jeu 21 novembre 2024 - 18:11

Les agapes en questions

On peut concevoir la franc-maçonnerie comme la recherche de l’excellence !

L’excellence, on la retrouve dans les trois valeurs platoniciennes : le Bon, le Beau et le Juste ! Dans ce post, il sera question des agapes qui se déroulent après les tenues maçonniques ! Telles qu’elles se déroulent généralement, sont-elles porteuses de ces trois “piliers” ?

Normalement une réunion maçonnique comprend deux temps :

  • Il y a le temps de la tenue maçonnique où la réflexion et la méditation dominent
  • et le temps de la joie partagée dans la convivialité qui normalement se déroule à l’occasion de ce que l’on appelle les agapes !

Les agapes appartiennent à la catégorie des repas rituéliques partagés !

Dans cette catégorie on trouve une multitude de modalités selon les pays, les cultures, les groupes sociaux et les prétextes ! Repas de communion, repas de chasse, tenue de table, etc. etc. Les francs-maçons pratiquent plusieurs sortes de repas (ou de partage de nourriture) rituel. Et en particulier ces fameuses agapes.

Les agapes maçonniques ont un certain nombre de caractéristiques :

  • c’est un repas partagé par les membres de la loge et leurs visiteurs, fondamentalement en respect de la tradition chrétienne du rituel eucharistique d’où le nom d’agape,
  • le repas se déroule le plus souvent dans les locaux maçonniques,
  • il devrait être préparé par les membres de la loge et servis par les apprenti-e-s  (ce qui se voit de moins en moins) ;
  • Les visiteuses et les visiteurs sont, normalement, des invités et donc exonérés d’une participation financière ; cette coutume se perd aussi ! (« un sou c’est un sou, n’est-ce pas ? »)
  • La participation financière aux agapes doit être modeste, ce qui là aussi disparaît !
  • L’essentiel des agapes est le partage d’une nourriture rituelle et la joie qui en découle !
  • Si la loge de table a pour fonction essentielle de participer à la socialisation de la loge, les agapes devraient nous inciter à une relation spirituelle intense.
  • Dans les grandes villes, dans les immeubles maçonniques possédant de nombreux temples, on voit même des services de restauration collective prendre en charge des agapes !

Force est de constater que ce temps de la joie partagée (et de quelle joie parle-t-on ?) est bien souvent absent même si on peut y vivre une cordialité sympathique !

Il y a bien un repas mais qu’y trouve-t-on ?

  • les sœurs et les frères forment des petits groupes de trois ou quatre en fonction de leurs places à table,
  • La nourriture est le plus souvent du niveau d’une cantine,
  • On y boit des boissons alcoolisées, ce qui ravit celles et ceux qui en abusent !
  • C’est souvent l’occasion de lâcher les amarres pour se laisser aller aux « approximations » du café du commerce,
  • On finit à point d’heure, le ventre plein avec des aigreurs garanties !
  • Dans certaines situations le laisser-aller va jusqu’à « la dictature » des tabagiques qui imposent leur addiction !
  • Ces banquets se terminent bien souvent par des départs étalés parfois sans se dire au revoir.
  • On a bien mangé ; on a bien bu et on est repu, la peau du ventre bien tendue ….
  • Tout n’est naturellement pas négatif mais on a bien souvent l’impression d’être passé à côté d’une belle occasion de célébrer quelque chose d’important !

Arrêtons les banquets, retrouvons les agapes !

Tout cela n’est pas sain : on a parfois l’impression que la raison d’être symbolique de ces agapes n’est plus d’actualité ; il reste une nourriture trop riche à une heure tardive, des échanges bien souvent au ras des pâquerettes, sans oublier une contribution financière parfois « inappropriée ».

Au total force est de constater que le terme « d’agapes » est à cent lieues de ces banquets « décalés » !

Si le terme d’agape se réfère au « repas du soir pris en commun par les premiers chrétiens et au cours duquel était célébré le rite eucharistique. » (Source CNRTL), en franc-maçonnerie, l’ambition de ces agapes ésotériques n’est-il pas de nous rassembler pour vivre la joie d’être ensemble en utilisant une nourriture et une boisson en partage !

Pour que ce temps d’échange et de partage se vive, plusieurs conditions sont nécessaires :

  • Dans cette configuration, un rituel d’agapes s’impose avec une introduction, une intervention et une clôture ! En dehors ce ces trois temps, la parole est libre !
  • Qui dit rituel dit animation ; logiquement ce serait au maître des banquets de veiller au bon déroulement de ce rituel, de prendre la parole et de la donner à d’autres intervenants avant de conclure !
  • Est-il judicieux de s’asseoir autour d’une table ? Être en cercle debout autour d’une table sur laquelle seraient posés un plat à partager et de l’eau comme boisson permettrait une plus grande attention !
  • Une mini-planche, sans commentaires, sur ce symbolisme des agapes permettrait de donner une certaine « consistance » ;
  • En dehors des prises de paroles une certaine liberté permettrait les échanges informels ;
  • La durée de ces agapes ne devrait pas dépasser une vingtaine de minutes !
  • Un repas rituel ce n’est pas que la nourriture ; il y a aussi le décor, les assiettes, verres et couverts sans oublier la serviette ! Ne pas penser à ces accessoires, oublier le raffinement, au minimum c’est … vraiment dommage !

De quels avantages pourrait on bénéficier avec ce mode de fonctionnement des agapes ?

  • Essentiellement le retour du sens de ce que l’on fait : le partage de la nourriture et de la boisson qui nous donne la joie et l’énergie nécessaire pour répandre dans le monde profane les valeurs qui nous caractérisent !
  • Une bonne hygiène alimentaire !
  • Un coût moindre : un seul plat servi froid ou tiède, une eau minérale !
  • Une organisation facile à mettre en place !
  • Une rigueur non dévoyée !

Et d’autres développements possibles :

  • Chacun sait bien combien la nourriture peut être pathogène et pourtant sous prétexte de convivialité on se laisse aller ! Eduquer à la qualité et à la sobriété pourrait faire partie de notre programme de formation !
  • Sachant la triste perspective qui s’annonce pour les générations futures, il est clair que la question de la nutrition des êtres humains va devenir une préoccupation majeure !
  • La nourriture varie selon les continents et les cultures ; en faire un élément de partage pourrait participer à cet élan vers l’universalisme !

Appel aux loges

Les loges doivent se préoccuper de la dérive profane qui les menace dans ce fonctionnement des agapes ! A elles de susciter une réflexion collective pour préserver le symbolisme des agapes auxquelles tous les membres de l’atelier devraient participer !

Les propositions énoncées ne sont qu’un élément de réflexion ; chaque loge est libre de s’organiser en conséquence pour introduire le Bon, le Beau et le Juste dans ce temps si particulier et si indispensable de la réunion maçonnique !


Pour aller plus loin  

10 Commentaires

  1. Bonjour. En Belgique, que ce soit au GOB ou au DH, le banquet d’ordre (ou banquet rituel) est généralement un banquet “militaire”, hérité des Loges militaires de la deuxième moitié du 18ème siècle. Le banquet qu’évoque Anderson dans ses Constitutions était très probablement rituel, mais certainement pas militaire. Pourriez-vous me dire si des banquets rituels non-militaires, perpétuant la tradition “andersonienne”, ont encore cours aujourd’hui dans certaines Loges ou Obédiences. Je pense que cela existe. J’en ai entendu parler, mais il n’est pas facile d’avoir des informations à ce sujet, tant le banquet militaire semble s’être imposé dans la tradition maçonnique. Merci pour vos réponses.

    • Bonjour MTCF Yves, Merci pour l’intérêt que tu portes à cette partie de notre rituel. Je rejoins ton analyse concernant l’influence du symbolisme militariste dans les loges ; il ne se limite pas seulement au banquet d’ordre ; aujourd’hui on peut en avoir une idée lorsque les maîtres de cérémonie marquent les angles dans leurs déambulations. Pour revenir à ta question, tout d’abord peux tu me donner les références concernant ce que tu appelles le rituel du banquet “andersonien” ; j’ai trouvé le descriptif d’un rituel de table anglo-saxon qui semble s’apparenter à celui pratiqué en France https://www.mainemason.org/resources/guidelines-for-table-lodge/

  2. Sauf erreur de ma part, il semble que tu fais allusion à l’organisation d’une loge de table qui est effectivement plus formalisée. La réflexion proposée par l’article se rapporte au repas qui suit la tenue et pour lequel aucun formalisme n’existe actuellement.

  3. Au REAA (GNLF), l’Agape s’écrit au singulier. Elle se déroule en salle humide.
    Le rituel de table est respecté.
    La bannière de l’atelier est là.
    Le plan de table (en U) respecte celui de la Loge, avec le VM au centre, les premier et second surveillants en bout de table, les trois ayant leur maillet. Les autres officiers occupent également leur place respective.
    Les AA servent (parfois aidés par un compagnon) et n’ont pas la parole, sauf si le VM la leur donne.
    Il y a un thème d’Agape, toujours basé sur le symbolisme, soit dans le prolongement du morceau d’architecture lu en tenue (lorsqu’il y en a eu un), soit d’après le sujet abordé lors de la dernière instruction des AA (le dernier en date fut “Le Temple”).
    Le VM donne la parole aux FF, à tour de rôle, en commençant par les CC (éventuellement aussi aux AA) pour qu’ils s’expriment sur le thème. Nul n’est obligé de parler mais en général, tous les FF ont préparé un petit quelque chose.
    Les sept santés prévues par le rituel sont faites, d’autres peuvent s’ajouter comme pour rendre hommage à un visiteur par exemple, ce dernier ayant à coeur de la rendre (celui ou ceux concernés par la santé restent assis). Elles s’intercalent entre les prises (ou les donnes ?) de parole.
    Quand le tour de table est terminé, l’Orateur fait la synthèse de ce qui a été dit, personne ne pouvant parler après celui-ci.
    L’agape se termine par la santé du Couvreur, au respect du rituel.
    A partir de là, les convives (y compris les AA) peuvent parler de la pluie et du beau temps ; cet instant ne dure que quelques minutes, ensuite tout le monde se donne l’accolade et chacun retourne à sa vie profane, bien souvent dans l’égrégore.
    Pour nous, le banquet d’ordre n’est pas une agape. Il se déroule lors de la St Jean d’hiver, selon un rituel bien précis. Le silence est de mise durant tout le repas, sauf pour respecter certaines exigences du rituel.
    Enfin, l’un de nos FF est musulman et nous faisons en sorte qu’il y ait pour lui un repas sans porc. Ce FF ne cherche pas à imposer l’absence de porc dans toutes les assiettes. Certains d’entre-nous ont un bon coup de fourchette, d’autres mangent léger. Personne ne dicte à autrui sa conduite car aucun F ne doit être dans le jugement. Sinon, où serait la bienveillance, mes FF ?

    • Merci MTCF pour ton commentaire mais ne fais tu pas allusion au rituel d’une loge de table ?
      Le Larousse précise “Une agape = un repas pris en commun, chez les premiers chrétiens. Des agapes = un repas joyeux et copieux entre amis. Toujours au pluriel dans ce sens.”

  4. MTCF Alain, merci pour cet article sur les agapes… les agapes ont été dévoyées et on y retrouve pour beaucoup du profane et la nourriture n’est pas à la hauteur de la frugalité qu’il faudrait en fin de soirée… et que dire de proposer des plats végétariens ? A Aix où je me trouve c’est très difficile de se faire entendre comme végétarienne que je suis… heureusement cette année nous avons une VM très ouverte mais cela ne devrait pas reposer sur une VM mais sur une prise de conscience générale et celle des « cuisiniers. Un repas végétarien n’est pas plus difficile ni compliqué à faire qu’un repas avec protéïnes animales. Il y a de grand chef cuisinier qui ne font que du végétal.
    Il y a du boulot encore à faire en FM. Ida

    • Merci MTCS Ida pour ton témoignage ; le végétarisme, le végétalisme et le véganisme font partie de la liberté de conscience comme d’autres adaptations culinaires aux croyances ou aux contraintes médicales ; à ce titre ils doivent être respectés pour que le repas pris en commun convienne à tous ! il ne me semble pas que ce soit une exigence insurmontable ! Fraternité !

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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