ven 03 mai 2024 - 09:05

Lieu symbolique : Le musée de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France Des Devoirs Unis

Le 15 rue Champ Lagarde à Versailles, dans les Yvelines, est à la fois le siège social de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France Des Devoirs Unis (UCDDU), l’adresse du Musée de la Mémoire et de la Tradition des Compagnons, ainsi que quelques itinérants et itinérantes sur le Tour de France.

Dans un véritable écrin – le pavillon des Musiciens Italiens – , il offre au regard du curieux de nature de nombreux chefs-d’œuvre des compagnons témoignant ainsi de l’histoire du compagnonnage.

Ledit compagnonnage , en sa qualité de réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier, étant inscrit, depuis 2010, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Rappelons que le système français du compagnonnage est un moyen unique de transmettre des savoirs et savoir-faire liés aux métiers de la pierre, du bois, du métal, du cuir et des textiles ainsi qu’aux métiers de bouche.

Son originalité tient à la synthèse de méthodes et procédés de transmission des savoirs extrêmement variés : itinérance éducative à l’échelle nationale (période dite du « Tour de France ») voire internationale, rituels d’initiation, enseignement scolaire, apprentissage coutumier et technique.

Le mouvement du compagnonnage concerne près de 45 000 personnes qui appartiennent à l’un des trois groupes de compagnons. Les jeunes à partir de 16 ans qui veulent apprendre et/ou développer leurs compétences dans un métier donné peuvent demander à rejoindre une communauté de compagnons.

La formation dure en moyenne cinq ans pendant lesquels l’apprenti change régulièrement de ville, en France et à l’étranger, pour découvrir divers types de savoirs et diverses méthodes de transmission de ces savoirs.

Pour pouvoir transmettre son savoir, l’apprenti doit produire un « chef-d’œuvre » qui est examiné et évalué par les compagnons. Le compagnonnage est généralement perçu comme étant le dernier mouvement à pratiquer et enseigner certaines techniques professionnelles anciennes, à assurer une formation à l’excellence dans le métier, à lier étroitement développement de l’individu et apprentissage du métier et à pratiquer des rites d’initiation propres au métier.

Bref historique sur le Compagnonnage

Dans l’esprit du grand public, le Compagnonnage demeure quelque chose d’infiniment mystérieux. Beaucoup de légendes plus ou moins farfelues courent sur le compte de cette organisation humaine, probablement la plus ancienne ayant subsisté jusqu’à maintenant en traversant les siècles, les régimes et les empires, les royaumes et les républiques, en marquant chaque période de son empreinte, ainsi qu’en témoignent les œuvres parvenues jusqu’à nous.

L’origine du Compagnonnage remonte à la plus haute antiquité. De tout temps, il s’est trouvé, parmi les ouvriers, des hommes plus éclairés qui ont compris la nécessité de se grouper, d’être parfaitement unis, sans aucune dépendance, pour s’instruire, s’entraider et parfois même se défendre dans un idéal commun : la recherche de la perfection.

Une tradition constante fait remonter l’organisation des premiers Compagnons à l’époque de la construction du Temple de Salomon à Jérusalem. Si l’on peut penser qu’un proto compagnonnage ai pu voir le jour lors des grands chantiers de cathédrales, il faut cependant attendre le XVIe siècle pour découvrir les premiers documents attestant l’existence de Compagnons faisant leur Tour de France.

Le Compagnonnage apparut très vite divisé en différents “Devoirs” distincts et trop souvent rivaux. Les Compagnons se divisent sous le patronage de fondateurs légendaires : Maître Jacques, le Père Soubise et le roi Salomon.

Le roi Salomon.
Maître Jacques.
Le père Soubise.

Les Compagnons regroupés sous la bannière de Jacques et Soubise sont dits “Du Devoir” quand les Compagnons se réclamant du roi Salomon sont dits “Du Devoir de Liberté”.

Cette pluralité tournait à la rivalité et aux batailles sanglantes aux XVIIIe et XIXe siècle et les autorités de l’époque se méfiaient du secret qui entourait le système de reconnaissance et d’initiation que les Compagnons pratiquaient.

Écharpe compagnonnique, détail.

Au-delà, le Compagnonnage permettait aux ouvriers de se perfectionner dans l’apprentissage de leurs métiers et développait un système d’entraide sur le Tour de France pour trouver du travail, être hébergé et soutenu en cas d’accident de la vie.

Si la révolution industrielle entraîne un déclin de l’institution compagnonnique, certains métiers ont relevé le défi de la modernité. Ainsi, sous l’autorité d’Eugène Milon, dit Guépin le Soutien de Salomon, une quarantaine de Compagnons charpentiers des deux rites, entre 1887 et 1889, lèvent l’un des monuments aujourd’hui les plus visités au monde : la tour Eiffel.

La genèse de l’Union Compagnonnique

L’Union Compagnonnique, qui fêtait en 1989 le Centenaire de sa création, est fière de ses origines. Elle incarne en effet la première tentative aboutie de rassemblement, en un même mouvement, des sociétés de Compagnons et des Devoirs que des différends avaient si longtemps séparés et dont les luttes fratricides avaient terni l’appartenance au même idéal. Elle a voulu inscrire sa philosophie d’unité dans son appellation.

En 1842 à Lyon, les « Anciens » des Devoirs de Maître Jacques et du Père Soubise, fondèrent une Société des Amis de l’Industrie, dans un but de secours mutuel. D’abord ouverte aux seuls Enfants de Maître Jacques, elle accueille en 1865 ceux de Salomon.

En 1864, à Lyon encore, la Société des Anciens Compagnons de tous les Devoirs Réunis vit le jour. C’est elle qui, voulant poursuivre l’œuvre d’Agricol Perdiguier, prit l’initiative d’un immense banquet réunissant tous les Compagnons, à la Rotonde le 2 avril 1865. Sous l’impulsion de Lucien Blanc, Provençal le Résolu, Compagnon Bourrelier-harnacheur du Devoir, ces deux Sociétés fusionnèrent en 1872.

Un Compagnon nommé Lucien Blanc

En 1874 apparut une « Fédération Compagnonnique » placée sous le patronage des Trois Fondateurs. L’article 6 de ses statuts prévoyait : « Tous les Compagnons sont égaux, les rangs, les préséances sont abolis ». Elle est constituée par l’adhésion de vingt-sept sociétés de Compagnons retirés.

Cette Fédération devient l’UNION COMPAGNONNIQUE en 1889 au congrès de Paris. Tout cela ne s’est pas fait sans mal, et l’énumération de tous les congrès nécessaires pour parachever cette œuvre serait fastidieuse. Mais qu’importe, une longue route, faite d’esprit d’entreprise et de volonté unitaire s’ouvrait désormais à l’Union Compagnonnique.

Les deux guerres mondiales ne l’épargnèrent pas. Ces épreuves furent surmontées, et l’Union, si elle ne prétend pas être la seule héritière des idées généreuses d’Agricol Perdiguier, tire sa fierté d’être la descendante directe de ceux qui, les premiers, ont accueilli le message de cet illustre précurseur.

L’Union Compagnonnique aujourd’hui

L’Union Compagnonnique dont le siège national est à Versailles, dans la Maison des Musiciens Italiens, est un organisme confédéral dont le fonctionnement est analogue à celui des autres mouvements compagnonniques avec cependant des caractéristiques propres. Elle est présente dans 25 villes en France et à l’étranger.

La nature des professions représentées est très variée : métiers du bâtiment, métiers de bouche mais aussi de nombreux métiers d’art ou de l’industrie.

La question de la mixité avec l’entrée des jeunes femmes de métiers sur le Tour de France a été votée en 2020 par les Compagnons de l’Union Compagnonnique.

L’Union Compagnonnique organise un système de formation très personnalisé en cours du soir dans les Cayennes et des stages de perfectionnements professionnels animés bénévolement par les Compagnons. L’élément essentiel reste le dialogue permanent entre le Compagnon et le jeune apprenant.

Le Compagnonnage n’appartient donc pas seulement au passé. Il est encore une réalité bien vivante qui tient une place importante dans le monde du travail et, aujourd’hui comme hier, sur les plus grands chantiers de construction, les travaux les plus délicats sont souvent confiés aux Compagnons.

Perpétuer l’œuvre de nos Anciens et guider la jeunesse ouvrière dans un monde en mutation sont les raisons d’être du Compagnonnage à l’Union Compagnonnique.

Retour sur la demeure qui abrite le musée…

Le nom de cette demeure vient de l’origine du premier propriétaire : un musicien italien, Antonio Bagnera – ordinaire de la musique de sa majesté Louis XIV, chantre à la chapelle du Château, qui avait fait, dès 1686, l’acquisition de plusieurs pièces de terre, chemin de Sèvres à Montreuil, près de Versailles.

Sur ce terrain, un autre musicien du Roi, le français Chabanceau de la Barre, joueur de luth de basse et de théorbe, fit édifier le pavillon central, il le donnera à Bagnera en 1692, sous réserve d’en partager la jouissance avec lui sa vie durant. L’italien à son tour en fit don en 1708, à trois autres musiciens ses compatriotes : Carli, Nardi et Santoni, ceux-ci l’ayant aidé de leurs deniers à ajouter deux ailes au Pavillon.

Les propriétaires du XVIIIe siècle, Eustache de Gournay en 1748, la Comtesse d’Argenson en 1759 ainsi que le célèbre botaniste Guillaume Lemonnier, laissèrent également leur empreinte sur cet hôtel.

L’acquisition de cet édifice inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et des sites a été décidée par le conseil municipal de la ville de Versailles dès 1977 et l’achat réalisé en 1978.

Les premiers travaux de gros œuvre furent engagés par la Fédération Compagnonnique.

Après une restauration partielle, le 26 mai 1986, la ville de Versailles accorde après délibération à l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis par un bail, l‘autorisation d’installer son siège social national dans ce merveilleux décor malheureusement encore fort délabré, charge à elle d’en continuer la restauration sous la direction de M Rochette, architecte en chef des monuments Historiques.

Les travaux ont été réalisés bénévolement par les Compagnons et les Jeunes du Tour de France.

Cette action a été engagée par l’Union Compagnonnique afin d’assurer la pérennité du compagnonnage et de faciliter ainsi son fonctionnement, sans cesse en évolution, dans une ville prestigieuse.

L’ensemble des bâtiments qui couvre une surface de 400m2 comprend maintenant :

Un musée, des salles d’exposition, une salle polyvalente, des salles de cours, des bureaux, archives, salle de réunion, un appartement pour le responsable, un hébergement pour les Jeunes.

Le Musée de la mémoire et de la tradition des compagnons

Deux mots forts résonnent pour les Maçons que nous sommes : mémoire et tradition.

La mémoire pour perpétuer le souvenir de nos anciens et la tradition, cette manière de transmettre un savoir de génération en génération par la parole, par l’écrit ou, plus encore, par l’exemple !

Ce musée est une véritable immersion dans la culture compagnonnique et ses richesses historiques, légendaires et de savoir-faire qui est proposée aux visiteurs curieux. De la création de l’Union Compagnonnique aux chefs-d’œuvre les plus récents, cette visite vous permettra de mieux comprendre l’histoire parfois complexe des compagnons et du Compagnonnage.

Infos pratiques

L’Union Compagnonnique organise des visites du musée pour des groupes et les scolaires uniquement sur rendez-vous.

Visite individuelle : 5 €/Groupe (à partir de 12 personnes) avec présence d’un compagnon et collation en fin de visite : 10 euros/Gratuit pour les apprentis(ies) et les moins de 18 ans. Durée de la visite : 1h30 environ

Pour plus de renseignements et réservations : 09 52 32 61 49 ou par courriel : contact@lecompagnonnage.com

Sources : Union Compagnonnique, UNESCO, photos © Yonnel Ghernaouti, YG

Un exceptionnel merci à M. Dominique Saffré, président de l’Union Compagnonnique, pour sa visite guidée !

1 COMMENTAIRE

  1. Excellent article 👍
    Bravo 👏

    Important aussi de signaler que des jeunes femmes aujourd’hui prennent cette voie éducative et morale où ” on s épaule et on s écoute” ! Et accèdent à des formations qui leur permettent à elles aussi de faire le tour de France !

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti est directeur de la rédaction de 450.fm. Il a fait l’essentiel de sa carrière dans une grande banque ancrée dans nos territoires. Petit-fils du Compagnon de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis (UC) Pierre Reynal, dit « Corrézien la Fraternité », il s’est engagé depuis fort longtemps sur le sentier des sciences traditionnelles et des sociétés initiatiques. Chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France (IMF) et médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), il collabore à de nombreux ouvrages liés à l’Art Royal et rédige des notes de lecture pour plusieurs revues obédientielles dont « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France et « Perspectives » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain ou encore « Le Compagnonnage » de l’UC. Initiateur des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, il en a été le commissaire général. En 2023, il est fait membre d'honneur des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d'Épinal (IM&EE).

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