mer 18 décembre 2024 - 08:12

Interview de Catherine Quentin nouveau Souverain Grand Commandeur du REAA du Suprême Conseil Féminin de France

Le week-en dernier, vous avez été installée comme nouveau « Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil Féminin de France », garant et conservateur du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Vous succédez à Michèle Romeo et vous êtes le 6e Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil Féminin de France (2800 membres et 198 Loges). Nous vous souhaitons un mandat placé sous les auspices de l’harmonie. Merci d’accepter de répondre à nos questions :

Catherine Quentin, pouvez-vous vous nous dire ce qui vous a motivé à vous présenter pour la charge de Très Puissant Souverain Grand Commandeur du REAA à la Grande Loge Féminine de France ?

Catherine Quentin : Le Suprême Conseil Féminin de France, garant et conservateur du Rite Ecossais Ancien et Accepté, est juridiquement indépendant de la Grande Loge Féminine de France. Mais toutes les Sœurs de notre Juridiction Ecossaise en sont issues et travaillent dans leur loge symbolique où elles ont un devoir d’assiduité. Le Grand Commandeur tient son mandat du libre choix de ses Sœurs du Suprême Conseil.

Quels sont les principaux défis que vous anticipez dans votre nouvelle charge, et comment envisagez-vous de les aborder ?

Catherine Quentin : Il n’y a pas de défis. Il y a devoir de lucidité, volonté et désir de s’inscrire dans une continuité : poursuivre l’œuvre de structuration de notre Juridiction et veiller à son développement maîtrisé et harmonieux tel qu’il a été voulu il y a 50 ans par nos Aînées. Et avant tout veiller à ce que la spiritualité reste au cœur de nos échanges et de notre vision de l’avenir.

Comment voyez-vous l’évolution du rôle des femmes dans la franc-maçonnerie, et comment votre mandat peut-il influencer cette évolution ?

Catherine Quentin : Nous sommes une Juridiction résolument féminine et forte de ses valeurs. Nous œuvrons à faire rayonner la parole de la femme initiée Ecossaise dans notre environnement maçonnique.

Le REAA est connu pour son symbolisme riche et ses rituels distinctifs. Avez-vous des projets pour moderniser ou approfondir ces aspects durant votre mandat ?

Catherine Quentin : Le Rite Ecossais Ancien et Accepté est notre grammaire commune. Il est garant de notre Tradition initiatique Ecossaise qui a toujours su s’adapter aux avancées scientifiques et technologiques sans avoir besoin de modifier ses contenus.

La Franc-maçonnerie est souvent vue comme un lieu de transmission de la connaissance et de la sagesse. Quelles initiatives comptez-vous mettre en place pour encourager cet aspect ?

Catherine Quentin : Sans parler d’initiatives, les Sœurs du Suprême Conseil et moi-même sommes très attentives à maintenir des liens de proximité entre le Suprême Conseil, les Loges et les Sœurs de notre Juridiction pour faire résonner notre juste note sur cette terre des hommes ; nous avons obligation d’y agir, d’intercéder et de transmettre pour tenter de faire éclore des choses vivables en société, tout en donnant accès à des réalités intangibles, mais inspirantes et vivifiantes.

Comment envisagez-vous de renforcer les liens entre les divers Suprêmes Conseils, particulièrement au niveau international ?

Catherine Quentin : Dans ces temps de profonds bouleversements et de perversion de valeurs qui nous sont chères, il me parait important de renforcer les liens entre les Juridictions Ecossaises pour réfléchir à la Parole qu’il convient de tenir à l’extérieur de nos Temples. Pour ce qui nous concerne, nous œuvrons à conforter l’Alliance des Suprêmes Conseils féminins Ecossais qui regroupe les Suprêmes Conseils féminins de France, de Belgique, du Chili, d’Italie, du Portugal, de la Turquie et du Venezuela (ASCFE).

Face aux difficultés que traverse la GLFF actuellement, le Suprême Conseil peut jouer quel rôle vis-à-vis des Loges dites « Bleu » ?

Catherine Quentin : Les Sœurs de la Juridiction ont obligation d’assiduité et devoir d’exemplarité dans leur loge symbolique.

Le recrutement et la rétention des membres sont souvent des défis pour les loges. Les Grades Perfections sont-ils une solution pour fidéliser les maçonnes qui seraient tentées de démissionner après quelques années de Maîtrise ?

Catherine Quentin : Les grades de perfection ne sont pas une solution. Ils sont une ouverture vers plus de spiritualité pour toutes celles qui travaillent, comprennent et acceptent les changements en profondeur qu’apporte la voie initiatique, avec ses difficultés et ses joies immenses.

En tant que Très Puissant Souverain Grand Commandeur, quelle sera votre approche pour intégrer ou encourager la discussion sur les enjeux contemporains comme le féminisme, l’écologie ou les droits humains au sein de vos rituels ou de vos travaux ?

Catherine Quentin : Le travail que nous faisons dans les Loges de la Juridiction est de nature strictement spirituelle et philosophique, ce qui nous permet de prendre suffisamment de recul pour mieux comprendre et aborder ensuite avec davantage de sagesse et de lucidité les questions qui se posent à notre vie quotidienne, chacune à sa façon.

Pour finir, quelles sont les trois valeurs que vous chercherez particulièrement à incarner et à promouvoir durant votre mandat qui sera de combien d’années d’ailleurs ?

Catherine Quentin : Le mandat du Grand Commandeur du Suprême Conseil Féminin de France est de 7 ans. Spontanément, je crois à la vertu du travail, aux bienfaits de la bienveillance et à une nécessaire loyauté inter pares.

Présentation des Hauts Grades Écossais au Féminin gérés par le Suprême Conseil Féminin de France

La Franc-maçonnerie féminine en France a connu un tournant significatif avec la fondation du Suprême Conseil Féminin de France (SCFF) en 1970. Cette instance dirigeante des hauts grades du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) a ouvert la voie à une pratique maçonnique féminine complète et autonome.

Histoire et Fondation

Cliquez sur l’image pour retrouver cet article

En 1945, après la Seconde Guerre mondiale, un groupe de sœurs maçonnes, jusqu’alors marginalisées par le Rite d’Adoption, se sont regroupées pour former la Grande Loge Féminine de France (GLFF). En 1958, ces sœurs ont revendiqué leur droit historique à travailler au Rite Écossais Ancien et Accepté, marquant ainsi l’intégration de la franc-maçonnerie féminine dans les obédiences françaises. La vision de Gisèle Faivre, qui avait déjà envisagé la complétion du Rite Écossais par ses ateliers supérieurs en 1947, et le soutien de Marjory C. Debenham, une Anglaise convaincue par l’universalisme maçonnique, ont abouti à la création du Suprême Conseil Féminin de France. Installé à Londres le 19 avril 1970 par le Suprême Conseil Féminin du Royaume-Uni et du Commonwealth, le SCFF a été proclamé le 12 juin 1972, avec Gisèle Faivre comme premier Grand Commandeur.

Structure et Grades

Le SCFF gère les hauts grades du REAA, allant du 4ème au 33ème degré. Cette structure inclut les ateliers supérieurs tels que le Chapitre Rose-Croix, la Loge de Perfection, l’Aréopage, et les degrés ultérieurs jusqu’au 33ème degré. La consécration du Chapitre Rose-Croix le 25 septembre 1965 a marqué une étape cruciale dans la complétion de la pyramide des grades.

Expansion et Coopération Internationale

Le Suprême Conseil Féminin de France est respecté et apprécié par les divers Suprêmes Conseils mixtes et masculins. Outre son expansion nationale, il coopère activement à la formation de nouveaux Suprêmes Conseils Féminins à travers le monde. Des Suprêmes Conseils Féminins ont été établis en Italie, au Portugal, en Espagne, en Grèce, en Pologne, en Afrique, et en Amérique latine, témoignant de l’essor international de la franc-maçonnerie féminine.

Réalisations et Patrimoine

Le SCFF a également contribué à la création de l’Alliance des Suprêmes Conseils Féminins, renforçant ainsi les liens entre les différentes juridictions féminines. La vie de la juridiction française est marquée par des protocoles d’accord et des collaborations avec d’autres obédiences, assurant une unité et une solidarité dans la pratique maçonnique féminine.

Figures Clés

Andrée Buisine en 2000. Cliquez sur la photo pour retrouver l’article de juillet 20243 lors du départ pour l’Orient Éternelle de la Soeur Andrée Buisine.

Des figures emblématiques comme Gisèle Faivre, Andrée Buisine, et Marjory C. Debenham ont joué un rôle crucial dans la fondation et le développement du SCFF. Andrée Buisine, docteur d’État ès Lettres et membre fondateur du SCFF, a publié plusieurs ouvrages sur la franc-maçonnerie féminine et a été décorée de la Légion d’Honneur et des Palmes académiques.En somme, le Suprême Conseil Féminin de France représente une avancée majeure dans la reconnaissance et la pratique de la franc-maçonnerie féminine, offrant une voie complète et autonome pour les sœurs maçonnes à travers le monde. Sa richesse historique, ses réalisations et son expansion internationale font du SCFF un acteur majeur dans le paysage maçonnique contemporain.

Retrouvez l’ouvrage d’Andrée Buisine dont nous avions évoqué la sortie en 2022

4 Commentaires

  1. Mon Bien Aimé Frère Pierre, Merci pour ta remarquable description, ligne après ligne, des “Side Degree” de la Franc-Maçonnerie anglaise, génitrice de toutes les autres. Si seulement une Juridiction française prenait modèle sur sa pratique et ton présent “narratif”, il y a longtemps que tu devrais être à son sommet après l’immense travail maçonnique que tu produis depuis des années, au fil de tes livres et des différentes “maisons” qui jalonnent ton parcours! Si tu avais trouvé celle que tu décris si bien, tu auras posé ton sac. Je souhaite vivement que l’une d’elles te reconnaisse enfin et que tu y prennes la haute place qui te revient! Pour ma part, en tant qu’auteur moi-même et qui n’attend aucun colifichet, je ne retire pas une ligne de l’analyse sociologique que je viens d’écrire ici. Je ne favorise pas mais constate. Semer, essaimer et s’aimer. J’ai honoré mon contrat et touché mon salaire, non en médailles mais en fraternités. GG

  2. Mon Bien-Aimé Frère et Ami Gilbert Garibal, tu reproches aux Suprêmes Conseils d’être conservateurs de leur rite. Heureusement ! te répondrais-je ; car tu omets de dire qu’ils sont « garants de la Tradition », et qu’à ce titre ils conservent les richesses que des générations de Sœurs et Frères ont entretenues, développées et actualisées au cours des siècles. Garder un trésor ne veut pas dire se l’approprier ; en l’occurrence, en Franc-maçonnerie ce trésor est surtout partagé avec ceux qui sont susceptibles de s’y intéresser. Quant à la patente qui justifie ce dépôt, son origine latine « patere » signifie qu’il est « ouvert, visible » à ceux qui s’y intéressent et veulent progresser en spiritualité. Dans les « Side degrees », chacun avance dans les degrés de son rite selon son niveau et le travail qu’il fait sur lui-même. De ce fait, il ne peut y avoir de « climat compétitif » ni de « concours d’examen » ; car nous ne sommes pas dans le monde profane. Les obédiences et les juridictions (et les Grands Commandeurs qui les représentent) offrent d’énormes avantages qu’il ne serait pas honnête d’ignorer. Ces institutions ne peuvent être réduites à des organisations administratives car leur finalité est spirituelle, leur méthode est initiatique et l’objectif de leurs rites est celui de notre perfectionnement. Nous parlons ici d’Ordres et non d’associations. Notre démarche maçonnique demande de mettre de l’ordre en soi avant d’asséner ses opinions comme des ordres à ceux qui sont encore en recherche. La possibilité de sortir de nos institutions est laissée à tout Franc-maçon qui le souhaite. L’égalité entre les Frères est soulignée dès les grades symboliques. Quant à la Fraternité qui doit nous unir, elle est affirmée à tous les degrés du rite.
    Alors, mon cher Gilbert, que tu aies du goût pour des loges indépendantes, c’est ton droit individuel et non universel. Mon Bien-Aimé Frère, au-delà de nos opinions qui peuvent diverger mais qui nous enrichissent, sachons d’abord conserver notre fraternelle amitié. BBB. Pierre PELLE LE CROISA

  3. En France, tous les “Suprêmes Conseils”, ( abusivement appelés Juridictions) féminins, masculins et mixtes se disent conservateurs exclusifs du rite pratiqué, Ainsi en est-il du REAA, qui, en fait, n’est la propriété ni l’exclusivité de personne depuis son officialisation en 1804 aux Etats Unis et celui qui aujourd’hui est le plus pratiqué dans le monde. La patente est une invention administrative sans aucune valeur juridique. Les degrés, du 4ème au 33ème degré ne sont accessibles aux frères et soeurs que par choix, souvent après de longues années, à la discrétion de l’encadrement. La progression relève donc davantage du concours que de l’examen et se crée ainsi un climat compétitif. De plus, les intervisites sont pratiquement interdites entre Suprêmes Conseils. La radiation guette ceux et celles qui visiteraient des loges indépendantes! Les candidats ( tes) entrant de plus en plus tard en maçonnerie ( souvent lors de la retraite), bien peu peuvent prétendre atteindre le 33ème degré du REAA. Seuls, quelques rares institutions maçonniques, vraiment indépendantes, pratiquent ce rite du 1er au 33ème degré, les degrés terminaux y étant accessibles à tous les membres. A quand une maçonnerie vraiment démocratique en France? Vous avez dit Liberté-Egalité-Fraternité? Il y a encore beaucoup à faire en ce sens dans une institution pourtant à l’origine de la liberté d’association! GG

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES