Dans son ouvrage « Manuel de survie pour Apprenti maçon voulant démissionner » le Frère Franck Fouqueray, avait dressé une galerie de portraits des personnages que nous croisons régulièrement en Loge. Nous vous proposons aujourd’hui de les étudier un par un. Il y a fort à parier que vous y reconnaissiez quelques Frères ou Sœurs de votre Loge… ou peut-être vous-même…
Voyons à quoi ressemblent ces « archétypes » qui vous donnent envie de partir très vite quand vous croisez un ou plusieurs exemplaires de chacun d’eux. Il est en effet intéressant de dresser une typologie des membres de la Franc-maçonnerie. Nous allons ainsi constater qu’il existe entre eux un fil conducteur qui révèle un dénominateur commun expliquant facilement ce qui crée la désillusion.
Le but n’étant pas de supprimer, mais bien de replacer les choses dans leur contexte et à leur juste place, afin que le maçon que vous êtes puisse cheminer avec la bonne boussole. Selon le dramaturge Tchèque Vaclav Havel : « L’espoir ce n’est pas de croire que tout ira bien, mais de croire que les choses auront un sens… ». Il en est de même dans la Loge. Posons-nous la question : « Quel est le sens de ma présence ici ? » et pour le comprendre, faisons une petite introspection et comparons les divers profils de vos voisins de tablier. Bien entendu, il est possible de croiser plusieurs d’entre eux dans la même Loge, parfois en plusieurs exemplaires. Un même Frère ou Sœur peut également cumuler à des degrés divers plusieurs des tendances décrites ci-dessous.
Le fusionnel
Il est entré en Loge car l’unité première, celle qu’il a connue lors de sa période de gestation lui manque furieusement. Il était déjà fraternel sans le tablier. Selon lui, l’autre est une prolongation de lui-même. Le seul problème avec lui (ou elle) c’est la difficulté à lui dire au revoir, car les Tenues durent cinq heures et se terminent une larme à l’œil au petit jour. Son besoin d’affection et de reconnaissance, ses lacs d’amour peuvent devenir étouffants…
Le frustré
Vous le reconnaissez vite car son âge le rend respectable et la couleur de son tablier est unique dans la Loge. En général, ses trente années de maçonnerie l’ont porté au firmament de l’Obédience. Il sait tout, il connaît tous les Rites et si vous le prenez en faute sur le Rituel, il sera très vexé. En fait, son seul succès dans la vie, c’est en Franc-maçonnerie qu’il l’a obtenu. On touche au sacré, ne rigolez pas trop avec lui, c’est très sérieux. Il y aussi de jeunes frustrés qui compensent en Loge leur vie personnelle terne. Des « toujours en Tenue » qui passent leur vie en Franc-maçonnerie sans forcément être très anciens ni gradés. Ils se consacrent à visiter à droite à gauche, en banquets divers, T:.B:.O:., T:.B:.F:., congrès ou dans les instances de l’Obédience… pour remplir le vide de leur vie, pour fuir leurs soucis personnels (couple ou famille en crise).
Le dilettante
Il est maçon depuis quinze ans, mais ne le branchez pas sur le Rituel, il n’y connaît pas grand-chose. Il pratique la maçonnerie « parce que c’est sympa », « on est entre nous » et « il y a une bonne ambiance dans la Loge ». Il n’est pas désagréable mais ce n’est certainement pas le boute-en-train de service. D’ailleurs, quand il devient Vénérable de la Loge, celle-ci entre dans une période intense et parfois longue de ronronnement très reposant. Sauf si ce dilettante descend de charge au bout d’un an voire deux, si la charge lui est trop lourde, ou s’il démissionne si une crise se déclenche dans la Loge sous son maillet. Pour elle ou pour lui, la Franc-maçonnerie est un loisir, pas un travail : il en a déjà un. Ce qu’il y trouve ? Il ne le sait pas lui-même !
L’intégriste du Rituel
Ne le branchez surtout pas sur le Rituel, il vous en colle une. Il connaît tous les détails du Rituel et serait même capable de vous en donner les évolutions depuis 1805. En le poussant un peu, il vous donnerait le nom des Présidents de S:.S:.N:. (Souverain Sanctuaire National) qui se sont succédé pour concocter les fameux avenants au Rituel. Il n’est pas désagréable, ce n’est pas un mauvais bougre… mais dès qu’on parle de maçonnerie, on touche au sacré et il devient psychorigide. A manier avec précaution et diplomatie.
Le carriériste
On dit régulièrement qu’il souffre de cordonite aiguë. En d’autres termes, il se bat pour obtenir des fonctions dans les instances de l’Obédience et/ou le sautoir du Vénérable (qu’il a déjà eu cinq fois) ou par défaut, il prendra le Plateau d’Orateur. Ne lui demandez pas de devenir Hospitalier, vous allez le vexer. Le nec plus ultra pour lui, c’est d’éditer des cartes de visites avec le Plateau qu’il occupe. S’il est fan des USA, il est même possible qu’il insère sa photo sur ses précieuses cartes. Il est attiré par le pouvoir et les honneurs, pour compenser des débuts difficiles ou modestes dans la vie, pour soigner une faible estime de soi, ou pour nourrir son ego et ses besoins narcissiques.
Le religieux
(l’Intégriste du G:.A:.D:.L:.U:. ) : Il aurait bien fait le grand séminaire, mais il fallait renoncer au mariage. Pour lui, la maçonnerie, c’est la ligne directe avec Dieu, sans passer par sa secrétaire. Si vous venez en Tenue pour vous détendre, évitez de le prendre pour voisin de Loge. Il risque de vous déprimer pour le reste de la semaine, c’est un puriste. Pour lui le G:.A:.D:.L:.U:. existe et vous n’avez guère votre place en Loge si vous n’y croyez pas. Soulignons qu’ils ne sont pas tous catholiques, il en existe de toutes confessions.
Le laïcard
(l’intégriste de la laïcité) : Il n’est évidemment pas méchant, mais son « à bas la calotte » en fin de Tenue, est assez pénible. Il vous rappelle sans cesse avec délectation et un brin de vice que son Obédience a tué le G:.A:.D:.L:.U:. en 1877. Il a tendance à tomber dans le dogmatisme anti-religieux : il n’y a rien après la mort, point final, le reste est foutaises ou superstitions. Pour lui, la laïcité n’est pas un principe d’égalité et de tolérance entre toutes croyances ou absence de croyance, mais un outil antireligions. En général, parler du principe créateur lui donne une poussée d’urticaire, et il ne rechigne pas à vous faire une planche sur les caisses de retraite ou l’euthanasie. La maçonnerie pour lui c’est un peu l’antichambre de l’Assemblée Nationale ou du Sénat.
Le mystico-gélatineux
Celui-là est un spécimen très particulier. Il connaît tous les arts. Cela va de la Rose-Croix aux Templiers en passant par le B’nai B’rith sans oublier le druidisme. Papus est son Maître incontesté. L’astrologie et la chiromancie sont ses distractions préférées, du moins quand il ne vous raconte pas sa dernière séance de spiritisme. La maçonnerie est pour lui une corde de plus à son arc. Ce n’est pas qu’il soit spécialement dangereux, mais la confusion règne chez vous quand vous avez passé quinze minutes à écouter tout son parcours, car vous sentez bien qu’une vie ne vous suffira pas pour le rejoindre dans les hauteurs cosmiques de la connaissance.
Le politique
C’est très clair, pour lui la Franc-maçonnerie est le tremplin pour devenir Ministre, Député, Sénateur ou à la rigueur Maire. Tout le monde le sait, les hommes les plus influents et les plus brillants du Monde sont ou étaient tous des maçons. Il vient donc pour garnir son carnet d’adresses. Un sous-genre du politique est le militant qui, sans être rongé par l’ambition, ne conçoit pas que la Franc-maçonnerie ne soit pas une manière de faire de la politique en dehors des partis. En Tenue, il ramène tout aux questions politiques ou sociales. Le politique peut être très fraternel, mais le naturel reprend souvent le dessus et quoi qu’on en dise, l’énergie de la politique, tout comme celle de l’argent, n’est pas très compatible avec celle de la Franc-maçonnerie.
L’assistant social
Pour lui la Franc-maçonnerie a pour mission et devoir de sauver les Sœurs et les Frères en difficulté, mais aussi de lutter contre la misère du Monde. Il est très estimable. Entre son ardeur à sauver l’Univers et son amertume contre ceux et celles qui ne sont pas comme lui, il lui arrive de culpabiliser les autres de ne pas suivre son exemple. Cela peut devenir très désagréable lorsqu’il cherche à entraîner la Loge dans des actions qui vont la conduire à devenir une antenne de la Croix-Rouge ou de Médecins sans Frontières.
L’historien
Avec lui, c’est le retour assuré à la Sorbonne ou à Paris 7. La maçonnerie est un prétexte permanent pour décortiquer l’Histoire. Quand il devient Maître, cela tourne au cauchemar pour vous, car le livre d’Histoire remplace le Rituel. Cela pourrait être très intéressant, si cela ne servait pas à masquer sa sensibilité. Le meilleur conseil, c’est de vous mettre à côté de lui lorsque vous travaillez sur une planche concernant la création de votre Rite. Il vous servira alors d’anti-sèche. Pour le reste, il sera plus utile et moins soûlant de vous mettre près du maçon tout simple dont il est question quelques lignes ci-dessous.
Le psychothérapeute (ou analyste)
Son plus grand regret, c’est que les Tenues ne se fassent pas allongées sur le canapé. Il n’est pas bien dangereux, mais pour lui, la maçonnerie c’est freudien, lacanien ou jungien. Il voit dans notre Rituel des clés de compréhension psychologique à chaque page. Pour lui, aucun doute possible, le Second Surveillant c’est maman et le Premier Surveillant c’est papa. Ça peut être très drôle au début, mais ça peut aussi devenir très vite rasoir, voire insupportable lorsque ses commentaires touchent à l’intime.
L’Apprenti
Le voilà enfin, ce maillon du futur, ce bourgeon qui va donner à la Loge son essence et son renouveau. Une Loge sans Apprenti est une Loge molle et sclérosée. Je l’affirme haut et fort, pour qu’une Loge soit vivante et qu’elle vibre pour le bonheur de tous, il lui faut des Apprentis. De plus, l’Apprenti possède une richesse qui tend à disparaître avec les années : il s’agit de la candeur et surtout de l’humilité (du débutant). Vive l’Apprenti !
Le maçon tout simple
Ah celui-là, quel bonheur. Il est simple et gentil, respectable et fraternel. Il constitue la grande majorité des Frères et des Sœurs qu’on retrouve en Loge, fort heureusement. On le reconnaît facilement mais on ne le remarque pas, car justement, il est discret. Il traite les Apprentis comme ses égaux et ne rechigne jamais pour être de corvée afin d’organiser la Saint Jean d’été. C’est lui qui donne envie de rester en Loge. Il nous connecte en général à ce que nous avons de meilleur en nous. Il ne fait pas de bruit et pourtant, c’est lui le modèle. C’est un terreau sur lequel la Franc-maçonnerie repose depuis trois siècles.
Nous pourrions décliner à l’infini les portraits, car il en existe encore de nombreux. Mais avec ces quelques grandes familles, nous avons déjà une bonne représentation de la Loge type.
La question suivante pourrait être : « Et vous, quel type de maçon êtes-vous ?
Génial!!! je me suis beaucoup amusé avec cette galerie de portraits. pour se définir, il vaut mieux procéder par élimination… mais il faut que je relise l’article. Il faut dire que je suis un peu dilettante, sauf quand un laïcard ou un religieux me brouille l’écoute. Contre les mystiques, un voile fin me protège. Pour le reste, je préfère retourner faire la vaisselle avec les apprentis.
Bonne réponse !!
Bien sûr, ces portraits sont humoristiques et caricaturaux…quoique…
Il y a dans ceux-ci des variantes qui nous apparaissent et nous avons parfois été l’un d’entre eux,
voire, un peu tous à la fois… Et c’est bien normal puisque la FM est “une école de perfectionnement de soi-même”. Donc et par principe, nous y arrivons avec nos scories…à nous de polir notre pierre.
Là où c’est plus embêtant c’est lorsque 3, 4 ans après certains n’ont pas évolué…étant les mêmes qu’au jour de leur arrivée en loge. Et la question récurrente tient plus encore : “Qu’êtes-vous venu faire en loge” (question posée par bien des rituels).
Aucune école philosophique, aucun art royal ou tout autre enseignement sur l’homme, ne vaut qu’à partir ou il est appliqué. Pour cela, la maçonne, le maçon doit “se mettre en action” pour s’appliquer ce que le rituel dans ses symboles et allégories lui a permet de saisir. Sinon, rien, nada, quedalle !
Vous aurez beau recevoir 100 cérémonies pour être accepté dans toutes les grades de la FM au monde, vous n’aurez pas avancé d’un millimètre.
C’est pour cette raison d’ailleurs qu’un Frère (moins les soeurs d’ailleurs : ) qui vous lance : “J’ai XX années de FM” ne veut strictement rien dire. Pire, s’il vous lance cela tel quel, c’est que certainement, “il n’a jamais fait le travail”.
Je vous embrasse
J’apprécie votre remarque et particulièrement : <<Là où c’est plus embêtant c’est lorsque 3, 4 ans après certains n’ont pas évolué…étant les mêmes qu’au jour de leur arrivée en loge. Et la question récurrente tient plus encore : <>
Que suis-je? Un peu de chaque portrait, évidemment.