jeu 21 novembre 2024 - 22:11

Barcelone est le moteur de la franc-maçonnerie en Espagne

Article de Clémentine Laurent de equinoxmagazine.fr

Alors que les francs-maçons se font plus discrets en Espagne qu’en France, Barcelone reste un véritable centre névralgique, historiquement opposé au conservatisme de Madrid et de l’Église. Plongée dans le monde secret mais influent de la franc-maçonnerie, au cœur de la capitale catalane.

Une société secrète, mondiale et plus que centenaire, des réunions fermées, des membres influents mais très discrets… L’univers de la franc-maçonnerie fascine autant qu’il dérange, en particulier en Espagne où l’Église et les idées conservatrices sont toujours bien ancrées dans la société. Et pourtant, Barcelone se distingue du reste : elle compte plus de la moitié des francs-maçons d’Espagne. Et l’influence française n’y est pas étrangère.

« La bourgeoisie et les intellectuels barcelonais ont toujours été très sensibles aux idées des Lumières et de l’humanisme français. Historiquement, Barcelone est le moteur de la franc-maçonnerie en Espagne », reconnaît un maître de la Grande Loge de France à Barcelone, qui souhaite rester anonyme. Car si la société,­ d’origine britannique, arrive en Espagne au début du XVIIIème siècle, elle reste très discrète car dénoncée par la monarchie et l’Église. Pour elles, la société secrète pourrait représenter un pouvoir incontrôlable qui remettrait en question leur autorité. Mais avec l’invasion napoléonienne de 1808, et plus tard la révolution de 1868 et son influence intellectuelle française, la franc-maçonnerie s’installe réellement.

« Alors que l’Inquisition empêchait le développement de la franc-maçonnerie en Espagne, les troupes françaises l’implantent vraiment en fondant des loges et en recrutant des membres. C’est un véritable instrument politique pour Napoléon », relève Xavi Casinos, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur la franc-maçonnerie en Catalogne. Pour lui, l’influence française est indubitable : « Barcelone est la porte d’entrée de tous les courants intellectuels européens en français en Espagne. » D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, lors de l’un des rituels maçonniques les plus répandus en Catalogne (le rite écossais ancien et accepté), on déclare : « Liberté, égalité, fraternité ».

Barcelone, plus progressiste que Madrid
Mais si les obédiences (autorités maçonniques) sont plus nombreuses en Catalogne qu’ailleurs, cela s’explique aussi par la mentalité régionale très progressiste et libre. « Barcelone a toujours été plus libérale que Madrid, elle est beaucoup moins conservatrice dans ses idées », soulève le maître franc-maçon. « La franc-maçonnerie était une façon pour les intellectuels catalans de s’exprimer librement vis-à-vis de l’Église et de la monarchie en Espagne. »

C’est l’une des raisons pour lesquelles dès la fin de la guerre civile, après une période de relative tolérance de la franc-maçonnerie, Francisco Franco cherche à la museler par tous les moyens. Le vainqueur de la guerre et désormais dictateur craint aussi l’influence maçonnique et fait démanteler les temples et détruire les archives. « On compte plus de 10 000 personnes arrêtées durant la dictature car soupçonnées de franc-maçonnerie, alors même qu’il n’y en avait qu’environ 6000 en Espagne dans les années 1930 ! C’est pourquoi beaucoup de frères s’exilent, surtout en France », explique le maître, sur base de données de la Grande Loge Symbolique Espagnole.

La franc-maçonnerie est légalisée en 1979, quatre ans après la mort du dictateur, et les obédiences renaissent en Espagne en même temps que fleurit la démocratie, en particulier à Barcelone.

Complément de l’article sur equinoxmagazine.fr

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