jeu 25 avril 2024 - 10:04

Connaissez-vous les Fractales ?

Les fractales, qu’est-ce que c’est ? Ce sujet pour bûcheurs de classe préparatoire n’est évoqué que très rarement . Pourtant, il intéresse la perception de « l’ordre et du désordre dans la nature ».
Comme tout bon cherchant, je suis assez loin d’en maîtriser intimement tous les aspects.

Toute notre éducation mathématique a été conditionnée par la géométrie dite euclidienne. (Euclide : mathématicien grec censé avoir vécu vers l’an 300 avant J.-C.). Pour rappel, ses axiomes ou postulats furent les suivants :

• Un segment de droite peut être tracé en joignant deux points quelconques. • Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite.
• Étant donné un segment de droite quelconque, un cercle peut être tracé en prenant ce segment comme rayon et l’une de ses extrémités comme centre.

La géométrie fractale est une théorie mathématique formulée par le mathématicien franco-américain Benoît MANDELBROT dans les années 1970, donc très récemment à l’échelle du temps des mathématiques.

Il s’agit d’une nouvelle révolution mathématique comme l’ont été les nombres irrationnels chers à Pythagore, et ensuite les nombres négatifs et complexes apparus à la Renaissance.

MANDELBROT a non seulement formalisé la théorie fractale, mais il en a fixé les règles grammaticales et étymologiques.

Fractal vient du latin « fractus » qui désigne un objet fracturé, de forme très irrégulière. (Le nom est féminin et a son pluriel en « als », ce qui n’est pas banal.)

Oui, mais c’est quoi, la géométrie fractale ?

Eh bien, qu’ont en commun un arbre, des nuages, une côte rocheuse, nos poumons, un cristal de glace (flocon de neige) et certains choux.
Rien du point de vue de la géométrie classique, euclidienne, et pourtant…

Vous aurez, par ailleurs, remarqué que la cabane de notre Mère Catault (je renvoie ici au rite forestier) ne s’orne pas du chou blanc traditionnel ,mais d’un chou romanesco qui est une forme fractale parfaite.

Ces objets ne peuvent être décrits selon les normes de cette géométrie « linéaire ».

Selon MANDELBROT, « Les fractales sont des objets, qu’ils soient mathématiques, dus à la nature ou dus à l’homme, qu’on appelle irréguliers, rugueux, poreux ou fragmentés, et qui, de plus, possèdent ces propriétés au même degré à toutes les échelles. C’est-à-dire que ces objets ont la même forme, qu’ils soient vus de près ou de loin. »

Pour comprendre la différence entre la géométrie classique et la géométrie fractale, prenons la différence entre la lame d’un couteau et la côte bretonne. Observée au microscope, la lame du couteau apparaît très irrégulière et pleine d’aspérités. Mais, si on change d’échelle, à l’œil nu, la lame apparaît parfaitement droite. A l’opposé, si vous observez la côte bretonne d’un avion à faible altitude, vous observerez une côte irrégulièrement découpée. Et si vous changez d’échelle, en augmentant l’altitude de l’avion, vous observerez toujours une côte irrégulière !

Nous sommes tous habitués aux objets de la géométrie euclidienne : aux droites, aux rectangles, aux cubes…
Ils nous permettent de décrire simplement ce que l’on trouve dans la nature.
Les troncs d’arbres sont approximativement des cylindres et les oranges des sphères.

Mais, face à des objets plus complexes, tels que les nuages, les côtes rocheuses, les feuilles, les reliefs, un flocon de neige, un chou-fleur, la géométrie euclidienne est inadéquate, on fait donc appel à la géométrie fractale.

La géométrie fractale est donc un langage utile pour décrire les formes complexes, et permet la description de processus non linéaires.

La complexité des formes des objets naturels résulte généralement de processus simples, souvent de remise en cause antérieures.

Dans la géométrie classique, une ligne est un objet à une dimension, une surface un objet à deux dimensions, un volume un objet à trois dimensions. Nous sommes donc habitués à des objets dont la dimension est un nombre entier 1, 2 ou 3.

Dans ce but, le terme de dimension fractale a été introduit par Mandelbrot en 1970. La dimension fractale est donc un nombre qui mesure le degré d’irrégularité ou de fragmentation d’un objet ou qui mesure la rugosité d’une surface.

La notion de dimension fractale s’applique aux objets invariants d’échelle : on y trouve des parties qui sont semblables à l’objet lui-même à une dilatation (agrandissement) près. Quand on change l’échelle d’observation d’un objet invariant d’échelle, on conserve les formes.

Chaque portion d’une fractale reproduit la forme générale, quelque soit le grossissement : c’est la propriété d’auto-similarité.

Retenons donc qu’une fractale, c’est une forme dont le détail reproduit la partie et le tout, quelle que soit l’échelle.

Exemple : L’auto-ressemblance peut être exacte : dans ce cas, en changeant d’échelle, on a un objet agrandi identique à l’original. Si vous prenez un triangle, qu’au milieu de chaque côté, vous y dessinez un triangle équilatéral, que sur chaque segment, vous répétez cette opération, vous obtiendrez une forme fractale régulière, exacte et vous dessinerez un flocon de neige dit de von KOCH.

Mais pour beaucoup d’objets naturels, l’auto-ressemblance n’est pas exacte : l’objet agrandi ressemble à son image initiale, mais ce n’est pas exactement le même. C’est le cas, par exemple, d’une côte rocheuse ou d’un profil topographique. Dans ces cas, l’auto-ressemblance est statistique.

Prenons une côte, Bretagne, Angleterre, Islande.
Si un paquebot en fait le tour en restant au large pour ne pas se faire couler par les récifs, il tracera le parcours en forme de W typique de la forme de la côte.

Si un petit bateau cabote le long de la côte, en suivant les principales sinuosités, il ajoutera beaucoup de V au W initial et le trajet sera rallongé de nombreux kilomètres. Si un randonneur marche le long du rivage, il parcourra encore plus de chemin.
Si un crabe courageux contourne scrupuleusement chaque rocher, il accumulera encore plus de kilomètres au compteur de ses pattes. Si une puce de mer géographe suit chaque grain de sable, nul doute que son chemin sera encore plus long, à force de tours et de détours.

 
Autre exemple :
On voit ainsi le caractère anfractueux (un mot qui a la même racine que fractale…) de la côte étudiée, dont la sinuosité se réplique (pas forcément de manière exacte mais sûrement de manière statistique) quelle que soit l’échelle où l’on se trouve. On peut même considérer que plus on va vers l’infiniment petit, plus le contour de la côte tend vers l’infini…
Ces considérations bouleversent tout ce que l’on a appris à l’école sur les périmètres des figures comme les carrés (4 fois le côté), les rectangles (2 fois la largeur plus 2 fois la longueur), les cercles (deux fois pi fois le rayon), etc. En transformant le triangle équilatéral (dont le périmètre vaut trois fois le côté) en flocon de von Koch, en transformant la forme de la côte d’un grand W en une infinité de W, on est entré dans le monde fractal. On a quitté le pays simple des figures lisses pour la forêt vierge des figures rugueuses.

Dans la nature, c’est le phénomène de hasard qui va régir la formation des fractales : les arbres ont tous des caractéristiques communes, leur forme géométrique se ressemblent, et pourtant, même au sein d’une même espèce, chaque arbre est unique. Cette différence est attribuable au hasard, c’est à dire les processus non contrôlés de leur développement (ou tout au moins, tellement complexes que nous n’y avons pas accès).
Le rôle du hasard dans la formation des objets de la nature joue un rôle capital, c’est lui qui différencie les fractales aléatoires de la nature et l’objet mathématique pur.

Le hasard, c’est l’ensemble des processus qu’on ne peut pas contrôler et qui interviennent dans la formation de l’objet fractal : l’érosion, la tectonique des plaques, les contraintes naturelles…

Une application de la théorie mathématique des fractales pures est la modélisation informatisée de formes telles les montagnes, les nuages utilisées dans les images de synthèse : jeux vidéos, cinéma, …

Nous sommes forestiers et parlons donc des formes fractales dans le vivant :

Dans les végétaux, nous avons le chou-fleur et surtout le chou romanesco qui figurent parmi les plus belles formes de cette catégorie.
A l’œil nu, ils ont la forme d’une section de sphère entourée de feuilles. Cependant si l’on regarde de plus près leurs surfaces, on peut noter que celles-ci sont constituées de cônes qui se juxtaposent de manière enroulée en spirales, formant ainsi des volutes qui constituent elles-mêmes des cônes similaires aux premiers, mais d’échelle plus grande

Si on coupe le chou-fleur de haut en bas, on note une organisation en branches principales qui se séparent en branches plus petites. La première division se produit sur la branche principale d’origine, et peut donner 3 à 8 branches secondaires. De même si on coupe le chou romanesco, on note une structure identique. La première division se produit sur la branche principale d’origine et peut donner de 10 à15 branches secondaires. Cette division se renouvelle de la même manière à chaque étage avec une régularité impressionnante pour les deux. A vue d’œil on peut remarquer entre 5 et 8 étages de divisions entre la branche d’origine et la surface du chou-fleur et on peut remarquer entre 10 et 15 étages de divisions entre la branche d’origine et la surface du chou romanesco. Les dimensions des surfaces de ces deux choux sont comprises entre 2, le périmètre et 3, le volume, le développement périmétrique tendant à s’approcher, à s’approprier le volume.

Donc pour les deux, chacune des branches (ou sous branches agrandies plusieurs fois) peut être confondue avec le chou lui-même ou avec la branche principale d’origine.
Le chou-fleur et le chou romanesco présentent donc une auto-similarité et peuvent être considérés comme fractals

La fougère est un autre exemple de forme fractale. Ce sont en particulier les feuilles ou frondes de la plante qui présentent cette particularité d’auto similarité. La dimension fractale des fougères est d’environ 1,7.

Même si l’étude des formes fractales est assez récente, il ressort que les espèces végétales développent ces formes pour pouvoir augmenter leur surface externe, c’est-à-dire, leur surface d’échange avec le milieu extérieur, et cela pour pratiquer par exemple la photosynthèse, l’absorption racinaire…
La croissance d’une plante s’accompagne nécessairement d’un changement de forme. En effet, les plantes essaient d’adopter une forme qui s’éloigne le plus possible d’une sphère (car si elles étaient trop volumineuses, c’est à dire massiques, elles seraient trop lourdes et perdraient beaucoup trop d’énergie pour pouvoir survivre).
Les plantes vont arriver à ce résultat grâce au fractionnement de la croissance le long d’un certain nombre d’axes, (tronc et branches au-dessus du sol, pivot et racines latérales au-dessous).

A mesure que la plante poursuit sa croissance, apparaît la nécessité d’une ramification aérienne et souterraine, qui donne accès à l’espace tridimensionnel sans les inconvénients liés au volume ; la plante s’approprie l’espace en le remplissant d’une surface complexe finement repliée sur elle-même, de sorte que le volume laisse la place aux dimensions linéaires (racines, tiges) et aux surfaces (feuilles et brachyrhizes : homologues souterraines des feuilles).
La croissance de la plante va aussi être régie par les contraintes du milieu extérieur qui sont souvent les mêmes à différentes échelles.

Autres fractales naturelles : les poumons…..

Conclusion :

Il existe une très grande variété de formes fractales dans la nature ; dans des domaines et conditions expérimentales en apparence très différentes comme la croissance des plantes et l’organisation du poumon, on observe des phénomènes et des géométries très similaires du point de vue de leur complexité et de leur dimension fractale.
La découverte des formes fractales dans la nature constitue une forme d’universalité insoupçonnée jusqu’alors, qui permet de comparer et de modéliser des objets, de résoudre des problèmes jusqu’à présent ouverts, comme par exemple la simple caractérisation d’une côte rocheuse.

La théorie fractale a déjà trouvé de nombreuses applications en géologie, biologie, informatique… et il est fort probable qu’elle puisse aussi s’étendre à d’autres domaines encore. En particulier, tous les phénomènes chaotiques, c’est à dire sensibles aux conditions initiales, qui font appel à des structures fractales (par exemple les phénomènes météorologiques).

Les perspectives qu’elle a ouvertes laissent penser que la théorie nous aidera à mieux comprendre le monde qui nous entoure.

J’avoue que ce sujet est assez épineux, mais dans la nature rien n’est simple.

Frère Thierry Bui:.

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