mer 06 novembre 2024 - 03:11

Dans la ménagerie d’animaux symboliques

“Peut-être la divine providence ne nous a-t-elle donné à voir la nature des animaux que pour nous être utile” Ashmole

Le terme de « bestiaire » apparaît vers le début du XIIe siècle pour désigner des ouvrages en prose ou en vers décrivant des animaux réels ou imaginaires et dont les caractéristiques étaient le plus souvent interprétées symboliquement dans le but d’un enseignement religieux et moral. C’est ainsi qu’on les trouve souvent dans des apologues. L’apologue est un discours narratif, à visée argumentative, didactique et allégorique, qui renferme des enseignements dont on tire une morale pratique. Le transfert d’une idée dans un récit fictif à valeur symbolique permet de la rendre attrayante.

On peut retenir pour illustrer ce genre d’histoires : Ésope, L’Aigle et la renarde, VIe siècle av. J.‑C.  ; bien sûr La Fontaine, la plupart de ses Fables, 1662 ; Charles Perrault, ses contes dont Le Petit Chaperon rouge, 1697 …

Chaque espèce animale présente aux yeux de l’homme un aspect morphologique, ontologique ou éthologique qui a imprégné son mental au cours des âges. L’observation de certaines espèces met en évidence des qualités que l’on souhaite acquérir pour soi ou des défauts à rejeter sur l’adversaire. Lorsque les qualités et les pouvoirs de l’animal ne sont pas assez précis pour satisfaire les besoins de l’imaginaire, l’homme invente même des animaux mythiques cumulant en un seul être plusieurs aspects ou caractères.

Dans la Torah, seulement deux animaux parlent ; l’ânesse («Alors le Seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse, qui dit à Balaam…», Nombres 22 ; 28 à 30) et le serpent («Le serpent dit à la femme» Genèse 3 ; 1 à 4). C’est parce qu’ils représentent chacun les deux extrêmes de l’âme animale de l’homme (la Néfesh) : un esprit sans cœur pour le serpent et un cœur sans esprit pour l’âne !

Le Physiologos est un bestiaire chrétien du IIe ou IVe siècle apr. J.-C.1 qui a eu une influence considérable au Moyen Âge. Les artistes du Moyen Âge ont réussi à exprimer, à travers leurs symboles, les enseignements les plus subtils de la théologie et les élans de la mystique à travers des emblèmes puisés dans un immense bestiaire appartenant au fonds commun des plus anciennes cultures.

Les bestiaires n’énumèrent pas tous les animaux de la création. Ils s’en tiennent tous, à peu de chose près, à la même liste d’une quarantaine d’espèces, où les animaux exotiques et fabuleux sont en majorité. Tous tirent de l’aspect et des mœurs de ces bêtes un enseignement spirituel, qui est lui aussi à peu près toujours le même. Chaque animal représente le Christ ou le diable, l’homme vertueux ou l’homme pécheur, tel comportement salutaire ou tel vice. Animaux exotiques ou fantastiques, parfois familiers y sont interprétés en fonction de la leçon dogmatique, morale ou ésotérique qu’on veut en tirer. Ils sont à la fois emblème et symbole.

Dans le bestiaire christique, les exemples du bien sont généralement le lion, la panthère, la licorne (jusqu’au XVe siècle), le cerf, l’aigle, le pélican, le phénix (trois oiseaux repris par la Franc-maçonnerie du XVIIIe) ; ils symbolisent tous le Christ. La fourmi, la sirène (jusqu’au XIIIe siècle), l’autruche, la colombe, la salamandre symbolisent le bon chrétien, tandis que le crocodile, le chat, le dragon jusqu’au XVe siècle), le loup, l’ours, le renard (goupil), l’âne sauvage (l’onagre), le singe représentent le mal et figurent le diable.

Dans le bestiaire alchimique, au XIIIe siècle, à l’insu du clergé qui les considèrent comme hérétiques, les alchimistes ont dissimulé et transmis leurs secrets dans la pierre ou dans des textes codés dans lesquels les animaux racontent le Grand Œuvre.

– « Le bestiaire maçonnique s’inspire avant tout du bestiaire biblique et de l’Évangile en particulier, dont on sait la place qu’ils ont donnée aux symboles des oiseaux et des animaux. Toutefois, le bestiaire maçonnique va plus loin que le seul bestiaire biblique, car il puise aussi dans l’hermétisme et l’alchimie où les animaux sont rois, et accomplit une synthèse de ces différentes traditions spirituelles » (Cahiers Villard de Honnecourt n° 120, le bestiaire des francs-maçons ).

Pour une approche hermétique du bestiaire consulter de la page 383 à la page 406 du livre de Don Antoine-Joseph Pernéty, Les fables égyptiennes et grecques dévoilées et réduite au même principe t.1.

Et maintenant, place aux animaux.

L’Abeille

Le miel naît du suc de fleurs mélangé au suc d’autres fleurs par un tisserand de douceur, l’abeille qu’on appelle en hébreu débora, celle qui tisse le dabar, la parole qui irrigue la pensée.

Le miel est un symbole de connaissance, du savoir et de  la sagesse. Il est l’aliment réservé à l’initié.

Le miel est utilisé pour illustrer les enseignements moraux. Un homme est exhorté à manger du miel et du rayon de miel (Proverbes ; 24,13), mais mis en garde contre l’excès (Proverbes ; 25, 16 et 27). C’était une comparaison pour la douceur morale (Ezé ; 3,3), et pour l’excellence de la loi (Ps ; 19,10), des paroles agréables (Proverbes ; 16,24), et des lèvres (Cantique des cantiques ; 4,11), et comme une figure d’amour (Cantique des cantiques  ; 5,1).

Selon Champollion, l’abeille était le symbole de la royauté et celui de l’inspiration sacrée ; le miel représentait l’initiation et les discours sages.

La tradition grecque veut que Pythagore s’en soit nourri sa vie durant. 

Peu après la naissance de Platon, ses parents prirent le bébé et le déposèrent sur les pentes du mont Hymette, l’abandonnant momentanément pendant qu’ils sacrifiaient pour lui aux dieux de l’endroit. S’approchant de l’enfant qui reposait, des abeilles emplirent sa bouche de rayons de miel afin que se confirme, appliqué à Platon, le fameux vers du poète Homère : « De sa langue coulait une voix plus douce que le miel » (Iliade chant I, vers 249, décrivant la sagesse du vieux Nestor). Compléter le thème de l’enfance au miel à partir de la p. 65 dans l’ouvrage de Philippe Borgeaud, Exercices de mythologie, éd. Labor Et Fides, 2004.

Le miel était le sucre de l’Antiquité gréco-romaine.

On lui attribue des pouvoirs conservateurs ; ce rôle trouve son expression la plus forte dans une technique d’embaumement consistant à envelopper le cadavre de miel et de cire.

L’hydromel des Celtes et des dieux grecs, à base de miel, est le breuvage d’immortalité.

Dès le XVIIe siècle, le symbole de la ruche est employé dans un sens relatif à l’architecture et au labeur. Le symbole de la ruche qui ornait la couleur de la Fédération Compagnonnique de tous les Devoirs Réunis – qui représentait tout à la fois le travail des Compagnons et leur lieu de réunion, autour de la Mère – était connu des compagnons par le biais des associations de secours mutuels depuis les années 1830-1840.

“Ruche” est le nom donné à la loge qui se scinde pour permettre la création d’une nouvelle loge dans la même obédience, on parle d’essaimage.

Reliée à l’ordre et à l’autorité dans l’organisation et la structure des choses, la ruche renvoie à des notions de hiérarchie légitime, de commandement, de distribution des rôles, de règlements relatifs à une collectivité, d’esprit de collaboration. Chaque membre d’une communauté doit exercer son activité spécifique et jouer son rôle particulier conformément à sa compréhension et à ses  moyens réels, à sa mission et à son rythme évolutif.  En effet, le bien de l’ensemble dépend du respect des individus entre eux et du but commun, fondé sur la fraternité et la solidarité. «On pourrait voir dans la loge un lieu de pollinisation mutuelle, chaque parole qui s’y échange contribue à une mellification commune que favorise le silence, et chacun en tirera le profit qui lui est singulier.» (Dictionnaire buissonnier de la Franc-maçonnerie, Annick Drogou, Jean-Marc Petillot, Numérilivre)

L’Abeille est aussi un symbole solaire. Elle représente la sagesse, l’immortalité et la richesse. Elle est le lien social, le dévouement, le courage jusqu’à la mort, le labeur personnifié.

Les francs-maçons sont des abeilles dans la ruche qu’ils ont choisie.

L’Agneau

L’agneau est l’animal sacrificiel par excellence. Il symbolise l’innocence, la douceur, la pureté. Le sacrifice d’un agneau pour apaiser la colère divine ou fêter le renouveau de la nature est, sans doute, l’un des rares rites antiques qui se soit perpétué jusqu’à aujourd’hui : il est présent dans la Pâque juive, comme dans les Pâques chrétiennes et le Ramadan musulman.

En alchimie il représente la pierre philosophale, la matière tellement purifiée qu’elle laisse passer la lumière. C’est aussi un des noms de la matière que les vrais Chymistes emploient pour faire la pierre Philosophale. Quand cette matière a passé par les différentes préparations requises pour la purifier de ses parties hétérogènes, on lui donne quelquefois le nom d’agneau sans tache, agnus immaculatus.

Le Bélier

Aries, le nom latin du signe du Bélier, désignait une machine de guerre à tête de bélier, dont les Romains usaient pour enfoncer les portes des forteresses. Le latin médiéval belinus a donné l’ancien français belin, qui signifiait mouton.

Les égyptiens mirent cet animal au nombre de leurs principaux hiéroglyphes, la nature du Bélier qu’on regardait comme chaude et humide, répondant parfaitement à celle du mercure Philosophique.

Dans le Mutus liber, planche 4, le Bélier est l’Hermès Criophore, qui est le même que Jupiter Ammon représenté avec une tête et des cornes de bélier.

Comme le taureau, dont les cornes dessinent le croissant, le bélier s’identifie à la vache, l’amante de Jupiter, la Lune des philosophes. Taureau et bélier, ces deux animaux personnifient les deux natures de la Pierre.

Deux composants de son apparence livrent la signification du bélier ; ses cornes spirales, symbole d’intelligence à la fois logique et transcendantale, et sa toison signifiant l’enveloppement du corporel dans le subtil. Sa toison d’or fut la quête des Argonautes.

Image de feu et d’or, le bélier, signe du printemps, indique que l’on doit commencer le Grand Œuvre à cette époque vernale.

Le bélier est souvent associé avec le taureau de la même manière que l’agneau l’est avec le bœuf.

Le Cerf

Il est un des animaux que l’on rencontre le plus souvent dans les manuscrits médiévaux, en particulier parmi les animaux de la Création et ceux de l’Arche de Noé. Sa symbolique prend sa source dans les anciennes traditions celtes et germaniques païennes où il apparaît comme un animal solaire, médiateur entre le ciel et la terre.

Le cerf blanc ailé couronné fut, à côté des fleurs de lys, un emblème de la royauté française jusqu’au milieu du XVIe siècle.

En alchimie, le cerf blanc est la matière première purifiée, la coupe formée par sa ramure est l’image du creuset où la matière se purifie.

Le Cheval

Du latin cabalus, appelé aussi destrier parce que mené par les écuyers de la main droite.

Après avoir vu le Graal, Perce-val va devenir Père-cheval.

La maîtrise du cheval permet d’aller plus loin comme la maîtrise de la cabale. Nous référant à des ouvrages sur le symbolisme, nous voyons que le cheval représente l’activité intellectuelle. Le cheval blanc symbolise le mental illuminé de l’homme spirituel ; ainsi, dans l’Apocalypse, le Christ montait un cheval blanc. Le cheval noir représente le mental inférieur, avec ses idées fausses et ses concepts humains erronés. Les juments, comme celles que nous rencontrons dans le premier travail, indiquent l’aspect féminin du mental qui donne naissance aux idées, aux théories et aux concepts. Est ici symbolisée la tendance du mental à créer des formes-pensées qui incarnent les idées conçues, lesquelles sont lâchées dans le monde, destructrices lorsqu’elles émanent du mental inférieur, mais constructrices et salvatrices lorsqu’elles viennent de l’âme.

Selon Fulcanelli dans Les demeures philosophales, le latin caballus et le grec ancien caballès, qui signifient tous deux «cheval de somme», auraient un rapport étroit avec la Cabale hermétique, signifiant par là qu’elle soutient la somme des connaissances antiques et de la chevalerie ou cabalerie médiévale, ainsi que des vérités ésotériques transmises à travers les âges. La langue secrète des cabaliers, cavaliers ou chevaliers serait la langue du cheval connue des seuls initiés et intellectuels de l’Antiquité. Pégase y symboliserait la cavale, le véhicule spirituel qu’ils enfourchaient pour accéder à la plénitude du savoir. Lui seul permettrait aux élus d’accéder aux régions inconnues du savoir, de tout voir et de tout comprendre à travers l’espace et le temps, l’éther et la lumière. Connaître la Cabale signifierait donc parler la langue de Pégase, la langue du cheval. De plus, l’étymologie de Pégase le relie à la source hermétique des alchimistes. Il symboliserait la connaissance rédemptrice, descendue sur terre sous la forme de Pégase.

Le Chien

C’est un très vieux symbole. Le chien est le guide, le peseur des âmes, ou leur gardien comme Cerbère. Le chien est le guide de l’homme, de sa vie mais, également, le guide des âmes au-delà de la mort. Il servait d’intercesseur entre ce monde et l’autre.

Surnom des Compagnons Charpentiers et Couvreurs Bons Drilles du Rite du Père Soubise, sobriquet de tous les Compagnons Passants Du Devoir.

«Chiens noirs»  désigne les Compagnons Forgerons, «chiens blancs» les Compagnons Boulangers, «chiens loups» les Compagnons Charpentiers de la Fédération Compagnonnique du Bâtiment, après la Fusion en 1945 des chiens soubises et des Indiens Charpentiers.

Le Chien est notamment représenté sculpté en relief sur d’anciennes gravures allégoriques, montrant la Franc-Maçonnerie comme 1’héritière de toutes les grandes traditions religieuses. Voir l’article de La Grande Loge Suisse Alpina.

Dans les états catholiques du St-Empire germanique, la Franc-maçonnerie a été interdite suite à la bulle du pape Clément XII de 1736. Ces derniers ont poursuivi néanmoins leurs activités secrètes sous le nom de l’Ordre des Mopses (Ordre du Carlin). Les membres n’ont pas de serment, ne reçoivent que des catholiques et admettent les femmes qui peuvent même prendre tous les grades, excepté celui de Grand-Maître. Le carlin (petit chien) est alors devenu l’emblème de ces francs-maçons et son image a dès lors été apposée sur nombreux de leurs objets.  On trouve cette association des carlins avec la Franc-maçonnerie tout particulièrement sur des figurines en porcelaine de Johann Joaquim Kändler.

Dans la légende du 15ème degré du REAA, apparaît un chien qui guide les élus, sur l’ordre de Salomon, vers une grotte où se cache un des meurtriers d’Hiram.

Le Crabe

Il est le symbole de l’eau originelle, mais également de ce qui protège et réchauffe. 

Les ébauches et les préfigurations de la vie renaissante, germes, œufs, fœtus et bourgeons, la pulsion vitale non encore prise en compte par la raison, tout ce qui est petit est sous sa carapace  protectrice. La couleur rouge qui s’y associe n’est pas le rouge diurne, mâle centrifuge, mais le rouge femelle, la carapace, nocturne centripète, là où s’opère la digestion, le mûrissement, la régénération de l’être ou de l’Œuvre. Associé au zodiaque du cancer le crabe lunaire, est également la représentation du solstice d’été.

Le Dragon

Le mot grec Drakon vient de Derkomaï, «fixer du regard».

Dans la mythologie grecque, la bête était représentée avec les griffes du lion, les ailes de l’aigle et la queue du serpent.

Le dragon médiéval est un monstre malfaisant et hideux toujours associé au mal.

Dans le bestiaire imaginal de la pensée analogique, le spectre du dragon hanta les rives de nos cours d’eau durant au moins douze siècles, jusqu’à l’aube de la révolution industrielle. Imaginé par les sociétés pour se doter d’une interprétation commune et cohérente de la nature, le dragon incarne les eaux vives, les crues, les inondations dans le violent coup de queue et le tribut qu’il prélève sur les hommes et le bétail ; être mangé par le dragon, c’est être noyé par les eaux. Le long du Rhône, le monstre a pour nom : Mâchecroute à Lyon, Tarasque à

Tarascon,  Drac en Arles, Coulobre à Cavaillon. On l’appelle Graouilly à Metz et de tant d’autres noms à faire peur sur les rives de toutes les rivières du pays. En 1548, François Rabelais le décrit dans un chapitre du Quart Livre : «Son effigie est monstrueuse, ridicule et terrible aux petits enfants ; ayant les yeux plus grands que le ventre et la tête plus grosse  que tout le reste du corps, avec d’amples, larges et effrayantes mâchoires bien édentellées, tant au-dessus comme au-dessous ; lesquelles, au moyen d’une petite corde cachée dans le bâton doré faisait l’une contre l’autre terriblement cliqueter.»

En alchimie le vitriol, acide mélangé avec une base, est représenté par le combat de deux dragons. Avec ses ailes et ses griffes, le dragon incarne la fixation de ce qui est volatil. L’élixir qui transpire du compost et que l’on prélève à la fin de Solve est appelé Sang du Dragon. Selon le contexte il représente des étapes différentes de l’Œuvre : tantôt le feu, l’énergie, tantôt ce qui a été fixé, un état de la matière en train de se transformer. Le héros qui l’affronte est le Mercure pour qui il est l’épreuve. La peau écaillée du dragon est la matière, à l’intérieur la lumière y est piégée, c’est pour cela que le dragon est aussi appelé Lucifer, le porteur de lumière ; Lucifer étant par ailleurs le nom du Christ mystique et rédempteur dans une bonne part des traditions gnostiques inspirées de L’Apocalypse 22,16 où Jésus est nommé en grec éosphoros. «Je suis le vieux dragon, présent par toute la terre. Je suis père et mère, jeune et vieux, fort et faible, mort et vif, visible et invisible, dur et mou, descendant en terre et montant au ciel, très grand et très petit, très léger et très pesant. L’ordre de la nature est souvent changé en moi, en couleur, nombre, poids et mesure. Je contiens la lumière naturelle. Je suis clair et obscur. Je sors du ciel et de la terre. Je suis connu et je ne suis rien, je veux dire de stable. Toutes les couleurs reluisent en moi par les rayons du soleil, rubis solaire, terre très noble et clarifiée, par laquelle tu pourras transmuter en or le cuivre, le fer, l’étain et le plomb. (Basile Valentin)». Ce dragon n’est pas à tuer, ce qui est d’ailleurs impossible, mais à maîtriser et à maintenir à sa juste place comme le fait saint Michel maintenant de son épée le dragon des énergies telluriques afin que soit assurée la liaison Terre-Ciel.

Dans le chapitre 12 de l’Apocalypse on y découvre «un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre» qui n’est pas Lucifer, mais Satan.

La peau du dragon est l’ego qu’il faut faire tomber pour n’être plus que lumière.

Les saurochtones (tueurs de lézard) sont des personnes, souvent des saints locaux dans les premiers siècles du christianisme, ayant chassé, tué, soumis ou dompté des dragons, vouivres, et cocatrix.

On voit des héros vainqueurs du dragon, comme Siegfried dans la légende nordique, comprendre aussitôt le langage des oiseaux ; et ceci permet d’interpréter aisément le symbolisme dont il s’agit. En effet, la victoire sur le dragon a pour conséquence immédiate la conquête de l’immortalité, figurée par quelque objet dont ce dragon défendait l’approche ; et cette conquête de l’immortalité implique essentiellement la réintégration au centre de l’état humain, c’est-à-dire au point où s’établit la communication avec les états supérieurs de l’être.

Le symbolisme du dragon par Ludovic Richer

Les Lapins

Les lapins sont liés à la vieille divinité Terre-Mère, au symbolisme des eaux fécondantes et régénératrices de la végétation, du renouvellement perpétuel de la vie.

Dans le compagnonnage, le lapin est l’apprenti, le novice, tandis que le maître est le singe.

Quatre lapins souvent disposés en svastika sur les médaillons du porche des cathédrales expriment le carré parfait des tailleurs de pierre, c’est-à-dire le cube, la troisième dimension, celle de la perfection morale et de la stabilité.

Le lièvre est volontiers confondu avec le lapin.

La Licorne

Décrite cinq siècles avant notre ère comme portant au front une corne blanche dorsadée, la licorne représente dans l’iconographie chrétienne la Vierge fécondée par l’Esprit Saint. Elle est le symbole de la fécondité spirituelle et aussi le symbole de la virginité physique. Elle était devenue au Moyen Âge la représentation de l’incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie lui permettant de concevoir sans faute. Philippe de Thaon, au début du XIVe siècle, précisa que la vierge devait découvrir son sein, puis «la licorne sent son odeur et vient à la pucelle, baise son sein et s’y endort, ce qui entraîne sa mort.»

On croira en son existence réelle jusqu’au XIIIe siècle.

En alchimie, la licorne blanche (liée au symbolisme du blanc) personnifie le mercure philosophal, l’un des éléments de base sans lequel aucune transmutation n’est possible. La licorne est l’œuvre au blanc, la matière est purifiée et rectifiée, ce qu’indique sa corne ; quand les cristaux des métaux sont tous alignés ils deviennent blancs. La spirale de sa corne annonce l’œuvre au rouge. «Si la licorne, comme son nom l’indique, est la lumière naissante du mercure, elle est encore l’opération par laquelle les alchimistes, en fréquentes réitérations, recueillent et rassemblent cet ”esprit igné”, élevé au sein de la nature mercurielle… Tout l’art [l’alchimie] est basé sur l’amour divin, par lequel le ciel s’unit à la terre, dans le chaste inceste du soufre et du mercure.» (Eugène Canseliet).

Le Lion

Le lion est habituellement identifiable à sa queue et à sa crinière, il arrive, en tant que roi, qu’il soit couronné. Il évoque la majesté, la monarchie, la force, la suprématie, et Horapollon (auteur de Hieroglyphica, Ve siècle) dit que, pour les Égyptiens, il représentait l’âme ou l’incandescence.

Le culte du lion est attesté depuis les époques les plus anciennes et les divinités léonines du panthéon égyptien sont constamment mises en rapport avec les pays du sud. Voir le texte de Jadwiga Sciegienny Apedemak, dieu lion méroïtique.

Le lion est est un des emblèmes du Christ, comme l’agneau. «Et l’un des vieillards me dit : Ne pleure point; voici, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux» (Apo. 5, 5).

Le lion est un symbole emblématique que l’on retrouve sur plusieurs tableaux illustrant les Devises pour les tapisseries du Roy, où sont représentez les quatre Élémens et les quatre Saisons de l’année (1670) où il représente la crainte qu’inspire Louis XIV à ses ennemis avec l’explication : «Et c’est en quoi on peut bien dire que sa Majesté ressemble à un Lion qui ne craint point qu’on trouble son repos, parce qu’on ne peut le faire impunément» (Planche Pour la valeur dans la pièce de l’élément de la terre).

On trouve dans le Cahier Vert n° 7 du Régime Rectifié, Revue publiée par le Grand prieuré des Gaules, à propos de l’interprétation de la devise Meliora praesumo du grade de Maître écossais : « le lion représente véritablement la maîtrise [du point de vue initiatique] achevée, évoquée par son attitude puisqu’il joue avec des instruments maçonniques…Il indique l’achèvement de ce qui est convenu d’appeler les petits mystères, l’achèvement de l’initiation royale

D’autres analyses de ce tableau du grade de Maître écossais sont à consulter à partir de la page 30 du n°3 de la susdite revue . Remarquons que, dans l’iconographie de la devise de ce grade, le lion a remplacé le lièvre. C’est ce que nous présente Roger Dachez avec les sources iconographiques du Grade IV.

En alchimie, le lion de couleur verte ouvre la matière (mélange des acides sulfuriques du fer et du cuivre, du jaune et du bleu). La matière métallique attaquée par le lion vert se décompose ; son résidu est appelé tête de mort, la caput mortem du cabinet de réflexion. Le lion vert est le « fruit vert et acerbe, comparé au fruit rouge et mûr. C’est la jeunesse métallique, sur laquelle l’Evolution n’a pas ouvré, mais qui contient le germe latent d’une énergie réelle, appelée plus tard à se développer » (Fulcanelli, Le mystère des cathédrales). C’est l’arsenic et le plomb à l’égard de l’argent et de l’or. De couleur rouge, le lion lie le sel sous forme d’un combat qu’il doit gagner sur le dragon blanc. 

En langue des oiseaux, le lion serait le verbe lier à la 1ère personne du pluriel (lions) 

En hébreu, le mot lion, Ariéh (אַריֵה) a pour valeur 216, comme la séphira Gebourah (גבורה), la force !

Le Loup

Les anciennes mythologies, du Nord scandinave à la Méditerranée, ont fréquemment relié le loup au soleil et aux divinités héroïques qui l’incarnaient comme Apollon ou Bélénos.

Lié au soleil bénéfique, le loup sera symbole de force vitale, de fécondité, d’intelligence, de connaissance, de royauté, d’immortalité en relation avec l’image universelle de la roue cyclique du temps (svastika) dont le soleil figure le centre.

Lié au soleil néfaste qui brûle et tarit, le loup sera destructeur, dévorant et apocalyptique. Ce soleil noir, aussi brillant que maléfique, fait spontanément songer au Malin dont on a si souvent fait du loup le fidèle serviteur.

Le loup, dans les textes hermétiques, est toujours pris pour le symbole du Mercure des Sages, l’agent mystérieux capable d’ouvrir les métaux, de les rendre philosophiques, propres à servir dans la suite du processus… Se faire avaler par le loup, puis séjourner dans son ventre sombre rappelle la gestation, la retraite du futur initié dans un lieu isolé du quotidien (caverne, chambre fermée, sac, enfer, désert…) pour y subir une mort provisoire, étape indispensable à sa renaissance ultérieure.

La mythologie scandinave décrit le loup Fenrir comme un dévorateur d’astres ; il engloutit chaque soir le soleil pour le rendre au matin, et cette inlassable chasse recommence à l’infini, condition sine qua non de l’alternance jour/nuit, vie/mort. Être délivré du ventre du loup signifie de ce fait renaître à la lumière, franchir un cap, évoluer, savoir. Le séjour initiatique aboutit toujours à la transformation de la personnalité qui l’a subi.

Le loup est l’initié, celui qui a reçu la lumière ; de même qu’à l’approche du loup, les troupeaux fuient et disparaissent, de même les ténèbres fuient devant le soleil. Les Compagnons étrangers du Devoir de Liberté sont des Loups ; les hurlements étaient poussés lors des obsèques de compagnons de certains Rites. À Paris, au Moyen Âge, à proximité de la paroisse Saint-Leu (Saint-Loup), il y avait la rue du Grand-Hurleur ou plus anciennement Grand-Hue-Loup.

En alchimie le loup illustre le procédé de la coupellation. Après chauffe, il ne reste des éléments placés dans le creuset, au centre, dans la gueule du loup, que l’or pur. Tous les métaux ont été mangés sauf l’or resté en travers de la gueule.

La Salamandre

Salamandra, formé de sal, anagramme de als, sel, et de mandra, étable ; c’est le sel d’étable, le sel d’urine des nitrières artificielles, le salpêtre des vieux spagyristes, sal petri, sel de pierre, qu’ils désignaient encore sous l’épithète de Dragon.

Dans l’Antiquité Pline décrit la salamandre comme un animal si froid que rien qu’à toucher le feu il l’éteint comme le ferait de la glace.

À la Renaissance, la salamandre prend pour nom Vulcanales, Vénus de Vulcain, le dieu forgeron de Rome qui vivait dans les flammes de sa forge.

Le Roi François 1er prend la salamandre pour emblème avec la devise “Nutrico et Extinguo” (j’entretiens et j’éteins).

Pour l’alchimiste, Paracelse, la salamandre est l’élémental du feu, son esprit. Invoquée dans le «labo-oratoire» de l’adepte, la salamandre active la température du feu. Les Alchimistes l’associent au Mercure, le vif-argent, c’est à dire l’esprit créateur. La salamandre est symbole d’immortalité : son corps peut s’autorégénérer.

Le Sanglier

Pour les Celtes, le sanglier est le symbole de la combativité et de l’invincibilité, il est aussi celui de la classe sacerdotale (pouvoir spirituel). Il représente le prolongement du dieu Lug sur la terre. Le sanglier figure l’autorité spirituelle qui est en lutte contre l’ours qui est l’autorité temporelle et guerrière.

Il possède la connaissance, c’est pour cette raison que les rois et héros des textes légendaires celtiques cherchent à le capturer.

Sous son nom, l’alchimiste entend le «sang lié» et le considère comme le liquide qui va lier le soufre et le mercure. Cette teinture va joindre les éléments, leur retirant leurs impuretés, les rendant semblables à ce qu’ils ont de semblable.

Le Serpent

Dans l’Égypte antique, le serpent est uræus, une créature crainte autant que vénérée, contre laquelle les dieux eux-mêmes ne sont pas immunisés : ainsi, Rê, mordu par un serpent, ne doit son salut qu’à l’intervention d’Isis. Chthonien par essence, c’est-à-dire lié aux profondeurs de la terre, le serpent est un animal que l’on assimile très tôt à la nuit, aux morts et au monde souterrain.

Les monuments de l’antique Égypte nous montrent souvent une image très particulière d’Isis : c’est un génie ailé foulant aux pieds un serpent énorme qui se tord sous l’étreinte brutale de la déesse. C’est le serpent Apoph, emblème de la matière passive, inorganique, inerte, comme Isis est ici l’emblème de l’Esprit actif organisé et organisant.

La vénération dont le serpent était l’objet dans les temples de l’Égypte et de la Grèce, le rôle qu’il jouait dans les mystères de l’un et de l’autre de ces pays, n’étaient, à leurs yeux, qu’autant de faits qui attestaient la puissance salutaire du génie Ophis dont le serpent était l’emblême. (Goulianof, Archéologie égyptienne ou recherche sur l’expression des signes hiéroglyphiques et sur les éléments de la langue sacrée, à partir de la p.282).

Eric Daniel El-Baze, le kabbaliste explique : le Moi inquisiteur est symboliquement représenté dans le récit biblique par le Nakhash, le serpent de la Genèse. C’est lui que personnifie la parole de «Pé Ra» ou «paro», le pharaon, la mauvaise bouche ; elle sera touchée par Déver la peste (davar et déver, ayant la même racine hébraïque, daleth, beth, reish דבר) ; il sera frappé par les 3 plaies de l’égypte émanées des 3 séphiroth de la colonne du Milieu (Da’ath, Tiférèt et Yessod). Ces 3 plaies qui sont successivement, Kinim, les poux (ou vermine, כִנִּם kaf, noun, mèm, Exode 8, 12), shékhine, les ulcères (ou éruption pustuleuse שְּׁחִין shin, heith, yod, noun, Exode 9,10) et Hoshékh, l’obscurité (ou les ténèbres opaques, חֹשֶׁךְ heith, shin, kaf, Exode 10,21), montrent par leurs lettres médianes le mot Nakhash, le serpent (נחש noun, heith, shin, 358), lui-même anagramme de shékhine (שְּׁחִין shin, heith, noun), les ulcères. Quant aux lettres initiales des 3 plaies du Milieu, et qui sont kaf, shin, heith, elles dévoilent par le Tsérouf (la permutation des lettres) le mot Hoshékh, l’obscurité. Le serpent représente le principe de l’incarnation dans le monde sensible, l’agent de l’individualisation des êtres, leur fixation dans la nature naturée. En hébreu, le numérogramme du serpent nakhash, est équivalent à « la chair + l’arbre » (Basar + ets). Le nakhash, est décrit dans le récit biblique comme : «être parlant qui se tient debout mais qui sera condamné après la malédiction divine à ramper». C’est en rampant, que l’être animal aura accès aux secrets de la terre… mais pas à ceux du ciel. La parole du serpent exprime une pensée «Néfèsh», qui est la pensée propre, dépourvue du niveau «’Haya» qui connecte à la Pensée divine ; cette pensée terre à terre, c’est-à-dire qui vient de la terre pour retourner à la terre. À remarquer que le mot messiah (le messie) a la même valeur guématrique que nakhash (serpent) : 358. « Cette équivalence numérique, explique pourquoi Ève eut cette confusion de considérer le Nakhash comme étant D.ieu ! Dans le récit biblique, «‘Haya» (la mère) a investi son aîné (Caïn) , en clamant à sa naissance ; «je l’ai acquis (Caniti , d’où dérive le nom Caïn) avec D.ieu !» . Si pour elle son enfant est merveilleux, le D.ieu ( pro-géniteur) dont il s’agit, est en fait le «Serpent primordial – le Nakhash Qadmoni » qui par sa « ruse perverse » ensemença «‘ Haya», puis l’incita à la faute . C’est alors, que «‘ Haya » devint «‘ Hava » (le nom hébreu Ève que nous connaissons) , mais qui dans la langue du Zohar (l’araméen) dérive de « ‘Hivia » qui veut dire le Serpent !» (Eric El-Baze).

Mais le serpent est aussi un symbole de savoir, de sagesse et même de guérison. Les caducées des dieux grecs Hermès et Esculape, le dieu des médecins, sont ornés de deux serpents.Le caducée est l’insigne et l’emblème officiel de l’ordre des médecins de France (pour comprendre les origines du caducée, lire le chapitre qui lui est consacré dans La migration des symboles par Goblet d’Alvillia.

L’oracle du temple d’Apollon, à Delphes, était appelé la Pythie, d’après le serpent Python qui vivait là. Ce serpent était un symbole du pouvoir d’accès à la connaissance et à la sagesse.

Le serpent de l’abraxas, incarnation des forces telluriques et chthoniennes, symbolise l’énergie tellurique nécessaire au processus de renaissance, de vie nouvelle sublimée par la Connaissance que procure le Bien, les têtes de serpents regardant vers le ciel, l’univers de l’Esprit parfait. Il fut le symbole des gnostiques de l’École d’Alexandrie au IIe siècle, chimère à tête de coq, au corps humain et aux jambes serpentiformes. Pour en savoir plus sur l’abraxas relire l’article A l’abri d’Abraxas.

Par ses mues périodiques, le serpent est le signe du perpétuel mouvement originel et de l’éternelle succession des cycles.

L’énergie du serpent est assimilée à la kundalini sanscrite, l’énergie vitale ou énergie divine selon les auteurs. Moïse fit un serpent d’airain (même matière que les colonnes du Temple de Salomon) et le plaça sur une hampe. Comme avec un caducée, l’élevant au-dessus des Hébreux, il les guérit de la morsure des serpents brûlants qui les avaient envenimés. Il s’agit du rétablissement du circuit, de la kundalini, de son axe vertical ; la hampe par sa numérologie guématrique évoquant aussi l’esprit. Ainsi, saint Jean assimile Jésus à ce serpent : et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle (Évangile de Jean 3,14-15).

Concernant les liens du serpent avec les textes bibliques, écouter Thomas Römer

L’Ourobouros, figure du serpent avalant sa propre queue, est une forme ancestrale de la Roue de la vie, le cycle de la vie et de la mort régissant l’existence de tout être humain. De nombreux textes gnostiques, comme ceux trouvés à Nag Hammadi, font état de la révélation du serpent comme étant destiné à libérer l’espèce humaine et non à l’enfermer dans le mensonge. Suivant les légendes ophites.Les ophites ou ophiens (du grec ὄφις, serpent), aussi appelés naassènes sont une secte gnostique apparue en Syrie et Égypte vers l’an 100 de notre ère. Le point commun de ces sectes était de vouloir donner une large importance à la symbolique du serpent, Nakhash, dans la lecture de la Genèse, et d’établir un lien entre la gnose et le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Contrastant avec l’interprétation chrétienne faisant du serpent l’incarnation de Satan, les ophites voyaient dans le serpent un héros. Jésus serait né, pour eux, d’un serpent (la sagesse divine, d’ailleurs le serpent est qualifié dès la Genèse de (עָרוּם) aroum, qui signifie à la fois adroit, rusé, prudent), c’est-à-dire qu’il serait devenu fils de dieu par son initiation à la science du serpent au  cours de son séjour dans le désert. (Jésus reconnaît le serpent comme synonyme de sagesse puisque Mathieu10,16 lui faire dire à ses apôtres : soyez aussi sage que les serpents).

Inspiré par ce texte des évangiles, Philibert De l’Orme (architecte lyonnais de la  Renaissance)  écrivait : « un compas entortillé d’un serpent signifie que l’architecte doit mesurer et compasser toutes ses affaires et toutes ses œuvres et ouvrages avec prudence [le serpent est un emblème chrétien classique] et mûre délibération » et de rajouter « soyez prudents ainsi que les serpents et simples comme les colombes» (Livres d’architecture, 1526 ). On retrouve, de manière constante, cette figure sur le blason des rôles maçonniques que Jean-Michel Mathonière nous présente dans l’épisode Le serpent compatissant

Pour les alchimistes, les deux serpents du caducée représentent les principes antagonistes (soufre/mercure, fixe/volatil, humide/sec, chaud/froid…) qui doivent s’unifier dans l’or unitaire de la tige.

Très souvent le serpent est associé à l’oiseau dans leur complémentarité 

Le Taureau

Les Philosophes l’ont donné très souvent pour hiéroglyphe de la matière du Grand Œuvre. Les Égyptiens avaient beaucoup de vénération pour le taureau ; les prêtres le présentaient au peuple comme le symbole d’Osiris, un de leurs grands dieux. Les philosophes grecs, instruits par ces prêtres de ce qu’ils entendaient par taureau, inventèrent des fables par lesquelles ils indiquaient la qualité chaude et solaire de la matière, disant que ces taureaux jetaient du feu et de la flamme par la bouche et les narines.

Mithra est très étroitement associé au taureau. Les adeptes du Sol Invictus pratiquaient le culte du taurobole. On fêtait le 25 décembre, pour le solstice d’hiver, la naissance de Mithra  par le sacrifice d’un jeune taureau. Au solstice, le dévot descendait dans une fosse spécialement creusée à cet effet et recouverte d’un plafond percé de trous, puis on égorgeait un taureau au-dessus de lui, dont le sang fumant ruisselait à travers les ouvertures sur tout son corps. Celui qui se soumettait à cette aspersion sanglante était renatus in aeternum (né à une nouvelle vie pour l’éternité), l’énergie vitale de l’animal, réputé le plus vigoureux avec le lion, régénérant le corps et peut-être l’âme du dévot.

Sa légende raconte aussi qu’il rencontre le taureau primordial qui paissait dans les montagnes, décide de le monter mais, dans le galop sauvage de la bête, Mithra tombe  et s’accroche aux cornes de l’animal. La bête épuisée, Mithra l’attache et la charge sur ses épaules. Ce voyage avec le taureau se nomme Transitus.

Quand Mithra arrive dans la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui annonce qu’il devrait faire un sacrifice. Flanqué de deux dadophores (qui portent des torches), Cautès torche levée et Cautopatès torche baissée, représentant respectivement le lever et le coucher du soleil (ou les signes du zodiaque qui marquent l’entrée, le premier dans la saison chaude, le second dans la saison froide)un genou sur le taureau, Mithra plante un couteau dans sa gorge tournant les yeux vers le corbeau, messager du Soleil. Touché au cœur le taureau s’effondre. De la colonne vertébrale du taureau sort du blé, et de son sang coule du vin.

Pour approfondir les origines du mythe, compléter avec le texte de  René P. Bacqué de Balagué, Mithra, un dieu franc-maçon, vraiment ?

Furibond, l’esprit du mal Angra Mayniu se déchaîne contre les bienfaits du taureau qu’il décide d’anéantir, en envoyant des animaux impurs pour détruire la source de la vie. Arrivent alors le chien qui mange le grain, le scorpion qui serre les testicules de la bête avec ses pinces, le serpent  buvant le sang de la blessure. Mais la Lune, fidèle compagne du Soleil, avec son aide, rassemble et purifie la semence du taureau pour parachever le travail de Mithra, donnant naissance à toutes sortes d’animaux utiles. Furieux, Angra Mayniu, dépêche une multitude de calamités contre les hommes  dont un déluge destiné à rayer l’humanité de la création.  Heureusement Mithra veillait et avertit un homme qui construit une arche solide pour sauver les créations terrestres.

À court d’imagination, l’esprit du mal Angra Mayniu, cesse provisoirement toutes tentatives contre les hommes.

Après avoir accompli la mission que le dieu Ahura Mazda lui avait confiée, Mithra participe, avec son vieil ami le Soleil à un dernier banquet solennel, ou il mange le pain et boit le vin. Ensuite il s’élève au ciel où il continuera de vivre veillant sur les hommes et les protégeant du mal.

Quant au taureau sacrifié il fut élevé au ciel où il devint une constellation.

Suivre la vidéo Le Mithraïsme avec Thierry Rodmacq 

Comme les toreros, le dimanche de la résurrection à Séville, pour accomplir la Rédemption, dans le sanctuaire du cercle parfait des arènes, dans leur habit de lumière, les francs-maçons doivent mettre à mort la matérialité du taureau, ils doivent vaincre les ténèbres par la vision juste ou, comme l’appellent les croyants, par l’œil du cœur, l’œil de l’autre-monde. Le taureau meurt de la lumière qui le transperce.

Vous retrouverez des histoires de taureaux dans un prochain article Pauvre Minotaure ou la saga des trahisons

Les Oiseaux

L’oiseau, comme symbole du monde céleste, s’oppose au serpent, celui du monde terrestre. Les oiseaux symbolisent le spirituel, les anges, les états supérieurs de l’être. En général dans le monde celtique l’oiseau est l’auxiliaire des dieux et de l’autre monde, le messager. C’est sous ce dernier aspect qu’apparaît la figuration des oiseaux dans les représentations alchimiques.

Mais c’est surtout la langue des oiseaux qui sert de dissimulation à la révélation des secrets de l’Œuvre. Comme le rapporte René Guénon dans Symboles de la Science sacrée : Il est souvent question, dans diverses traditions, d’un langage mystérieux appelé «langue des oiseaux» : désignation évidemment symbolique, car l’importance même qui est attribuée à la connaissance de ce langage, comme prérogative d’une haute initiation, ne permet pas de la prendre littéralement. C’est ainsi qu’on lit dans le Coran : « Et Salomon fut l’héritier de David ; et il dit : ô hommes ! Nous avons été instruit du langage des oiseaux [‘ullimna mantiqat-tayri] et comblé de toutes choses…» (XXVII, 15).

Au VIIIe siècle av. l’ère vulgaire, lorsqu’il fut installé sur le trône d’Israël, le roi Salomon, Shlomo Hamelech, se rendit à Guib’on où se trouvait le Mishbea’h Hagadol (l’Autel), avant la construction du Temple. Il y fit un rêve dans lequel le Tout Puissant s’adressa à lui : “Demande Moi ce que tu désires et Je te l’accorderai”.  Salomon ne demanda ni la richesse, qu’ont les autres rois, ni un long règne ; il décida : je vais demander une chose qui inclut tous les vœux possibles et en regard de laquelle rien d’autre n’a de valeur. Il demanda la sagesse et le pouvoir de distinguer le Bien du Mal pour permettre de juger avec équité. Ceci plut à Adonai car par cette demande Salomon aspirait à ce que son cœur s’ouvrît à la compréhension du cœur de chaque homme. La sagesse lui fut accordée et son cortège de bienfaits. À son réveil, Salomon s’aperçut qu’il comprenait le langage des oiseaux et qu’il pouvait leur parler. Ainsi couvert par la sagesse, il y a un accès à un sens qui se trouvait déjà là, sous la couche sédimentée de la différence des espèces (comprendre la langue des oiseaux signifie être initié).

L’Aigle

L’Aigle, symbole du Rite Écossais Ancien et Accepté, possède la double capacité de voler à de très hautes altitudes, au-dessus même des nuages, et de pouvoir planter son regard dans le Soleil qui ne l’aveugle pas. Grâce à cette double aptitude, il règne dans le ciel et possède la perception directe de la lumière. Son acuité visuelle est telle qu’elle le maintient en relation constante avec le sol. Comme le dit Paul Naudon, « Il devient ainsi l’intermédiaire entre le plan humain et le plan divin. » Toutefois, s’il vole haut et fixe le soleil, comme il est aussi une créature terrestre il doit aussi redescendre. Il ramène de la sorte la lumière supérieure jusqu’au modeste niveau où l’homme peut éventuellement l’entrevoir. Il exprime alors la souveraineté et la transcendance, dans le même temps qu’il apporte l’illumination.

Dans une optique plus chrétienne ou christique, l’aigle, glosé dans les rites écossais, est souvent rapporté à Jean l’évangéliste (l’aigle de Patmos) dont l’évangile est ouvert sur l’autel dans les loges traditionnelles.

Spécifiquement au REAA, l’aigle est à deux têtes et fait allusion au Saint Empire romain germanique (mythique et idéalisé).

Pour la Kabbale, il représente le point cardinal de l’Orient.

L’alchimiste  le considère comme la voie de la purification, de la sublimation du mercure. Ils l’ont ainsi appelé, premièrement à cause de sa volatilité; secondement, parce que comme l’aigle dévore les autres oiseaux, le mercure des Sages détruit, dévore, et réduit l’or même à sa première matière en le réincrudant.

La Chouette

La Chouette, oiseau nocturne en relation avec la lune perçoit la lumière par son reflet. Elle symbolise donc la clairvoyance.

D’oiseau sacré symbolisant la sagesse (symbole d’Athéna) et le discernement, la chouette devint graduellement un oiseau de mauvais augure que les paysans clouaient sur les portes et les murs des granges. Elle fut nommée «l’envoyée des pays sombres», son engoulevent fut appelé «puck», mot qui servait à désigner le diable. On pensait que la chouette était l’un des serviteurs des dix rois des enfers.

En alchimie, la chouette symbolise le recul nécessaire qui rend le Sage capable de voir dans le noir le plus profond ; elle lui indique ainsi qu’il doit opérer dans l’obscurité, ce qui s’interprète comme la nécessité de la discrétion. 

La Colombe

Symbole de paix et signal de la fin du Déluge dans l’Ancien Testament, la colombe représente l’Esprit Saint dans le Nouveau Testament.

La colombe eucharistique est un type de vase liturgique dans lequel, au Moyen Âge, on conservait les hosties consacrées.

Dans le processus alchimique, la colombe succède au corbeau, représentant la matière volatile passée du noir au blanc.

Le Coq

Assistant d’Esclépios, le dieu de la médecine, le coq en devient l’un de ses attributs avec le caducée.

Par son chant, le coq chasse la ténèbres et permet au soleil de se lever et de briller. Il incarne l’Initié qui renaît après la mort initiatique de la nuit à la lumière d’une vie nouvelle et purifiée de toutes les souillures.

Jadis, les compagnons bâtisseurs utilisaient le coq pour exorciser leurs constructions. C’est un compagnon qui allait placer le cochet, la girouette en forme de coq, au sommet du clocher des églises à la fin de leur construction. Attesté depuis le début du VIe siècle par saint Eucher, son rôle est de désigner les églises orientées, c’est-à-dire tournées vers l’Orient, le soleil levant, l’Est. Si l’édifice n’est pas tourné vers l’Est pour un motif particulier, le coq est absent du clocher. Il est remplacé, par exemple, par une étoile ou un croissant de lune, ou encore par un globe ou un soleil flamboyant. Ainsi l’étoile indique que l’église a été bâtie dans l’axe d’une étoile fixe ou d’une planète . Aujourd’hui encore les couvreurs de toit, marquent la fin de l’œuvre avec une girouette ou un drapeau.

Présent dans le cabinet de réflexion (voir les articles sur ce journal), veillant dans les ténèbres et annonçant la lumière qui peut surgir à tout moment dans le monde physique et dans le monde spirituel, c’est l’allégorie de la vigilance et de la persévérance, exemples dont l’apprenti doit s’inspirer. On le dit oiseau de Mercure, ce qui justifie sa place dans cet espace alchimique. La présence de ce gallinacée, dont le symbole est celui du vitriol en alchimie, indique que c’est avec l’acide gallique, tiré de la pomme du chêne, qu’il faut nettoyer le sel des alchimistes.

Quand il est censé évoquer l’esprit gaulois, il n’est plus un symbole mais un emblème.

L’Alectryomancie (ou Alectromancie) est la divination par le moyen du coq, usitée chez les anciens.

Le Corbeau

Sa réputation est positive chez les peuples nomades, chasseurs, pêcheurs, négative chez les peuples plus sédentaires, agriculteurs. Dans Job, 38,41 et Psaume 147,9, Dieu prend spécialement soin d’eux, mais dans Deutéronome, 14,14 ils sont classés comme animaux impurs. Le Corbeau est le messager de la mort mais il est également le symbole de la perspicacité. Dans la genèse, c’est lui qui va vérifier si la terre commence à reparaître au-dessus des eaux après le déluge.

Le corbeau symbolise le côté sombre de chacun susceptible de se transformer à tout moment pour devenir positif.

En Grèce, le corbeau trop bavard a été remplacé par une chouette auprès d’Athéna. Chargé par Apollon d’aller chercher de l’eau (ou de surveiller la belle mais infidèle Coronis), l’animal a préféré regarder des figues mûrir, il sera puni pour sa désobéissance et son égoïsme, de blanc il devint noir.

En alchimie, le corbeau représente l’œuvre au noir, la décomposition. Volatile, il indique que la matière doit être volatilisée. Les Philosophes hermétiques appellent «tête» le commencement d’une chose ou d’une œuvre. Et cette dernière commence par la couleur noire. En effet, après 40 jours de chauffe de la matière, il se forme à sa surface noire la tête de corbeau, «noir du noir très noir», disait Nicolas Flamel. Lorsque la matière est comme de la poix noire fondue, ils l’appellent le Noir plus noir que le noir même, leur Plomb, leur Saturne, leur Corbeau, etc. Et ils disent qu’il faut alors couper la tête du Corbeau avec le glaive ou l’épée, c’est-à-dire avec le feu, en continuant jusqu’à ce que le Corbeau se blanchisse.

Le Cygne

On l’associe au dieu grec Apollon, dieu solaire de l’harmonie créatrice. Le cygne, présent lors de la naissance du dieu, le porte dans les airs et peut prophétiser grâce à sa puissance. Le célèbre chant du cygne  remonte au don de prophétie déjà mentionné chez Eschyle : l’oiseau d’Apollon, à l’approche de sa mort, fait entendre des cris plaintifs mais admirables.

En Inde, le cygne (ou l’oie), Hamsa, est un oiseau fabuleux capable de séparer le lait de l’eau d’un breuvage composé des deux, le lait représentant symboliquement l’esprit et l’eau la matière. Il est aussi associé à la naissance du monde : le grand cygne Hamsa (littéralement «je suis Lui») couve l’œuf  cosmique dès son apparition à la surface des Eaux primordiales, œuf  à partir duquel se manifeste le monde. Le cygne figure alors le souffle principiel qui infuse la vie dans la substance matérielle encore à l’état de germe.

Pour l’alchimiste, la blancheur du cygne indique qu’une trace blanche apparaît dans la matière putréfiée ; l’Œuvre au blanc a commencé.

Le Paon

 

Dans la tradition chrétienne le paon symbolise la roue solaire, il est un signe d’immortalité, et sa queue évoque le ciel étoilé. Au Moyen-Orient, les paons représentés de part et d’autre de l’arbre de vie, sont symboles de l’âme incorruptible et de la dualité psychique de l’homme.

Argos Panoptès (celui qui voit tout), qui avait cent yeux répartis sur toute la tête ou même sur tout le corps selon certains auteurs, était chargé par Héra de surveiller Io afin que Zeus ne s’en approchât pas. Il fut tué par Hermès. Mais, Héra récompensa la fidélité du géant en transférant ses yeux sur les plumes du paon, son animal favori.

En alchimie, quand le lion vert est à l’œuvre, apparaît une ombre irisée en forme de plume de paon. Avec son sang, le paon incarne l’infinité des couleurs, il est l’image de l’irisation de la matière, non par la couleur qui est une réflexion mais par les petits prismes qui décomposent la lumière par interférence, et provoquent une lumière faite à la lumière.

Le Pélican

Le pélican qui nourrit ses petits de son propre sang symbolise la connaissance, le don total de soi-même, et la fraternité entre les compagnons. Sur les trois couleurs des charpentiers indiens, le pélican est brodé sur la couleur rouge.

En Égypte on trouve la légende d’une femelle vautour nourrissant ses petits de son propre sang, parangon d’amour maternel, d’où sa présence sur les couronnes de Pharaon et la coiffe des femmes.

Mais pour Héléna Blavatsky, que l’espèce de l’oiseau soit cygnus, anser ou pelicanus, cela ne fait rien, du moment que c’est un oiseau aquatique nageant ou flottant sur les eaux, comme l’Esprit, et sortant ensuite de ces eaux pour donner naissance à d’autres êtres. La vraie signification du symbole du dix-huitième degré des Rose-Croix c’est précisément cela, bien que, plus tard, on l’ait poétiquement transformée en sentiment maternel du pélican déchirant son flanc pour nourrir de son sang ses sept petits (H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, partie 1, commentaire stance III, p.59).

Cet animal apparaît dans le Physiologos du IIe siècle.

Rapporté par Albert G.Mackey dans son Encyclopédie de la Franc-maçonnerie  au mot «Pelica» : “Le pélican est très tendre avec ses petits, quand ils commencent à grandir, ils se rebellent dans leur nid contre leur parent et le frappe avec leurs ailes, volant autour de lui, et l’a tellement battu qu’ils ont blessé ses yeux. Puis le père les frappe et les tue. Et la mère est d’une telle nature qu’elle revient au nid le troisième jour, et s’assied sur les jeunes morts, et ouvre son côté avec son bec et verse son sang sur eux, et les  ressuscite ainsi de la mort”.

Eusèbe de Césarée et saint Augustin le mentionnent au début du IVe siècle. L’oiseau, dorénavant étroitement lié à la symbolique chrétienne. Pour saint Jérôme, qui explique cette histoire, le pélican mâle, qui a détruit son jeune, représente le serpent, ou principe maléfique, qui a amené la mort dans le monde ; tandis que la mère, qui les ressuscite, est le représentant de ce Fils de l’homme dont il est déclaré, «sauf si vous buvez mon sang, vous n’avez pas de vie en vous».

En alchimie les pélicans sont des cornues dont le bec est recourbé de sorte que le distillat soit reconduit dans le corps de chauffe. Le pélican serait également une image de la distillation des produits qui serviront à digérer l’antimoine.

Le pélican représente aussi l’œuvre au blanc, les trois oisillons étant respectivement le Sel, le Soufre et le Mercure ou encore l’image de la pierre philosophale éparpillée dans le plomb liquide, où elle se dissout et se décompose pour le transformer en or. Le pélican alors symbolise l’aspiration à la purification. Il est aussi le symbole de la nature humide qui disparaît sous l’effet de la chaleur solaire pour renaître en hiver ; ou necore symbole du sang et de l’eau, du blanc et du rouge,…

Lire le délicat article de Claude Laporte Lorsque le Pélican sur notre journal.

Le Phénix

Oiseau mythique au plumage écarlate, d’une beauté inégalable, qui, après avoir vécu plusieurs siècles (400 ou 500 ans), s’immolait sur un bûcher et renaissait de ses cendres.

Animal fabuleux ayant l’apparence d’un aigle et nichant dans des palmiers, appelé aussi l’oiseau d’Éthiopie. Lorsque la mort approche, le Phénix qui se sent mourir pond l’œuf, le principe de fécondité. Son nid devient sa tombe. Mais l’œuf est, de par sa nature fécondatrice, finalité de la vie, la tombe devient le berceau du nouveau phénix.

Son origine vient de l’oiseau sacré égyptien Benou (c’est l’historien Hérodote qui l’introduisit dans la mythologie occidentale), un héron cendré qui fut le premier être à se poser sur la colline originelle issue du limon. Il incarnait le dieu du soleil à Héliopolis, ses adorateurs racontaient qu’il n’apparaissait que tous les 500 ans. On rapporte aussi que le phénix se nourrissait exclusivement de rosée et qu’il ramenait des herbes odorantes provenant de lointaines régions pour les poser sur l’autel d’Héliopolis, dans le but de les enflammer pour s’y réduire lui-même en cendres. Il renaissait 3 jours plus tard. Son rapport avec la régénération de la vie vient de son association au cycle quotidien du soleil et au cycle annuel des crues du Nil.

Les stoïciens ont fait du phénix le symbole de l’embrasement périodique de l’univers, suivi de régénérescence.

Dans les légendes juives, il se nomme Milcham. L’explication de son immortalité vient d’Ève qui, après avoir goûté le fruit de l’arbre interdit, réussit aussi à tenter les animaux et à leur faire goûter du fruit aussi. Seul l’oiseau Milcham  ne céda pas à la tentation, pour cela l’ange de la mort obéissant à Dieu lui offrit pour récompense de ne jamais lui faire connaître l’expérience de la mort. Depuis, tous les mille ans, l’oiseau brûle ; il ne reste alors qu’un œuf  qui se transforme en poussin et l’oiseau continue à vivre.

Cet oiseau n’est pas le seul à ne pas connaître la mort ; il a été enseigné : les treize qui n’ont jamais goûté à la mort sont : Milcḥam l’oiseau et sa génération : Hénoch fils de Jared, Serah fille de Yashar, Bithiah la fille de Pharaon, Javetz, Hiram roi de Tyr, Elie, le serviteur du roi d’Ethiopie, le Messie, et la génération de Yonadav fils de Rekhev, le petit fils de R. Yehudah le Prince, R. Yehoshua b. Levi, et Eliezer, le serviteur d’Abraham.

Le phénix est l’aboutissement de l’Œuvre, symbole du feu secret, qui «se crée» dans la pierre philosophale, lui donnant sa couleur rouge. Assimilé par les alchimistes au soufre philosophique et au nombre quatre (les quatre éléments de la pierre physique et les quatre étapes de la transmutation), le Phénix représente la fixité de l’être vivant en sa mort continuelle, source de renaissances spontanées. En alchimie, l’œuf représente le chaos tel que le conçoit l’adepte, la prima materia dans laquelle l’âme du monde est captive. De l’œuf – symbolisé par le vase de cuisson rond – s’envole l’aigle ou le phénix, l’âme libérée.

Les premiers chrétiens en feront, quant à eux, un des symboles de la résurrection. La sublimation pascale de l’œuf (passage, résurrection, immortalité) s’identifie désormais au symbolisme de l’oiseau qui renaît de ses cendres. L’œuf de Pâques symbolise ce principe du renouveau.

Le phénix est l’un des symboles majeurs de l’ensemble du Rite écossais Rectifié, accompagné de la devise Perit Ut Vivat, «il meurt pour qu’il vive». « Le Phénix est l’emblème des Écuyers Novices du Régime Écossais Rectifié, c’est aussi le plus ancien symbole de la maçonnerie parce qu’il est l’image de l’honneur qui ne périt que pour revivre et de l’Ordre qui a péri dans les flammes pour renaître aussitôt de ses cendres.

L’image de cet animal légendaire incite à brûler nos insuffisances et à renaître des cendres du vieil homme.

À lire les textes sur ce sujet de Françoise Lecocq. Lire également le texte du Prof. Christian Ghasarian, La renaissance du Phénix, Mythe(s) et symbole(s).

Ne sommes-nous pas des phénix car à chaque seconde, des millions de cellules meurent pour que d’autres naissent ? Il faut ainsi mourir à chaque seconde pour renaître incessamment.

La Sîmorgh

Animal de légende, la Sîmorgh est un oiseau mythique que l’on retrouve à différentes périodes de l’histoire de la Perse, ainsi que dans de nombreux récits mystiques. Il peut également être rapproché de certains oiseaux fabuleux présents dans les cultures asiatiques et bouddhiques, et partage de nombreux traits communs avec le Phénix de la mythologie égyptienne, repris par la tradition chrétienne.

Dans la littérature persane et dans les diverses œuvres artistiques où il apparaît, il a souvent pris la forme d’une créature ailée ressemblant à un paon pourvu de longues griffes et à la tête tantôt humaine, tantôt animale.

Le Sîmorgh est le guide de l’âme, la protégeant dans ce monde tout en visant à lui faire reprendre conscience de son existence céleste antérieure et à l’initier aux hautes connaissances spirituelles. Il permet de mettre en scène un thème cher à la littérature mystique, celui de l’exil de l’âme en ce monde matériel et de sa remontée aux mondes spirituels supérieurs, lui permettant de découvrir le sens vrai de son être, comme dans le conte initiatique d’Avicenne Le Récit de l’Oiseau (Risâlat al-Tayr).

L’ouvrage, Le Langage des oiseaux (Mantic uttaïr) d’Attar, quant à lui, est emprunté au Coran (XXVII, 16) où on lit : «Salomon succéda à David, et il dit : 0 hommes ! Je connais le langage des oiseaux.» Ce poème, un des monuments les plus curieux de la doctrine soufi, se compose d’environ quatre mille six cent cinquante vers. Le poète qui en est l’auteur se nommait Muhammad ben Ibrahim; il avait le surnom de Nischapuri, c’est-à-dire de la ville de Nischapur, le titre honorifique de Farid uddin (la Perle de la religion), et le sobriquet d’Attar (Parfumeur). Le langage des oiseaux de Farid ûd-Dîn Attâr est une épopée mystique qui retrace la quête d’oiseaux partant à la recherche de leur roi, le Sîmorgh. Partis par milliers, à la fin de l’épopée, seuls trente oiseaux parviennent au terme de leur quête et peuvent contempler l’oiseau sublime. À ce moment précis et par un subtil jeu de mots, le Sîmorgh devient le miroir de ces sî-morgh («trente oiseaux» en persan) qui découvrent en l’oiseau qu’ils cherchaient le secret profond de leur être. Comme l’a analysé Henry Corbin, «lorsqu’ils tournent le regard vers Sîmorgh, c’est bien Sîmorgh qu’ils voient. Lorsqu’ils se contemplent eux-mêmes, c’est encore Sî-morgh, trente oiseaux, qu’ils contemplent. Et lorsqu’ils regardent simultanément des deux côtés, Sîmorgh et Sî-morgh sont une seule et même réalité. Il y a bien là deux fois Sîmorgh, et pourtant Sîmorgh est unique : identité dans la différence, différence dans l’identité. On retrouve ici le concept d’âme du monde identique à tous les êtres, tout en se manifestant à chacun d’eux de façon différente. Maître Eckhart, dans le même sens, affirmait que «le regard par lequel je Le connais, est le regard par lequel Il me connaît». Le motif central du miroir est de nouveau présent ; la contemplation du reflet de la divinité dans sa propre âme, livrant le secret et donnant l’ultime clé d’accès à la cité intérieure de l’être. Comme la colonne des apprentis, le miroir est une invitation à descendre dans les tréfonds de la conscience de soi, mesurant la pesanteur de ses pensées, de ses actes et de ses propos, puis à s’élever, libéré, régénéré, apaisé et confiant, ayant accédé à un nouveau niveau de conscience.

L’oiseau Anqâ s’apparente au Simorgh. Comme lui, la anqâ est le symbole du mystique s’envolant vers la divinité, et comme l’oiseau Garuda (culture védique) devenant la monture de Vishnu, elle symbolise la partie de l’être humain qui s’unit à la divinité, abolissant toute distinctionentre créateur et créature.

Lire sur ce sujet le livre La Poésie philosophique et religieuse chez les Persans. Le Langage des oiseaux, écrit par Garcin de Tassy

Ne manquez pas de lire l’article de Gilbert Garibal Le bestiaire maçonnique.

La thérianthropie ou zooanthropie désigne la transformation d’un être humain en animal, de façon complète ou partielle, aussi bien que la transformation inverse dans le cadre mythologique et spirituel concerné. Ce thème très ancien puise ses racines dans le chamanisme et apparait sur d’anciens dessins dans des grottes préhistoriques, il s’exprime aussi à travers de nombreuses légendes, comme celles du nahulanisme (tête de chacal ou de chien) ou de la lycanthropie (loup) qui inclut le loup-garou européen. En ce qui concerne l’étude culturelle, mythologique et anthropologique, la thérianthropie décrit un personnage qui partage des traits humains avec des capacités ou des traits empruntés à d’autres animaux. La quasi-totalité des dieux égyptiens, possédant des têtes animales ou possédant la capacité de se changer en de tels animaux, sont ainsi des thérianthropes.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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