vache enragée dès 1922. Il rencontre en 1923 le chansonnier Roger Toziny qui le force à auditionner pour vaincre sa timidité et lui trouve son pseudonyme « Dac » en référence à ses dons de chansonnier d’actualités tout en rappelant la terminaison de son nom Isaac.

En 1925, il se produit à La grande fête inaugurale de la Chanson des Insurgés, à la salle de l’Utilité publique, boulevard Blanqui à Paris. Cette fête est organisée par le journal L’Insurgé de l’anarchiste André Colomer.

Le 8 janvier 1929, il épouse Marie-Thérèse Lopez, mariage qui se révèle être une erreur. Pierre Dac se produit dans les années 1930 au Théâtre du Coucou, au Théâtre de 10 Francs, au Casino de Paris, aux Noctambules et à La Lune rousse de Montmartre, où il rencontre en 1934 la comédienne Dinah Gervyl (1909-1987) (de son vrai nom Raymonde Faure), sa future seconde épouse. René Sarvil lui écrit de nombreux textes qu’il débite d’une voix volontairement monocorde. En 1935, il crée une émission humoristique de radio, La Course au Trésor, et en anime une autre, La Société des Loufoques, qui remportent un grand succès.

L’Os à moelle

Avec son ami Francis Blanche, il va former un duo comique très populaire

Le 13 mai 1938, il fonde L’Os à moelle, organe officiel des loufoques, une publication humoristique hebdomadaire au nom inspiré par François Rabelais et par son père boucher (le mot loufoque vient de l’argot des bouchers, le louchébem, et signifie fou). Elle a pour collaborateurs le chansonnier Robert Rocca, les dessinateurs Jean Effel, Roland Moisan, etc. Dès son premier numéro, le journal annonce la constitution d’un « Ministère loufoque », dont les portefeuilles sont distribués « au Poker Dice ». Ses petites annonces — dont la plupart sont rédigées par Francis Blanche, qui débute — vendent de la pâte à noircir les tunnels, des porte-monnaie étanches pour argent liquide, des trous pour planter des arbres, etc. En raison de l’avancée allemande, l’hebdomadaire — dès l’origine très anti-hitlérien — cesse de paraître après 109 numéros, le 7 juin 194030. L’équipe du journal est contrainte de quitter Paris alors sur le point d’être occupé. Il reparaîtra épisodiquement en 1945-1946, puis vers 1965, avec de nouveaux talents, comme René Goscinny (Les aventures du facteur Rhésus) et Jean Yanne (Les romanciers savent plus causer français en écrivant).

Après-guerre

À la Libération, il rentre à Paris où il se réinstalle avec Dinah Gervyl (épousée le 6 octobre 1944) au 49 avenue Junot (à deux pas de son domicile, sera baptisée la rue Pierre-Dac en 1995). Il devient membre du comité d’épuration des artistes. Fidèle à ses engagements patriotiques il se produit, le 22 mars 1946 au Palais de Chaillot à la fois comme artiste et évadé, à la « Nuit des Évadés de France », gala de bienfaisance organisé par l’Union des évadés de France sous la présidence effective du Général de Lattre.

Pierre Dac prend officiellement le nom d’André Pierre-Dac à partir de 1950.

Annonce pour La Nuit des Evadés de France. Pierre E. Lamaison

Il est reçu apprenti à la loge « Les Compagnons ardents » de la Grande Loge de France le 18 mars 1946 puis élevé au grade de compagnon le 3 mars 1947. Il quitte sa loge le 26 septembre 1955 et rédigera une parodie de rite maçonnique devenue célèbre dans la franc-maçonnerie française, Grande Loge des Voyous, Rituel du Premier Degré Symbolique. Il réalisera des entretiens radiophoniques d’anthologie en Autriche, notamment avec la cinéaste Leni Riefenstahl pour la RDF. En 1948, il revient au cabaret et surtout au Théâtre des Trois Baudets où Jacques Canetti le produit dans le spectacle Ça va – Ça va pas. Ce spectacle fait place à la revue 39,5° entièrement écrite par Pierre Dac, qui se joue à guichets fermés pendant 440 représentations. À l’équipe de Pierre Dac, s’ajoute un jeune humoriste inconnu, Robert Lamoureux, dont les spectaculaires débuts provoquent l’enthousiasme du public. Le soir où l’on fête la 400ème de 39,5° aux 3 Baudets, Francis Blanche alors comédien dans la troupe des Branquignols rencontre Pierre Dac. Ce coup de foudre amical et professionnel marque leurs débuts à la scène et à la radio. Le 21 avril 1950 débute le spectacle Sans Issue qu’ils joueront un an et demi devant des salles combles. Ils se produiront ensuite à l’ABC, à l’Olympia, à l’Alhambra, au Théâtre de Paris, au Théâtre Édouard VII, etc.

Il forme avec Francis Blanche un duo mythique auquel on doit de nombreux sketches dont le fameux Le Sâr Rabindranath Duval (1957) qui sera créé au Théâtre des Trois Baudets, et un feuilleton radiophonique en 213 épisodes, Malheur aux barbus, diffusé de 1951 à 1952 sur Paris Inter, et publié en librairie cette même année ; personnages et aventures sont repris de 1956 à 1960 sur Europe 1, sous le titre Signé Furax (soit 1 034 épisodes). Ces émissions sont suivies par de nombreux auditeurs. Plus tard, entre 1965 et 1974, en compagnie de Louis Rognoni, Pierre Dac crée la série Bons baisers de partout, une parodie en 740 épisodes des séries d’espionnage des années 1960, diffusée sur France Inter.

Surnommé par certains le « Roi des Loufoques », pour son aptitude à traquer et créer l’absurde à partir du réel, orateur pince-sans-rire et persifleur hiératique, il manie aussi bien les calembours que les aphorismes.

Publicité de l’École universelle parue dans L’Os à moelle du 2 juillet 1964.

Son texte Le Biglotron est souvent cité par les amateurs de dépédantisation. Il est l’inventeur du Schmilblick, qui « ne sert absolument à rien et peut donc servir à tout. Il est rigoureusement intégral ! » Le mot « Schmilblick » sera repris par Guy Lux pour un jeu télévisé (hérité de La Chose de Pierre Bellemare sur Radio-Luxembourg), puis par Coluche pour une parodie de ce jeu restée célèbre.

Dépressif, il tente à quatre reprises de se suicider aux barbituriques ou en s’ouvrant les veines entre 1958 et 1960 ; en janvier 1960, sa femme le retrouve inanimé dans sa baignoire : il s’était ouvert les veines aux poignets. Après son hospitalisation, sa femme explique que depuis son retour en France à la Libération, son mari souffre de ne pas retrouver toutes les amitiés sur lesquelles il comptait et qu’il n’a connu sur ce plan que des déceptions, à l’exception de son ami Francis Blanche.

Candidature présidentielle

Entre 1964 et 1966 il fait reparaître L’Os à moelle. Le 11 février 1965, Pierre Dac se déclare candidat à la présidentielle avec le MOU (Mouvement ondulatoire unifié) lors d’une conférence à l’Élysée-Matignon. Le Tout-Paris est là et applaudit le canular. Les flashs crépitent et Pierre Dac fait son entrée avec ses catcheurs et gardes du corps : il désigne Jacques Martin Premier ministre, et deux de ses futurs ministres, Jean Yanne et René Goscinny.

Après cette journée, il fait paraître régulièrement des discours grandiloquents du Mouvement ondulatoire unifié dans L’Os à moelle, avec le slogan « Les temps sont durs, votez MOU ! ».

Au début de l’été, sa popularité toujours montante inquiète les autres candidats et à l’Élysée, on trouve que « la plaisanterie a assez duré ». Un conseiller du général de Gaulle, en septembre, par téléphone, lui demande de se retirer. Par fidélité pour celui qui fut le chef de la France libre, l’ancien résistant accepte sans attendre. Pierre Dac justifie son retrait par la formule : « Je viens de constater que Jean-Louis Tixier-Vignancour briguait lui aussi, mais au nom de l’extrême droite, la magistrature suprême. Il y a donc désormais, dans cette bataille, plus loufoque que moi. Je n’ai aucune chance et je préfère renoncer. »

Fin de vie et mort

Rue Pierre-Dac, dans le 18e arrondissement de Paris. – Mbzt — Travail personnel

En 1972, un square et une statue sont inaugurés en son honneur, à Meulan. Devant les photographes, Pierre Dac et Francis Blanche posent à leur manière, c’est-à-dire en satisfaisant un besoin naturel sur le monument.

Malgré le succès, Pierre Dac est resté un homme modeste, presque effacé. Fumant depuis l’âge de 18 ans, il meurt en 1975 d’un cancer du poumon dans la plus grande discrétion. « La mort est un manque de savoir-vivre », avait-il repris d’Alphonse Allais.

Il est incinéré et ses cendres déposées au columbarium du cimetière du Père-Lachaise.

Jacques Pessis est le « neveu adoptif », biographe et légataire universel de Pierre Dac.

3 Commentaires

    • Cher Christophe,
      Afin de tenter de vous répondre, nous avons consulté deux sources :
      – le site de la Grande Loge de France qui, concernant Pierre Dac, écrit ceci :
      « Pierre Dac (1983-1975)
      Célèbre chansonnier, surnommé le ” Roi des Loufoques “, il est initié dans la loge ” Les Inséparables d’Osiris ” à la Grande Loge de France en 1926. Exilé à Londres pendant l’Occupation, il devient humoriste pour la radio de la France Libre sur la BBC, en 1943. Il est par ailleurs l’auteur du célèbre slogan : ” Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand “. Franc-maçon actif et assidu, Pierre Dac a laissé à ses frères le souvenir d’un excellent compagnon de loge. »
      – Le « Dictionnaire de la franc-maçonnerie »,
      sous la direction de Daniel Ligou, dans son édition nouvelle et augmentée parue chez Quadrige/PUF, en 2012. Cette version diffère quelque peu. En voici le texte : « Dac (Pierre), 1895-1975. Humoriste, est mentionné comme maçon de la Grande Loge par « Le Carré long » (bulletin de la Ligue universelle des Francs-Maçons, janvier 1982). Nous savons effectivement qu’il se fit initier, sous l’influence de son ami Campion, mais fut déçu.
      Comme vous pouvez le constater, nous ne répondons pas finalement à votre juste interrogation, mais à cette heure, nous n’avons pas tous les éléments de réponse.
      Avec l’espoir de vous avoir été utile.

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Guillaume Schumacher
Guillaume Schumacher
Guillaume SCHUMACHER a été initié au GODF à l’Orient d’Épinal. Il participe également, quand il le peut, aux Imaginales Maçonnique & Ésotériques d'Épinal organisées aussi par son atelier. Avant d'être spéculatif, il était opératif. Aujourd'hui, il sert la nation dans le monde civil. Passionné de sport et de lecture ésotérique, il se veut humaniste avec un esprit libre et un esprit laïc.

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