mer 24 avril 2024 - 00:04

James Anderson « poivrot avéré et un gentil escroc ». La vision d’Alain Bauer, Grand Maître du GODF de 2000 à 2003

2023 est l’occasion de commémorer le tricentenaire de la publication des Constitutions d’Anderson, rédigées en 1721 à l’initiative de John Montagu (1690-1749), alors Grand Maître de la Grande Loge de Londres. La première version a été écrite par le révérend James Anderson (1684-1739), pasteur presbytérien — dont le nom y a été associé historiquement plus tard —, en collaboration avec le huguenot Jean Théophile Désaguliers (1683-1744), afin de réguler les pratiques traditionnelles mais divergentes au sein de la Grande Loge de Londres et de Westminster, qui avait été constituée en 1717.

Auteur du célèbre Dictionnaire amoureux de la Franc-maçonnerie (Plon, 2010) – Dessins d’Alain Bouldouyre –, nous saisissons la réédition de l’ouvrage (Abeille Plon, 2023), en format poche – cette fois-ci sans F majuscule à franc-maçonnerie –, pour (re)lire ce que l’ancien grand maître du GODF écrivait sur « Anderson, James (1684-1739) et ses Constitutions », initialement intitulées Constitution, Histoire, Lois, Obligations, Ordonnances, Règlements et Usages de la Très Respectable Confrérie des Francs-maçons acceptés, encore aujourd’hui considérées comme l’un des textes fondateurs de la franc-maçonnerie spéculative, dite moderne.

Cent après la création de la « Bibliothèque Plon », la maison fait renaître sa collection de livres de poche sous le nom de « L’Abeille PLON ». Désireuses de préserver leur vocation première, les Éditions Plon remettent le savoir et la connaissance à la portée de tous. L’abeille était, dans l’Antiquité,  symbole d’immortalité. Associée à l’ardeur, au travail et à la discipline au service du bien commun, l’abeille, symbole aussi de la maison PLON, figure au centre du logo des Éditions Plon depuis leur origine, en référence à la société Typographie des Abeilles fondée par PLON Frères & Cie au XIXe siècle ! L’objectif premier de la maison était de mettre à disposition du plus grand nombre des chefs-d’œuvre de la littérature classique et contemporaine. Aujourd’hui, PLON offre une grande, belle et large collection dirigée par l’historien et éditeur Jean-Claude Simoën, mais aussi auteur, notamment de L’Épopée de l’archéologie (Tempus, 2012) et de À la recherche des civilisations disparues (Perrin, 2013). Le cherchant y trouvera donc de quoi faire son miel.

La première édition, en 2010.

« Un livre de référence, accessible au grand public et conçu dans un souci de clarté et de vérité. Il permet à la franc-maçonnerie de sortir du temple, du secret et même du mystère » nous précise l’éditeur dans sa quatrième de couverture.

Nous retenons, dans l’avant-propos de l’auteur,  la phrase introductive : « J’aime les francs-maçons et la franc-maçonnerie. » Mais, nous le savons tous. Qui n’a pas déjà entendu dans son parcours maçonnique quelqu’un, une sœur, un frère ou encore son parrain lui dire « On peut être déçu par des francs-maçons, jamais par la franc-maçonnerie ». « Ça c’est ben vrai ça !!! » Des mots devenus culte qui ont fait de la Mère Denis une grande star de la publicité en France.

Alain Bauer

Alain Bauer, enseignant au Conservatoire national des Arts et Métiers et dans les universités de New York et Pékin, et criminologue ayant déjà publié une cinquantaine d’ouvrages abordant les questions de criminalité et de terrorisme mais aussi de gastronomie et, bien sûr, d’art royal nous confie comment il fit ses premiers pas en maçonnerie – entré à dix-huit ans au Grand Orient de France avec déjà un parcours syndical et politique commencé à l’âge quinze ans au PS, etc.

Ce que son Dictionnaire amoureux de la franc-maçonnerie nous révèle – une apocalypse ? –, nous dévoile même, d’« Anderson, James (1684-1739) et ses Constitutions ».

James Anderson vu par Alain Bouldouyre.

Extrait :

« Le monde de la franc-maçonnerie voue une reconnaissance historique et permanente à cet homme, auteur des premières Constitutions de la franc-maçonnerie publiées en 1723. En fait, James Anderson, pasteur de l’Église presbytérienne écossaise de son état, est un poivrot avéré et un gentil escroc par nécessité. Ruiné par des placements aventureux dans la Compagnie des Mers du Sud, qui fait faillite en 1720, le pasteur doit recourir à sa plume pour subvenir à ses besoins. Il publie quelques ouvrages sous son nom, mais rédige aussi à la demande biographies avantageuses et généalogies améliorées, faisant preuve à la fois de talent et d’imagination, pour la plus grande satisfaction de ses ‘’clients’’… »

Quant à Desaguliers, il ne faut pas négliger son « rôle important dans la rédaction des Constitutions adoptées en 1723, travail de compilation qu’il a confié à James Anderson. Par la suite et jusqu’à la fin de sa vie, il restera un homme d’influence, occupant à plusieurs reprises le poste de député Grand

Maître. Il est probablement le plus important et l’un des plus méconnus fondateurs de l’Ordre ».

Rappelons aussi le précieux texte de Francis Delon, docteur en études anglophone et Grand Archiviste de la GLNF, quant au Freemason’s Pocket Companions, où l’on nous parle des… Constitutions : « Le prix dissuasif et le format d’un usage peu pratique du volume des Constitutions d’Anderson constituèrent un obstacle à leur diffusion parmi les maçons. Aussi, au début de 1735, William Smith, un libraire de Dublin d’origine écossaise, publia à Londres un petit ouvrage in-octavo de 122 pages, le Pocket Companion, où se retrouvaient l’histoire du métier, les règlements généraux régissant la confrérie, mais également des éléments nouveaux comme la construction par Hérode du 3e Temple suivie de sa destruction mais surtout « L’Exhortation délivrée au frère nouvellement admis ». Dès février, la Grande Loge, devant les récriminations d’Anderson à l’encontre de ce « soi-disant maçon », ordonna à « tous les maîtres et surveillants présents d’empêcher l’achat des ouvrages dudit Smith par les membres de leurs loges respectives ». Ces condamnations n’empêchèrent pas la publication, dès le 17 mai à Dublin, d’une seconde version, dédiée au Grand Maître, le comte Kingsland… »

Pour revenir à Desaguliers, Francis Delon nous informe que le meilleur texte publié à son sujet reste celui de R. William Weisberger intitulé « John Theophilus Desaguliers : Promoter of the Enlightenment and of Speculative Freemasonry » (Ars Quatuor Coronatorum (AQC), t. 113, 2000, p. 65-96).

La suite, vous la trouverez dans l’Encyclopédie de la franc-maçonnerie (Le Livre de Poche, La Pochothèque, 2000, p. 320), sous la direction d’Éric Saunier, spécialiste, entre autres, dans l’étude des sociétés urbaines et de la franc-maçonnerie.

À la fois historien, acteur et témoin, Alain Bauer, toujours engagé pour la République, partage, de l’intérieur, sa vision de franc-maçonnerie, tout en dressant un portrait de grands personnages tels que Voltaire, Mozart, George Washington, Simón Bolívar, Jules Ferry, Pierre Mendès France, Garibaldi ou encore du journaliste et homme politique Victor Schœlcher, connu pour avoir agi en faveur de l’abolition définitive de l’esclavage en France. Évoquant aussi tant l’origine que l’histoire de cette sociabilité, l’auteur dresse un tableau de l’implantation en France ainsi que dans les autres pays, notamment avec un éclairage tout particulier avec les Grandes Loges américaines ayant reconnu ou approuvé des échanges de visites avec la Grande Loge de France et/ou le Grand Orient de France pendant les années 1900.

Possible représentation de James Anderson dans une caricature de William Hogarth, détail.

Loin de tous fantasmes, avec authenticité et franchise, un ouvrage au parler- vrai. Alain Bauer rappelle aussi dans sa lettre de démission au président du Convent, le 1er septembre 2005 » qu’« Isaac Newton, l’inventeur de la franc-maçonnerie, expliquait : « Platon est mon ami, Aristote est mon ami, mais ma plus grande amie est la vérité. »

Alain Bouldouyre

Notons que l’homme de traits qu’est Alain Bouldouyre a le dessin pour passion. Gagnant de nombreux prix tout au long de sa carrière, il collabore régulièrement avec de nombreux magazines (Le Figaro, l’Auto-Journal, Rétroviseur, Beaux-Arts, Science et Vie…) et illustre la plupart des Dictionnaires Amoureux de chez Plon. Pour notre plus grand profit et plaisir !

Dictionnaire amoureux de la franc-maçonnerie

Alain Bauer, Alain Bouldouyre (Dessins) – Abeille PLON, 2023, 512 pages, 13,50 €

“Le mystère de la maçonnerie mis en lumière par les Gormagons”, gravure de l’artiste et franc-maçon anglais William Hogarth en 1724.
Autoportrait d’Hogarth vers 1735, Yale Center for British Art.

1 COMMENTAIRE

  1. Un grand merci à notre frère Alain Bauer de nous avoir éclairé quant à ce personnage que fut Anderson… A-t-il été seulement initié un jour ? Quid de sa réelle appartance à l’ordre ? Est-elle avérée et à partir de quelle date ?

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti est directeur de la rédaction de 450.fm. Il a fait l’essentiel de sa carrière dans une grande banque ancrée dans nos territoires. Petit-fils du Compagnon de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis (UC) Pierre Reynal, dit « Corrézien la Fraternité », il s’est engagé depuis fort longtemps sur le sentier des sciences traditionnelles et des sociétés initiatiques. Chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France (IMF) et médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), il collabore à de nombreux ouvrages liés à l’Art Royal et rédige des notes de lecture pour plusieurs revues obédientielles dont « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France et « Perspectives » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain ou encore « Le Compagnonnage » de l’UC. Initiateur des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, il en a été le commissaire général. En 2023, il est fait membre d'honneur des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d'Épinal (IM&EE).

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