sam 20 avril 2024 - 14:04

L’éducation maçonnique comme modèle de la Ré-Éducation Nationale ?

Une laïcité restrictive, basée sur de bonnes intentions, a réduit le système éducatif à n’être plus aujourd’hui que le plus petit commun multiple (p.p.c.m.) de la logique pédagogique. Bien des Francs-maçons n’ont pas échappé à cette vision. Ainsi a-t-on pu lire sous la plume de Paul Gourdot : « Un service public d’enseignement unifié et laïque constitue pour tous un centre de l’union en raison de son caractère laïque parce que fondé sur la liberté, la tolérance, l’indépendance envers tous les dogmes, qu’ils soient philosophiques, métaphysique ou politiques ».

L’idée est belle et tout à fait dans la lignée de ce que nous affirmons sur le plan de la liberté, de la tolérance et de la laïcité… Mais le danger n’est pas là. Il est dans « l’unification de l’enseignement ». Le rejet a priori – comme il est sous-entendu – de « tous les dogmes, qu’ils soient philosophiques, métaphysiques ou politiques » est un principe qui a besoin de fondements pour s’établir : il faut savoir ce que l’on rejette. Nous prétendons condamner l’ignorance. Mais pour condamner, il faut d’abord instruire (et donc être instruit sur ce que l’on condamne).

La laïcité n’est pas synonyme d’uniformité dans l’éducation (c’est le rôle de l’instruction, quand elle prétend fournir une base commune), mais d’enrichissement des individualités par une approche différenciée de l’enseignement : c’est en cela qu’autrefois l’éducation revenait aux parents et aux proches qui élevaient l’enfant (le Second Surveillant remplit un rôle comparable à l’égard des apprentis en loge – qui n’ont que « trois ans »).

Avec l’Éducation Nationale, en transférant l’éducation à la Nation – transfert accru par la démission de plus en plus marquée des parents et le rôle de plus en plus prégnant des « auxiliaires d’éducation » (les bien nommés !) dans la formation à l’école (et non de l’école) -, cette uniformisation s’est aussi reportée sur l’éducation des enfants, au détriment de leur personnalité. La banalisation du savoir s’est faite aux dépens de l’enrichissement des connaissances.

Mais qu’entend-on par « connaissance » ? “Par ce mot” [de connaissance], Saint Denys l’Aéropagite stipule “qu’il faut entendre ce que nos maîtres inspirés ont transmis à leurs disciples par une sorte d’enseignement spirituel”.

Les rites maçonniques proposent une démarche initiatique par la voie d’une connaissance traditionnelle. L’initiation maçonnique fait appel à l’expérience d’un vécu personnel. Elle rend libre de ses choix, en proposant une méthode comme guide d’expérimentation de ses propres voies de recherche. Elle vise une prise de conscience psychique par l’expérimentation d’épreuves physiques sensées éveiller progressivement l’esprit, par étapes (qualifiées de degrés). Le Franc-maçon doit donc dépasser le champ des savoirs pour atteindre celui de la connaissance. Par rapport au discours logique et rationnel de la science, il s’appuie sur les analogies, les symboles, les mythes et les rites pour s’élever d’un monde fini et relatif vers un univers infini et absolu.

Il n’y a pas de connaissance sans appropriation du savoir. Et pour qu’il y ait appropriation, il faut qu’il y ait participation active de l’individu au savoir qu’il acquiert. S’il y a participation active, il n’y a plus simplement conscience de ce savoir, mais conscience d’être dans le savoir… ou prise de conscience. Autrement dit, la connaissance c’est l’em-prise de la conscience quand elle expérimente le savoir. Le savoir s’enseigne, la connaissance s’a(p)-prend. Le meilleur exemple pour commenter la relation entre savoir et connaissance… c’est encore celui de l’initiation : elle fait prendre conscience de valeurs au moyen d’un savoir (que porte le rituel). Les épreuves, qui permettent d’expérimenter ce savoir en se l’appropriant dans un vécu, le transforment en co-naissance, c’est-à-dire en finalité : rechercher dans le savoir ce qui fait sens pour sa vie. La pensée s’inscrit dans le tracé ; elle guide la main de l’artisan : l’outil donne forme à l’idée dans la création. Ce qui s’appelle pratique pour le compagnon et l’enseignement opératif, s’appelle maïeutique pour le franc-maçon et l’enseignement spéculatif.

Discipline et maîtrise de soi, respect et dignité de l’autre, tolérance et apprentissage en groupe sont des valeurs humaines (et humanistes) qui devraient être systématiquement mises au cœur de tout système éducatif.

Dans cet esprit, l’éducation devrait pouvoir répondre à la fois aux impératifs du savoir (par une approche théorique) et aux aspirations de la connaissance (par une approche opérante) ; afin de conduire les apprenants, à côté des repères civiques, moraux ou religieux qui devraient leur être enseignés, à s’engager personnellement sur les plans social, éthique et spirituel. Mettre des valeurs dans sa vie, c’est aussi mettre sa vie en valeur.

L’esprit critique, par la pratique du doute méthodique, permet de remettre en cause le champ des savoirs au profit d’une recherche qui expérimente de nouvelles connaissances. Relativiser le savoir, c’est rejeter les vérités toutes faites, les certitudes commodes, les idéologies faciles pour s’interroger sur ce qu’elles valent et sur ce que l’on veut… et l’on vaut.

Pierre PELLE LE CROISA, le 27 avril 2015

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES