sam 04 mai 2024 - 13:05

La perfection de l’autodiscipline éthique : Shilaparamita

Concernant l’éthique, le Mahayana insiste sur la discipline intérieure, sur une culture de la non-violence, de la bienveillance et une motivation altruiste.

Le mot discipline vient du latin savoir. La discipline de la voie du milieu du Bouddha n’est pas une discipline de contrôle, c’est une discipline qui résulte du désir de connaître vraiment en toute clarté. C’est une manière de cultiver une action adroite qui nous permettra de transformer notre vie en œuvre d’art.

Discipline. Pour certain-es, le mot peut évoquer des heures de retenue à l’école ; pour d’autres, des régimes alimentaires contraignants. Dans le bouddhisme, l’autodiscipline éthique permet de prendre conscience des effets de notre conduite sur nous-mêmes et sur autrui. Loin de nous limiter, l’autodiscipline nous donne la liberté de pouvoir agir pour notre propre bénéfice et celui de notre entourage.

L’autodiscipline éthique est la deuxième des six attitudes à longue portée (six perfections). Cette sorte de discipline n’est pas la même celle dont on a besoin pour apprendre un instrument musical ou exceller dans un sport : elle concerne notre conduite éthique. Elle n’a rien à voir non plus avec donner des leçons aux autres, ni avec le dressage d’un chien ou la mise au pas des militaires. Elle concerne exclusivement notre discipline personnelle. Celle-ci est de trois types.

Se retenir de commettre des actes destructeurs

La première sorte d’autodiscipline éthique consiste à se retenir de commettre des actes destructeurs ; autrement dit, elle concerne la manière dont nous agissons, parlons et pensons. Cela signifie que nous nous abstenons en général de commettre les dix sortes d’actes destructeurs comme tuer, voler, mentir, etc., et que si nous avons fait vœu d’éviter les comportements susceptibles de gêner notre développement spirituel, nous nous y tenons.

S’engager dans des actes constructifs

Le deuxième type d’autodiscipline éthique consiste à s’engager dans des actions positives et constructives qui permettent d’accumuler la force positive nécessaire pour atteindre l’illumination. On peut citer : la discipline de suivre les enseignements et d’étudier.

Encore une fois, l’autodiscipline éthique désigne davantage l’état d’esprit que le comportement. C’est une discipline qui provient de notre esprit et façonne notre conduite, – nous incitant à nous engager dans des choses positives et à réfréner nos comportements destructeurs et inappropriés. Sans cette discipline, nous devenons ingérables et tombons facilement sous l’emprise des émotions perturbatrices.

L’autodiscipline éthique s’appuie sur la capacité de discrimination et sur la sagesse discriminante. Pour nous retenir d’agir de manière destructive, nous discriminons de manière décisive les désavantages qui découlent d’agissements destructeurs. Pour ce qui est de l’engagement dans un comportement positif, nous discriminons les bénéfices de la méditation, des pratiques préliminaires, etc. La discrimination nous permet donc automatiquement de savoir comment agir et d’être sûrs de ce que nous faisons.

Œuvrer pour le bénéfice d’autrui

Le troisième type d’autodiscipline éthique consiste à œuvrer pour le bénéfice des autres et à les aider. Ici, on discrimine les bénéfices qu’il y a à aider autrui et à s’empêcher de ne pas les aider quand on n’en a pas envie ou quand on n’aime pas particulièrement quelqu’un.

Shantideva (philosophe indien vers 685-763) dans son texte Engagement dans la conduite du bodhisattva, consacre deux chapitres à l’autodiscipline. Le premier chapitre est intitulé « L’attitude attentionnée », laquelle est le fondement de l’autodiscipline éthique qui fait que nous prêtons attention aux effets de notre conduite, et que nous faisons attention de ne pas tomber sous l’influence des émotions perturbatrices. Nous prenons au sérieux le fait que les autres aussi ont des sentiments et que si nous agissons de manière destructive, nous leur ferons du mal. Nous prêtons attention aux conséquences que notre conduite aura sur nous-mêmes dans le futur. Tout cela pose le fondement de l’autodiscipline éthique. Si on se fiche pas mal des autres ou si notre propre avenir nous est égal, nous n’avons pas besoin d’une conduite éthique.

Dans beaucoup de langues, cette « attitude attentionnée », ou caring attitude en anglais, est une expression très difficile à traduire. Elle inclut le fait d’être attentionné et, donc, de faire attention à notre façon d’agir, mais se rapporte aussi à ce qui en découle et, donc, au fait de prendre au sérieux les effets de notre conduite sur nous-mêmes et sur autrui.

Le deuxième chapitre que Shantidéva consacre à ce sujet traite de la conscience attentive et de la vigilance. La conscience attentive ou présence attentive [parfois appelée « pleine conscience »] est l’état d’esprit qui maintient une étreinte mentale sur la discipline, permettant ainsi de ne pas succomber aux émotions perturbatrices.

Avec la vigilance, nous nous mettons sur nos gardes quand nous commençons à flancher. Notre vigilance donne l’alarme pour que l’on puisse se ressaisir et recouvrer la maîtrise de soi. Il faut prendre garde à ces choses. La conscience attentive et la vigilance sont les supports de la discipline éthique. Elles sont les outils qui nous permettent d’adhérer à notre discipline, et dont nous pourrons nous servir plus tard pour développer notre concentration.

Redouter les conséquences du manque d’attention. On ne peut pas dire que nous ayons peur, mais nous ne voulons pas faire l’expérience des effets du manque d’attention car nous avons un sens de la dignité et un sentiment de valeur personnelle. Nous avons une opinion suffisamment bonne de nous-mêmes, dans un sens positif, pour ne pas vouloir dégringoler la pente sous l’effet de la colère, de l’avidité, etc.

Nous avons besoin d’une discipline appliquée à notre conduite pour pouvoir faire des progrès sur la voie. Quand nous sommes attentionnés à nous-mêmes et aux autres, l’autodiscipline éthique n’est pas une idée en l’air mais devient quelque chose de naturel, qui tombe sous le sens. Le fait de cultiver soigneusement une conduite constructive et de faire de notre mieux pour ne pas blesser autrui nous permet d’asseoir et de créer les causes du bonheur, pour aujourd’hui et pour demain.

Ida Radogowski

Ida a créée avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.

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Ida Radogowski
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Pratiquante bouddhiste depuis plus d’une trentaine d’années, continue de suivre régulièrement des enseignements auprès de maîtres du bouddhisme Theravada-moines de la forêt (bouddhisme de l’Asie du sud-est) et pratique la méditation régulièrement. Ida a pratiqué pendant longtemps le hatha-yoga, s’est imprégnée d’une certaine philosophie hindouiste moderne (Swami Prajnanpad et Krischnamurti). Je guide depuis plusieurs années des séances de yoga-nidra (yoga relaxation) auprès de différents groupes. Ses thèmes de réflexion sont : l’éthique – le travail sur soi, la cohérence et rassembler ce qui est épars. Elle travaille dans le milieu du spectacle vivant depuis de nombreuses années en qualité d’administratrice de compagnies de théâtre et d’ensembles musicaux (gestion-administration). Ida a crée avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçons(nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme. La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr

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