ven 03 mai 2024 - 15:05

Les femmes en Franc-maçonnerie

Nous avons publié des articles dans plusieurs LDDV précédentes sur les femmes dans le bouddhisme. Je vous propose de regarder de plus près ce qui s’est passé pour les femmes en FM. Le jeu fût épique et heureusement, comme à toute autre période de l’histoire, des femmes sont sorties du lot pour nous amener petit à petit à la création de la G.L.F.F.

Ce que je vais tenter de faire dans cet exposé c’est de vous amener à différentes époques de l’histoire française, car il me semble important de remettre les choses dans leur contexte, où les femmes n’étaient que des « chochottes » ou des « rustres » de la campagne, entre les deux, point d’existence ».

Je me suis appuyée sur l’autoportrait écrit pour les 50 ans de notre Obédience, par des Sœurs, aux Editions Trédaniel et également sur un petit livre des Editions Maçonniques de France, s’intitulant la G.L.F.F. dont l’auteure est Mireille Beaunier.

Les deux sont très complémentaires car ils n’ont pas la même chronologie ni le même état d’esprit.

Mais revenons à la préhistoire de la Maçonnerie :

C’est au XVIIIème siècle, plus précisément en 1717, que 4 Loges londoniennes de Francs Maçons Acceptés se fédèrent pour constituer la Ière Obédience dite Grande Loge de Londres. A sa tête un pasteur presbytérien James Anderson que l’on charge de mettre en ordre les anciennes constitutions de Métiers dans une meilleure et nouvelle méthode. Autrement dit de « lifter » les règles corporatives de morale et de solidarité des Old Charges (Anciens devoirs) des maçons opératifs, bâtisseurs du moyen âge. Mission que l’on confie donc à James Anderson mais qui est supervisée par l’éminent pasteur anglican Jean-Théophile Désaguliers. A l’époque, les hommes ne se fatiguaient pas trop pour trouver un nom de Loge, ces 4 Loges portent le nom des tavernes où elles se réunissaient….

Dans cette refonte l’article I des Constitutions concernant Dieu et la religion jette les bases d’un esprit de fraternité, de tolérance, d’égalité et de liberté de pensée inédits.

L’autre article à souligner est l’article III qui stipule que les membres d’une loge doivent être des hommes de bien et loyaux, nés libres et d’âge mûr et discret, ni esclaves, ni femme, ni hommes immoraux et scandaleux mais de bonne réputation.

Voilà donc les femmes, d’emblée, coincées entre la servitude et le vice….

Libres, les femmes ne pouvaient l’être puisque juridiquement parlant elles jouissaient d’un statut d’éternelle mineure qui les maintenait sous tutelle familiale du père ou du mari grâce à un système patriarcal ancestral.

Cela me paraît important de souligner ce qui se passait pour les femmes à cette époque, imaginez, bien que cela semble impossible, que la F.M soit créée aujourd’hui, on peut se demander si nous serions encore coincées entre la servitude et le vice ?

La F.M française née sous le règne de Louis XV et de Louis XVI, en 1725. Elle va prendre sa propre patine car nous sommes à l’époque des salons littéraires animés par des femmes brillantes et influentes appelées le « Beau sexe ». Culturellement parlant, le sens de la galanterie française le dispute naturellement au puritanisme anglais, c’est pourquoi la France est le sol d’exception ou les femmes sont acceptées en Loge, seules les modalités d’admission (initiation réelle, possible…. ou non) restent sujet à d’innombrables discussions et maints litiges. Ainsi naîtra une maçonnerie par procuration dite d’ADOPTION. Les activités pour les femmes consistent essentiellement en mondanités : réceptions, banquets, bals et fêtes de bienfaisance.

Quelques indications sur le caractère spécifique de ces Loges d’Adoption :

D’abord lieux de rencontre, « entre gens qui sans cela ne se seraient jamais connus » et lieux de convivialité (on se réunissait dans des hôtels particuliers et des demeures ou dans des tavernes), les Loges évoluent lentement avant que certaines deviennent des sociétés de pensée : loge académique comme la Loge des 9 soeurs ou le Contrat social).

D’innombrables discussions ont lieu quant à l’entrée des femmes en Maçonnerie, pour la défense de la Maçonnerie d’Adoption, on rappellera que les femmes furent druidesses, prêtresses d’Eleusis à Delphes, vestales à Rome, diaconesses et chanoinesses.

La Maçonnerie d’Adoption ne saurait impliquer une entité globale, encore moins indépendante. En fait il s’agit après la clôture des travaux d’ouvrir en « adoption ».

Cette maçonnerie, vu d’aujourd’hui, paraît surtout « mondaine, galante, littéraire et musicale, on se plait à répéter les mots du baron Tschoudy qui l’appelait « agréable bagatelle ».

Les rituels d’adoption, tout comme ceux des hommes, connurent de nombreuses variantes, entre 1755 et 1780 on compte une vingtaine de rituels consacrés à la Maçonnerie des dames. Les thèmes de base de ces rituels sont :

– pour le Ier degré : l’Arche de Noé qui figure les passions qui agitent le coeur humain

– pour le second degré : l’Echelle de Jacob qui représentent les progrès à accomplir pour atteindre la perfection et la félicité

– pour le 3ème degré la tour de Babel symbole de l’orgueil des humains.

Le tablier des Franches Maçonnes (ainsi nommées à l’époque) est orné de roses et d’un coeur mais jamais de l’Equerre et du Compas.

Ces loges d’Adoption du XVIIIe s’éteignent sous la révolution de 1789.

La Révolution de 1789, que les détracteurs de la FM attribuent à l’influence de celle-ci, au contraire a causé la fermeture de la plupart des Loges dès 1791 en raison du recrutement aristocratique et bourgeois dans un environnement politique extrêmement hostile. Les Loges d’Adoption souchées sur les Loges Masculines disparurent du même coup.

En 1808, le Conseil de l’Ordre interdit les Loges d’Adoption comme contraires à la Constitution, de sorte que pendant la suite du XIXème on ne peut parler de Loges d’Adoption mais de réunions d’adoption.

En 1819, la marquise de Villette organisa une tenue d’Adoption à la mémoire de Voltaire à la Loge Belle et Bonne qu’elle avait fondée (nommée d’après le surnom que lui donnait Voltaire dont elle avait été la fille adoptive).

Il semble qu’après 1864 il n’y eut pas de nouvelle création de Loge d’Adoption.

Mais voyons de plus près ce qu’il se passe au sein de la Maçonnerie :

Au XIXème siècle deux conceptions maçonniques coexistent, qui vont finir, pour des raisons autant idéologiques que politiques, par s’opposer et mettre à mal l’essence unitaire de l’Ordre :

– une maçonnerie anglo-saxonne orthodoxe et théiste dite « régulière » de type ritualiste, traditionaliste et philanthropique. Incarnée par la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA),

– et une maçonnerie a-dogmatique et laïque dite « libérale », de type philosophique, humaniste et progressif. Représentée par le Grand Orient de France (GODF) et une majorité d’obédiences françaises.

Lorsqu’en 1877, le GODF supprime de sa Constitution l’obligation, pour être initié, de la croyance en l’existence d’un Dieu révélé et en l’immortalité de l’âme (laissant à ses adeptes leur liberté de conscience) la Grande Loge Unie d’Angleterre, non seulement rompt ses relations avec lui, mais s’arroge le droit « d’histoire » de le déclarer irrégulier. Et de détenir ainsi en toute hégémonie, le monopole de la régularité ! Incroyable mais vrai dans l’histoire de la Maçonnerie. Fondé en 1773, le GODF, son ancienneté fait foi et loi.

Un schisme historique entre Francs-Maçons et Francs-Maçons ! Au nom soit de la lettre soit de l’esprit, l’une se déclare gardienne de la Règle (norme) l’autre se réfère au principe du libre examen de pensée….

Voilà déjà d’où nous venons : d’un schisme historique ! Les raisons de ce schisme me semblent fondamentales et expliquent aussi, en partie, le rejet de certaines obédiences concernant le « féminin » en maçonnerie et le rejet que nous pouvons entendre ici ou là remonte aux origines.

En 1880, 12 Loges contestataires quittent le Suprême Conseil de France du R.E.A.A en se confédérant pour créer la Grande Loge Symbolique Ecossaise de structure plus démocratique. Le Suprême Conseil désignait à la fois l’Obédience tout entière et le Conseil des Hauts-Grades des 33ème, organisme directeur de l’Obédience.

Les frères de la Grande Loge Symbolique Ecossaise instaurent le suffrage universel et l’autonomie des Loges dans leur Constitution. Ils veulent également être libre d’invoquer le Grand Architecte de l’Univers. Suivant en cela le GODF mais qui travaillait au Rite Français.

Un grand courant anticlérical marque la FM française de l’époque qui se fait le rempart de la laïcité et se veut le foyer d’un véritable pouvoir politique. Dieu et la Femme sont les deux serpents de mer qui ont toujours agité la FM.

L’association du trône et de l’autel, ainsi que l’avènement de l’ère industrielle contribuèrent à replonger la femme, bourgeoise ou ouvrière, dans une situation d’obscurantisme et de dépendance tant économique que sociale. Mais à partir de la Loi Falloux de 1850, les communes de plus de 800 habitants sont tenues d’avoir des écoles pour les filles, et la loi Ferry de 1880 ouvre l’enseignement secondaire aux jeunes filles. C’est en cette époque de forte domination de la femme, où triomphe le code Napoléon, que va naître une prise de conscience féministe entraînant une réaction qui, partie de manifestations publiques, gagnera bientôt les Loges maçonniques.

La vague de liberté de pensée qui déferle alors dans les Obédiences ouvre aussi le débat pour l’initiation des femmes. Grâce, notamment, à l’arrivée massive des enseignants laïcs qui répond à la politique de recrutement de l’époque. Mais le GODF fera la sourde oreille, plus préoccupé de la séparation de l’Église et de l’État que du sort des femmes, dont on craignait l’influence cléricale qui serait sur elles : « vote de femmes, vote de curé ! » disait-on à l’époque.

La Grande Loge Symbolique Ecossaise toute à sa modernité, et malgré l’influence tenace de ses deux premiers présidents (Gourmain-Cornille et Georges Martin) n’envisage pas non plus d’entériner une telle proposition qui risquerait d’entacher ses relations et ses projets d’union avec d’autres Obédiences dont la toute nouvelle Grande Loge de France avec laquelle elle fusionnera en 1894.

Nous n’avons pas fait le poids, si je puis dire, dans ces tractations politico-maçonniques… La position de la femme dans la société n’était pas encore (le sera-t-elle-vraiment plus tard ?) une priorité !

Mais tout de même, quelques Frères ont une prise de conscience et le 9 janvier 1882, la Loge Les Libres penseurs du Pecq, Ier atelier de la GLSE, prend son autonomie, au nom du sacro-saint principe « un maçon libre dans une Loge libre » pour arriver à ses fins : initier une femme ! et pas n’importe laquelle, une femme d’envergure pour ne pas dire d’exception : MARIA DERAISMES (1828-1894). Presque un symbole à elle toute seule, elle a derrière elle une carrière de féministe convaincue, de journaliste et d’oratrice de choc. Elle est donc la Ière femme à être initiée à un rite masculin. Lumière lui est donnée à 54 ans. C’est une réformiste qui ne jurait que par « rien par la Révolution, tout par l’évolution ».

Le Frère Léon Richer, rédacteur du journal l’Opinion nationale, créera avec elle l’association « le droit des femmes » à laquelle adhérera Louise Michel ainsi qu’un journal dont le titre devint « L’avenir des femmes ».

Petite parenthèse qui nous projette déjà dans une prochaine planche : Louise Michel a été initiée, au DH, le 13 septembre 1904, à l’âge de 74 ans, un peu plus d’une année avant sa mort.

Scandale ! Je reviens bien entendu, à l’initiation de Maria Deraismes. Cet évènement annoncé à grand renfort de publicité, déclenche une gigantesque polémique. Scandale, mauvaise conscience et trésorerie à sec, plusieurs frères de cette loge hérétique, feront amende honorable pour que la Loge réintègre l’obédience, en laissant ainsi Maria Deraismes sur le Parvis, mais elle ne rendra pas son Tablier, car elle fonde avec Georges Martin, en 1893, le Droit Humain.

Nous arrivons au tournant du XXème siècle et l’année 1901 sera une date charnière importante.

La création de loges d’Adoption continue, il y a encore une cinquantaine d’années à survoler avant d’arriver à la création de l’ancêtre de la GLFF, l’Union Maçonnique Féminine de France, créé en janvier 1946. Il faudra attendre 1952 pour que la GLFF voit le jour….

L’année 1901 donc, le mouvement féministe va-t-il tenter d’envahir les Loges ? On en discute beaucoup et on affirme encore : « …. il ne peut y avoir égalité de droits lorsqu’il n’y a pas égalité de charges… L’égalité des droits de la femme serait chose mauvaise, détruirait la famille. Cet être (c’est de nous, dont on parle !) tout de sentiments et de nerfs (!) n’est pas assez maître de sa raison pour étudier avec calme les graves problèmes sociaux…. sa présence serait susceptible d’entraver notre Tr… et de nous distraire du noble but que nous poursuivons…. »

En 1901, la loge « Le libre examen » créée une Loge d’Adoption, solution renouvelée du XVIIIème siècle. Cette première tentative aura du mal à se maintenir pour d’obscures raisons, elle est fermée en 1903 et ne sera réveillée qu’en 1912. Puis d’autres Loges d’Adoption sont créées comme « la nouvelle Jérusalem » en 1907 qui appartenait à la seconde Grande Loge Symbolique écossaise et qui était mixte, mais demandant à rentrer dans le giron de la Grande Loge de France, elle y est accueillie, cependant, ne pouvant y entrer avec les Sœurs qui la composaient, elle demande la création d’une Loge d’Adoption. Ses sœurs abandonnées ont été initiées au Rite Ecossais.

C’est donc de 1907 que date le Rituel d’Adoption Rénové. La Constitution des Loges d’Adoption est adoptée à la Tenue de Grande Loge du 5 novembre 1906. Elle précise que toute Loge d’Adoption doit être souchée sur l’Atelier dont elle porte le titre précédé des mots Loge d’Adoption. Dans toute tenue, toutes les Officières de la Loge d’Adoption sont obligatoirement assistées des Officiers de l’Atelier sur lequel elles sont souchées. Pour visiter une Loge d’Adoption, les Frères doivent avoir au moins le grade de Compagnon. Elles ont des mots, signes et attouchements spéciaux. Jusqu’en 1935, les Loges d’adoption se créent en ordre clairsemé : 1901 – 1907 – 1023 – 1925 – 1931. Il ne s’agit plus de fêtes, concerts ou bals, les sœurs vont travailler avec le même sérieux que les Frères. Toutefois, au début les sujets portaient principalement sur la femme et l’enfant… puis par la suite sur des questions d’intérêt général souvent social.

En son Convent de 1935, La Grande Loge de France, sans avoir consulté les Loges d’Adoption, sans avoir pris accord avec elles, « décide de conférer à ses L. d’A. l’autonomie la plus complète, en les aidant à créer une Maçonnerie Féminine… ».

La GLdF chercherait-elle à se rapprocher de la Grande Loge Unie d’Angleterre ? Qui elle refuse les femmes… Les Loges d’Adoption opposent un refus formel n’étant pas préparées à cette autonomie et non décidées par elles-mêmes. Mais comprenant que le mouvement amorcé aboutira un jour ou l’autre, elles prennent les devants et commencent à s’organiser. Dès le 8 juillet 1936 eut lieu le Congrès Annuel des LL. : d’Adoption. Ce jour-là fut constitué un Grand Secrétariat, premier embryon de la Maçonnerie Féminine future. 1937 – 1938 – 1939 permettent aux S. : de continuer à s’organiser.

1940 : les années noires vont commencer, répétition de ce qui s ’était passé en Allemagne en 1935, dès le 13 août 1940, une loi du gouvernement Pétain ordonne la fermeture des Loges Maçonniques. La chasse aux Francs Maçons et aux juifs ne faisait que commencer…. La tourmente éparpillera les Sœurs en France, à l’étranger… des sœurs juives périront dans les camps de concentration, d’autres moururent ou bien choquées, vieillies, malades demeurèrent dans les villages où elles s’étaient réfugiées, ou dans ce qui leur restait de famille. C’est le temps de la tourmente et de la clandestinité. 31.757 maçons et maçonnes ont été fichés, on en dénombre 989 déportés dans les camps de concentration où 549 périront.

On peut considérer que 10 à 15 % des 45000 frères et sœurs des années 1939-1940 participèrent à la Résistance Maçonnique. PATRIAM RECUPERARE sera le seul réseau de résistance Maçonnique.

Les archives maçonniques furent pillées par les services chargés de lutter contre les Sociétés secrètes, afin de préparer des listes de victimes ainsi qu’une exposition antimaçonnique. Petite parenthèse, de même qu’il y a eu également une exposition à Paris anti-Juifs afin d’expliquer à la population ce qu’était un JUIF comment le reconnaître, comment s’en méfier…… et surtout pourquoi.

Les archives de la GLFF les plus récentes ont été sauvées par des Sœurs.

Enfin, après la nuit la plus noire, l’aube allait renaître !

A la libération en 1944, les S∴ rescapées constituent un Comité de Reconstruction, pour rechercher et regrouper les S∴ Pour diverses raisons beaucoup manquent à l’appel, il reste environ le tiers de l’effectif d’avant guerre et quatre LL. : parviennent à se constituer :

  • Le Libre examen
  • La nouvelle Jérusalem
  • Minerve
  • Thébah

La Grande Loge de France en son Convent de 1945 vote l’indépendance des Loges d’Adoption. N’oublions pas que le droit de voter est accordé aux femmes en 1944 et qu’elles votent pour la Ière fois en 1945.

Elles créent, dans la foulée, l’Union Maçonnique Féminine de France, ancêtre de la GLFF. Le 30 janvier 1946 est créé le Conseil Supérieur, embryon du Conseil Fédéral sur lequel va reposer l’avenir de la maçonnerie féminine. A partir de 1947 un bulletin-calendrier est édité. Jusqu’en 1954 toutes les initiations sont collectives.

Les travaux reprennent avec force et vigueur, mais les S∴ ont perdu l’habitude de fréquenter les Loges, les transports sont difficiles, le recrutement est rare (quatre profanes seulement la première année) et le local de la rue Froidevaux inconfortable. Puis elles déménagent en 1947 dans le XVIIIème arrondissement, et en 1950 elles s’installeront rue de la Condamine dans le XVIIème dans lequel elles resteront jusqu’à ce qu’elles aient un toit à elles…. en 1977. S.T.F. pendant longtemps, c’est à dire sans temple fixe, elles vont donc restées plus de 25 ans dans le local du XVIIème.

Le rituel continue d’être celui des Loges d’Adoption, mais les Officières ont cessé d’être assistées par des Officiers puisqu’il n’y a plus de Loges de Tutelle. Néanmoins, l’Union Maçonnique Féminine de France, par son rite demeure très isolée.

C’est en 1952 que l’Union Maçonnique Féminine de France se donne le titre que nous connaissons actuellement : Grande Loge Féminine de France, au grand déplaisir des autres obédiences car le nom ne correspond pas à ce que nous sommes réellement, car le Rite d’Adoption est toujours là !

Nous adoptons notre vocabulaire actuel : l’A.G. s’appelle Convent, les déléguées sont devenues les Députées et le Conseil Supérieur est le Conseil Fédéral composé de Sœurs Grandes Conseillères, mais continuant à porter les mêmes jolis cordons brodés de roses…

En 1954 grâce aux recherches de notre S∴ Gisèle Faivre, nous adoptons notre robe et notre médaille.

Dans cette période instable, fragile, un épisode presque effacé de la mémoire collective de la GLFF aurait pu changer radicalement le destin de l’obédience.

Comme nous ne sommes pas une vraie grande Loge, des frères nous cherchent généreusement une variante possible et nous brancherait sur les États-Unis il s’agit de l’ordre de l’Eastern. Des frères de la Grande Loge de France apprennent l’existence d’une Maçonnerie d’adoption ou plutôt androgyne : l’ordre de l’Etoile d’Orient. Notre S∴ Gisèle Faivre obtient l’autorisation d’assister à une Tenue de cet Ordre. Cette Tenue a lieu à St Germain en Laye et ces américaines sont des femmes de couleur (maçonnerie parallèle à la maçonnerie réservée aux blancs) Nos deux S∴ sont éberluées par le Tapis de Loge qui recouvre tout le centre : l’Etoile de l’Ordre a 5 branches pointe en bas ! Quant au rituel il consiste en de longues tirades débitées en position statique. Enfin le symbolisme ne repose que sur des personnages féminins de l’Ancien Testament (Esther, Ruth…) en costumes avec accessoires. De maçonnerie, de bâtisseurs, d’outils il n’est nullement question.

Peu à peu le projet de l’ordre de l’Etoile d’Orient se délite, plus jamais en France, aucune Obédience ne reparlera de cet Ordre. Pourtant il existe en Allemagne et en Italie.

Mais revenons à la GLFF nouvellement créée et qui se cherche. Le Convent de 1957 vote le principe de révision des rituels des 3 degrés et nomme une commission des rituels composée de douze S∴

L’abandon du Rituel d’adoption au profit du REAA se fit en 1959, plus ou moins en douceur… La manœuvre semblait plus que nécessaire pour que l’Obédience se fasse reconnaître dans l’Univers Maçonnique.

A noter la singularité de la Loge Cosmos (toujours existante dans notre Obédience) :

Dans ce grand chantier de changement de rite, dix S∴ démissionnent de la GLFF et constituent le 9 octobre 1959, la Loge Cosmos à Clichy. Les plus anciennes étaient nées dans ce rituel totalement adopté qui représentait, en fait d’archaïsme, le symbole même de leur autonomie et de leur spécificité dans le combat qu’elles avaient mené pour la reconnaissance d’une maçonnerie féminine concomitante, sans confusion de genre. Travailler à un rituel masculin était un non sens pour elles.

Durant 18 ans Cosmos va mener la vie d’une Loge Indépendante avant de demander à rentrer au bercail en conservant son Rituel. Le 5 janvier 1977, elle est intégrée sous le n°76, où elle sera la seule à pratiquer le Rituel d’Adoption. Faisant office de mémoire vive.

Ce choix de changement de Rite a joué un rôle dans la reconnaissance de la GLFF au sein de l’Ordre maçonnique ainsi que dans son essor.

1967 : les portes s’ouvrent et le trésor, via les capitations, se renfloue. Les S∴ parisiennes prennent leur bâton de pèlerine et donnent la lumière en province : cinq LL. : sont créées en 1967, trois en 1968, cinq en 1969.

1972 : La GLFF se décide à passer en association Loi 1901 et créée les Hauts Grades.

D’autres rites entrent à la GLFF, c’est d’abord le Rite Français dont nous demandons la patente en 1973 au G.O.D.F. C’est la L. : Unité n° 44 qui est la première à pratiquer ce rite. Deux autres variantes suivirent mais il n’y aura qu’une patente avec 3 pratiques différentes : Le Rite Français Moderne, le Rite Français 1801 et le Rite Français Rétabli.

La GLFF installa en 1974 à Lyon, la Ière Loge au RER (d’essence christique et chevaleresque) sous le titre distinctif l’Arbre de Vie – devenue une L∴ indépendante depuis. Mais la patente en fut remise par le GODF à la GLFF en 1980 qui vit alors éclore la L. : Clé de Vie.

En 1977 la GLFF grâce à ses propres deniers et un prêt, s’installe dans un ancien Couvent de Bénédictines, les actuels locaux de la cité du Couvent à Paris.

Le choix des rites et la fibre féminine et féministe conjointes de femmes voulant se retrouver entre elles, a fait monter l’effectif de l’Obédience en flèche depuis 1973. En 1968 elle possède 16 LL∴ et double ce nombre en 1970 et se sont 200 Loges qui la composent en 1992. 24 ans plus tard. Nous passons de 3500 S∴ à 14.000 aujourd’hui !

La GLFF est présente dans 87 départements et dans les DOM TOM (Guadeloupe, Martinique, Nouvelle Calédonie et Tahiti). Mais également en Europe : Allemagne Luxembourg, Espagne, Hongrie, Pologne et Tchéquie. Également en Afrique (Bénin, Cameroun, Congo, Cote d’Ivoire, Gabon, Togo) à l’Ile de la Réunion et l’Ile Maurice, en Amérique du Nord et du Sud (Canada, Venezuela).

La GLFF a les doigts verts, et le nombre de roses qui ont poussé chez elle est florissant : la Rose écossaise, la Rose Saron, la Rose d’or, Rosa Maris, Rosa Stella…. Mais l’important ici c’est la Rose des Vents qui depuis 1978, est la loge d’accueil de dimension universelle qui initie les femmes de tous les pays et les suit jusqu’à ce qu’elles puissent cultiver un triangle (5 SS∴ dont 1 M∴) et faire éclore une L. : dans chaque nation au moins.

Essaimage : La GLFF a choisi un développement à échelle humaine et pratique le bouturage : des obédiences comme la Grande Loge Féminine de Belgique en 1981, de Suisse en 1985, du Portugal en 1997, de l’Espagne ….

Elle a participé également à la création de la Grande Loge Féminine de Turquie et a aidé des Loges à s’ouvrir en Italie.

Opérative, elle tient à développer en priorité la FM féminine en Europe et notamment en Europe de l’Est comme Budapest, Varsovie et Prague.

 Plus largement, création du CLIMAF en 1983 (Centre de Liaison Internationale de la Maçonnerie Féminine), qui regroupent ces obédiences internationales auxquelles ont adhéré les Obédiences d’Italie et d’Allemagne. Basé sur la liberté de conscience, le CLIMAF a été fondé afin de mener en commun une réflexion concernant la femme, son évolution et son devenir.

Alors que l’histoire des autres obédiences est traversée de scissions en tout genre pour délester les trop fortes divergences, le point fort et le point sensible de la GLFF est justement de revendiquer deux traditions : initiatique et humaniste. Ce qui ne va pas toujours sans tension interne, sans crises, sans fortes interrogations.

En guise de conclusion : La GLFF essaie de trouver le moyen terme, le centre de l’union dans une approche philosophique qui concilie le social et le symbolique. Elle se range au plus grand consensus qui préfère plutôt que le rayonnement s’opère à l’extérieur à titre individuel. L’idéal serait de lire Homère et les journaux quotidiens à la fois.

La GLFF aborde d’abord l’égalité des femmes en termes de liberté et d’identité de l’être. Donc, non loin de tout repli identitaire, les femmes, qui plus est les maçonnes appartiennent au genre humain.

L’égalité des sexes est nécessaire, la différence des sexes est précieuse et ne doit être ni oblitérée ni exacerbée.

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Ida Radogowski
Ida Radogowskihttps://forms.gle/jqqZUgXG4LN6vv9aA
Pratiquante bouddhiste depuis plus d’une trentaine d’années, continue de suivre régulièrement des enseignements auprès de maîtres du bouddhisme Theravada-moines de la forêt (bouddhisme de l’Asie du sud-est) et pratique la méditation régulièrement. Ida a pratiqué pendant longtemps le hatha-yoga, s’est imprégnée d’une certaine philosophie hindouiste moderne (Swami Prajnanpad et Krischnamurti). Je guide depuis plusieurs années des séances de yoga-nidra (yoga relaxation) auprès de différents groupes. Ses thèmes de réflexion sont : l’éthique – le travail sur soi, la cohérence et rassembler ce qui est épars. Elle travaille dans le milieu du spectacle vivant depuis de nombreuses années en qualité d’administratrice de compagnies de théâtre et d’ensembles musicaux (gestion-administration). Ida a crée avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçons(nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme. La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr

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