ven 19 avril 2024 - 21:04

Jidu Krishnamurti : la maîtrise de soi par soi

Jiddu Krishnamurti est un esprit libre et en même temps proche du bouddhisme. Le XIVème Dalaï-Lama l’a rencontré en 1956 et Jiddu Krishnamurti lui fit une forte impression, en raison de son ouverture aux principales religions du monde. Il y a une phrase qui explique bien cette personnalité hors du commun :« L’important c’est d’être à soi-même sa propre lumière, son propre maître et son propre disciple ».

« L’instructeur du monde »

Krishnamurti est né en 1895 à Madanapalle au sein d’une famille de brahmanes de l’Andhra Pradesh dans l’Inde sous administration britannique. Huitième enfant masculin, il lui fut donné, selon la tradition hindoue, le nom de Krishna (murti signifiant la forme, ou la manifestation). Sa mère, Sanjeevamma, dont il était très proche, mourut quand il avait 10 ans5. Selon la biographie de Mary Lutyens, il était un enfant de santé fragile et régulièrement battu par ses instituteurs et son père, Narainiah.

En 1909, il n’a que 14 ans quand, accompagné de son frère Nityananda, il croisa Charles Webster Leadbeater sur une plage privée dépendant du siège de la Société théosophique, où était employé son père, à Adyar, un quartier de Chennai. Leadbeater prétendit avoir décelé chez le jeune garçon une aura exceptionnelle. Leadbeater qui disait pouvoir explorer les vies antérieures des personnes qu’il connaissait aurait découvert que la destinée de Krishnamurti était d’être sur terre le véhicule de l’« instructeur du monde », le « Lord Maitreya » que les théosophes attendaient. Cet « instructeur » est décrit comme une figure messianique combinant divers aspects du Christ, du Maitreya bouddhiste, et des avatars hindous. Krishnamurti considéra cette période d’éducation à la société théosophique comme salutaire, y compris sur le plan de sa santé. Il déclara que sans la rencontre avec Leadbeater, il n’aurait pas survécu.

Durant son éducation, en 1910, Krishnamurti passa deux jours et deux nuits dans les appartements d’Annie Besant, enfermé seul avec Leadbeater pour son « initiation ». Il serait alors remonté dans ses vies antérieures (il en fit le récit dans son ouvrage The Lives of Alcyone publié à l’automne 1910) et aurait finalement été accepté par les mahatmas de la théosophie.

Annie Besant

À l’été 1922,  il vécut une expérience « transformatrice » qui, bien que systématiquement accompagnée de violents maux de tête, fut qualifiée par lui-même d’éveil spirituel, qui devait changer sa vie. Ce qu’il baptisa « le processus » (the process) et au cours duquel il dit avoir ressenti une « Présence », une « bénédiction », une « immensité », un « état Autre » (Otherness) et un sens du « sacré » auxquels il fit souvent référence en ces termes dans son enseignement, en particulier dans ses « carnets », réapparut de façon récurrente tout au long de sa vie. À cela s’ajouta la mort de son frère en 1925, à l’âge de 27 ans qui l’ébranla fortement. Si bien qu’après avoir passé toutes ces années soumis à la vision que ses tuteurs avaient de lui, déclarant même souvent qu’il ferait tout ce qu’on lui demandait, il commença à partir de ces événements à contester les directives qui lui avaient été imposées sans pourtant tout à fait désavouer l’idée selon laquelle il serait ce messie.

En août 1929, il décida de dissoudre l’organisation mondiale, établie en 1913, pour le soutenir et qui avait été appelée « l’Ordre de l’Étoile du Matin », déclarant à cette occasion : « La Vérité est un pays sans chemin, que l’on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu’elle soit : aucune religion, aucune secte. ». Il considérait que les rituels et exercices spirituels de cet ordre étaient au mieux dénués d’intérêt et au pire absurdes. Il déclara aussi que dans cet ordre, la seule personne réellement sincère était Annie Besant. Son opposition à toute notion de sauveur, de gourou ou de tout médiateur pour faire l’expérience de la « réalité » allait devenir sa ligne directrice. Selon Mary Lutyens, le dernier lien avec la société théosophique fut rompu avec la mort d’Annie Besant en 1933.

« Toute autorité, particulièrement dans le domaine de la pensée, est destructrice, une mauvaise chose. Les leaders détruisent leurs adeptes et les adeptes détruisent les leaders. Vous devez être votre propre enseignant et votre propre disciple. Vous devez mettre en doute tout ce que l’homme a accepté comme valable ou nécessaire»

Une autre direction

Il se consacra alors à voyager à travers le monde pour exposer ses idées qui firent rapidement de lui une attraction inhabituelle en son temps par la distance parfois virulente qu’il prenait avec les religions et les gourous, même s’il finissait, inévitablement, par être perçu lui-même comme tel.

C’est à cette même époque qu’il fonda les premières écoles selon sa vision de l’éducation (Rosalind fut la directrice de la Happy Valley School). Dans cette période, Krishnamurti réside principalement à Ojai en Californie où il reçut la visite de plusieurs personnalités comme Aldous Huxley, Igor Stravinsky, Bertolt Brecht, Thomas Mann, Bertrand Russell ainsi que Greta Garbo qui se présenta à lui comme une aspirante spirituelle sérieuse. Aldous Huxley étant, parmi eux, l’ami le plus proche. En 1946, il subit une sérieuse infection des reins qu’il ne souhaita d’abord pas voir soigner, ne tolérant que la présence de Rosalind Rajagopal près de lui. Il accepta plus tard d’être soigné.

Ville de Ojai – Californie

Il commence à évoquer un thème qui devait revenir fréquemment dans ses conférences, celui de la « véritable méditation », dont le sens est différent de celui qui était acquis à cette époque. De la même façon, il critiquait fréquemment la division faite entre le conscient et l’inconscient.

À partir de 1950, il vit en partie à Paris, et rencontre Léon de Vidas qui possédait une propriété à Cuzorn, en Lot-et-Garonne, où il séjourna et rédigea une partie de Commentaires sur la vie, sur le conseil d’Aldous Huxley. S’ajoute alors, à ses discours sur l’introspection méditative, des critiques acerbes des structures de la société. En 1953 son premier ouvrage est publié par un éditeur important et non spécialisé en spiritualité.

Krishnamurti se plaignait fréquemment autant de la vénération dont il était l’objet en Inde que de l’approbation molle et inactive de ses auditoires occidentaux. Il mentionna un cas de conférence durant laquelle il se réjouit d’avoir entendu un désaccord de la part de son public, indiquant qu’ils commençaient à penser par eux-mêmes. En Inde, sa popularité était très importante et il rencontra plusieurs autres figures notables de la spiritualité telles que Ramana Maharshi, Mâ Ananda Moyî et Vimala Thakar. En 1956, il rencontra également Tenzin Gyatso, le XIVème dalaï-lama, avec qui il eut une relation de respect mutuel.

En 1960, il rencontre le physicien David Bohm dont les vues lui semblent proches des siennes. Les deux hommes devinrent rapidement amis et enregistrèrent un certain nombre de dialogues qui se déroulèrent sur une vingtaine d’années. Selon certains observateurs, le langage de Krishnamurti gagna en précision et en vocabulaire au contact des scientifiques. C’est à partir de ces années 1960 que son entourage note une modification générale de son comportement, auparavant joyeux rieur, il devint plus sérieux parfois impatient et véhément. Il interpelle son auditoire de façon plus radicale, comme s’il y avait une urgence à comprendre ce qu’il voulait leur transmettre. Or, ce changement intervient au moment des divers mouvements de la contreculture, et il apparaît à beaucoup trop austère dans cette période, ce qui ne l’empêcha pas d’organiser des rassemblements à succès à Saanen en Suisse, dédiés aux « personnes sérieuses, concernées par les énormes défis de l’humanité ». Krishnamurti n’admettait pas l’existence d’un changement intervenu en lui, il ne reconnaissait qu’un changement dans la « formulation, le vocabulaire et la gestuelle ». En 1970, il rencontre Indira Gandhi à plusieurs occasions et Pupul Jayakar, proche de Gandhi, affirme que Krishnamurti aurait eu une influence sur la politique indienne après ces discussions.

En 1980, il réaffirme les grandes lignes de sa philosophie dans une déclaration écrite connue sous le nom « le cœur des enseignements ». Au même moment, il affirme à son entourage que l’expérience intérieure, le « processus », qu’il décrivait les premières années, avait pris une force nouvelle, que ce mouvement intérieur aurait atteint la « source de toute énergie » et qu’il ne restait en lui qu’« espace incroyable et une immense beauté ». En 1981, à la suite d’une grippe qui l’affecta profondément, au point de dire qu’il lui aurait « été plus facile de se laisser mourir que de survivre », il commença à évoquer plus fréquemment le thème de la mort dans ses écrits et ses conférences. Bien que dans les années 1980, certains notèrent des signes de fatigue physique et mentale, après une vie où s’étaient succédées diverses maladies, il continua à donner une moyenne de 120 conférences par an jusqu’à sa mort Son mode de vie était austère et rigoureux, il ne fumait pas, ne buvait pas d’alcool, ne consommait pas de caféine et faisait un exercice physique régulier.

À l’âge de 90 ans, il s’est adressé aux Nations unies sur le sujet de la paix et de la conscience et a reçu la Médaille de l’ONU pour l’année 1984.

Son dernier entretien public eut lieu à Madras, en Inde, en janvier 1986, un mois avant son décès, à Ojai, en Californie. S’étant préparé à sa mort, il avait demandé que personne ne soit désigné ou ne se désigne comme son représentant, interprète ou porte-parole. Au cours d’une des dernières réunions avec son entourage, il aurait également demandé que « ses résidences ne deviennent pas des lieux de pèlerinage et qu’aucun culte ne soit développé autour de sa personne ». Il mourut en février 1986, quelques semaines après qu’un cancer du pancréas avait été diagnostiqué.

La pensée de Krishnamurti

La pensée de Krishnamurti est, selon lui, résumée dans son texte de 1980 « Le cœur des enseignements ». Il se fonde sur sa citation de 1929, selon laquelle « La Vérité est un pays sans chemins ». L’acquisition de cette « vérité » (qu’il appelait aussi « l’art de voir ») ne peut, selon lui, se faire au travers d’aucune organisation, aucun credo, aucun dogme, prêtre ou rituel, ni aucune philosophie ou technique psychologique. Elle serait mieux connue par le miroir des relations et l’observation du contenu de son propre esprit. Les images, les symboles, les idées, les croyances seraient tous des obstacles et la cause des difficultés humaines. La perception de la vie serait conditionnée par les concepts enracinés dans l’esprit. L’individu ne serait ainsi que le produit superficiel d’une culture. À partir de ce constat, une liberté peut être entrevue dans l’observation attentive de son propre manque de liberté. La connaissance du mouvement de ses propres pensées révèle l’esclavage au passé, la division entre le penseur et sa propre pensée, l’observateur et l’objet d’observation, l’expérimentateur et son expérience. Quand cette division se résorbe, l’observation « pure », libérée du temps et des conditionnements provoquerait une mutation radicale de l’esprit. Bien que sujet britannique par sa naissance dans la période où l’Inde était sous administration britannique, puis résident américain (un visa qu’il devait renouveler pour demeurer à Ojai), il se disait libre de toute nationalité (comme de toute culture ou religion) parce que, selon lui, l’attachement à la nationalité provoque la séparation qui est à son tour à l’origine des conflits.

Les écoles Krishnamurti

Des élèves à l’école d’Oak Grove

Krishnamurti est à l’origine de plusieurs écoles : de la KFT, Krishnamurti Foundation Trust en 1968, du Centre éducatif Krishnamurti de Brockwood Park en 1969 et d’Oak Grove à Ojaï en Californie en 1975. Plusieurs écoles ont été ouvertes en Inde, à Rishi Valley, et Rajghat Besant, auxquelles il rendait visite tous les ans. Une autre école a été créée à Wolf Lake au Canada. Selon Krishnamurti, leur vocation était de susciter l’apparition d’une nouvelle génération d’êtres humains, libre d’égocentrisme et de permettre à la fois à l’enseignant et à l’enseigné d’explorer non seulement le monde du savoir mais aussi leur propre pensée et leur propre comportement.

Le paradoxe Krishnamurti ?

Krishnamurti était connu pour critiquer la pensée, la religion et la philosophie. Ce qui lui faisait répondre, quand on le questionnait sur son statut, qu’il n’était ni penseur, ni gourou, ni philosophe. Enfant au regard vague, peu enclin aux études, fragile, il a été propulsé « messie » à l’adolescence, sous le tutorat de personnalités de la théosophie avant de prendre une direction apparemment très opposée aux projets théosophiques, pour finir par être vénéré par des milliers de personnes comme un maître spirituel.

Selon le professeur de philosophie Raymond Martin, la pensée de Krishnamurti est assez éloignée de la philosophie académique, particulièrement dans la tradition analytique. Il trouve cependant des similitudes avec la méthode socratique et l’enseignement originel de Siddhārtha Gautama. Toujours selon ce philosophe, l’approche de Krishnamurti s’apparente plutôt à une « méditation guidée ».

Des personnalités de tous bords ont cependant mentionné avoir été influencées par Krishnamurti, comme Joseph Campbell, Jackson Pollock Beatrice Wood, Alan Watts, Bruce Lee et plus récemment Eckhart Tolle, Pierre Rabhi, Deepak Chopra, Denis Robert.

Deepak Chopra

Controverses

Une carte de membre de « l’Ordre de l’étoile d’Orient », lequel avait été fondé pour la promotion de « l’instructeur du monde » que devait devenir Krishnamurti. Ce dernier a ensuite rejeté ce projet pour fonder son propre enseignement

Un conflit avec D. Rajagopal, directeur du Star Publishing Trust et organisateur des activités de Krishnamurti, au sujet de droits d’auteurs les conduisit tous deux dans une bataille légale qui eut raison de leur amitié. Le conflit qui débuta officiellement en 1971 dura plusieurs années. Une quantité importante d’ouvrages retournèrent en la possession de Krishnamurti de son vivant mais l’affaire n’arriva à son terme qu’après sa mort.

 Certains documents sont cependant restés en la possession de D. Rajagopal. Les échanges verbaux et écrits des deux parties étaient si acerbes, et certains rendus publics, que la réputation de Krishnamurti fut ternie durant cette période. Selon Lutyens, cela était dû au ressentiment consécutif à la perte d’influence progressive de Rajagopal sur Krishnamurti. Selon Radha, la fille de Rajagopal, les causes sont simplement en rapport avec le litige lui-même.

La vie privée de Krishnamurti n’a jamais été publique de son vivant, il ne l’évoquait jamais dans ses conférences, ne parlant jamais de lui, ou toujours à la troisième personne, selon ses dires afin que « l’attention ne soit pas sur l’orateur mais sur ce qu’il dit ». La biographie de 1991 écrite par Radha Rajagopal qui avait vécu plusieurs années dans la résidence de Krishnamurti, fut la première cause de controverses. Le portrait qu’elle faisait de Krishnamurti était en effet très différent de celui de Lutyens, par exemple, au point que cette dernière publia divers droits de réponses et réfutations. Selon Radha Rajagopal, les personnes qui connaissaient bien Krishnamurti lui trouvaient une « double personnalité », l’une confiante, forte, charismatique et une autre, quand il n’enseignait pas où il semblait vulnérable et démuni, parfois puéril. Le passage de l’une à l’autre aurait plus d’une fois surpris ses proches. Pour certains il n’était qu’inspirant, amical et pour d’autres, il pouvait être très froid et manquer de tact.

L’insistance de Krishnamurti sur l’inutilité voire la dangerosité de chercher « une aide extérieure » a produit de nombreuses réactions, exprimées fréquemment au cours de ses conférences, concernant, chez lui, un éventuel manque de compassion. Lutyens indique dans sa biographie que le message de Krishnamurti n’était pas destiné à fournir un soutien psychologique ou des solutions clé en main mais voulait inciter les auditeurs à trouver leurs réponses eux-mêmes.

Enfin, pour beaucoup d’observateurs, l’ironie suprême tient dans le fait que Krishnamurti est généralement considéré comme un des gourous les plus notoires du XXe siècle après avoir été celui qui avait le plus critiqué ce genre de statut, sans l’avoir, selon certains, assez franchement combattu pour lui-même.

L’évolution de Krishnamurti au cours de toutes ces années est assez remarquable car il a toujours défendu la recherche personnelle en dehors des religions et de leurs dogmes. Il est à noter que son « message » est profond dans le sens où il cherche avant tout à ce que chaque individu soit son propre « maître ». Ce qui à mon avis n’est pas toujours possible pour tout le monde. Mais il peut être inspirant pour certain (es).

J’ai lu quelques livres de lui et je le trouve toujours très intéressant bien que parfois un peu « radical » et peut-être dangereux pour des êtres instables car il me semble qu’une référence extérieure à nous, est utile pour éviter de s’égarer, ce qui est le cas dans le bouddhisme ainsi que dans la Franc-maçonnerie.

Ida Radogowski (largement inspirée par les textes de Krishnamurti et quelques articles retrouvés).

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Ida Radogowski
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Pratiquante bouddhiste depuis plus d’une trentaine d’années, continue de suivre régulièrement des enseignements auprès de maîtres du bouddhisme Theravada-moines de la forêt (bouddhisme de l’Asie du sud-est) et pratique la méditation régulièrement. Ida a pratiqué pendant longtemps le hatha-yoga, s’est imprégnée d’une certaine philosophie hindouiste moderne (Swami Prajnanpad et Krischnamurti). Je guide depuis plusieurs années des séances de yoga-nidra (yoga relaxation) auprès de différents groupes. Ses thèmes de réflexion sont : l’éthique – le travail sur soi, la cohérence et rassembler ce qui est épars. Elle travaille dans le milieu du spectacle vivant depuis de nombreuses années en qualité d’administratrice de compagnies de théâtre et d’ensembles musicaux (gestion-administration). Ida a crée avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçons(nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme. La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr

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